Séance du
jeudi 21 novembre 2019 à
17h
2e
législature -
2e
année -
7e
session -
36e
séance
PL 11877-C
Premier débat
Le président. Nous traitons à présent le PL 11877-C et sommes en catégorie II, quarante minutes. La parole est à M. Cyril Aellen, rapporteur de majorité. (Brouhaha.) Un peu de silence, s'il vous plaît !
M. Cyril Aellen (PLR), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. L'Etat de Genève comporte des mécanismes salariaux assez uniques. C'est un système onéreux et assez inconnu dans le reste du pays, voire au-delà. Ces mécanismes salariaux s'appliquent en vertu de la loi à un certain nombre d'entités autonomes ou subventionnées. Ils s'appliquent aussi par des conventions collectives ou par exigence du Conseil d'Etat dans le cadre de contrats de prestations.
Jusqu'à un passé récent, lorsqu'une annuité et les coûts qui l'accompagnaient étaient votés, l'Etat assumait exclusivement la part liée à son subventionnement. Cela avait pour conséquence que les entités autonomes devaient financer le reste avec l'autre part, c'est-à-dire celle provenant de leurs revenus propres ou de subventionnements tiers. Les entités subventionnées n'arrivaient pas à faire face à ces augmentations obligatoires, parce que les autres bailleurs de fonds ou les gens qui devaient participer au paiement de ces entités autonomes n'avaient pas les mêmes évolutions de revenus et les mêmes possibilités de financement. Cela posait un problème. Moi-même et le groupe PLR, nous considérons effectivement que c'était un problème. Notre groupe pensait que revoir les mécanismes salariaux était la bonne solution. Il faut reconnaître qu'aujourd'hui, cette possibilité n'obtient pas une majorité au sein de ce Grand Conseil. Par conséquent, le problème des mécanismes salariaux pour les entités subventionnées restait entier et il fallait le résoudre. Ce projet de loi intervenait dans ce contexte et prévoyait un financement total de l'annuité, indépendamment des ressources tierces, qu'elles proviennent des usagers ou des autres subventionneurs des entités autonomes.
Le Conseil d'Etat, dans sa nouvelle composition, a décidé d'aborder ce travail de façon sérieuse et rapide et a rencontré l'entier des entités subventionnées pour parvenir progressivement à un accord avec elles. Quel fut cet accord ? Il a consisté à prévoir que là où il y avait des possibilités de trouver des financements en croissance pour financer les annuités, l'Etat n'intervenait pas, mais, pour la part subventionnée ainsi que pour la part qui ne pouvait pas être répercutée sur d'autres entités ou sur les usagers, le gouvernement proposait que l'Etat l'assume.
Qu'ont répondu les entités ? L'ensemble d'entre elles a conclu des accords avec le Conseil d'Etat et la plupart se sont déclarées très satisfaites de cette solution qui tenait compte de cette réalité. La logique aurait voulu que les auteurs de ce projet de loi le retirent. Eh bien non ! Ils ont décidé de maintenir ce texte, qui prévoit quoi ? Le subventionnement intégral de l'annuité, indépendamment du fait que le financement de l'annuité soit pris en charge par un tiers ou non. La conséquence, c'est qu'on donnerait aux entités subventionnées concernées des montants dont elles n'auraient pas besoin, en tout cas pas pour financer ce qu'elles souhaitent. On aurait donc une croissance du taux de subventionnement et une croissance des dépenses. Dans le contexte actuel où chaque denier compte pour les prestations publiques, il apparaît fort peu opportun de financer ce que d'autres peuvent financer, mais il paraissait en revanche important de procéder aux modifications que le Conseil d'Etat a opérées. La majorité est donc satisfaite du travail effectué par le Conseil d'Etat, mais regrette que ce projet de loi soit maintenu. C'est une forme de jusqu'au-boutisme et cela vient péjorer la situation de l'Etat sans améliorer les prestations délivrées.
Mme Caroline Marti (S), rapporteuse de première minorité. Mesdames et Messieurs les députés, en 2017, le personnel hôtelier des EMS Notre-Dame et Plantamour se met en grève pour s'opposer à la privatisation de l'ensemble des services hôteliers de ces établissements. Cette décision de privatisation d'un service public découle directement du dispositif de prise en charge des mécanismes salariaux, qui est à notre sens défectueux. Pourquoi ? Parce que jusqu'à présent, ce que prévoyait la LIAF - votée en 2005 - était que quand une annuité était octroyée, il n'y avait pas d'augmentation équivalente de la subvention pour couvrir cette charge supplémentaire que les entités subventionnées que sont l'IMAD, l'Hospice général, les HUG, les EMS devaient assurer. Par conséquent, ces entités étaient contraintes soit de baisser les prestations - ce qui n'était quasi jamais possible, puisqu'elles fonctionnent dans le cadre d'un contrat de prestations, qui contient par exemple pour l'IMAD l'obligation d'admettre - soit de faire des économies. Et où faire des économies ? Dans le personnel ! Cela conduisait, dans le cas de ces EMS, à une privatisation de certains de leurs services. Or la privatisation, c'est évidemment la détérioration des conditions de travail des collaborateurs de ces établissements, et c'est aussi le basculement d'une logique de service public, de service à la personne, à une logique de rentabilité financière pour l'entreprise qui exécute ce mandat, avec une crainte de perte dans la qualité de la prestation. Ce que propose ce projet de loi déposé par ma collègue Lydia Schneider Hausser, c'est d'établir que quand l'Etat décide - parce que la décision lui revient - d'accorder une annuité, ou en tout cas de ne pas la suspendre, il faut aussi qu'il y ait une augmentation équivalente de la subvention pour que l'augmentation des charges liée à l'annuité soit assumée par celui qui prend la décision - c'est-à-dire l'Etat - et non par celui qui est amené à la payer.
Entre-temps, il y a eu une démarche initiée par le Conseil d'Etat qui, après avoir fait la sourde oreille pendant de nombreux mois, voire années, a fini par sentir passer le vent du boulet et a décidé de commencer à prendre cette situation en main. Il a donc proposé une nouvelle répartition de la prise en charge de cette annuité entre l'Etat et les entités subventionnées en se basant sur les revenus dits statiques - sur lesquels l'entité n'a pas de marge de manoeuvre - et les revenus dynamiques, qui peuvent prétendument varier suivant les souhaits de l'entité en question. On a un pourcentage entre les revenus dynamiques et les revenus statiques, et le paiement de l'annuité par l'Etat ne se fait que sur la partie des revenus statiques. C'est effectivement mieux. Cela permet une plus grande prise en charge de l'annuité par l'Etat et d'alléger un peu la charge qui pesait sur les entités subventionnées, mais c'est largement insuffisant.
On prendra ici un exemple, celui de l'Hospice général: dans le calcul de ses revenus dynamiques et statiques, le Conseil d'Etat décide de mettre le parc immobilier de l'Hospice dans la catégorie des revenus dynamiques. Vous savez que l'Hospice général possède un parc immobilier, mais il a aussi des locataires qui occupent ces appartements, qui sont titulaires de baux, qui bénéficient de certaines protections, du droit des locataires: on ne peut pas augmenter comme ça leur loyer. Il est donc très difficile de considérer qu'il s'agit effectivement d'un revenu dynamique. Il n'est évidemment pas non plus souhaitable d'admettre qu'on va faire payer des charges qui sont celles de l'Etat, à savoir le paiement des mécanismes salariaux, par les locataires de l'Hospice général.
C'est pour toutes ces raisons, Mesdames et Messieurs les députés, que ce projet de loi doit être soutenu et voté, de manière qu'il n'y ait pas de concurrence entre le respect des mécanismes salariaux de la fonction publique et les prestations délivrées par les entités subventionnées. Il en va de la pérennité et de la qualité de ces prestations. Je vous remercie.
M. Jean Burgermeister (EAG), rapporteur de deuxième minorité. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi vise tout simplement à corriger une incohérence totale de la loi genevoise. Vous le savez, les entités subventionnées doivent assumer les charges salariales qui sont dues par la loi, mais elles ne reçoivent pas de financement équivalent qui leur permette de les financer. Il y a donc naturellement une contradiction, qui entraîne une concurrence délétère entre les mécanismes salariaux d'une part et les prestations à la population d'autre part. J'aimerais illustrer cette contradiction par la situation du budget 2019.
Une voix. Aah !
M. Jean Burgermeister. Oui, c'était l'époque où le MCG était encore d'accord de financer des prestations publiques élémentaires à la population. Le Grand Conseil avait adopté un amendement déposé en dernière minute par le Conseil d'Etat, qui octroyait 8 millions supplémentaires aux HUG; cet amendement était intitulé: «Plus de personnel pour les HUG». (Commentaires.) Vous en conviendrez, le but poursuivi par le Grand Conseil ne laissait pas beaucoup de place au doute. Pourtant ! Pourtant, ces 8 millions ont été intégralement utilisés pour financer les mécanismes salariaux. Pourquoi ? Parce que les HUG n'avaient pas de possibilité de fournir ces 8 millions manquants, sachant que le Conseil d'Etat avait d'abord décidé de ne pas payer les mécanismes salariaux, puis, à la dernière minute, de les payer. Enfin, tout cela était invraisemblable, mettait toutes les entités subventionnées dans une situation difficile et, concrètement, a empêché la création de postes supplémentaires aux HUG pour un montant de 8 millions, même si, depuis, le problème a été en partie - uniquement en partie - compensé.
Ces dernières années, cette contradiction a largement empiré. Au moment de l'introduction de la LIAF, les entités possédaient des réserves financières substantielles, mais celles-ci se sont largement épuisées, et elles arrivent en 2020 à sec pour l'essentiel, en raison des politiques de contraction des charges menées par une majorité de ce Grand Conseil et par le Conseil d'Etat, conjuguées aux effets du vieillissement de la population et de la précarité, qui font que les besoins de la population ont largement augmenté, mais n'ont pas été compensés par une augmentation des financements publics.
Evidemment, cette contradiction a mis une pression permanente sur les salaires de la fonction publique et du secteur subventionné, puisque les entités subventionnées ont bien souvent eu recours à une politique d'embauche insuffisante, où on privilégiait l'embauche de personnes moins qualifiées et de personnel temporaire et intérimaire. Derrière ce qui représente une incohérence se cache évidemment une volonté de s'attaquer aux conditions salariales de la fonction publique, jugées trop coûteuses par une majorité de droite. On comprend dès lors mieux la position du rapporteur de majorité et du PLR, qui a utilisé cette contradiction pour attaquer concrètement les conditions salariales des employés des entités subventionnées. C'était le sens du PL 11594 déposé par le PLR il y a quelques années.
C'est vrai que depuis le dépôt de ce projet de loi, la situation s'est améliorée, ce qui prouve que c'est un bon projet de loi, qui a déployé ses effets avant même d'être voté. Mais qu'en est-il en réalité ? Le Conseil d'Etat et le rapporteur de majorité, qui emboîte le pas au gouvernement, nous parlent d'un accord négocié avec les entités subventionnées: il n'en est rien, Mesdames et Messieurs ! Il n'en est rien ! Le Conseil d'Etat a peut-être négocié avec l'AGOEER et INSOS, mais avec le reste des entités subventionnées - en tout cas avec toutes celles auxquelles j'ai pu penser - il n'y a pas eu de négociations, il n'y a pas eu d'accord ficelé. Le Conseil d'Etat a simplement dit: «Voilà ce qu'on vous propose, c'est à prendre ou à laisser.» La situation était un peu plus favorable, ce qui fait que les entités ont évidemment accepté, mais parce qu'elles n'avaient pas le choix. La situation est plus favorable, mais elle ne résout pas la contradiction fondamentale entre les obligations des entités et le manque de financement.
Par ailleurs, elle induit une deuxième concurrence, abordée par Mme Marti: par exemple pour l'Hospice général, comme elle l'a relevé, on met les loyers dans la catégorie des revenus dits dynamiques - personne ne comprend bien, les entités elles-mêmes ne sont d'ailleurs pas toutes très au clair sur ce que cela signifie. (Commentaires.) Evidemment, cela met en concurrence les financements de l'Hospice général par l'augmentation des loyers avec les besoins en logements de la population et des plus précaires.
On peut aussi citer le cas de l'université: celle-ci ayant performé ces dernières années, elle a vu la part de la subvention fédérale qui lui revient augmenter. Puisque cette part a augmenté, elle est comprise dans les financements dynamiques - tout cela peut paraître un peu obscur pour les personnes qui n'ont pas suivi le travail en commission, parce que de fait, c'est loin d'être évident. Or parce que l'université a performé ces dernières années, la part de financement des mécanismes salariaux de l'Etat diminue d'autant. L'université est ainsi punie pour ses bons résultats.
Mesdames et Messieurs, avec l'accord du gouvernement sous pression d'une majorité - éphémère - du Grand Conseil, la situation actuelle est certes meilleure que la situation initiale, le gouvernement a progressé, mais il doit mieux faire. Je vous encourage, Mesdames et Messieurs, à soutenir ce projet de loi. Je vous remercie.
M. Alberto Velasco (S). Au tout début, je trouvais que l'approche du Conseil d'Etat était intéressante, parce qu'effectivement, des entités avaient un taux de subventionnement de 50%, 60% ou 70%, l'autre part venant des prestations. Mais dans la pratique, Mesdames et Messieurs, si on prend les plus grosses entités - celles qui nous intéressent vraiment, par exemple l'IMAD et l'hôpital - ça ne fonctionne pas. Ça ne fonctionne pas, parce que les revenus de l'hôpital et ceux de l'IMAD sont tarifés. Ce sont des prestations tarifées par les assurances. Ces revenus ne couvrent pas totalement les coûts de ces prestations. Par conséquent, si je prends l'exemple de l'IMAD, elle est obligée d'aller chercher ailleurs une part de revenus pour pouvoir financer cette part-là, elle est obligée d'aller chercher ailleurs une part de revenus pour financer ce que les assurances ne financent pas et ce que la subvention ne couvre pas - et on lui demande en plus d'aller chercher la part qui ne sera pas couverte pour les mécanismes salariaux. Mesdames et Messieurs, cela fonctionne peut-être pour les entités qui reçoivent 10% ou 20% de subventions de la part de l'Etat, mais pour les gros subventionnés que sont l'Hôpital cantonal, l'IMAD ou même les TPG, on peut avoir des problèmes. Et effectivement, nous avons à l'époque déposé ce projet de loi proposant de financer la totalité des mécanismes salariaux, puisqu'on demande à ces entités de les appliquer. Peut-être est-ce à cela que la droite veut s'attaquer, c'est-à-dire aux mécanismes salariaux de ces entités publiques autonomes, en libéralisant ces mécanismes, afin qu'il y ait une concurrence salariale, et le débat est vraiment là. Il est important aujourd'hui d'assurer complètement, je dis bien complètement, le financement de ces mécanismes salariaux. Si on veut conserver encore un esprit de service public dans ces entités-là, Mesdames et Messieurs, il faut à tout prix que nous votions ce projet de loi. Merci.
Mme Frédérique Perler (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, toutes les explications que nous avons entendues jusqu'ici me permettent d'aller droit au but. Les Verts reconnaissent que ce projet de loi a eu le mérite de mobiliser le Conseil d'Etat sur cette question qui est extrêmement importante, à savoir la concurrence entre les prestations à la population et les mécanismes salariaux, et ils reconnaissent au Conseil d'Etat le fait d'avoir trouvé une issue qui permet d'améliorer la situation - elle l'améliore sensiblement. Nous considérons néanmoins que c'est une étape et qu'elle ne résout pas le problème de fond, c'est-à-dire la concurrence entre les prestations à la population et les mécanismes salariaux.
A cela s'ajoute - cela n'a pas été dit et c'est quand même important de le relever - le fait que la population genevoise a un très haut niveau d'exigence quant aux prestations du service public, et plus précisément à l'égard de l'Hôpital cantonal, des EMS, de l'IMAD. Donc, comme cela a été expliqué, si ce Grand Conseil refuse de prendre en charge la totalité des mécanismes salariaux que ces entités sont obligées d'appliquer, ce sont les prestations qui trinquent, puisque une fois les réserves entièrement mangées, ces entités doivent entamer l'os.
Nous sommes confrontés à cette problématique qui subsiste, la limitation de la mutualisation et les synergies et efforts qu'on peut réaliser. Ces entités se retrouvent face à la quadrature du cercle, et le résultat est connu: ce sont les prestations qui devront diminuer pour permettre d'assumer les charges salariales qui sont dues. Les Verts en font une question de principe, il n'y a pas de raison que la totalité d'une annuité soit accordée pour le petit Etat et pas pour le grand Etat. C'est une forme d'illogisme. Les Verts s'inscrivent en faux contre les propos du rapporteur de majorité - qui a l'air de bien s'amuser, Monsieur le président - qui nous expliquait tout à l'heure que les auteurs auraient dû retirer ce projet de loi et que ceux qui le soutiennent - dont les Verts font partie - font preuve d'un état d'esprit jusqu'au-boutiste. Eh bien non ! Ce n'est pas sérieux. Cette formule n'est pas recevable, nous sommes désolés. Les Verts en font une question de principe. L'Etat confie des tâches d'intérêt public à des entités; ces tâches sont assorties d'un certain nombre d'exigences, notamment des mécanismes salariaux, il doit alors en assumer pleinement les coûts. Je vous remercie.
M. François Baertschi (MCG). Il convient de dresser un historique de ce projet de loi. Il a été déposé en 2016, à une époque où la situation était critique pour de nombreux organismes subventionnés. C'est la raison pour laquelle le MCG avait été cosignataire de cet objet. Il faut reconnaître - si on est de bonne foi, on doit le reconnaître - que ce projet de loi a fait pression, a permis de mettre en place un meilleur financement, beaucoup plus équitable, de ces organismes subventionnés.
Nous devons maintenant regarder la réalité de 2019: le temps est passé, il y a eu des améliorations notables. Le projet de loi a rendu grandement service aux organismes subventionnés qui, maintenant, peuvent respirer beaucoup mieux. Il convient d'être raisonnable. C'est la raison pour laquelle, au point où nous en sommes - contrairement au rapporteur de minorité, qui, dans sa malveillance, est prêt à tout pour enfourcher son combat politique que l'on connaît, pour toujours plus d'Etat, toujours plus de dépenses... (Remarque.) ...et toujours plus de déséquilibre dans les finances publiques - malheureusement, nous ne pourrons pas suivre cette voie. Parce que le groupe MCG est raisonnable... (Remarque.) ...parce qu'il pense avant tout aux finances publiques, à l'avenir et aux générations futures qui doivent pouvoir bénéficier de prestations assurées de manière pérenne, nous estimons que, si ce projet de loi a grandement rendu service, le voter actuellement aurait un effet contreproductif. C'est pourquoi nous le refuserons. Je vous remercie, Monsieur le président.
M. Serge Hiltpold (PLR). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, tout d'abord, ce projet de loi a eu la vertu de rouvrir des discussions et des négociations entre les différentes entités et le Conseil d'Etat. On peut remercier le gouvernement d'avoir pris ses responsabilités, d'avoir pris son bâton de pèlerin et d'être allé négocier pour trouver des accords. C'est le rôle qu'on lui demande de remplir; c'est ce qu'on demande à un employeur. Maintenant que l'accord et des solutions ont été trouvés, que fait ce parlement, toujours un peu schizophrénique ? Il revient sur les accords, alors qu'un accord signifie précisément qu'il y a eu un consentement mutuel entre une partie et l'autre. Ce sont exactement les mêmes discussions auxquelles on revient toujours concernant le partenariat social. Maintenant que des accords sont trouvés, que veut faire ce parlement ? Se montrer jusqu'au-boutiste en voulant compenser à 100%. (Remarque.)
Ce qui est intéressant aussi, c'est cette fascination pour le fait de compenser à 100% et cette défiance, cette peur du privé dans les entités publiques autonomes. L'exemple de Mme Marti est affligeant, presque touchant ! (Remarque.) Dire que dès qu'on fait appel au secteur privé, cela dégrade, abîme la prestation... Je vais vous donner un exemple très simple. Vous citez Notre-Dame. Qu'est-ce qui se passe lorsque vous devez trouver des places de travail pour intégrer des personnes en situation de handicap, par exemple à la SGIPA, par exemple dans les EPI ? Vous devez trouver du travail pour ces collaborateurs en milieu protégé. On a un projet qui se développe à l'Espace Tourbillon, une blanchisserie pour donner un emploi encadré à des personnes en situation de handicap. Et où est-ce qu'on va chercher du linge ? Où est-ce qu'on va chercher du volume ? Dans les EMS ! Ce n'est donc pas une privatisation. Il faut voir la symétrie des efforts et arrêter d'être complètement borné en disant que tout ce qui n'est pas étatisé est mauvais ! Il faut que chacun trouve sa place. Et justement, cette part entrepreneuriale dans certaines entités - je ne parle pas de toutes les entités - est capitale ! Pourquoi ? Parce que vous amenez autre chose qu'une vision étatique. Vous amenez une collaboration avec l'économie, une collaboration avec le privé, une collaboration avec des mécènes. Ce n'est pas le tout d'aller chercher la fondation Wilsdorf chaque fois qu'il faut plâtrer des subventions ! Elle, elle fait aussi son travail dans des entités qui ont une autonomie. C'est donc logique de ne pas compenser à 100%. Raison pour laquelle je vous demande de bien vouloir refuser ce projet de loi. Merci.
M. Olivier Cerutti (PDC). Mesdames et Messieurs, chers collègues, je me rallie aux remerciements qui ont été adressés au Conseil d'Etat. Celui-ci a effectivement pris son bâton de pèlerin et est allé trouver nos entités subventionnées. Je vais aller au-delà de l'aspect financier et vais plutôt vous parler de ce qui était cher au parti démocrate-chrétien, à savoir la question de la subsidiarité. Quand l'Etat délègue des missions à des institutions, elles sont basées notamment sur une priorité: le service et la qualité du service. Cette qualité passe aussi par la bonne gestion des personnes qui sont à la tête de ces entités et dans les conseils d'administration et comités organisant le travail de ces institutions. Aujourd'hui, si nous continuons dans cette direction, eh bien, Mesdames et Messieurs, il faudra tout étatiser ! Parce qu'il n'y aura plus de raison d'avoir des entités qui se substituent à l'Etat. On n'aura plus qu'un Etat qui s'occupera de tout et qui essaiera de faire quelque chose. Le principe de subsidiarité est aussi un principe de solidarité, qui s'inscrit dans la gestion. Je vous remercie, Mesdames et Messieurs, de refuser ce projet de loi.
Une voix. Bravo !
M. Jean Burgermeister (EAG), rapporteur de deuxième minorité. Je voulais répondre à M. Baertschi, qui nous disait que son parti avait soutenu ce projet de loi. Il justifie comme il peut la désertion en rase campagne du MGC: «On l'a soutenu à l'époque parce que la situation était critique, mais aujourd'hui ça va mieux.» C'est évidemment une contrevérité ! La situation est bien pire aujourd'hui, puisque, comme je l'ai dit, les réserves des institutions arrivent à sec et que les subventions ne suivent pas. Par conséquent, les mécanismes salariaux, et bien plus encore, les prestations à la population et les entités subventionnées, à l'image des EPI notamment, sont mis en danger par les politiques d'austérité rampantes, qui sous-estiment année après année les besoins de la population ! Et ces politiques d'austérité, de plus en plus brutales d'ailleurs et de moins en moins rampantes, sont désormais soutenues par le MCG, qui a renié tous ses engagements et toutes ses promesses d'il y a encore quelques mois.
Enfin, j'aimerais répondre à l'affirmation selon quoi il existe un accord - je me répète un peu, je suis navré ! L'idée qu'il y a eu un accord négocié avec un gouvernement qui a «pris son bâton de pèlerin» et qui a sonné aux portes... Tout cela est faux ! Il n'y a pas eu d'accord pour l'essentiel des entités subventionnées: posez-leur la question ! Le Conseil d'Etat a mis les choses sur la table - c'est vrai pour l'IMAD, pour l'Hospice, pour les EMS. Le Conseil d'Etat n'a rien négocié ! Il a dit: «Voilà ce qu'on vous propose, c'est à prendre ou à laisser.» La plupart des entités vous diront que ce projet de loi est la seule solution réelle pour éviter de se retrouver chaque année dans une situation intenable, qui les oblige à faire un choix. (Commentaires.) «Va-t-on payer, comme on le doit, nos salariés ? Ou va-t-on sabrer dans des prestations élémentaires essentielles à une grande majorité de la population ?» Mais, forcément, pas élémentaires pour une grande partie des bancs de la droite, qui, par exemple, a les moyens de se soigner dans le privé ou d'éduquer ses enfants dans le privé; je comprends qu'elle se sente moins concernée.
Le président. Merci. La parole est à Mme la députée Caroline Marti pour une minute.
Mme Caroline Marti (S), rapporteuse de première minorité. Merci, Monsieur le président. Vous voudrez bien transmettre à M. Hiltpold qu'un employé dans le secteur hôtelier du nettoyage dans des EMS, payé selon la classe salariale de l'Etat, touche 4029 francs par mois en annuité 0. Or la convention collective de travail dans le domaine de l'hôtellerie-restauration prévoit un salaire à plein temps de 3417 francs, soit 15% en moins si cette tâche est privatisée, pour des rémunérations qui sont déjà extrêmement basses. Donc oui, la privatisation d'un service comme celui de l'hôtellerie-restauration dans un EMS détériore les conditions de travail des employés et détériore également la qualité du service. Nous ferons tout pour y faire barrage. Je vous remercie.
Le président. Merci. Je passe la parole à M. le député Cyril Aellen pour une minute.
M. Cyril Aellen (PLR), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. M. Burgermeister vient de parler des soins privés. Oui, il a raison. Par exemple, à l'hôpital, il y a des soins privés, pour lesquels des gens paient. Avec ce projet de loi, c'est l'Etat qui paiera à leur place ! Parce qu'on financera les employés pour eux. (Applaudissements. Remarque.)
Mme Marti a parlé des loyers encaissés par l'Hospice général, propriétaire d'arcades à la rue du Rhône. Alors oui, vous subventionnerez les locataires d'arcades commerciales à la rue du Rhône, parce que c'est à vous de payer les revenus propres de l'Hospice général. Il y a aussi des entités qui sont cofinancées par les communes et le canton, la FASe par exemple. Est-il normal que seul le canton prenne en charge les mécanismes salariaux ? Ou peut-on demander aux communes de payer leur part ? Je suis d'avis que les communes peuvent aussi payer leur part des mécanismes salariaux. (Commentaires.)
Mme Nathalie Fontanet, conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, que de mauvaise foi ! Et pourtant... (Commentaires.) Et pourtant, vous transmettrez, Monsieur le président, de la mauvaise foi de la part d'un député pour lequel j'ai une forme d'admiration. Son engagement - cela n'a échappé à personne à la commission des finances... (Commentaires.) C'est un député sympathique et engagé. Mais que de mauvaise foi... (Commentaires.) ...à dire aujourd'hui qu'il n'y a pas eu d'accord et qu'il y a eu contrainte ! Ces propos ne sont pas acceptables ! Je vais vous donner les chiffres et je vais expliquer ce que sont des revenus dynamiques et des revenus non dynamiques à ceux qui prétendent aujourd'hui ne pas le comprendre. (Commentaires.) C'est vrai qu'il faut avoir fait de nombreuses années d'études pour arriver à ce niveau-là !
Mesdames et Messieurs, le calcul des mécanismes salariaux se base sur le taux de subventionnement de chaque entité. Ce taux est le rapport entre le montant de la subvention LIAF octroyée par l'Etat et le total des charges de l'entité exprimé en pour-cent. Il est ensuite appliqué à la masse salariale de l'entité afin de dégager la part des mécanismes salariaux. Lorsque le Conseil d'Etat a décidé d'empoigner cette question, il a constitué par arrêté un groupe de travail pour effectivement revoir les règles applicables en matière de mécanismes salariaux - l'effet noria compris - et de restitution de subvention. La démarche adoptée par le groupe de travail, validée par le Conseil d'Etat ainsi que, Mesdames et Messieurs les députés, par toutes les entités subventionnées concernées, consiste en une analyse des revenus et distingue la part des revenus dits dynamiques de celle des revenus dits statiques. Les revenus dits dynamiques sont les revenus que l'entité peut générer elle-même. Les revenus dits non dynamiques sont ceux que l'entité ne peut pas elle-même influencer. Cette démarche, Mesdames et Messieurs les députés, a permis d'augmenter de manière équitable le taux de subventionnement appliqué lors du calcul de ces mécanismes salariaux. Pourquoi équitable ? Parce que, vous l'imaginez bien, certaines entités, comme les EPH pour mineurs, sont dans l'impossibilité de générer des revenus. Evidemment - et heureusement ! - on ne fait pas travailler les enfants ! (Commentaires.) Et il est justifié que la subvention de l'Etat couvre les mécanismes salariaux. En revanche, il serait injuste que le taux de subventionnement passe à 100% pour toutes les entités, sachant que certaines disposent d'une marge de manoeuvre pour augmenter leurs revenus. Par exemple, les HUG disposent d'une marge de manoeuvre pour fixer les tarifs de certains types d'hospitalisation.
Les nouveaux taux de subventionnement, basés désormais sur les revenus non dynamiques des entités subventionnées, ont permis d'accorder dans un premier temps des amendements budgétaires qui ont tous été votés. En premier lieu, ils ont concerné l'AGOEER et INSOS Genève, l'AGEMS et la FEGEMS, l'IMAD ainsi que l'Hospice général. De quel taux à quel taux sommes-nous passés ? Pour l'AGOEER-INSOS, l'ancien taux de couverture des mécanismes salariaux était de 66%, il est aujourd'hui de 89%. Pour l'AGEMS et la FEGEMS, il était de 22%, il est aujourd'hui de 52%. Pour l'Hospice général, et c'est là que je m'étonne des propos du député Burgermeister, dans sa partie «asile», ce taux était de 55,9%; de combien est-il aujourd'hui, Mesdames et Messieurs les députés ? Il est de 100% ! Est-ce que l'Hospice a été contraint d'accepter ce taux de subventionnement de 100% ? C'est embêtant, le cas échéant ! (Commentaires.) Ensuite, c'est le taux de subventionnement des HUG qui a été revu: il est passé de 48% à 88,6%. S'agissant de l'université, le taux de subventionnement par l'Etat de ses mécanismes salariaux est passé de 62,7% à 66,1%.
Mesdames et Messieurs, les travaux menés par le comité, le groupe de travail, toutes les entités concernées ainsi que les départements responsables ont obtenu l'approbation de tous: le Conseil d'Etat, les entités et les départements. Prétendre le contraire est faux et inacceptable ! Les mécanismes tels qu'acceptés par toutes les entités et le Conseil d'Etat améliorent grandement la situation. C'était un besoin, le Conseil d'Etat en est content. Dans ce contexte, le projet de loi qui est aujourd'hui soumis au Grand Conseil a rempli son rôle, et effectivement, le Conseil d'Etat s'en réjouit, car il n'y avait pas lieu de prendre sur la part des prestations pour payer les mécanismes salariaux. Mais les accords ressortis des travaux sont suffisants. Ils permettent aux entités de délivrer leurs prestations et elles n'ont en aucun cas été contraintes de les accepter. Ces accords ont un coût de plus de 8 millions de francs pour l'Etat. L'Etat est en accord avec ces coûts, mais il n'y a pas lieu aujourd'hui de les augmenter en acceptant le projet de loi qui vous est soumis. Le Conseil d'Etat vous recommande donc de le refuser et d'en rester aux accords conclus. Merci, Monsieur le président. (Applaudissements.)
Une voix. Bravo !
Le président. Merci. Je mets aux voix l'entrée en matière sur ce projet de loi.
Mis aux voix, le projet de loi 11877 est rejeté en premier débat par 53 non contre 38 oui.