Séance du
jeudi 7 novembre 2019 à
17h
2e
législature -
2e
année -
6e
session -
35e
séance
La séance est ouverte à 17h, sous la présidence de M. Jean-Marie Voumard, président.
Assistent à la séance: M. Mauro Poggia et Mme Nathalie Fontanet, conseillers d'Etat.
Exhortation
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.
Personnes excusées
Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mme et MM. Antonio Hodgers, président du Conseil d'Etat, Serge Dal Busco, Pierre Maudet, Anne Emery-Torracinta et Thierry Apothéloz, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Jacques Apothéloz, Beatriz de Candolle, Jennifer Conti, Pablo Cruchon, Christian Dandrès, Amanda Gavilanes, Jean-Marc Guinchard, Katia Leonelli, Fabienne Monbaron, Philippe Morel, Isabelle Pasquier et Salika Wenger, députés.
Députés suppléants présents: Mmes et MM. Pierre Bayenet, Boris Calame, Sébastien Desfayes, Joëlle Fiss, Sylvie Jay, Yves de Matteis et Helena Verissimo de Freitas.
Annonces et dépôts
Néant.
Débat
Le président. Nous débutons nos travaux avec le RD 1196 dont le débat est classé en catégorie II, trente minutes. Je passe la parole à M. Bertrand Buchs.
M. Bertrand Buchs (PDC). Merci, Monsieur le président. Je demande le renvoi de ce rapport à la commission de la santé.
Le président. Il en est pris note. Je lance la procédure de vote.
Mis aux voix, le renvoi pour six mois du rapport du Conseil d'Etat RD 1196 à la commission de la santé est adopté par 34 oui (unanimité des votants).
Un rapport doit être rendu dans les six mois (article 194 LRGC).
Débat
Le président. Nous continuons avec les objets liés RD 1289 et R 894. Nous les traitons en catégorie II, trente minutes. La parole revient à Mme Marjorie de Chastonay.
Mme Marjorie de Chastonay (Ve). Merci, Monsieur le président. Mesdames les députées, Messieurs les députés, les Vertes et les Verts voteront le RD 1289 et la R 894. Ce plan va dans le bon sens, mais pas assez loin s'agissant de la prévention et de la promotion de la santé.
Il va dans le bon sens, car il s'agit d'une vision transversale et interdépartementale, ce que les Vertes et les Verts appellent de leurs voeux depuis longtemps. En effet, il n'est plus concevable de travailler en silos, chacune et chacun de son côté, qu'il soit question du vieillissement de la population ou d'autres enjeux comme celui des proches aidants. Nous préconisons une approche holistique afin de véritablement prendre en considération les individus, tant au niveau de leur développement que de leur diversité. C'est le constat important du plan, et nous le saluons.
La réussite de ce plan dépendra de sa mise en application et de la coordination de ses mesures. Au-delà des bonnes intentions et des recommandations, comment le Conseil d'Etat, constitué de différents départements parfois clivés, va-t-il gérer tout cela ? Notre gouvernement a informé le Grand Conseil de ses réunions tripartites, voire quadripartites, focalisées sur certaines thématiques. Vont-elles être pérennisées ? Y aura-t-il d'autres mécanismes ? Au coeur des enjeux, la population: avec un département de la santé séparé de celui de la cohésion sociale et des autres, il est difficile d'établir ces liens qui doivent pourtant être tissés.
La promotion de la santé est fondamentale...
Le président. Je rappelle qu'il est interdit de prendre des photos dans la salle !
Mme Marjorie de Chastonay. Il s'agit d'encourager une bonne santé à travers non seulement l'information, mais aussi l'accessibilité, c'est essentiel. Nous savons toutes et tous très bien qu'en mettant davantage l'accent sur la promotion, on anticipe les maladies, la sédentarité, l'isolement, les mauvaises pratiques, par exemple en ce qui concerne les soins dentaires. La promotion devrait donc être plus importante; il convient d'investir massivement, car à terme, cela fera diminuer les coûts de la santé.
Cela étant, les Vertes et les Verts déplorent la non-prise en considération des personnes en situation de handicap, qui représentent une partie non négligeable de la population, notamment en raison du vieillissement, mais aussi parce que celles et ceux qui les accompagnent jouent le rôle de proches aidants à vie. En effet, 80% des personnes en situation de handicap vivent à domicile et non dans des institutions subventionnées.
Les Vertes et les Verts accepteront ces deux objets, mais resteront vigilants quant à la mise en application du plan. Celui-ci ne doit pas rester une belle liste d'objectifs, mais se transformer en véritable politique sanitaire intégrant davantage de soutien aux méthodes de soins alternatives, comme l'homéopathie ou l'acupuncture, plus de prévention parmi les adultes en ce qui concerne les soins dentaires, une prise en compte des personnes en situation de handicap et enfin une formation accrue du personnel au sein des départements. Le but est d'accompagner la population genevoise dans toute sa diversité vers une meilleure qualité de vie. Merci.
M. Pierre Nicollier (PLR). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les délégués, nous saluons également le travail réalisé pour préparer ce plan cantonal de promotion de la santé et de prévention 2019-2023. Néanmoins, nous pensons qu'il vaut la peine de l'étudier en détail, nous proposons donc le renvoi de ces deux textes à la commission de la santé.
M. Sylvain Thévoz (S). Mesdames et Messieurs les députés, le groupe socialiste sollicite également le renvoi à la commission de la santé. Si nous saluons le dépôt de ce rapport du Conseil d'Etat, il nous semble toutefois important de l'étudier en commission, particulièrement sous l'angle de deux enjeux qui y sont évoqués: la responsabilité individuelle, qui est régulièrement citée comme garante de la santé, et l'économicité.
Nous devons mener une réflexion sur les HUG, dont la croissance est constante - +4% au budget, +4% des charges et des recettes - mais le personnel dans une situation délicate; il s'agit de s'interroger quant à la capacité d'absorption de l'hôpital et donc quant à l'opportunité d'y faire de la prévention. Il nous semble important de renvoyer ces objets en commission pour procéder à un examen plus approfondi.
Par ailleurs, nous sommes inquiets face à la tendance qui consiste à aller vers toujours plus de performance et d'efficacité à coût réduit, voire à coût très diminué. A notre sens, il y a là quelque chose d'extrêmement préoccupant, donc promotion de la santé, oui, mais si c'est dans une dimension d'économicité qui rend les gens malades, non, ce n'est pas acceptable. Je le répète: nous voulons prendre le temps d'étudier ces textes en commission. Merci beaucoup.
Le président. Merci. (Brouhaha. Un instant s'écoule.) J'attends que le silence se rétablisse. Monsieur Thomas Bläsi, vous avez la parole.
M. Thomas Bläsi (UDC). Merci, Monsieur le président. Le groupe UDC se joint à la requête des préopinants. Nous relevons également le travail effectué, les 21 actions prioritaires autour desquelles ce plan est organisé. Cela étant, notre groupe s'inquiète: les charges de l'Hôpital cantonal dépassent maintenant les 2 milliards, et le plan prévoit, en fonction des développements que connaîtront les groupes de travail sur ces 21 axes, que des demandes de financements supplémentaires puissent être faites. A l'heure actuelle, les recettes des HUG augmentent, donc logiquement, la subvention devrait diminuer. Or ce n'est pas ce que montre ce gros document, et nous voulons impérativement l'étudier en commission. Merci beaucoup.
M. Bertrand Buchs (PDC). Le groupe démocrate-chrétien salue ce rapport du Conseil d'Etat sur la prévention, un sujet d'importance qui mérite d'être discuté en commission, et non sur le siège, comme ce soir. Nous soutiendrons donc la demande de renvoi en commission.
Le président. Merci. Je passe la parole à Mme Marjorie de Chastonay... Ah non, vous n'avez plus de temps, je suis désolé ! C'est au tour de M. le conseiller d'Etat Mauro Poggia.
M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, je ne m'oppose évidemment pas au renvoi en commission. Le travail qui a été réalisé est considérable, je vous remercie de l'avoir souligné. La semaine dernière, l'information n'était peut-être pas passée partout, puisque certains reprochaient au département de ne pas s'occuper de prévention. Vous constaterez durant vos travaux que Genève est sans doute le seul canton à avoir engagé pareille démarche. C'est une entreprise ambitieuse, bien sûr, mais également réaliste, parce qu'il ne s'agit pas simplement de dépeindre des objectifs lointains, il faut tout faire pour les mettre en oeuvre.
Comme vous le savez, plus de 60% des facteurs déterminants pour notre santé n'ont rien à voir avec les soins, lesquels représentent à peine 15% d'entre eux. Naturellement, certains facteurs génétiques conditionnent notre santé, mais nous pouvons par ailleurs travailler sur l'essentiel des autres paramètres qui feront de nous, un jour, des personnes âgées en bonne santé, et nous devons y oeuvrer dès la naissance.
Les actions prévues ici concernent, c'est vrai, l'ensemble des départements. Il n'y a pas forcément besoin d'un chef d'orchestre, contrairement à ce que j'ai entendu, même si le département de la santé devra récolter toutes les données afin de déterminer si les objectifs auront été atteints; c'est dans le cadre du budget actuel de chaque département que le travail s'effectuera.
Je rassure ceux qui s'inquiètent: le but n'est pas de donner des centaines de millions à des entités pour qu'elles fassent de la prévention; lorsque vous aurez lu ce document dans le détail, vous verrez que ce sont de petites mesures que chacun peut entreprendre de son côté qui feront la différence. Je me réjouis d'en parler et d'échanger avec vous sur ce plan cantonal de promotion de la santé et de prévention 2019-2023. Merci.
Le président. Je vous remercie. Mesdames et Messieurs, vous êtes priés de voter sur la demande de renvoi à la commission de la santé.
Mis aux voix, le renvoi du rapport du Conseil d'Etat RD 1289 et de la proposition de résolution 894 à la commission de la santé est adopté par 86 oui (unanimité des votants).
Premier débat
Le président. Nous abordons le point suivant de l'ordre du jour, classé en catégorie II, soixante minutes. (Un instant s'écoule.) M. Christian Dandrès, rapporteur de majorité sur les trois objets, est remplacé par M. Alberto Velasco, à qui je passe la parole.
M. Alberto Velasco (S), rapporteur de majorité ad interim. Merci, Monsieur le président. Les différents projets de lois que nous traitons ont été déposés, pour mémoire, à l'orée des grèves assez importantes de la fonction publique qu'a connues Genève. On peut noter la volonté des auteurs de ces textes de réduire le droit de grève, le droit de se défendre.
Suite à toutes les auditions que nous avons faites, nous avons constaté que le service minimum est déjà balisé par la jurisprudence, notamment fédérale. Le président du Conseil d'Etat nous a même fait remarquer que ces textes n'amènent pas grand-chose. Il aurait peut-être été plus intéressant d'avoir des objets qui auraient à la fois défini ce service minimum et les procédures pour le mettre en place. Car nous avons notamment réalisé lors de l'audition des TPG qu'il leur manquait les moyens pour mobiliser 250 personnes chaque fois qu'il faut mettre en place un service minimum.
Nous nous sommes aussi aperçus que des services minimum existent et sont pratiqués par exemple à l'Hôpital cantonal ou à la police. Les week-ends, il y a d'ailleurs un service minimum aussi bien à la police qu'aux HUG. Là où on pensait qu'il n'y aurait pas de service minimum, Mesdames et Messieurs, il y en a donc un !
S'agissant des TPG, nous avons constaté que ça peut être délicat de mettre en place un service minimum s'ils n'ont ni les moyens ni le personnel suffisants. Avec la réduction du nombre de trams ou de bus et un nombre important de personnes qui prennent ces véhicules, la probabilité d'accidents augmente. C'est la raison de cette grande difficulté à mettre en place le service minimum.
Je relève ici - et pour le moment, j'en finirai par là, Monsieur le président - que les auteurs regrettent le XIXe siècle ! A l'époque, vous le savez, il n'y avait pas le droit de grève et... (Remarque.) Mais oui, je pense que vous regrettez cette belle époque où il n'y avait pas le droit de grève, où on pouvait faire travailler les gens quinze heures par jour sans problème ! Cette époque est heureusement révolue, et bien révolue: le droit de grève est consacré tant dans la Constitution fédérale que dans notre constitution cantonale. Et il s'agit de respecter ce droit important et inaliénable pour les travailleurs et les travailleuses.
Le président. Merci. Je passe la parole à M. le député Serge Hiltpold, rapporteur de minorité sur les PL 10949-B et PL 11581-A.
M. Serge Hiltpold (PLR), rapporteur de minorité. Merci, Monsieur le président. Je vais me concentrer sur le PL 11581 en vous rappelant tout d'abord qu'un service minimum, nécessaire, n'a pas été garanti par les TPG lors de la grève du 19 novembre 2014: certains patients n'ont pas pu se rendre à l'hôpital cantonal, notamment dans l'unité de dialyse, en raison de la grève. Pourtant, le contrat de prestations conclu entre l'Etat et les TPG prévoit à l'article 25, point 2, un service minimum en cas de grève. A ce titre, l'entreprise est tenue de fournir une offre atteignant - au moins - le tiers de celle programmée aux heures de pointe sur les lignes principales, dans la zone tarifaire 10, et la moitié s'agissant du trafic régional. L'Etat est en droit de prendre toute mesure afin d'assurer ce service minimum et les TPG peuvent recourir à la sous-traitance. Du coup, il n'est pas question d'une quelconque nostalgie du passé et des journées de quinze heures: il est uniquement question de l'exécution du contrat de prestations signé entre une régie publique autonome et l'Etat. Il s'agit simplement d'une relation contractuelle parfaitement juste et soutenable, et je pense qu'on pourra admettre ce principe de partenariat, quelle que soit votre confession politique.
Ensuite, on l'a vu lors de plusieurs auditions, la définition de ce qu'on appelle un service minimum est une question fondamentale. Et là, ça a été très instructif: pour les TPG, il s'agit d'un service minimum «de sécurité», entre guillemets. C'est-à-dire qu'il consiste à garantir que les lignes ne soient pas endommagées, que le parc automobile et les trams ne soient pas endommagés - ce qui semble logique. Mais la définition est tout autre pour les auteurs du projet de loi dont je suis le rapporteur de minorité: pour nous, et pour la population, un service minimum ne consiste pas à garantir que le tram soit bien garé, mais que le tram fonctionne ! Que, pour l'usager, la prestation soit assurée ! La prestation doit être garantie pour la personne qui fait l'effort et le choix de se déplacer en transports publics. Donc finalement on place le service minimum de sécurité avant le service minimum de transport. C'est ce point que j'aimerais particulièrement développer.
Le service minimum a donc été assuré du point de vue de la sécurité mais pas du transport. Je vais prendre quelques éléments qui me semblent intéressants. Il s'agit de déterminer si le cas des TPG est suffisamment comparable à celui de la police ou de l'hôpital - si, en somme, les TPG doivent restreindre la liberté individuelle du droit de grève pour 250 conducteurs mais aussi pour d'autres employés chargés d'assurer le fonctionnement du réseau et le transport des personnes. Pour la minorité, si garantir la sécurité du réseau représente un élément majeur - c'est ce qui est écrit dans le contrat de prestations - un service minimum de l'offre de transport doit être assuré en faveur de la population. Celle-ci ne doit pas être prise en otage d'éventuels rapports conflictuels au sein d'une régie publique qu'elle finance largement par le fruit de l'impôt.
Vous allez bien évidemment me dire qu'on s'attaque au partenariat social ! Une disposition est justement prévue dans le projet de loi pour que le personnel soit consulté; le déploiement se ferait donc en concertation avec le personnel et non d'une manière unilatérale, sans consultation du personnel. C'est par conséquent un texte qui est frappé au coin du bon sens. Si vous êtes honnêtes, vous admettrez que toutes les lignes périphériques sont déjà sous-traitées. Toutes les lignes qui vont en France, les lignes de campagne sont sous-traitées ! Et ce sont toutes celles qui ont fonctionné - ce n'est pas une attaque contre le service public, mais la réalité du terrain.
Ce que nous demandons avec cet objet, ce n'est pas de privatiser toutes les interventions mais de pouvoir faire preuve de souplesse afin que les citoyens puissent bénéficier de ces prestations, qu'on finance largement par l'impôt. Elles sont indispensables à la population et aux entreprises, dont les travailleurs ne sont pas payés quand ils arrivent deux heures en retard - ils ne sont pas rémunérés. C'est frappé au coin du bon sens et je vous invite à suivre le rapporteur de minorité sur ce projet de loi.
Le président. Merci. La parole est à M. le député Christo Ivanov, rapporteur de minorité sur le PL 11574-A.
M. Christo Ivanov (UDC), rapporteur de minorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, j'interviendrai sur le PL 11574. A Genève, le droit de grève peut effectivement être limité par la loi. La validité juridique d'une limitation du droit de grève au moyen d'un règlement ou d'une directive est contestée par l'essentiel de la doctrine. La mise en place d'un service minimum par le biais d'une norme de rang inférieur à la loi est également contestée. Cette absence de base légale formelle sur les questions de grève et de service minimum est des plus préjudiciables pour toute notre population. C'est pourquoi l'instauration d'une norme de rang constitutionnel offrirait une base légale solide fixant les conditions auxquelles une grève du personnel de la fonction publique et des établissements de droit public se doit d'obéir.
Cet objet ne vise pas à empêcher le droit de grève des fonctionnaires, car il est inscrit dans la loi et dans la Constitution fédérale, mais à sauvegarder les intérêts de ceux qui sont pris en otage en cas de grève, c'est-à-dire les usagers des TPG. Pour la minorité de la commission, l'article 37 de la constitution genevoise ne règle pas tout. Il est en effet d'une portée très large et s'applique tant au privé qu'au public, alors que les auteurs du texte ne souhaitent pas fixer de conditions pour le secteur privé - les choses sont déjà assez difficiles pour lui - mais intervenir uniquement pour la fonction publique. Pour ces raisons, le projet de loi propose d'ajouter un nouvel article à la constitution genevoise.
Il s'agit ici d'aménager le droit de grève et non de le contester. On s'aperçoit par exemple que les dispositions réglementaires, les directives, les conventions ou autres ont toutes été balayées par la justice, comme dans le cas de la grève aux TPG, par manque d'une base légale. Pour toutes ces raisons, la minorité de la commission ad hoc sur le personnel de l'Etat vous recommande d'accepter le PL 11574. Merci, Monsieur le président.
M. Thomas Wenger (S). Mesdames les députées, Messieurs les députés, chers collègues, le droit de grève est un droit fondamental dans un pays démocratique. Il faut le répéter: le droit de grève est un droit fondamental dans un pays démocratique - au même titre que la liberté d'expression, la liberté d'association ou encore le principe du suffrage universel.
Qu'est-ce que le droit de grève ? Le droit de grève donne à des gens la possibilité de s'exprimer, de faire entendre leur voix, de défendre leurs droits, quelle que soit l'entreprise ou l'administration dans laquelle ils travaillent. C'est un pilier qui, pour nous, socialistes, est non négociable dans un pays démocratique - je l'ai dit - et limiter le droit de grève par l'instauration d'un service minimum élargi contrevient à ce droit fondamental.
Le droit de grève, en Suisse, figure aussi bien dans la Constitution fédérale que dans la constitution cantonale. Mais il est délimité: on ne peut pas faire grève comme ça, sur un coup de tête ! Les limites de ce droit sont très clairement définies dans les constitutions fédérale et cantonale: la grève n'est licite que si elle est organisée par un syndicat, porte sur les conditions de travail et forme un moyen de dernier recours. On ne fait donc pas grève dès qu'on n'est pas content de telle ou telle chose; d'abord on négocie, on essaie de se faire entendre, et si ce n'est vraiment pas possible, le dernier recours est bien celui de la grève. Toutes les tentatives de négociation et de conciliation doivent avoir échoué. Le Tribunal fédéral a ajouté une condition supplémentaire: pour être licite, la grève doit respecter le principe de proportionnalité.
Le service minimum pose une vraie question et plusieurs études ont été menées pour savoir quel service minimum un Etat doit assurer en cas de grève. L'Organisation internationale du travail le délimite et dresse une liste restreinte de ce qu'il devrait être; elle est assez logique mais il est important d'en rappeler la teneur. Y figure le personnel de lutte contre les incendies - bien entendu, les pompiers ne vont pas se mettre en grève et dire: «Ah, désolé, Monsieur ou Madame, votre immeuble est en feu, mais aujourd'hui on est en grève, on viendra demain !» Même chose pour le secteur hospitalier occupé aux prestations vitales, on ne va pas dire aux gens: «Désolé, Monsieur, nous n'allons pas vous réanimer aujourd'hui parce que nous sommes malheureusement en grève !» La liste inclut également le service de l'électricité et celui de l'approvisionnement en eau, ce qui est assez logique, de même que le contrôle du trafic aérien - je pense qu'on le comprend assez aisément - et puis la police et le personnel des prisons. Ce sont donc tous les services fondamentaux de l'Etat, qui visent à protéger la vie de la citoyenne ou du citoyen, sa santé, sa sécurité et la sécurité de base de l'Etat.
Ce service minimum est défini dans l'arrêté de l'exécutif du 10 décembre 2014, qui est assez précis sur ce que doit être le service minimum - et ce n'est pas un service minimum élargi comme le veulent aujourd'hui ces trois projets de lois. Au parti socialiste, nous le rappelons à longueur de séance plénière et en commission, nous sommes d'abord pour le partenariat social entre les employeurs et les employés, en l'occurrence de la fonction publique. La grève, je l'ai dit tout à l'heure, doit être le dernier recours, mais à partir du moment où les discussions, les négociations n'ont abouti à rien, ce droit de grève est tout à fait légitime: il figure, je l'ai rappelé, aussi bien dans la Constitution fédérale que dans la constitution cantonale. Tout service minimum élargi, comme stipulé dans ces trois objets, reviendrait à restreindre le droit de grève, à restreindre ce droit fondamental pour les employés de l'Etat et des régies autonomes. Merci beaucoup.
M. Olivier Baud (EAG). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, ces trois projets de lois sont parfaitement inutiles et Ensemble à Gauche les refusera. Les dispositions relatives au recours à la grève dans la fonction publique, à l'instauration d'un service minimum et à la paix du travail sont connues: elles font déjà l'objet de textes qui ne sont pas remis en question.
Tout d'abord, au niveau supérieur, il y a bien entendu la constitution genevoise. Le droit de grève, qui fait partie des droits fondamentaux, est défini à l'article 37. Objectivement, tout y est dit en deux alinéas: il y est inscrit que le droit de grève est garanti s'il se rapporte aux relations de travail et s'il s'avère conforme à la préservation de la paix du travail et à la conciliation. La constitution prévoit aussi que la loi peut interdire l'exercice de ce droit pour certaines catégories de personnes ou le limiter afin de mettre en place un service minimum. Alors pourquoi revenir sur un texte qui a tout prévu, si ce n'est pour empêcher les fonctionnaires d'exercer leur droit de grève ?
Mais de quoi parle-t-on ? La fonction publique genevoise est-elle souvent en grève ? Ne respecterait-elle pas les textes légaux en vigueur ? Assurément non. Le Cartel intersyndical ne dépose finalement que très peu de préavis de grève; pour avoir oeuvré au sein de ses instances, je peux vous assurer que le principe d'user de la grève en dernier recours, en tant qu'ultima ratio, est parfaitement intégré. Ce n'est jamais à la légère que les syndicats organisent une grève.
D'aucuns ici se souviennent sans doute des grèves de la fin de l'année 2015: elles ont cumulé l'équivalent d'une semaine d'arrêt de travail, ce qui était assez exceptionnel. Ces manifestations du personnel de l'Etat, d'ailleurs soutenues par la population, ont permis la signature d'un accord avec le Conseil d'Etat le 17 décembre 2015. Et ensuite ? Quelles grèves ont eu lieu depuis cinq ans ? Et avant ? Il faudrait probablement remonter aux années 2004-2005 pour constater des débrayages similaires.
Il est vrai que le recours à la grève irrite, dérange, cause des perturbations; c'est inhérent à sa fonction. C'est ce qui permet de faire entendre les revendications quand l'employeur se montre un peu sourd, favorisant ainsi l'atteinte d'un but qui, en ce qui concerne la fonction publique, est toujours, rappelons-le, lié à la préservation et à l'amélioration des prestations à la population. Si une grève vient tous les dix ans bousculer un peu le quotidien, il n'y a pas de quoi s'en offusquer; ce n'est pas une raison pour remettre en cause ce droit.
Ces projets de lois sont par conséquent superflus - les textes en vigueur suffisent et aucun travers n'a été signifié - mais également perfides, car ils tentent de modifier les conditions qui fondent le droit des travailleuses et des travailleurs. Je me concentrerai sur le PL 11574, qui veut modifier la constitution. Actuellement, la constitution dit qu'il faut préserver la paix du travail; la préserver suppose qu'elle existe. La paix du travail est fondée sur un partenariat social et s'inscrit essentiellement dans un rapport entre la fonction publique et l'Etat employeur: la préserver a donc du sens quand un accord est signé, comme en 2015. Mais déclarer qu'il faudrait, dans l'absolu, respecter - et non préserver - la paix du travail n'a pas de sens. Au sein des services publics, la notion de paix du travail ne peut que faire écho à des accords signés, ponctuels et qui, par la force des choses, restent limités dans le temps.
La modification de la constitution voulue par le PL 11574 entend aussi inscrire dans le texte le principe du service minimum. Partout ? Dans tous les services ? A nouveau, cela n'a pas de sens, sauf bien sûr à vouloir enlever tout effet à la grève - une grève acratopège, en quelque sorte, qui ne dérangerait personne. Même avec les dispositions existantes - on l'a constaté - les directions de certains services ont manifesté de telles velléités en mobilisant davantage de personnel lors des grèves qu'en temps normal. Le service minimum mérite d'être discuté à chaque grève, car chaque grève est différente et il n'y a aucune raison d'affirmer qu'il serait assuré de manière absolue.
La droite a beau jeu de donner un exemple unique d'un patient qui n'aurait pas pu être pris en charge aux HUG: c'est facile et surtout hypocrite au vu de la dégradation des prestations, en particulier dans le domaine de la santé. Allez voir comment le service des urgences, aux HUG, peut répondre aux besoins de la population - et nous ne sommes pas en grève ! La droite ferait mieux de voter des budgets plus importants et d'arrêter de couper dans les prestations !
Bref, Mesdames et Messieurs, ces trois projets de lois ne règlent rien. Ils contredisent divers textes, seraient contraires, selon la CGAS, au droit du travail et au code des obligations, et, de surcroît, ne reconnaîtraient pas les principes de l'Organisation internationale du travail, l'OIT. Ensemble à Gauche vous demande de considérer que l'exercice du droit de grève, à Genève, ne pose pas de problème et, par conséquent, de refuser résolument ces trois textes. Merci.
Mme Frédérique Perler (Ve). Le groupe des Verts persistera dans son refus d'entrer en matière sur ces trois projets de lois. Nous avons néanmoins écouté avec attention les rapporteurs de minorité: évidemment qu'il faut admettre le principe de partenariat, évidemment qu'il est nécessaire de consulter le personnel, évidemment que le droit de grève doit être aménagé pour assurer un service minimum. Nous sommes bien sûr d'accord avec ces postulats mais, ainsi que l'a rappelé à l'instant le parti socialiste par la voix de M. le député Wenger, la décision d'une grève intervient après l'échec de toute possibilité de négociation. Pour le service public, la priorité n'est donc pas vraiment de se mettre en grève: il négocie d'abord et ensuite, quand toutes les négociations ont échoué, eh bien la grève est annoncée.
Le groupe des Verts vous fait observer, outre le fait que l'entrée en matière a été refusée en commission sur les trois objets, que ceux-ci datent tout de même de 2012 et ont été renvoyés quelques fois en commission, ce qui démontre que la question n'est pas si simple. Les syndicats sont naturellement opposés à ces projets mais souscrivent évidemment au principe d'un service minimum. Le Conseil d'Etat a de son côté annoncé qu'il n'était ni pour ni contre l'instauration d'une nouvelle base légale. Il a toutefois fait remarquer que la grève est déjà traitée dans les constitutions fédérale et cantonale et qu'il y a en outre les conventions de l'OIT. L'exécutif a par ailleurs réglé les principes du service minimum à travers un arrêté - on l'a dit - qui va de pair avec toute une jurisprudence en la matière. Bref, il n'y a pas de raison d'ajouter des lois supplémentaires aux normes existantes et aux pratiques en vigueur.
Pour les Verts, au-delà de la volonté clairement affichée de porter atteinte, à travers ces objets, au droit de grève - appelons un chat un chat - les dispositions proposées par ces textes seraient en outre très difficilement applicables. La raison en est qu'il faudrait négocier le périmètre et l'ampleur de ce service minimum, dont on parle abondamment, avec chaque service et entité du grand Etat. En conclusion, ces projets de lois cherchent en somme à rendre invisible sinon impossible le recours à la grève dans les services publics et c'est pour cette raison que nous continuerons à les refuser. Je vous remercie.
M. Bertrand Buchs (PDC). Le parti démocrate-chrétien votera les PL 10949 et 11581 mais pas le PL 11574: il pense simplement que passer par la constitution n'est pas une bonne méthode. Le droit de grève existe et nous le reconnaissons; il est inscrit dans la constitution et nous ne voulons pas y toucher.
Il est par contre évident qu'il faut un service minimum à la police, à l'Hôpital cantonal et aux TPG en cas de grève. Pourquoi ? Parce que ce sont des services destinés à la population - on ne parle pas de la fonction publique, on parle de l'entier de la population. Quand il y a un jour de grève, comme en 2014, ça peut aller, mais si cette grève s'étale sur plusieurs jours, je pense que la population a droit à un service minimum. Ce qui signifie que s'il n'y a pas autant de trams et de bus que dans l'horaire normal, il y en a quand même quelques-uns pour permettre aux gens de vaquer à leurs occupations et de rejoindre leur lieu de travail, ce qui est vraiment important.
Il ne s'agit pas d'une atteinte au droit de grève: je vous rappelle qu'en France, quasiment tous les services d'urgence des hôpitaux sont actuellement en grève, mais ils fonctionnent ! La grève est simplement théorique: ils sont obligés de fonctionner parce qu'on ne peut pas fermer le service d'urgence d'un hôpital en raison d'une grève ! On doit travailler, on ne peut pas fermer un hôpital parce qu'on est en grève - on doit travailler ! C'est le bon sens ! Quand on n'a pas compris ce bon sens, je ne vois pas ce qu'on est en train de raconter.
S'agissant maintenant de la grève des TPG de 2014, il me semble qu'elle était plutôt préventive, qu'elle n'était pas arrivée tout au bout d'un processus négocié, où il y avait un désaccord entre tous les syndicats et l'entreprise.
Un service minimum, honnêtement, ça veut dire ce que ça veut dire: c'est un service minimum. Mais les gens doivent pouvoir utiliser les moyens de transport et être pris en charge à l'Hôpital cantonal, et la police doit assurer ses fonctions. C'est le minimum que l'Etat doit faire, et l'Etat doit défendre cela. Le gouvernement doit défendre ce principe ! Je vous remercie.
Une voix. Bravo !
M. Cyril Aellen (PLR). Permettez-moi de m'adresser aux députés de gauche. Veuillez leur suggérer, Monsieur le président - vous transmettrez - de donner d'abord la parole à ceux qui sur leurs bancs représentent le secteur privé, pendant qu'il y en a encore, plutôt que de nous expliquer à longueur de temps ce qu'il faut faire et de défendre leur propre corporation. C'était ma première remarque.
La deuxième s'adresse à M. Wenger - vous transmettrez également, Monsieur le président: le droit de grève est un droit fondamental pour l'entier des travailleurs et pas seulement pour ceux qui sont employés dans l'administration ! Il existe encore quelques personnes qui travaillent ailleurs que directement ou indirectement pour l'Etat !
Maintenant, j'aimerais quand même soulever la problématique du raisonnement toujours biaisé qui nous est servi par les représentants de la fonction publique. Il y a... (Remarque.) Je n'ai interrompu personne ! Il y a en réalité, lors d'une grève, trois acteurs ou trois catégories de gens touchés par la grève: les grévistes tout d'abord, ceux qui font valoir leur droit, les employeurs ensuite, qui sont ceux à qui les grévistes veulent faire passer un message ou sur lesquels ils veulent faire pression pour obtenir ce qu'ils estiment légitime - on est loin ici de remettre cela en cause - mais il y a aussi des citoyens ! Il y a des employés qui sont quant à eux satisfaits de leurs conditions de travail et ne demandent qu'à pouvoir travailler dans un canton qui n'a pas à être paralysé par ceux qui rencontrent des problèmes avec leur employeur.
J'entends souvent la gauche nous expliquer qu'il faut absolument des services publics, précisément parce que les prestations concernées sont si importantes qu'elles doivent être garanties par l'Etat. Par contre, s'il s'agit de faire grève, lorsqu'on leur dit que ces fameux services publics, qu'ils défendent, doivent pouvoir fonctionner n'importe quand, coûte que coûte, précisément parce que ce sont des services publics, alors tout d'un coup plus personne ne vient nous expliquer qu'ils sont indispensables ! On ne peut pas dire que les services publics doivent être garantis par l'Etat et assurés en toute circonstance et en même temps que ça n'a plus aucune importance lorsqu'il s'agit d'exercer un droit de grève !
J'observe par ailleurs que, s'agissant des TPG, les lignes qui fonctionnaient étaient justement celles assurées par des travailleurs qui n'avaient pas le statut de fonctionnaire. S'il y a dans la fonction publique un certain nombre de garanties, notamment celle du statut - c'est le dernier point que j'aborderai - c'est précisément parce que ces employés-là doivent bénéficier d'un statut plus fort vis-à-vis de leur employeur. Mais cela implique aussi, en contrepartie, que l'Etat a la possibilité d'exiger en toute circonstance un service minimum, même en cas de conflit du travail ! Et c'est ni plus ni moins ce que ces projets de lois demandent.
Des voix. Bravo ! (Applaudissements.)
Le président. Merci. Je passe la parole à M. le député François Baertschi.
M. François Baertschi (MCG). Ah, excusez-moi ! Excusez-moi, Monsieur le président: j'ai cru que vous m'aviez oublié, mais j'ai vu que ce n'était pas le cas, alors je vous remercie de me donner la parole ! (Rires. L'orateur rit.) Le MCG refusera... (Rires. Commentaires.) Excusez-moi, c'est important: je voulais à tout prix m'exprimer sur ce sujet ! Donc, le MCG refusera très clairement ces trois projets de lois. Pourquoi ? Parce que les dispositions réglementaires organisant le service minimum en cas de grève dans les services publics existent actuellement. Cela existe déjà. Ces projets de lois n'ont donc pas d'utilité réelle.
En fait, si on veut véritablement réduire les grèves, il y a sans doute plusieurs solutions. L'une d'elles est très simple: il s'agit d'engager prioritairement des résidents genevois et d'arrêter d'engager de manière trop importante des travailleurs frontaliers. On sait très bien que certains - et il y a des exemples, notamment la CGT en France - font du droit de grève une sorte d'art syndical ou de pratique usuelle, en usent et en abusent; cela peut parfois déteindre sur certains travailleurs du canton de Genève. Donc, s'il y a un petit peu moins de travailleurs frontaliers... On peut en avoir quelques-uns, mais en avoir de manière massive, ultramajoritaire, incite à une multiplication des grèves et de ce genre d'incidents. Donc, si on veut véritablement mettre fin à ce genre de pratiques ou en tout cas les atténuer et faire en sorte qu'elles ne soient utilisées que lorsque c'est tout à fait nécessaire, c'est simple: faisons attention, soyons très prudents dans l'engagement des travailleurs de l'Etat de Genève et appliquons la directive de préférence cantonale avec tout ce qui se fait déjà, en essayant de la renforcer autant que faire se peut. Je vous remercie, Monsieur le président.
Une voix. Bravo !
M. Patrick Dimier (MCG). La norme a été rappelée tout à l'heure, et j'y reviens: il s'agit de l'article 37 de la constitution, plus particulièrement de son alinéa 2. Celui-ci stipule que la loi - la loi, sans passer par un autre outil que simplement la loi ! - peut limiter l'emploi de la grève et peut organiser un service minimum. Pourquoi nous sommes-nous embarqués dans des lois constitutionnelles, alourdissant le système pour réformer la constitution, qui, je le rappelle, n'a que peu d'années d'existence ? Utilisons la base que la constitution nous donne, faisons des lois, mais sans devoir passer par des réformes constitutionnelles !
Le président. Merci. Je passe la parole à M. le député Jean Burgermeister pour une minute quatre.
M. Jean Burgermeister (EAG). Merci, Monsieur le président. Dans le projet de loi 11581, dont la première signataire est l'ancienne députée Mme Nathalie Fontanet, on lit notamment que «cette insécurité juridique profite non pas au droit de grève et aux employés, mais au comportement irresponsable de certains représentants syndicaux, qui affichent ouvertement leur volonté de ne respecter aucun service minimum en cas de mouvement de grève», etc., etc., je vous passe les détails. Evidemment, cet exposé des motifs relève d'une réaction antisyndicale épidermique, je dirais, mais la députée Nathalie Fontanet, entre-temps devenue conseillère d'Etat, a depuis participé à une grève, le 14 juin. (Remarque.) Nul doute qu'elle lui aura fait changer d'avis !
J'aimerais ajouter un élément, puisqu'on mentionne le service minimum aux HUG. Lors de la dernière grève des services publics, les infirmières et les infirmiers des HUG n'ont pratiquement pas pu faire grève. Pourquoi ? Parce que le fonctionnement normal de l'hôpital aujourd'hui correspond d'ores et déjà au service minimum ! (Commentaires.) Ce qui met en danger les patientes et les patients, ce n'est pas le droit de grève: ce sont les politiques d'austérité menées année après année... (Exclamations.) ...qui ont mis en péril les prestations à la population, notamment... (Huées. Applaudissements.) ...notamment en matière de santé. Je vous remercie, Monsieur le président. (Commentaires.)
Une voix. Bravo ! (Applaudissements.)
M. Cyril Aellen (PLR). Je ne peux pas laisser passer les propos du représentant du MCG, Monsieur le président, et j'aimerais que vous lui transmettiez. Soutenir que la problématique du droit de grève aujourd'hui exercé dans notre canton est objectivement liée au travail des frontaliers est un mensonge crasse et, honnêtement, relève de la stigmatisation, pour utiliser un terme totalement... (Commentaires.) ...totalement neutre.
J'aimerais aussi rappeler que ces projets de lois proviennent effectivement du fait que les problèmes de transports publics avaient été accrus lors de l'exercice du droit de grève. Or, dans ce même hémicycle, le MCG refuse certaines sous-traitances pour les seules lignes qui fonctionnaient, au motif que le taux de frontaliers et d'étrangers est plus élevé dans les entreprises privées qu'au sein des transports publics ! Donc si le MCG veut tirer des conclusions de la problématique des travailleurs frontaliers, il a l'obligation de dire qu'en réalité, plus il y a de frontaliers, moins on fait la grève dans la fonction publique ou dans les services publics du canton !
Une voix. Bravo ! (Applaudissements.)
M. François Baertschi (MCG). La théorie de M. Aellen ne tient pas la route, pour la simple et bonne raison qu'il veut, lui, des travailleurs frontaliers corvéables à merci ! C'est ce qu'il cherche dans des sociétés privées où on pourra exercer une «surconcurrence» et la multiplier par ce biais-là, et justement mettre en opposition les travailleurs frontaliers avec les travailleurs résidents genevois en jouant de divers statuts. C'est ce que le MCG combat, à savoir d'opposer les travailleurs les uns aux autres. Nous voulons très clairement qu'il y ait une priorité pour les résidents genevois. Une priorité dans la fonction publique ne veut pas dire une exclusivité, je crois qu'il n'a pas compris. Il parle de stigmatisation, lui qui n'hésite pas à stigmatiser les fonctionnaires, parce que c'est son fonds de commerce... (Rire. Commentaires.) ...comme chacun aura pu le constater ! La stigmatisation est donc à géométrie variable, et lui en use et en abuse - vous transmettrez, Monsieur le président.
Mais la question n'est pas là. La question, c'est qu'il faut avoir un système équilibré et harmonieux, or cela ne pourra se produire que si la priorité est donnée au personnel local, c'est-à-dire, je vous rappelle, aux travailleurs suisses et aux travailleurs étrangers résidant dans notre canton, sans exclusivité, mais avec intelligence, pour que chacun ait sa place, mais qu'on n'exclue pas les travailleurs résidents genevois. Parce qu'actuellement, on pratique plutôt une exclusion de travailleurs résidents: c'est malheureusement cela, la réalité du marché du travail. C'est à la fois une exclusion et un dénigrement systématique des travailleurs résidents; c'est ce que certains font, c'est ce qu'ils disent et c'est ce qu'ils sous-entendent. Cette stigmatisation du travailleur résident genevois est insupportable, on ne peut pas aller dans cette direction. On ne peut pas opposer les membres de la société genevoise les uns aux autres; nous formons une seule société à Genève. On ne peut pas dresser les fonctionnaires contre les travailleurs, les riches contre les pauvres, les étrangers contre les citoyens suisses, nous sommes tous unis dans ce canton de Genève... (Vifs commentaires.) Nous sommes tous unis dans ce canton de Genève... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...et nous nous battrons contre ce que certains essaient de faire, c'est-à-dire utiliser les travailleurs frontaliers comme variable d'ajustement, comme nouveaux esclaves. Nous nous y opposons, le MCG s'y oppose et s'y opposera toujours. Merci, Mesdames et Messieurs. (Brouhaha.)
M. Patrick Lussi (UDC). Il était important pour l'Union démocratique du centre d'entendre un peu tout ce qui s'est dit ici. Mesdames et Messieurs les députés, je crois que personne aujourd'hui ne tenterait de dire que la grève est illicite, qu'on doit supprimer le droit de grève, supprimer plein de choses. (Remarque.) On s'aperçoit malgré tout que, notamment lorsqu'on a affaire à un service minimum, la base légale semble insuffisante. Cela a été dit, cela a été vu. Donc, en définitive, que doit-on faire pour bien codifier cette situation ? Il faut qu'une disposition de rang supérieur soit adoptée. Raison pour laquelle, après bien des réflexions, l'Union démocratique du centre a déposé le PL 11574, un projet de loi constitutionnelle visant justement à ajouter cet article 148A dans la constitution, de manière à y inscrire exactement ce qu'est une grève licite.
En définitive, sur cette base, il s'agit simplement de dire - et je crois que tout le monde peut le dire - que lorsqu'il n'y a pas d'accord, lorsqu'on arrive à des situations de conflit, lorsqu'on est contraint de faire grève, toutes les conditions cumulatives doivent être remplies préalablement, pour arriver à un résultat. Il me semble que cela est nécessaire pour la paix sociale, pour la paix publique et pour que les relations soient codifiées entre le monde du travail, le monde des fonctionnaires et l'Etat. Nous ne pouvons donc que vous encourager à entrer en matière sur notre projet de loi constitutionnelle 11574 et à le voter. Je vous remercie.
Une voix. Bien parlé !
Mme Delphine Bachmann (PDC). J'aimerais simplement répondre à deux points précis. Premièrement, je me réjouis de constater que le MCG ne souhaite pas opposer les populations du bassin genevois et je compte sur lui pour ne plus opposer désormais frontaliers et résidents genevois ! (Vifs commentaires.) Parce qu'on n'oserait quand même pas sous-entendre que les frontaliers sont une population de moindre importance que celle qui habite dans notre canton. (Remarque.) Monsieur Sormanni, si vous voulez la parole, vous êtes libre d'appuyer sur le bouton, faites-vous plaisir ! (Commentaires. Rires.)
Cela étant dit, j'aimerais répondre sur un autre point... (Commentaires.) Arrêtez de brailler quand je parle, ça m'agace ! On a dit que les infirmières ne pouvaient pas faire grève parce qu'elles étaient déjà en service minimum. A l'époque, quand j'étais aux HUG, les infirmières tentaient de faire grève, et je vais vous dire pourquoi elles ne pouvaient pas le faire: c'est parce que les aide-soignants faisaient grève, les transporteurs faisaient grève, à peu près tout le monde dans les services faisait grève, et qui les remplaçait ? Eh bien, c'étaient les infirmières, parce que les infirmières peuvent remplacer tout le monde, mais apparemment personne dans les services ne peut les remplacer. Je vous remercie, Monsieur le président.
Une voix. Bravo ! (Applaudissements.)
Le président. Merci. Je passe la parole à M. François Baertschi pour dix-huit secondes. (Exclamations. Commentaires.)
M. François Baertschi (MCG). Merci, Monsieur le président. Nous ne sommes pas pour la stigmatisation, nous sommes pour la priorité cantonale ! (Commentaires. Rires.)
Une voix. Bravo !
M. Patrick Saudan (PLR). D'habitude, je ne m'exprime pas quand on parle des HUG, parce que cela fait plus de vingt ans que j'y travaille, mais je ne peux pas entendre les propos de M. Burgermeister sans rétablir une ou deux vérités assez simples. En 2018, environ 70 000 cas ont été traités aux HUG, pour 2000 médecins et 6568 membres du personnel soignant et physiothérapeutes. Au CHUV, c'étaient 50 000 cas et à peu près 5000 membres du personnel soignant - pour vous dire que les HUG sont probablement même un peu mieux dotés que le CHUV. Nous ne sommes donc pas sous-dotés et nous ne sommes pas en service minimum. Peut-être suis-je totalement aveugle, mais je n'ai jamais constaté cela lors de mon travail aux HUG. Merci. (Applaudissements.)
M. Christo Ivanov (UDC), rapporteur de minorité. Je vais répondre à notre collègue Thomas Wenger - vous transmettrez, Monsieur le président. En effet, Monsieur Wenger, si on élargit, c'est qu'on agrandit et non qu'on restreint. Il me semble que c'est purement mathématique !
Maintenant, pour répondre à notre collègue M. Baud, qui parle de préserver la paix du travail, d'empêcher les fonctionnaires de faire grève, j'aimerais lui dire que le problème avec ce qui se passe actuellement dans notre canton, où les travailleurs, les usagers et les employés - et pas que les fonctionnaires - sont pris en otage lorsqu'il y a une grève - heureusement, rarement, je vous l'accorde, mais quand même - c'est que la base légale est largement insuffisante, Monsieur le député ! C'est bien pour ça que l'UDC a déposé le PL 11574: pour fixer les conditions d'un service minimum élargi et pour préserver la paix du travail et la paix sociale, la base légale étant largement insuffisante. Nous sommes pour les conventions collectives de travail et nous sommes pour le partenariat social, qu'en tant que petit patron j'assume sans problème. J'applique également toutes les directives, j'ai engagé quelqu'un de plus de cinquante ans, j'ai donc appliqué le modèle «1+ pour tous». Nous, les entrepreneurs, nous sommes les créateurs de richesses de ce canton. Il convient donc de...
Une voix. Ooh !
Une autre voix. Non, c'est les travailleurs ! (Commentaires.)
M. Christo Ivanov. Je crois que ce sont quand même les PMI et les PME qui portent ce pays ! (Commentaires.) Pour toutes ces raisons, la minorité vous demande de bien vouloir accepter le PL 11574.
M. Serge Hiltpold (PLR), rapporteur de minorité. Permettez-moi de revenir au débat qui concerne la LTPG, H 1 55, respectivement le PL 11581. Ce projet de loi ne remet aucunement en cause le droit de grève et sa légitimité; l'intervention de M. Baud est parfaitement à côté de la plaque, il est complètement hors route. Je vous rappelle simplement ce qu'est le contrôle parlementaire que nous devons effectuer s'agissant du contrat de prestations. (Remarque.) Celui-ci stipule clairement au point 2 de l'article 25: «[...] les TPG doivent fournir au minimum une offre atteignant le tiers de celle programmée aux heures de pointe sur les lignes principales (zone tarifaire 10) et la moitié de celle programmée aux heures de pointe sur le réseau régional (zones tarifaires 81 à 87). [...] l'Etat est en droit de prendre toute mesure en vue d'assurer [un service minimum].» C'est de cela que nous parlons ! Nous parlons de cela ! Pour remplir ce contrat de prestations, nous devons avoir les moyens de le mettre en oeuvre.
Quand j'entends M. Wenger qui parle de grève, je crois qu'il y a une définition malsaine, et il faut être de bonne foi: ne pas confondre la grève préventive et la manifestation ! Alors oui, je suis pour le droit de grève et pour son maintien, mais vous confondez la notion de grève préventive et celle de manifestation, qu'on entend dans la grève du climat, dans la grève des femmes... Ce ne sont pas des grèves ! Ce sont des manifestations ! Je défends le droit de grève, je défends le droit de manifestation, mais ne confondez pas les deux choses !
Pour revenir à la finalité visée, soyez objectifs, remplissez votre rôle de parlementaires s'agissant de la mise en oeuvre du contrat de prestations des TPG qui garantit ce service minimum ! Pour garantir ce service minimum, nous demandons la possibilité, de manière supplétive, de recourir à la sous-traitance lorsque les prestations ne sont pas remplies. Ce n'est pas de l'ultralibéralisme, c'est une bonne utilisation des deniers publics. Je vous remercie. (Applaudissements.)
Le président. Merci. Je passe la parole pour onze secondes à M. Sormanni.
M. Daniel Sormanni (MCG). Merci, Monsieur le président. Vous transmettrez à Mme Bachmann que lorsqu'on parlait de soutenir toutes les populations, on parlait des habitants de Genève et de personne d'autre !
M. Alberto Velasco (S), rapporteur de majorité ad interim. Pour répondre aux desiderata de M. Hiltpold, dont il vient de nous faire part, ce qu'il faudrait, comme je le disais tout à l'heure, ce sont 250 conducteurs sur les 1200 à disposition. Les syndicats nous ont dit qu'aujourd'hui, les TPG n'ont pas ces moyens, Monsieur ! Ce que vous voulez, on est d'accord avec ça, mais il faut leur donner les moyens. Ils n'ont pas la possibilité, à moins de faire une réquisition, et là, on entre dans un autre domaine des dispositions, Monsieur. Faire une réquisition des travailleurs au moment où ils sont en grève... Je ne sais pas si vous vous rendez compte !
On a relevé aussi que les lignes privées fonctionnaient comme il faut. Mais c'est parce qu'elles n'étaient pas en grève ! Elles n'étaient pas en grève, évidemment qu'elles fonctionnaient comme il faut ! Il ne manquerait plus que ça ! Mais, Mesdames et Messieurs, quand on se met en grève - ceux qui l'ont fait une ou deux fois dans leur vie le savent - c'est un acte très grave. C'est un acte très, très grave ! Quand un travailleur décide de faire grève, il ne le fait pas de gaieté de coeur ! Je vous garantis que quand il se lève le matin, c'est dur. Ensuite, vous devez comprendre que, ma foi, les grévistes perdent aussi une partie de leur revenu. Ils mettent en péril une partie de leur revenu. Ce n'est pas une fête, comme certains ici le prétendent, comme si un jour de grève, c'était la fête !
Je tiens aussi à vous dire que quand la grève des fonctionnaires a eu lieu, j'étais dans la rue, et il y avait effectivement des citoyens qui étaient prétérités parce qu'ils ne pouvaient pas prendre le bus comme tous les jours, mais d'autres comprenaient parfaitement bien - parfaitement bien ! - qu'on puisse défendre des revendications, qui n'étaient d'ailleurs pas seulement salariales, mais qui concernaient aussi le fait de pouvoir assurer un service public de qualité. Cette grève de la fonction publique - 10 000 personnes dans la rue - n'a donc pas eu lieu seulement parce que les personnes voulaient se garantir un certain niveau de revenus, mais parce qu'elles voulaient garantir un certain niveau de prestations dans ce canton ! C'est cela, la grève, Mesdames et Messieurs ! Ce n'est pas une partie de plaisir. Parce que vous croyez que les gens se mettent en grève et se disent: «C'est chouette, demain, on fait la grève !» ? Non, Mesdames et Messieurs, c'est très, très grave, quand on se met en grève. Parce que parfois une grève, on sait quand elle commence, mais on ne sait pas quand elle finit, et elle se termine des fois avec des préjudices pour ceux et celles qui l'ont commencée.
Donc, Mesdames et Messieurs, ces projets de lois sont superfétatoires, on l'a bien dit. Toutes les dispositions nécessaires existent. Ce qui manque, c'est le partenariat social ! Ce qui manque, c'est la discussion avec les syndicats en cas de grève; quels sont les moyens qu'on met à disposition pour assurer le service public ? Voilà la réalité. Et là, ce qu'on a entendu de la part des syndicats, c'est que ce partenariat social, dans ce cas concret, n'a pas existé. C'est la raison pour laquelle, Mesdames et Messieurs, nous vous demandons de refuser ces projets de lois qui ne servent strictement à rien. Merci. (Applaudissements.)
Mme Nathalie Fontanet, conseillère d'Etat. En préambule, je souhaiterais souligner une fois de plus la complexité du rôle de conseillère d'Etat, qui consiste pour moi à venir vous donner maintenant la position du Conseil d'Etat après avoir été une députée active et déposé des projets de lois. J'aimerais aussi rappeler à M. Burgermeister que j'ai participé le 14 juin non pas à une grève - parce que je n'ai pas fait grève, et j'ai été extrêmement précise et claire sur ce point - mais à un défilé en faveur des femmes, ce que je revendique, et je suis heureuse de l'avoir fait. Merci d'en prendre bonne note.
S'agissant de ces trois projets de lois, dont un seul est une modification constitutionnelle - pour M. Dimier: les deux autres sont des modifications légales - j'aimerais rappeler la position du conseiller d'Etat François Longchamp, qui, au nom du Conseil d'Etat, avait déclaré qu'il n'appartenait pas à celui-ci de se montrer opposé ou favorable à l'idée d'une base légale, qu'aujourd'hui il existe des bases réglementaires et qu'il appartenait justement au Grand Conseil de se déterminer quant à la nécessité d'une base légale pour ce service minimum. Je n'en dirai pas plus. Il appartient à votre Conseil de prendre une décision, sachant que, pour le Conseil d'Etat, le droit de grève est évidemment un droit constitutionnel qu'il respecte. Le service minimum est aussi un service réglé par la jurisprudence. Le Conseil d'Etat valorise le partenariat social et souhaite que ce soit cela qui soit mis en avant. Merci, Mesdames et Messieurs les députés.
Le président. Merci bien. Nous passons au vote sur ces trois projets de lois, en commençant par le PL 10949.
Mis aux voix, le projet de loi 10949 est rejeté en premier débat par 48 non contre 46 oui.
Le président. Nous votons à présent sur le deuxième objet, le PL 11574.
Mis aux voix, le projet de loi 11574 est rejeté en premier débat par 62 non contre 28 oui.
Le président. Nous nous prononçons enfin sur le PL 11581.
Mis aux voix, le projet de loi 11581 est rejeté en premier débat par 48 non contre 44 oui.
Premier débat
Le président. Au point suivant de notre ordre du jour figure le PL 11414-B. Nous sommes en catégorie II, quarante minutes. Monsieur Mathias Buschbeck, vous avez la parole.
M. Mathias Buschbeck (Ve), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Chères et chers collègues, il s'agit ici d'un très vieux projet de loi, déposé par M. Grobet le 30 avril 2014, et dans l'intervalle, beaucoup d'eau a coulé sous les ponts; beaucoup d'eau a coulé aussi depuis le vote des commissaires en 2016 après un deuxième passage de ce projet de loi en commission, destiné à le sauver. Les rapports de force ont changé - les élections sont passées par là - la situation a évolué, notamment les directives de la FINMA à la suite des scandales qui ont secoué les banques «too big to fail», et donc les positions des uns et des autres ont été chamboulées. Les Verts eux-mêmes ont changé d'avis sur cet objet. J'ai demandé à un autre groupe de venir représenter la majorité sortie des travaux de commission, mais personne n'a souhaité reprendre le rapport, si bien que mon discours s'arrête là et que j'interviendrai plus tard dans la salle pour défendre notre point de vue. Il n'y aura ainsi pas de rapporteur de majorité sur ce texte. Je vous remercie.
Une voix. Bravo !
Le président. Bien, il en est pris note. Je passe la parole à Mme Jocelyne Haller.
Mme Jocelyne Haller (EAG), rapporteuse de minorité. Je vous remercie, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, le PL 11414-A avait été renvoyé à la commission législative par cette plénière au motif qu'une modification de la loi sur la Banque cantonale de Genève était intervenue entre l'examen de cet objet en commission et son traitement au Grand Conseil. Cette démarche aurait pu avoir du sens si la révision de la loi opérée en janvier 2016 avait impacté la question de la composition du conseil d'administration de la BCGE, ce qui en l'occurrence n'est pas le cas. Dès lors, un tel renvoi constituait une mesure dilatoire supplémentaire dans ce dossier.
En commission, l'amendement du rapporteur de première minorité a été refusé, qui prévoyait la désignation, au sein du conseil d'administration, d'un membre par parti représenté au Grand Conseil. Une majorité s'est en revanche construite autour d'un amendement de pseudo-consensus ou plus exactement d'une fausse bonne idée, puisque au final, le texte tel qu'il ressort des travaux ne change quasiment rien à la situation actuelle. Ceux qui ont voté cet amendement dit de compromis croyaient sans doute trouver une voie du milieu, mais ils se sont juste retrouvés au point de départ. Un statu quo rapidement identifié par les partis de l'Entente qui, ne s'y trompant pas, ont approuvé avec enthousiasme les amendements proposés à l'article 13, alinéa 2, et 13, alinéa 3, tandis que d'autres semblaient y perdre leur latin. De fait, cette proposition revenait simplement à introduire une représentation proportionnelle excluant le mandat d'un membre par parti politique élu au Grand Conseil.
La nature des débats qui ont accompagné le second examen du projet de loi n'a pas été plus élevée que celle qui avait prévalu lors de sa première étude, chacun ayant déjà eu l'occasion d'expliciter sa position. On aurait pu espérer que les poncifs les plus grossiers ne trouveraient pas leur place dans nos travaux; que nenni, le rapport de majorité vous en offre un florilège que je ne vous infligerai pas ici.
Rappelons que la revendication d'une présence au sein des conseils d'administration d'un membre par parti représenté au Grand Conseil n'est pas nouvelle, elle est l'expression de la volonté des électeurs exprimée à deux reprises, en 2008 et 2012. Ce dispositif vise à garantir tant un contrôle démocratique de la BCGE qu'une prise en compte de toutes les sensibilités politiques au sein de l'organe qui détermine la direction et les orientations stratégiques de cet établissement bancaire.
A aucun moment il n'a été question, de la part des tenants du projet de loi, de galvauder les compétences nécessaires pour exercer la fonction de membre d'un conseil d'administration d'une banque telle que la BCGE. Il s'agit non pas d'ouvrir le conseil d'administration de la BCGE à une foule d'administrateurs, mais simplement de lui adjoindre deux membres supplémentaires de sorte à assurer une représentation de toutes les sensibilités politiques. Et que l'on ne vienne pas nous dire que gestion d'une banque et politique sont antagoniques, la réalité contredit régulièrement cette affirmation.
Les représentants de la FINMA que nous avons auditionnés ont clairement admis qu'une représentation des partis au conseil d'administration n'est en aucun cas contraire à la loi; ils ont relevé que la seule question qui prévaut est celle de la compétence des postulants, prérequis qui est intrinsèque à la fonction et de surcroît soumis à la surveillance de la FINMA.
Alors faut-il politiser ou dépolitiser ? Là est la question. A ce propos, les premiers signataires du projet de loi se positionnaient très clairement: le but n'est pas de politiser ces institutions, mais au contraire de les dépolitiser en évitant des changements de majorité, en représentant les groupes politiques indépendamment de leur importance numérique au Grand Conseil. Ainsi, ce texte opère une véritable déconnexion politique ou plutôt garantit une pluralité politique indissociable de la démocratie. C'est pourquoi, Mesdames et Messieurs les députés, la minorité vous invite à accepter ses amendements présentés à la fin du rapport, puis à adopter le projet de loi 11414. Je vous remercie de votre attention. (Applaudissements.)
M. André Pfeffer (UDC). Le PL 11414 a effectivement été amendé et largement modifié. Avec les nouvelles dispositions, il ne change quasiment rien au fonctionnement actuel de la Banque cantonale. Aujourd'hui, le conseil d'administration de la BCGE comporte déjà des membres nommés par les collectivités publiques et, de ce fait, le contrôle démocratique existe. Cela étant, je vais quand même expliquer pourquoi le texte initial, qui proposait des désignations politiques, n'aurait pas convenu et aurait même été dangereux pour cette institution.
Trois choses auraient posé d'énormes problèmes. D'abord, la législation fédérale vise à renforcer les exigences en matière de compétences et impose aux membres des conseils d'administration une expérience diversifiée qui se rapporte à toutes les activités des établissements bancaires. Sur ce point, la présence de certaines personnes sur une seule base politique est totalement non conforme. Ensuite, si on augmente le nombre d'administrateurs, cela risque de créer des indiscrétions et surtout un alourdissement des débats. Enfin, le fait de prolonger la durée des mandats, comme le proposait le texte d'origine, c'est-à-dire de les faire passer à cinq ans, va tout simplement à l'inverse de ce que stipule la législation fédérale et surtout de ce que défend la FINMA.
Celle-ci a été auditionnée et a très clairement indiqué que dans sa mouture d'origine, le projet de loi était très problématique - ses représentants étaient même prêts à intervenir. Mais avec les amendements apportés et votés en commission, le groupe UDC acceptera ce projet de loi. Merci. (Exclamation.)
M. Edouard Cuendet (PLR). Ce soir, le Grand Conseil peut faire un exercice grandeur nature d'application d'un principe très cher à certains: la durabilité dans la gouvernance. En effet, Mesdames et Messieurs, beaucoup semblent l'avoir oublié - ou du moins certains semblent l'avoir oublié - mais la durabilité fait partie des critères ESG, soit l'environnement, le social et la gouvernance. Je vais donc surtout vous parler de la gouvernance qui devrait gérer la Banque cantonale de Genève.
Une gouvernance moderne et efficace ne peut pas se fonder sur une structure politisée à outrance. Cette position très claire a été réaffirmée par la FINMA lors de son audition, c'est aussi le principe de base de l'OCDE et de tous les standards reconnus au niveau international. D'ailleurs, faut-il le rappeler, les dysfonctionnements dont a souffert la BCGE à la fin des années 90 sont principalement dus à une politisation débridée qui a conduit l'établissement bancaire à sa perte. Et depuis dix-huit ans que fonctionne sa nouvelle gouvernance, la BCGE a été une grande créatrice de valeurs, elle a joué son rôle de catalyseur de l'économie genevoise, elle a reversé des millions d'impôts - enfin, de rétrocessions sur son bénéfice - à l'Etat de Genève, elle a donc parfaitement rempli sa mission avec une gouvernance moderne et adaptée à ses besoins. Mais surtout, le contrôle démocratique que certains réclament - à juste titre ! - existe déjà de manière très étendue, puisque à l'heure actuelle, huit des onze membres du conseil d'administration sont nommés par des collectivités publiques.
Ce qui gêne Ensemble à Gauche - on l'a vu avec le projet de M. Grobet, qui était absolument inapplicable - ce sont deux choses. D'une part, le fait que le Grand Conseil et le canton n'aient pas le monopole des nominations; l'Association des communes genevoises est d'ailleurs montée au créneau pour dire à quel point elle était défavorable à ce texte. D'autre part, Ensemble à Gauche ne peut pas supporter, par doctrine, que les 13 000 petits actionnaires individuels privés de la BCGE aient droit à des représentants au sein du conseil d'administration. Voilà pourquoi le projet de loi initial de M. Grobet excluait de facto cette possibilité, ce qui est évidemment non conforme à toutes les règles de gouvernance.
Il est intéressant de constater que durant l'ensemble des débats à la commission législative - des débats qui ont été sereins et constructifs - les notions de durabilité et de bonne gouvernance ont largement fait l'unanimité, autant auprès du PDC, des Verts, du PLR que de l'UDC. Au final, c'est surtout le groupe de la rapporteure de minorité, Mme Haller, qui s'est arc-bouté sur une gouvernance totalement désuète, une gouvernance qui rime plus avec connivence qu'avec compétences. Je pense que ce système ne peut plus être d'actualité.
Un autre argument a été invoqué à tort par la minorité, à savoir que d'autres banques cantonales fonctionnent selon le système de la représentation politique. Non, aucune banque cantonale comparable à la BCGE n'applique ce type de gouvernance ! On cite souvent la Banque cantonale de Zurich, mais il s'agit d'une institution publique, pas d'une société anonyme, donc ce n'est pas la même chose; en outre, elle n'est pas cotée en bourse, contrairement à la BCGE. Autant vous dire que ces attaques incessantes contre la BCGE et sa gouvernance empêchent cette banque de fonctionner convenablement. C'est la raison pour laquelle je vous invite à rejeter l'entrée en matière sur ce projet. Merci. (Applaudissements.)
M. Cyril Mizrahi (S). Mesdames et Messieurs les députés, certains nous disent que le projet de loi tel qu'amendé ne change rien à la situation actuelle, d'autres - peut-être parmi ceux qui ont changé d'avis - vont probablement bientôt objecter que ça change tout. Bon, ce compromis n'est sans doute pas révolutionnaire, eu égard à ce qui se pratique maintenant... Encore que je n'en sois pas totalement certain, puisque actuellement, la représentativité de l'ensemble des sensibilités politiques au niveau du canton n'est pas assurée.
Toujours est-il que ce compromis vise à maintenir à la fois une direction ramassée - il n'y a pas d'augmentation du nombre de membres du conseil d'administration - et des compétences fondamentales au sein de cet organe, mais également - également ! - un équilibre des forces politiques, Mesdames et Messieurs, parce que nous parlons ici d'un service public. Ce n'est pas une banque comme une autre; c'est bien une société anonyme - je vous l'accorde, Monsieur Cuendet - mais une société anonyme de droit public; c'est un outil qui est garanti par notre constitution cantonale.
Beaucoup ont cité la FINMA, prétendant que les règles ont changé. Or, en réalité, Mesdames et Messieurs, est aujourd'hui applicable la «Circulaire 2017/1 Gouvernance d'entreprise - banques», entrée en vigueur le 1er juillet 2017 ! Je vous encourage à relire cette directive, notamment ses chiffres marginaux 23 et suivants qui stipulent ceci:
«Les membres de l'organe responsable de la haute direction de banques cantonales ou communales désignés ou élus par les cantons, communes ou autres corporations de droit public cantonales ou communales sont réputés indépendants au sens des Cm 18 à 22:
- s'ils n'appartiennent pas au gouvernement ou à l'administration du canton ou de la commune ni à une autre corporation de droit public communale ou cantonale, et
- s'ils ne reçoivent pas d'instructions de l'organe qui les a élus relatives à leur activité en tant que membres de l'organe responsable de la haute direction.»
Mesdames et Messieurs, c'est très clair: ce que nous vous proposons avec ce projet de loi amendé est parfaitement conforme à la directive de la FINMA et si, pour s'en convaincre, d'aucuns ont besoin de réétudier la chose, eh bien je vous encourage tout simplement, au nom du groupe socialiste, à renvoyer ce projet en commission. Je vous remercie. (Rares applaudissements.) Merci pour vos applaudissements, les gars !
Le président. J'imagine que vous demandez le renvoi à la commission législative ?
M. Cyril Mizrahi. Oui.
Le président. Bien, merci. Les rapporteurs ont-ils quelque chose à dire ? Enfin... plutôt la rapporteuse ?
Mme Jocelyne Haller (EAG), rapporteuse de minorité. Oui, Monsieur le président, merci. Je ne vois pas ce qu'un retour en commission pourrait apporter, je pense que l'essentiel a été dit. Cela étant, au vu de l'opacité des débats qui ont eu lieu et du fait qu'un certain nombre de personnes au sein de la commission législative ont voté à l'époque en croyant ouvrir une porte alors qu'en réalité elles confirmaient simplement la situation actuelle, on se dit qu'il vaudrait mieux qu'elles aillent y regarder de plus près, d'une part pour se rendre compte de ce qu'elles ont soutenu, d'autre part pour déterminer comment elles pourraient se rapprocher de la position exprimée par les citoyens lors des votations référendaires de 2008 et 2012.
Le président. Merci. Nous sommes donc saisis d'une demande de renvoi en commission que je mets aux voix.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 11414 à la commission législative est rejeté par 57 non contre 33 oui.
Le président. Nous poursuivons le débat, et je passe la parole à M. Daniel Sormanni.
M. Daniel Sormanni (MCG). Je redemande le renvoi, donc ? (Commentaires.) Ah oui, merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, c'est vrai, à l'époque, le MCG s'était montré favorable au renvoi en commission. Il faut savoir que le projet qui nous est soumis aujourd'hui est complètement différent de celui que nous avions signé, il s'en écarte énormément. La seule chose qu'il introduit, c'est une sorte de proportionnalité pour permettre aux différentes sensibilités politiques d'être représentées au sein du conseil d'administration de la BCGE.
Ce texte ne nous satisfait pas vraiment, et je crois que nous avons meilleur temps de lui faire refaire un petit tour en commission de façon à bien clarifier les choses. J'ai entendu le député Mizrahi tout à l'heure nous expliquer - nous lire, même - la directive de la FINMA, ça montre qu'il est possible d'opérer certaines modifications, contrairement à ce qu'on essaie de nous faire croire.
Enfin, on vient nous donner des leçons ici, d'aucuns prétendent qu'ils ne veulent pas d'un retour du politique dans la gestion de la BCGE, mais je rappelle que ni la gauche ni le MCG ne siégeaient au conseil d'administration à l'époque, la Banque cantonale était aux mains du PDC ! Alors venir aujourd'hui nous faire la leçon sur la connivence, c'est quand même sacrément déplacé ! En ce qui me concerne, je demande à nouveau le renvoi en commission de ce projet de loi.
Le président. Je vous remercie. Madame la rapporteuse, vous n'avez rien à ajouter sur cette proposition ? (Remarque.) Parfait, alors j'ouvre à nouveau le vote sur le renvoi en commission.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 11414 à la commission législative est rejeté par 55 non contre 30 oui et 1 abstention.
Le président. La parole va à M. Marc Fuhrmann.
M. Marc Fuhrmann (UDC). Merci, Monsieur le président. Même si ce projet est différent de celui qui avait été proposé à l'origine, une banque - qui plus est une banque comme la BCGE - n'a en aucun cas besoin de l'intervention du politique au sein de son conseil d'administration; ce dont elle a besoin, c'est de compétences. Il s'agit d'une entreprise cotée en bourse, bien qu'elle soit détenue en grande partie par des actionnaires publics, et le politique n'a rien à y faire. Tout au long de l'histoire financière, chaque fois que des politiciens se sont immiscés dans les activités bancaires, ça s'est très mal terminé. Une banque se doit d'être au-dessus des discussions et des modes politiques, qu'elles soient vertes, de droite, de gauche, peu importe, elle doit voler plus haut que tout cela; une banque fonctionne selon un mécanisme complexe et fragile qui, comme je viens de le dire, a besoin de compétences, pas de débats politiques. C'est pourquoi l'UDC, Mesdames et Messieurs - et je corrige mon préopinant - va rejeter ce texte de toutes ses forces et vous invite à faire de même. Merci.
M. Mathias Buschbeck (Ve). Chères et chers collègues, contrairement à ce qui a été dit par la rapporteuse de minorité, que je tiens à corriger, les Verts sont attachés aux représentations politiques et à un fonctionnement citoyen des institutions de droit public, ainsi que la population l'a demandé lors des votations populaires sur les TPG, les établissements médicaux et les SIG. Mais en ce qui concerne la Banque cantonale, la situation est quand même sensiblement différente, certains ont un peu de peine à l'entendre.
Premièrement, la BCGE est une société anonyme cotée en bourse - on l'a dit - ses administrateurs sont donc soumis au droit, et c'est loin d'être un détail. Deuxièmement, il s'agit d'une banque, ce qui signifie qu'elle est placée sous le contrôle de la FINMA. C'est plutôt une bonne chose, vous me direz. Depuis les scandales au sein des banques «too big to fail» qui se trouvaient en grande difficulté, la surveillance des établissements bancaires a été renforcée. C'est une bonne chose, mais cela implique que le contrôle sur la Banque cantonale et la nomination de son conseil d'administration a été renforcé aussi. Enfin, troisième point, et pas des moindres, la BCGE évolue dans un univers concurrentiel, contrairement aux TPG ou aux SIG. Loin de moi l'idée de défendre une banque - ce serait vraiment dur ! - mais il faut admettre que la BCGE appartient aux collectivités publiques et que, partant, ses grands concurrents sont Credit Suisse et l'UBS. Il s'agit donc de la soutenir face à ces grandes institutions.
La gouvernance actuelle de la Banque cantonale a été introduite suite aux scandales du début du siècle, et elle fonctionne. Le conseil d'administration est composé de onze membres, ce qui est déjà le nombre le plus élevé qu'on puisse trouver aujourd'hui au sein des organes similaires des banques cantonales, qui sont normalement constitués de moins de personnes, et ce pour une raison fort simple: si vous instaurez davantage que onze membres, vous créez un comité de la banque, ce qui est moins démocratique et va à l'encontre des buts de ce projet de loi. En effet, c'est alors le comité de la banque qui prend les décisions, non plus le conseil d'administration. Ce nombre est donc le maximum utile pour la BCGE. Comme il a été dit, huit des onze membres sont actuellement nommés par les collectivités publiques selon un long processus qui vise à préserver l'équilibre des compétences - c'est quelque chose d'autre que la seule addition des nominations par les partis.
Siéger au conseil d'administration, c'est l'obligation de défendre les intérêts de la banque - contre ceux de son propre parti, s'il le faut - et de garder le secret bancaire, autant de choses qui n'existent pas dans les autres organismes de droit public. Et comme je l'ai dit, le contrôle de la FINMA n'est pas un détail, puisque chaque administrateur doit être validé par cette instance. Ce n'est pas juste qu'on lui transmet une liste et qu'elle la confirme, non. Je lis ce qui a été indiqué par le représentant de la FINMA lors de son audition: «Il faut [...] que, lorsqu'un administrateur part, la compétence particulière qu'il offrait au conseil d'administration soit remplacée par une personne compétente dans le même domaine.» Or comment faire pour garantir que la personne représentant le même parti ait les mêmes compétences ? Ce n'est pas possible, cette loi sera donc synonyme de blocages, cette loi sera synonyme de recours.
Aujourd'hui déjà, le Conseil d'Etat tout comme les entités publiques que sont l'ACG et la Ville de Genève tiennent compte des forces politiques présentes dans le canton lorsqu'ils nomment le conseil d'administration de la BCGE; des personnes de toutes les sensibilités, y compris de celle de Mme Haller, y ont été nommées. Cet équilibre est assuré par le fonctionnement actuel, Mesdames et Messieurs, et c'est la raison pour laquelle je vous enjoins de ne pas entrer en matière sur ce projet de loi. Merci. (Applaudissements.)
M. Olivier Cerutti (PDC). Mesdames et Messieurs, la BCGE montre depuis quinze ans qu'elle fonctionne durablement et qu'elle rend des services à la population, ce qui est le plus important pour nous. A choisir entre politisation et dépolitisation, le parti démocrate-chrétien est plutôt en faveur d'une dépolitisation du système. Aujourd'hui, huit membres du conseil d'administration sont nommés par les collectivités publiques, ils représentent l'Etat, la Ville de Genève et les communes. D'ailleurs, l'Association des communes genevoises, la Ville de Genève et le canton sont pour le statu quo, ils ont demandé que les choses ne changent pas.
On pourrait même se demander s'il ne vaudrait pas mieux défendre les petits actionnaires, qui ne sont actuellement représentés qu'à hauteur d'environ 30% - désolé pour ce chiffre vague, je n'étais pas à la commission législative et je n'ai pas une connaissance du dossier aussi approfondie que celle de mes préopinants. En tout cas, je pense que la représentativité de l'actionnariat privé pourrait, elle aussi, être relevée.
Mesdames et Messieurs, il est nécessaire de conserver le statu quo pour que la banque puisse poursuivre sa mission, une mission qui s'inscrit dans la durabilité du monde financier, notamment de la place financière genevoise. Je vous remercie de refuser l'entrée en matière sur ce projet de loi.
Une voix. Bravo ! (Applaudissements.)
Le président. Merci. Je passe la parole à M. Guy Mettan pour deux minutes.
M. Guy Mettan (HP). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs, j'ai bien écouté les différentes interventions et je constate, comme chacun d'entre vous, que même ceux qui proposent ce vague compromis n'en sont pas vraiment convaincus: je ne vois donc pas pour quelle raison on persévérerait dans ce sens. Les initiants eux-mêmes sont si peu sûrs d'eux qu'ils cherchent à renvoyer le projet de loi en commission !
Sur le fond, il me semble qu'on change la gouvernance d'un établissement, d'une entreprise ou d'un organisme quand les choses vont mal. Or les choses vont très bien pour la BCGE ! Au cours des quinze dernières années, elle s'est durablement rétablie. Le cours de l'action, c'est-à-dire la valeur de la banque, y compris pour les actionnaires publics, a doublé ces douze dernières années, donc l'établissement est très bien géré. Dans ces conditions, il n'y a aucune raison de changer quoi que ce soit. Le mieux est l'ennemi du bien: il n'y a pas lieu de modifier l'organisation actuelle et il convient de refuser l'entrée en matière sur ce projet de loi.
Mme Jocelyne Haller (EAG), rapporteuse de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, permettez-moi de répondre à quelques remarques émises par certains d'entre vous, la première étant que la présence d'un membre par parti au sein du conseil d'administration entrerait en contradiction avec l'expérience requise pour les administrateurs; eh bien si le fait d'appartenir à un groupe politique exclut que l'on possède des qualifications, je m'inquiète très sérieusement pour le bilan de compétences de cette assemblée dont chaque membre est affilié à un parti ! (Applaudissements.) Quant au risque prétendument plus élevé de rupture de la confidentialité sous prétexte qu'il y aurait deux membres supplémentaires, j'avoue que je ne peux pas suivre la personne qui a tenu ces propos.
Ensuite, quelqu'un a pointé du doigt la durée des mandats: pourquoi cinq ans à Genève alors que partout ailleurs, ils sont de quatre ans ? Tout simplement parce que depuis l'adoption de la nouvelle constitution, au cas où vous ne l'auriez pas remarqué, tous les conseils d'administration et de fondation de notre canton sont désignés pour cinq ans, et dans l'intention des auteurs de ce projet de loi, il s'agissait d'aligner le conseil d'administration de la BCGE sur celui des autres établissements de droit public.
J'aimerais aussi revenir sur la question de la surpolitisation. Laissez-moi rire ! Avec la représentation actuelle des sensibilités, on ne ferait pas de politique, il n'y aurait pas de politisation des conseils ? Et il suffirait d'ajouter deux membres pour que cette neutralité saute, comme si le fait d'avoir une personne par parti conduisait à l'échec de tous les conseils d'administration ! Encore une fois, permettez-moi de m'interroger quant à la manière dont sont gérées aujourd'hui l'essentiel des institutions de droit public de notre canton, qui prévoient déjà ce type d'organisation - vous vous en souvenez certainement, puisque cela a fait l'objet de longs travaux dans notre parlement. Il faut encore relever que si les problèmes de la BCGE ont été mis à jour en leur temps, c'est parce que des membres du conseil ont levé le lièvre, et ils étaient plus proches de nos milieux que des vôtres.
Enfin, M. Cuendet - vous transmettrez, Monsieur le président - invoquait une gouvernance désuète qui rimerait davantage avec accointances qu'avec compétences; si c'est là la perception qu'il a du fonctionnement des entités de droit public de notre canton, alors je m'inquiète pour lui autant que pour ces organismes. En réalité, il s'agit d'un argument grossier pour écarter la proposition avancée par notre groupe.
Je le répète, Mesdames et Messieurs: cette proposition est inspirée par le résultat des différents référendums relatifs à la gouvernance des instituts de droit public; pour nous, c'est l'assurance que l'ensemble des sensibilités politiques soient représentées, et si on se montrait un peu honnête et qu'on sortait des arguties politiques de bas étage, on devrait reconnaître que garantir la pluralité au sein de ces instances permettrait d'en améliorer le fonctionnement démocratique. Je vous remercie de votre attention.
Mme Nathalie Fontanet, conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, malgré les amendements qu'il a subis, ce projet de loi va dans le mauvais sens. La BCGE fait ses preuves depuis de nombreuses années, plus précisément depuis l'instauration de sa nouvelle forme de gouvernance, et l'organisation actuelle de son conseil d'administration est tout à fait satisfaisante. Le développement de la banque est équilibré et la bonne tenue du titre sur les marchés sert directement l'Etat ainsi que d'autres collectivités publiques. Les dividendes ont augmenté, Mesdames et Messieurs, et nous en sommes bénéficiaires. J'ajoute que le Conseil d'Etat rencontre régulièrement les organes de la banque pour s'enquérir de la marche des affaires et que celle-ci, de son côté, en tient également le Conseil d'Etat informé.
La BCGE joue un rôle économique majeur pour notre canton, et nous ne pouvons pas lui imposer des contraintes supplémentaires qui la désavantageraient par rapport aux autres banques, nous devons nous assurer qu'elle continue à prospérer de la même façon. Son conseil d'administration remplit la tâche qui lui est dévolue. L'introduction d'influences politiques en son sein serait préjudiciable. Il est important de souligner - quelques députés l'ont fait - que selon certains observateurs, les dysfonctionnements de l'institution à la fin des années 90 relevaient justement de l'intrusion du politique dans le choix des administrateurs. Mesdames et Messieurs, ne commettons pas deux fois la même erreur !
Le Conseil d'Etat tient à rappeler que la Banque cantonale de Genève est une entreprise commerciale et non un monopole d'Etat. Contrairement à l'Aéroport international de Genève, aux Transports publics genevois, à l'Hospice général ou à certains établissements publics médicaux qui, eux, sont des instituts de droit public bénéficiant d'une situation de quasi-monopole, la BCGE est une entreprise commerciale, organisée sous forme de société anonyme de droit public, c'est vrai, et à qui une politique publique a été confiée, mais qui concerne le développement économique de Genève et de sa région. Le législateur cantonal doit impérativement veiller - il s'agit de votre responsabilité, Mesdames et Messieurs ! - à ne pas disqualifier la banque et diminuer sa compétitivité en lui imposant des contraintes organisationnelles supplémentaires par rapport à ses concurrents.
La surveillance des établissements bancaires relève de la compétence exclusive de la FINMA, elle n'appartient pas aux pouvoirs politiques - heureusement, d'ailleurs ! A chacun son rôle ! Il ne revient pas au pouvoir politique de s'emparer de ce contrôle en nommant des administrateurs dont la plus grande compétence sera d'appartenir à tel ou tel parti politique.
Une voix. Mais non !
Mme Nathalie Fontanet. La FINMA a d'ailleurs modifié un certain nombre de règles qu'elle avait émises visant à contrôler les compétences des administrateurs. Le réservoir d'administrateurs potentiels, s'ils devaient soudain répondre à l'ensemble des exigences posées par la FINMA, risque d'être mince, Mesdames et Messieurs, que cela vous plaise ou non, que cela interroge quant aux qualités des députés, que cela interroge quant à celles des conseillers et conseillères d'Etat. Nous souhaitons le meilleur pour notre canton, la BCGE est en droit d'attendre le meilleur également pour son conseil d'administration. Il faut faire en sorte qu'elle continue à jouer son rôle économique essentiel pour le canton, il faut l'encourager à créer des emplois, à soutenir sa clientèle.
Un dernier élément, Mesdames et Messieurs: les clients et les actionnaires des banques tiennent à la discrétion, ils ne veulent pas que les conseils d'administration soient soumis à des querelles politiques, ils veulent que la priorité soit accordée aux compétences et à rien d'autre. Le modèle proposé n'est pas compatible avec la cotation en bourse du titre ni avec la présence de 14 530 actionnaires privés - ce sont les chiffres au 30 juin 2018; il nuirait à la réputation de la banque, à son statut autonome, à son image auprès de la clientèle. La Banque cantonale de Genève ne doit pas devenir l'otage des politiques, elle doit rester indépendante, elle doit poursuivre le chemin de la réussite et de la croissance, elle doit continuer à verser des dividendes au canton et aux collectivités publiques, et je vous encourage, au nom du Conseil d'Etat, à ne pas entrer en matière sur ce projet de loi qui porterait atteinte aux immenses progrès accomplis par cette institution dont notre canton est extrêmement fier. Merci, Mesdames et Messieurs les députés.
Une voix. Bravo ! (Applaudissements.)
Le président. Merci bien. A présent, nous passons...
Mme Jocelyne Haller. Vote nominal !
Le président. Etes-vous soutenue ? (Quelques mains se lèvent.)
Une voix. C'est un peu mou, tout ça...
Une autre voix. Ouais, c'est un peu mou.
Le président. Il faut vingt et une voix, c'est ça ? (Remarque.) Ah, pardon: onze. (D'autres mains se lèvent.) C'est bon, c'est bon ! Nous passons au vote nominal sur ce projet de loi.
Mis aux voix, le projet de loi 11414 est rejeté en premier débat par 58 non contre 28 oui et 1 abstention (vote nominal). (Applaudissements à l'annonce du résultat.)
Le président. Le prochain objet... (Protestations.) Bon, il est 18h40, je vous libère pour le week-end ! (Exclamations. Applaudissements.) Au revoir et merci pour le travail accompli.
La séance est levée à 18h40.