Séance du vendredi 18 octobre 2019 à 18h
2e législature - 2e année - 5e session - 26e séance

M 2417-A
Rapport de la commission de l'économie chargée d'étudier la proposition de motion de Mmes et MM. Jean-Marc Guinchard, Jean-Luc Forni, Anne Marie von Arx-Vernon, Geneviève Arnold, Delphine Bachmann, Guy Mettan, Jean-Charles Lathion, Olivier Cerutti, Marie-Thérèse Engelberts, François Lefort, Boris Calame, Emilie Flamand-Lew, Sarah Klopmann, Mathias Buschbeck, Yves de Matteis, Sophie Forster Carbonnier pour une meilleure protection de l'environnement de la part de l'aéroport de Genève
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session IX des 28 février et 1er mars 2019.
Rapport de majorité de M. François Lefort (Ve)
Rapport de minorité de M. André Pfeffer (UDC)

Débat

Le président. Nous en avons fini avec les urgences et nous reprenons notre ordre du jour. Nous sommes à la M 2417-A, que nous traiterons en catégorie II, quarante minutes. (Un instant s'écoule.) Je passe la parole au rapporteur de majorité, M. François Lefort.

M. François Lefort (Ve), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Cette motion tripartite émanait du PDC, rejoint ensuite par les Verts et Ensemble à Gauche. Elle demande au Conseil d'Etat d'intervenir auprès de l'Aéroport de Genève pour que, avec l'accord de l'Office fédéral de l'aviation civile, il augmente les surtaxes sur le bruit et les surtaxes sur les émissions gazeuses. L'effet attendu est bien sûr que les compagnies aériennes diminuent le bruit et la pollution. La deuxième invite vise à ce que l'aéroport rende obligatoire l'achat d'une compensation carbone pour tout passager au départ de Genève. Ce sont des demandes tout à fait raisonnables, tout à fait faisables - plus raisonnables que la méthode que nous prônions il y a quelques années, avec ce projet de loi des Verts qui voulait instaurer une taxe sur les billets d'avion. Le temps se prête pourtant désormais à cette demande puisque le PLR ne considère plus comme tabou de taxer les billets d'avion.

La majorité de la commission propose aujourd'hui une autre méthode, qui cible principalement le bruit et les émissions gazeuses. Les temps changent, nous pouvons attendre de ces invites des effets favorables pour la population - pour la population qui vit au plus près de l'aéroport, dont les nouvelles courbes de bruit, vous l'avez vu dans l'actualité récente, rendent inconstructibles de larges territoires. Et pourquoi ces larges territoires seraient-ils inconstructibles ? Tout simplement parce que le bruit et les émissions gazeuses pourraient nuire à la santé de la population. Pour ces raisons-là, il ne sera évidemment plus possible d'y construire.

La majorité de la commission - constituée du PDC, des Verts, du parti socialiste et d'Ensemble à Gauche - croit à ces demandes raisonnables et croit à leurs effets. Nous espérons une rapide mise en oeuvre; c'est pourquoi elle vous remercie de voter cette motion et de la renvoyer au Conseil d'Etat.

M. André Pfeffer (UDC), rapporteur de minorité. Ce que demandent les invites de cette motion relève de la compétence de l'Office fédéral de l'air et non du Conseil d'Etat. Mais si cette motion ne sert à rien, puisqu'elle concerne des domaines dont la compétence n'est pas à Genève mais à Berne, une action reste nécessaire. Si le développement de l'Aéroport de Genève est quantitatif et non qualitatif, c'est essentiellement pour deux raisons. La première, c'est que l'activité liée au low cost est disproportionnée. Les Genevois ont déroulé le tapis rouge au low cost et c'est aux Genevois de corriger cette erreur !

La deuxième raison, c'est la médiocrité et l'absence de leadership de notre Conseil d'Etat dans la gestion de cet aéroport. Pour exemple, Zurich a des courbes PSIA et une convention d'objectifs cantonale depuis deux décennies. Genève a vingt ans de retard sur les Zurichois ! Deuxième exemple: à Genève, le gouvernement déclasse et a déclassé cette année des terrains comme Cointrin-Est et Cointrin-Ouest, dont une partie se situe à l'intérieur des courbes PSIA et est de ce fait inconstructible. Troisième exemple: la méthode de calcul des nuisances est une gabegie et il y a une confusion totale. Notre Conseil d'Etat se montre incapable de gérer, de piloter et de dialoguer, notamment avec un physicien qui conteste le mode d'évaluation actuel - la méthode de ce physicien est même partiellement admise par la direction de l'aéroport.

Personne ne veut une activité où les trois quarts des passagers n'ont aucun lien avec Genève et n'apportent pas un centime à notre économie. Personne ne veut un aéroport bas de gamme et indigne de notre économie, de notre population et de la Genève internationale. Si Genève veut un aéroport de qualité et au service de ses citoyens, il doit s'attaquer aux vrais problèmes. Pour ces raisons, il faut refuser cette motion, dont les demandes relèvent de la compétence de Berne; il ne sert à rien de la renvoyer à notre Conseil d'Etat. Merci.

M. Jacques Blondin (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, cette motion repose sur trois constats. Un premier constat, que tout le monde partage ici, c'est que l'AIG - c'est ainsi qu'on nomme l'aéroport - est d'une importance vitale pour Genève et la région qu'il dessert, tant sur le plan de l'économie que pour la Genève internationale ou en matière de tourisme et de fret. Le deuxième constat est que les surtaxes perçues actuellement au titre de la lutte contre le bruit et les émissions polluantes sont insuffisantes pour être dissuasives vis-à-vis des compagnies aériennes. Enfin, le troisième constat est que les passagers qui paient volontairement une compensation carbone lorsqu'ils achètent un billet d'avion sont très rares.

L'AIG s'occupe du trafic de plus de 70 000 tonnes de marchandises et de 5000 tonnes de trafic postal. De plus, 40 organisations gouvernementales, 400 organisations non gouvernementales et plus de 250 missions permanentes oeuvrent à Genève auprès de l'ONU. S'agissant des 250 missions permanentes, M. Valentin Zellweger, représentant de la Confédération auprès de l'ONU, a d'ailleurs indiqué qu'il comptait plus de 60 000 vols par année pour que le personnel puisse se déplacer et aller en mission sur le terrain.

Concernant les différentes taxes perçues, la taxe d'atterrissage sert à financer les infrastructures extérieures de l'aéroport, c'est-à-dire tout ce qui est utile aux compagnies aériennes et aux aéronefs. La taxe passager permet de financer les infrastructures intérieures mises à disposition des passagers. Ces deux taxes ne peuvent pas être modifiées car elles dépendent de l'Organisation de l'aviation civile internationale et de la Confédération. Le Conseil d'Etat n'a donc aucune possibilité d'intervenir sur la fixation de leur montant, et le Grand Conseil non plus.

Restent deux autres taxes. La première concerne le bruit et les émissions polluantes ainsi que le bruit additionnel, c'est-à-dire celui que les avions génèrent en décollant ou en atterrissant entre 22h et 6h. La deuxième est la taxe carbone. L'AIG a la possibilité d'en fixer lui-même les montants car elles ne dépendent pas d'une réglementation internationale. Ces taxes sont inférieures de 50% à celles pratiquées à Zurich ! Zurich demande en effet 2,50 francs par passager alors que Genève demande seulement 1,40 franc. L'aéroport peut donc augmenter ces taxes sans trop de problèmes, il a de la marge.

Ces taxes sur les produits et les émissions gazeuses sont affectées au fonds pour l'environnement de l'AIG; jusqu'à présent, celui-ci a permis de verser environ 50 millions de francs pour l'insonorisation des bâtiments en bordure de l'infrastructure et 50 millions de francs d'indemnités aux propriétaires qui ont vu leur bien se dévaluer à cause de la présence de l'aéroport.

Concernant ensuite la taxe carbone, on peut en calculer le montant sur certains sites et il n'est pas très élevé. Pour les 6200 kilomètres qui séparent Genève de New York, la taxe est par exemple de 33 francs en classe économique, 63 francs en business et 99 francs en première classe. Cette surtaxe n'est pas insurmontable pour quelqu'un qui a les moyens de se payer un vol de ce type. Pour les 600 kilomètres qui séparent Genève de Barcelone, la surtaxe carbone s'élève à 5 francs en classe économique et à 6 francs en business. Vu ce que l'on dépense à Barcelone en un week-end d'achats compulsifs, ces montants sont peu élevés. C'est dans cet esprit que le groupe PDC soutient cette motion, mais il s'opposera à l'amendement proposé.

M. Pierre Bayenet (EAG), député suppléant. Mesdames les députées, Messieurs les députés, Ensemble à Gauche a soutenu cette motion en commission et la soutiendra aujourd'hui en plénière mais, il faut bien le dire, un petit peu à contrecoeur. En effet, Ensemble à Gauche estime d'une part que cet objet n'aborde pas le problème de manière tout à fait adéquate et d'autre part qu'il est insuffisant.

Premièrement, la motion n'est pas adéquate. Il faut d'abord rappeler pourquoi l'aviation est finalement en dehors de toute réglementation nationale. Il faut rappeler que le trafic aérien a été soustrait aux accords sur le climat, à l'accord de Paris, la COP21; il n'a pas été inclus dans les limites fixées aux émissions de CO2. L'aviation ne paie pas de TVA et il n'y a pas de taxe sur le kérosène. Il y a donc un énorme problème de base: l'aviation est immensément privilégiée par rapport à tous les autres moyens de transport. Et c'est tout de même à ça qu'il faudrait s'attaquer !

Bien sûr, une taxe supplémentaire est bienvenue, mais il faut souligner que celle-ci oublie de s'attaquer au fond du problème et donne l'impression qu'il suffira de payer un petit peu plus pour ne plus polluer. En réalité, si on paie plus, on ne va pas moins polluer: on va continuer à voyager en avion. On se donne l'illusion qu'on peut régler les problèmes en finançant un peu plus des programmes à gauche et à droite, mais ce n'est pas une solution. C'est le principe du pollueur-payeur qui est ici mis en avant; c'est un principe que nous pouvons accepter parce que rien de mieux n'est mis sur la table aujourd'hui. Mais c'est en réalité un principe qui va essentiellement léser les moins favorisés et permettre aux nantis de continuer à polluer en toute tranquillité. Donc pourquoi pas un petit peu de taxation, mais ça ne doit pas être un objectif. Ça ne doit pas être une manière d'aborder le problème; il faut changer notre mode de vie ! Il faut changer notre manière de consommer.

Nous proposons, pour ce motif, un très modeste amendement qui vise simplement à supprimer progressivement les vols à destination de villes situées à moins de quatre heures de train. Il n'y a aucune raison, Mesdames les députées, Messieurs les députés, d'avoir des vols entre Genève et Zurich. Ça ne rime à rien ! C'est de la pollution et du bruit inutiles: il faut les supprimer. On peut aller en train jusqu'à Zurich Aéroport et prendre l'avion là-bas, ça ira très bien. On pourrait alors quand même supprimer huit vols par jour, c'est une source de pollution conséquente qui pourrait être évitée. Genève-Paris: treize vols par jour. Genève-Milan: deux vols par jour. Voilà la contribution très modeste qu'Ensemble à Gauche vous propose aujourd'hui d'approuver pour préserver notre environnement d'un petit peu de pollution. Et puis l'avantage de la contribution qu'on propose, c'est évidemment qu'elle s'applique à tous: qu'on soit riche ou pauvre, on ira en train à Zurich ! C'est plutôt comme ça que nous voyons le monde de ce côté du parlement. Je vous remercie.

Mme Marion Sobanek (S). Beaucoup de choses ont déjà été évoquées par le député Blondin; mon intervention devrait en principe être toute courte. L'AIG reste d'une importance capitale pour Genève, son économie, les institutions internationales qui s'y trouvent et bien sûr sa population. Mais un aéroport génère également des nuisances et, en dehors du bruit, il faut penser aux émissions de CO2. L'Aéroport de Genève est responsable de 25% des émissions de CO2 du canton - on l'a déjà dit - et, en 2030, il y aura un vol toutes les 90 secondes. L'absence de taxe sur le kérosène, système en vigueur depuis 1944, est aujourd'hui incompréhensible. Par contre, la taxation du kérosène n'est pas de notre ressort puisqu'elle relève d'une compétence fédérale. Il faut donc tenter d'agir sur un autre terrain avant de parvenir, peut-être, à un changement de mode de vie - auquel je ne crois personnellement pas, sauf en cas de catastrophe majeure.

Cette motion demande dans sa première invite que les surtaxes actuelles sur le bruit et les émissions gazeuses soient augmentées - on a déjà rappelé qu'elles sont de 1,40 franc à Genève tandis qu'elles sont de 2,50 francs à Zurich, et ce uniquement pour rendre l'AIG attractif parce que moins cher. Selon une étude de l'ARE, l'Office fédéral du développement territorial, qui n'est pas une équipe de boy-scouts Verts, 1,3 milliard des coûts externes provoqués par le trafic aérien ne sont pas couverts. L'étude de l'office fédéral du territoire est sérieuse; il y a donc des arguments tout à fait sérieux pour l'augmentation de ces surtaxes.

La motion demande également de rendre obligatoire la compensation carbone; actuellement, 10% des personnes le font volontairement, sans qu'on les y oblige. Ce qui n'a pas été dit, c'est premièrement que les coûts de cette compensation sont relativement modestes, et deuxièmement que cette compensation est déjà en vigueur et obligatoire en Allemagne. On ne va pas me dire ici que l'aéroport de Francfort ou les sites économiques allemands sont devenus moins attractifs à cause de cette obligation ! Selon les affirmations du professeur de l'EPFL Edgard Gnansounou, que nous avons entendu à la commission de l'environnement, les compensations de CO2, surtout à l'étranger, offrent majoritairement une très bonne efficience par franc investi - même si cette mesure seule ne suffit certainement pas pour sauver la planète. Je l'ai dit: 10% des passagers paient déjà cette compensation.

Les communes concernées saluent cette motion. Le temps est mûr pour agir. Les jeunes et moins jeunes qui luttent pour une politique plus active en vue de freiner le réchauffement climatique demandent des mesures. Et ici, nous perdons notre temps à discuter de mesurettes ! Cette motion ne va pas freiner l'extinction de tant d'espèces dans le monde ni sauver dans l'immédiat notre climat, mais elle constitue un tout petit pas dans la bonne direction. C'est pourquoi je vous demande, Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, de l'accepter et de la renvoyer au Conseil d'Etat. Merci pour votre attention.

Le président. Merci. La parole est à M. le député Guy Mettan pour deux minutes.

M. Guy Mettan (HP). Merci, Monsieur le président. Je n'aurai pas besoin de deux minutes pour signaler que je soutiendrai évidemment cette motion, dont je suis l'un des cosignataires, pour toutes les raisons évoquées par mes prédécesseurs et que je ne vais pas répéter ici. Je soutiendrai également l'amendement d'Ensemble à Gauche parce que je pense qu'il va aussi dans le bon sens. Il est un peu trop directif, mais c'est à mon sens une incitation à limiter les vols qui mérite d'être prise en considération.

Nous aurions pu compléter cette motion par une quatrième invite interdisant les vols de nuit, c'est-à-dire ceux opérés entre 22h et 6h du matin, puisqu'on sait que notre aéroport est malheureusement extrêmement laxiste en la matière. Zurich interdit par exemple formellement les vols de nuit et, lorsque ceux-ci sont justifiés par des urgences, les surtaxe de façon extrêmement forte. Genève n'applique pas cette même rigueur, mais on aura peut-être l'occasion de revenir sur ces vols de nuit et de les prohiber: ils contribuent non seulement à la pollution mais également aux nuisances sonores des riverains de l'aéroport. Pour ces différentes raisons, je vous propose aussi de soutenir cette motion avec l'amendement.

Mme Isabelle Pasquier (Ve). Mesdames les députées, Messieurs les députés, les Verts soutiennent cette motion. Nous partageons pleinement le constat des signataires: l'Aéroport de Genève «peut faire mieux pour protéger l'environnement» - je dirais même qu'il doit faire mieux.

Concernant les deux invites, la première se réfère au bruit et aux émissions polluantes. La taxe sur le bruit cible les avions qui décollent et atterrissent de nuit. Elle a aujourd'hui un niveau insuffisant pour être pleinement dissuasive, comme cela a déjà été mentionné par mes préopinants. Les montants perçus permettent d'alimenter un fonds qui finance la mise en place de mesures d'insonorisation pour les riveraines et les riverains. Insonoriser, c'est bien, mais ce n'est pas suffisant. La taxe doit avoir un effet incitatif à la fois sur la flotte, pour encourager les compagnies à avoir des avions moins bruyants, et sur les horaires, afin de lutter beaucoup plus efficacement contre les atterrissages nocturnes. Ce sont là les vrais enjeux pour la population riveraine. L'an passé, 1836 avions ont décollé de nuit et 8746 ont atterri de nuit, soit près de trente par nuit. Une infime minorité de ces mouvements résulte d'avions de classe 5, les plus silencieux: cela ne représente par exemple que 1% des vols pour la compagnie Swiss, preuve qu'une politique incitative plus musclée doit absolument être développée.

La seconde invite concerne la contribution volontaire. Chacun peut à présent verser une contribution volontaire sur le site de myclimate pour compenser ses émissions. Le montant est modeste: 10 francs pour un aller-retour à Barcelone, par exemple. On a parlé de ces 10% de personnes qui compensent volontairement; ces chiffres ont sûrement augmenté depuis qu'il y a eu une prise de conscience, mais il n'empêche qu'on doit faire beaucoup mieux. Le directeur de l'aéroport, auditionné, a précisé que les compagnies et l'aéroport incitent les passagers à compenser. Personnellement, je n'ai jamais vu de telles incitations. Généralement, quand vous concluez l'achat d'un billet d'avion, on vous propose la location d'une voiture, une assurance, mais jamais de compenser votre CO2. (Commentaires.) Cela demande une démarche spécifique et à part; il faut faire mieux ! Rendre obligatoire cette compensation est donc nécessaire.

Encore un mot pour dire que cette motion est complémentaire avec un précédent texte adopté par le Grand Conseil en mars: la résolution qui demandait de taxer le kérosène et que la Suisse s'engage au niveau international à ce propos. La population suisse prend deux fois plus l'avion que ses voisines française et italienne. Il ne s'agit pas de faire la leçon au monde entier comme certains l'ont déclaré, mais au contraire de prendre nos responsabilités. C'est pourquoi nous vous incitons à voter en faveur de cette motion. Je vous remercie.

M. Thierry Cerutti (MCG). En Suisse, Mesdames et Messieurs les députés, on veut laver plus blanc que blanc ! Alors voilà la nouvelle solution inventée par le PDC pour faire croire à la population genevoise - et notamment aux innombrables étudiants qui sont dans la rue pour manifester en faveur de la protection de l'environnement - qu'il pense à elle, qu'il est à l'écoute et qu'il l'a entendue: la taxe ! Taxer ! Est-ce que taxer, Mesdames et Messieurs les députés, va changer fondamentalement la pratique actuelle ? La réponse est non. C'est une fois de plus un impôt déguisé, une fois de plus la population doit payer.

C'est intéressant: lorsque nous avons eu le débat sur le projet de loi de l'UDC concernant easyJet et les low cost, la gauche disait qu'il ne faut pas supprimer les low cost parce que les petites gens, les gens qui ont un pouvoir d'achat plus bas que la norme, peuvent voyager grâce à easyJet ! D'ailleurs, le président des Verts s'amuse régulièrement, tous les week-ends, à aller dans sa propriété en Espagne avec easyJet ! (Commentaires. Huées.) On le remercie de contribuer à la pollution; je suis sûr qu'il sera ravi de payer la taxe.

Indépendamment de ça, ce n'est pas en taxant qu'on va réussir à diminuer les vols. Nous ne serons clairement pas d'accord, au MCG, de rentrer dans la dynamique qui supprime progressivement les vols à destination des villes situées à moins de quatre heures de train. Pourquoi ? Parce que ce n'est pas l'AIG qui décide des destinations que les compagnies desservent depuis Genève, ce sont les compagnies elles-mêmes qui choisissent leurs destinations. L'aéroport n'a pas un mot à dire sur ce choix-là. Nous refuserons cette proposition de motion: elle est juste populiste... (Exclamations. Commentaires. Rires.) ...elle est extrémiste, et nous la refuserons.

Une voix. Vous êtes experts !

Une autre voix. Bravo !

M. André Pfeffer (UDC), rapporteur de minorité. Un mot peut-être au sujet de l'amendement, que je propose également de refuser. Il faut le refuser pour deux raisons. Premièrement, le TGV ou les CFF sont très très compétitifs sur les lignes dont les distances sont couvertes en trois ou quatre heures de train. Ils sont compétitifs au niveau du prix et de la durée des trajets mais évidemment aussi au vu du nombre de liaisons qu'ils proposent par jour. Les petits trajets en avion sont pour beaucoup effectués par des gens qui partent à Zurich pour reprendre un autre vol: c'est une prestation de qualité. Je pense que l'immense majorité des Genevois soutient un aéroport qui offre des prestations de qualité. Ce que les Genevois contestent, c'est au contraire un développement basé exclusivement sur la quantité. Merci.

M. Jacques Béné (PLR). On voit qu'on est encore en campagne électorale. Je serais curieux de lire la réponse du Conseil d'Etat à cette motion si elle lui était renvoyée. Je vais juste vous citer ce qui a été dit lors de l'audition de l'Office fédéral de l'aviation civile: «Avoir une taxe cantonale paraît difficile, voire exclu, puisque ce n'est pas de la compétence cantonale. [...] La Suisse a travaillé dans les coulisses [...] pendant plusieurs années pour qu'on arrive à ce que les 194 pays adoptent une résolution selon laquelle on plafonne les émissions de CO2.» C'est le programme CORSIA. «La Suisse était pionnière parce qu'en 2016, quand les 194 pays ont adopté la résolution, ils se sont engagés pour 2027, alors que la Suisse s'est engagée, à titre volontaire, à participer dès 2021.» Enfin, il a très clairement été répondu par la négative à la question de savoir si l'aéroport ou le Grand Conseil étaient en droit d'imposer ou d'interdire des destinations.

Ce qui me surprend dans ce débat, c'est que cette prise de conscience des problèmes de notre planète est effectivement assez unanime, et chez les Verts aussi. Je ne sais pas si c'est une rumeur ou si c'est vrai, mais j'ai appris que depuis qu'il sait que tout le monde se focalise sur l'aviation, un éminent membre des Verts prend dorénavant le train quand il part en vacances. Mais il le fait seulement depuis quelques mois ! Ça me rappelle ce qui s'est passé dans les années 1980 ou 1990 avec l'éolien: on était des «has been» si on n'était pas pour l'éolien. Tout le monde a donc voté de l'éolien en veux-tu en voilà, ce qui nous a coûté des centaines de millions pour rien - aux SIG et par conséquent aux contribuables genevois - puisque ça n'a malheureusement rien donné.

S'il y a quelque chose à faire, Mesdames et Messieurs, c'est de demander aux représentants des partis qui veulent absolument démanteler l'aéroport d'intervenir au niveau parlementaire directement à Berne. Je serais d'ailleurs intéressé de voir ce que dirait le Conseil fédéral ou le parlement sur la suppression progressive des vols à destination de villes situées à moins de quatre heures de train. Je serais très curieux de voir ce qu'il en serait fait.

Mesdames et Messieurs, cette motion est une motion électoraliste - on a parlé de populiste, mais je ne la qualifierais pas ainsi. On verra ce qu'il adviendra lors de la votation du 24 novembre sur l'aéroport puisque la gouvernance de l'infrastructure est très clairement mise en cause. L'AIG, dont le conseil d'administration inclut des représentants de tous les partis siégeant dans cette salle, fait aujourd'hui tout ce qu'il peut pour essayer d'améliorer la situation, que ce soit au niveau du bruit ou des émissions polluantes. On ne peut pas lui reprocher aujourd'hui de ne rien faire.

Il faut donner une chance à l'aéroport de faire ce qu'il a à faire, et de le faire le mieux possible. C'est dans ce sens-là que nous avons proposé le contreprojet soumis à votation le 24 novembre pour que l'AIG continue ses efforts jusqu'en 2030. Le Conseil d'Etat, avec l'aéroport, a largement négocié la fiche PSIA directement à Berne. Preuve en est que même M. Hodgers, lorsqu'il est interviewé, mentionne clairement les efforts faits par le Conseil d'Etat ainsi que son soutien au contreprojet à l'IN 163. Ce n'est pas cet objet qui va régler le problème: c'est au niveau fédéral que les taxes peuvent être négociées. Je vous invite donc à refuser l'amendement proposé et à ne pas adopter cette motion. Je vous remercie.

M. François Lefort (Ve), rapporteur de majorité. J'ai attentivement écouté le rapporteur de minorité et j'ai été surpris qu'il maintienne les conclusions qui figurent dans son rapport parce que j'avais cru comprendre qu'il rejoignait justement les propositions de la majorité et qu'il s'apprêtait à voter ce texte. Ce qui nous aurait évidemment fait plaisir, mais vous m'avez rassuré, Monsieur ! Pour le reste, comme c'est une motion PDC, je conclurai simplement par: «ite, missa est»... (Exclamations. Commentaires.) ...et vous pouvez procéder au vote, Monsieur le président.

Le président. Merci. Nous sommes saisis d'un amendement qui demande l'ajout de l'invite que voici:

«- il supprime progressivement les vols à destination de villes situées à moins de quatre heures de train.»

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 52 non contre 11 oui et 24 abstentions.

Mise aux voix, la motion 2417 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 47 oui contre 43 non.

Motion 2417