Séance du
jeudi 7 novembre 2019 à
10h15
2e
législature -
2e
année -
6e
session -
33e
séance
M 2319-A
Débat
Le président. Nous passons à l'objet suivant, à savoir la M 2319-A, dont le débat est classé en catégorie II, trente minutes. Le rapport est de M. Charles Selleger, à qui je donne la parole.
M. Charles Selleger (PLR), rapporteur. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, c'est dans le contexte de plusieurs départs inattendus parmi les cadres des HUG, autant dans le secteur administratif que médical, de problèmes dans les successions de chefs de service, notamment en ophtalmologie et en chirurgie orthopédique, de rumeurs quant à des burn-outs, du favoritisme et une mauvaise gouvernance que la proposition de motion 2319 a été déposée en mars 2016. Renvoyée dans un premier temps à la commission de la santé, elle a ensuite été traitée par celle de contrôle de gestion.
Que demande ce texte ? D'une part d'améliorer la gouvernance et le management des HUG afin de garantir la qualité des soins, d'autre part d'éclaircir les conditions du départ annoncé d'une sommité mondiale - je veux parler du professeur Ratib, qui était responsable de la médecine nucléaire - et de préserver sa collaboration avec l'hôpital, enfin d'établir un rapport détaillé sur les départs des différents cadres supérieurs et chefs de clinique au cours des trois dernières années.
Comme souvent dans les affaires peu claires survenues au sein de l'administration ou des grandes régies, par exemple des HUG, il est difficile de comprendre ce qui s'est passé exactement. La commission a procédé à de nombreuses auditions: celles du président du conseil d'administration, M. Canonica, du directeur médical, le professeur Perrier, du directeur général, M. Levrat, du magistrat chargé du département, le conseiller d'Etat Mauro Poggia, et des médecins impliqués, dont le professeur Ratib que je viens de mentionner. Toutefois, la part des choses est restée difficile à établir.
Comme souvent aussi lorsque l'examen de certaines motions traîne en longueur, les sujets qui les ont suscitées deviennent obsolètes. L'étude de cet objet a été retardée, c'est vrai, dans l'attente d'un rapport de la Cour des comptes, le rapport n° 120 publié en septembre 2017 qui traite de la gouvernance des HUG et contient plusieurs recommandations pour rectifier des dysfonctionnements, entre autres au sein du conseil d'administration.
Finalement, la commission de contrôle de gestion n'a retenu que la première des trois invites de la proposition de motion, celle qui recommande au Conseil d'Etat d'«engager les réformes nécessaires pour une gouvernance et un management propres à nous garantir de conserver une qualité de soins irréprochable aux HUG». Sous cette forme, le texte a été accepté par 7 oui contre 3 non et 3 abstentions. La majorité vous recommande donc de l'adopter et de le renvoyer au Conseil d'Etat. Merci.
M. Christo Ivanov (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, le rapporteur vient de le dire: la commission a amputé cette proposition de motion de plusieurs invites pour n'en garder qu'une seule, la première qui traite de la gouvernance. Le texte était en effet essentiellement axé sur cette question. Les HUG, c'est 1,2 ou 1,3 milliard de recettes, ce sont également 880 millions de subventions, soit un total supérieur à 2 milliards. Les recettes étant en augmentation de 200 millions et les prestations remboursées par les caisses maladie, on peut s'interroger sur ces vases communicants. Les activités de l'hôpital devraient être couvertes par les prestations pour le plus grand intérêt de notre collectivité. Or les subventions sont énormes et on nous demande toujours plus, donc il y a un vrai problème de gouvernance. Pour toutes ces raisons, le groupe UDC vous invite à voter la proposition de motion telle qu'amendée. Je vous remercie.
M. Bertrand Buchs (PDC). Le parti démocrate-chrétien votera cette proposition de motion. Comme pour beaucoup de motions pendantes devant les commissions de la santé ou de contrôle de gestion - la précédente, par exemple - il s'écoule toujours un certain laps de temps entre leur dépôt et le moment où on en discute en plénum. Le problème mis en évidence ici est d'ordre général, il concerne notamment la nomination des chefs de service.
En effet, lorsque quelqu'un devient chef de service à l'Hôpital cantonal, on constate souvent des problèmes - relationnels, la plupart du temps - pour les gens en place. Ainsi, il arrive que ces professionnels qui ont été formés, qui ont bénéficié d'un investissement important de l'Etat et de la collectivité pour leur formation et le développement de leur carrière quittent les Hôpitaux universitaires de Genève. Quasiment tous les services hospitaliers où une nouvelle nomination est intervenue ont connu des difficultés ces dernières années, ce qui soulève des interrogations quant à la façon de procéder. Il faut savoir que les nominations sont le fait de la faculté de médecine; ensuite, l'Hôpital cantonal décide s'il accepte le médecin proposé.
En ce qui nous concerne, je pense que nous devons discuter de cette gouvernance qui a tout de même été écornée par le rapport de la Cour des comptes, il faut que les HUG retrouvent un peu de sérénité lors des nominations et des changements de chefs de service. Vous savez qu'une sous-commission de la commission de contrôle de gestion examine actuellement une affaire dans un département précis; peut-être cette sous-commission, puis la commission de contrôle de gestion pourront-elles apporter une réponse plus claire et plus positive que ce texte, mais dans l'intervalle, nous accepterons celui-ci. Je vous remercie. (Applaudissements.)
M. Pierre Conne (PLR). Chers collègues, cet objet parlementaire est resté près de quatre ans en commission, mais dans le fond, ce laps de temps lui a permis, comme à un bon vin, de subir une saine décantation et de se départir du particulier pour ne conserver que l'essentiel. A cet égard, je salue les conclusions des commissaires qui ont effectivement retenu l'invite principale de la proposition de motion, à savoir: «engager les réformes nécessaires pour une gouvernance et un management propres à nous garantir de conserver une qualité de soins irréprochable aux HUG».
Quel est le problème, somme toute ? Il est formulé en quelques lignes à la page 34 du rapport. Lors de son audition, le professeur Jacques Philippe, à l'époque président du collège des chefs de service, a indiqué ceci: «[...] la situation est difficile et la tendance actuelle est de ne pas rester trop longtemps dans un hôpital» - comprenez non pas comme patient, mais comme professionnel: les carrières s'écourtent, et les gens ont tendance à partir - «pour différentes raisons. En effet, la pression administrative est importante, le métier est compliqué, et la plupart des médecins doivent exercer une fonction clinique, de recherche, d'enseignement et d'administration. Ceci fait que le poids quotidien est assez important. Depuis une vingtaine d'années, l'attractivité à une carrière hospitalière a diminué. Il y a une situation globale de pression plus importante qu'auparavant dans les hôpitaux» et «la situation genevoise est particulière de par sa gouvernance qui a déstabilisé un certain nombre de médecins.» Et de préciser: «[...] le comité de direction est formé de 9 personnes, et [...] sur ces 9 personnes, il n'y a qu'un seul médecin.» Un comité de direction ne comprenant qu'un seul médecin ne peut faire face à l'explosion des problèmes spécifiques de 70 services hospitaliers !
Ce qu'il faut en déduire, Mesdames et Messieurs, c'est qu'aujourd'hui, les professionnels de la santé - on parle ici des médecins, mais c'est également le cas des soignants - ont besoin de retrouver du sens à leur pratique, ils ne se satisfont plus d'être les rouages d'une machine gérée par des administrateurs et des financiers - sous-entendu: des technocrates - et il faut donc leur redonner toute leur place de manière qu'ils puissent s'exprimer pleinement dans leur métier, qu'ils soient satisfaits de leur activité et que la finalité soit obtenue, c'est-à-dire assurer la qualité des soins. Cela étant dit, Mesdames et Messieurs, le groupe PLR votera cette proposition de motion telle qu'amendée et vous invite à faire de même. Je vous remercie de votre attention. (Applaudissements.)
M. Sylvain Thévoz (S). Mesdames et Messieurs les députés, le parti socialiste refusera cette proposition de motion qui date de 2016, qui est désuète, qui a été gelée durant trois ans parce que la Cour des comptes travaillait à un rapport, rapport dont un certain nombre de recommandations - neuf, pour être précis - ont été mises en oeuvre tandis que huit sont en cours de réalisation. Dès lors, l'objectif du texte est pleinement atteint.
Aujourd'hui, M. Conne nous dit qu'il ne reste que l'essentiel, à savoir la première invite qui exhorte le Conseil d'Etat «à engager les réformes nécessaires pour une gouvernance et un management propres à nous garantir de conserver une qualité de soins irréprochable aux HUG». Mesdames et Messieurs les députés, vous conviendrez que cette invite peut s'appliquer à n'importe quelle entité du champ de l'Etat - police, Hospice général - car elle est d'un caractère englobant, elle dit simplement que l'Etat doit fonctionner, et bien fonctionner, et que les HUG doivent être gérés correctement. Si on commence à déposer des objets avec ce genre d'invites, l'ordre du jour du parlement sera vite encombré et nous ne pourrons plus travailler à un rythme serein.
Je le répète: cette proposition de motion n'apporte rien, la Cour des comptes a rendu un rapport qui est en passe d'être réalisé. Allons au-delà des postures politiques et refusons ce texte afin de n'encombrer ni la commission de contrôle de gestion, ni celle de la santé, ni le Conseil d'Etat avec des objets qui ne sont plus d'actualité. Merci beaucoup.
Mme Alessandra Oriolo (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, les Vertes refuseront également cette proposition de motion qui, comme l'a indiqué mon préopinant Sylvain Thévoz, est parfaitement obsolète. C'est un texte de 2016 dont tous les considérants sont dépassés et qui relève vraiment du micromanagement: on cite des problèmes au sein du service d'ophtalmologie, le départ d'un professeur de médecine nucléaire... Toutes ces questions sont réglées aujourd'hui.
Si nous sommes soucieux de la gouvernance des HUG - il y a certes des améliorations à apporter, tout n'est pas parfait et nous devons faire mieux sur ce point - ce n'est toutefois pas avec ce genre de texte généraliste que nous parviendrons à résoudre quelques problèmes de gouvernance qui, à mon avis, n'affectent pas la qualité des soins à l'heure actuelle - ce sont deux choses qu'il faut distinguer. Le Grand Conseil n'est pas là pour faire du micromanagement en faveur de l'Hôpital cantonal, qui est d'ailleurs une institution autonome. Un rapport de la Cour des comptes a été rendu en 2017 sur la gouvernance des HUG, dont l'ensemble des recommandations avait été mis en oeuvre au 30 juin 2019, et il revient maintenant d'une part à la Cour des comptes de s'assurer que tout suit son cours, d'autre part à la commission de contrôle de gestion de vérifier que les recommandations sont réellement appliquées, ce que nous ferons naturellement.
Pour le surplus, nous vous invitons à rejeter cette motion obsolète qui ne fait que surcharger l'ordre du jour de notre parlement - je m'adresse notamment à la droite toujours si soucieuse que nous n'ayons pas trop d'objets en cours. Je vois difficilement ce que le Conseil d'Etat pourrait faire avec un texte qui vise «à engager les réformes nécessaires pour une gouvernance et un management propres à nous garantir de conserver une qualité de soins irréprochable aux HUG». C'est vraiment flou et très abstrait, et nous n'entrerons pas en matière là-dessus. Je vous remercie.
Une voix. Bravo ! (Applaudissements.)
M. Daniel Sormanni (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, rappelez-vous le titre de cette proposition de motion: «Fuite des cerveaux aux HUG: arrêtons l'hémorragie !» Son examen à la commission de contrôle de gestion a bien démontré que son titre tout comme son contenu étaient totalement inadéquats. En effet, il n'y a ni fuite de cerveaux ni hémorragie à stopper aux HUG, hormis celles des patients; c'est la raison pour laquelle la commission a complètement vidé ce texte de sa substance, il n'en reste que la première invite qui est extrêmement générale.
Mesdames et Messieurs, les choses sont sur les rails, il y a eu un rapport de la Cour des comptes dont les recommandations relatives à la gestion des HUG ont été acceptées et sont en cours d'application - je crois même que la plupart d'entre elles sont déjà réalisées, le magistrat nous le dira tout à l'heure. Cette proposition de motion n'a plus de sens, le MCG la refusera et vous invite à en faire de même. Merci.
Une voix. Bravo !
M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, il est cocasse de constater que ceux qui soutiennent cette proposition de motion sont les mêmes qui veulent faire passer de plus en plus de patients du secteur public au privé. Or, on le sait, un institut formateur exige une quantité suffisante de patients pour que les étudiants puissent acquérir les connaissances nécessaires; pour que l'on ait un intérêt à devenir professeur dans un hôpital, il faut que cet établissement fasse de la recherche, qu'il dispense de la formation, qu'il soigne des patients.
On nous parle de fuite de cerveaux, mais comme l'a dit très justement M. Sormanni, il n'y a aucune fuite. J'aimerais citer deux chiffres sur la période de dix ans allant de 2006 à 2016. Pourquoi 2016 ? Parce que cet objet a été déposé en mars 2016, ce qui en dit long sur son actualité, et que les HUG ont été entendus le 9 mai 2016. Sur ces dix ans, on a enregistré le départ de 43 personnes au sein du professorat, dont quatre - quatre, Mesdames et Messieurs ! - pour le privé; le reste, ce sont des départs à la retraite, à l'étranger et aussi quelques décès, malheureusement. Vous voyez bien qu'il n'y a aucune fuite de cerveaux ! Les HUG doivent simplement continuer à délivrer des prestations de qualité, comme ils le font très bien aujourd'hui.
Ce texte fait partie des coups de boutoir réguliers à l'encontre des Hôpitaux universitaires, que je regrette personnellement et qui ont été partiellement récompensés par une décision du Tribunal administratif fédéral, laquelle nous amènera à développer une nouvelle planification hospitalière à partir de 2020. Les cliniques privées joueront un rôle accru dans le secteur de la santé avec l'argent public - c'est la fin de la phrase qui est la plus importante, car le rôle des cliniques privées dans le domaine sanitaire à Genève n'a jamais été contesté, ni sa qualité ni même son utilité. Voilà, il reste maintenant une invite qui veut dire tout et rien à la fois, vous pourriez en déposer tous les jours de ce type-là pour nous demander d'exécuter notre travail, je pense que nous sommes là pour cela et que nous le faisons.
Pour ce qui est de la Cour des comptes, elle a effectivement mis en évidence des points à améliorer en ce qui concerne la gouvernance entre la direction et le conseil d'administration; ses propositions ont été acceptées et immédiatement mises en oeuvre par le président du conseil d'administration et le directeur général, ce qui fait qu'aujourd'hui - les membres du conseil d'administration pourront le confirmer - on relève une participation et surtout une information beaucoup plus larges qu'elles ne l'étaient auparavant.
Je ne vous cache pas que la politisation accrue des conseils d'administration de nos entités autonomes n'est pas toujours favorable à la transparence. Les politiques de santé sont mises en place par l'hôpital, et si immédiatement après l'exposé de ses projets, celui-ci se retrouve sur la place publique ou face à la concurrence - il y en a tout de même aussi - eh bien ce n'est pas idéal. Quoi qu'il en soit, il s'agit d'un établissement public qui doit satisfaire à des règles que la Cour des comptes a rappelées, et il le fait. Voilà pourquoi le Conseil d'Etat vous demande de ne pas entrer en matière sur une proposition de motion qui n'apporte rien à son activité quotidienne ni, par ricochet, à celle des Hôpitaux universitaires de Genève. Je vous remercie.
Le président. Merci. Mesdames et Messieurs, c'est le moment de voter.
Mise aux voix, la proposition de motion 2319 est rejetée par 48 non contre 43 oui.