Séance du vendredi 13 septembre 2019 à 14h
2e législature - 2e année - 4e session - 19e séance

M 2528-A
Rapport de la commission de l'énergie et des Services industriels de Genève chargée d'étudier la proposition de motion de Mmes et MM. Marc Falquet, Stéphane Florey, Eliane Michaud Ansermet, Patrick Lussi, Thomas Bläsi, Christo Ivanov, Patrick Hulliger, Jean Rossiaud, François Lefort, André Pfeffer, Marjorie de Chastonay, Patrick Dimier, Alessandra Oriolo : Température des bâtiments. Vivons mieux et consciemment, sans gaspiller l'énergie !
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session III des 29 et 30 août 2019.
Rapport de M. Pierre Eckert (Ve)

Débat

Le président. Nous passons à la M 2528-A, et je donne la parole à M. Jean Burgermeister.

M. Jean Burgermeister (EAG). Merci, Monsieur le président, mais peut-être faut-il laisser Pierre Eckert présenter son rapport en premier ? Il a l'air d'être en chemin...

M. Pierre Eckert. Vu que vous soumettez un amendement, je m'exprimerai après.

M. Jean Burgermeister. Ah, d'accord ! Mesdames et Messieurs, je voudrais brièvement revenir sur ce sujet, même si nous sommes aux extraits, car une fois de plus, voyez-vous, un problème crucial, à savoir la crise climatique, est traité à travers une motion qui ne mange pas de pain.

Entre autres choses, le texte propose de mener des campagnes d'information publiques pour inciter la population à chauffer modérément logements et bureaux. Bon, évidemment, on ne peut pas s'y opposer, on pourrait même multiplier ce genre d'initiative, par exemple mener des campagnes d'information publiques pour inciter la population à consommer modérément du thon issu de la pêche en chalutier, puisqu'il s'agit d'un problème environnemental majeur, ou l'encourager à n'acheter qu'un nombre modéré de paires de souliers par année, car il n'est pas nécessaire de les collectionner - encore que là, il faut se montrer raisonnable: les sportifs ont besoin de chaussures spéciales.

Certes, nous pouvons voter ce texte, mais le problème, c'est qu'il risque de nous donner l'impression non seulement que nous avons fait quelque chose de vraiment utile pour l'environnement, mais surtout que la question se résume à des comportements individuels. A bien y réfléchir et à observer ce qui sort de ce Grand Conseil, on peut même se demander si ce n'est pas plutôt à l'adresse des députés qu'il faudrait mener une campagne d'information sur les enjeux de la crise climatique et la nécessité d'agir rapidement.

C'est la raison pour laquelle j'ai déposé l'amendement que vous avez devant les yeux, qui vise à instaurer un plan d'isolation de l'ensemble des bâtiments. Le chauffage constitue en effet la principale source d'émission de gaz à effet de serre du canton, c'est indiqué dans le rapport. Bien entendu, le coût de ce programme d'isolation ne doit pas se répercuter sur les loyers, Mesdames et Messieurs, vous comprendrez sans peine que les locataires déjà étouffés par des loyers exorbitants ne peuvent pas être mis davantage à contribution; cela étant, je suis quelqu'un de modéré et d'ouvert au compromis, vous le savez, et c'est pourquoi je n'ai pas précisé dans quelle mesure l'Etat et les propriétaires se répartiront le financement - je laisse le gouvernement, dans sa grande sagesse, trancher cette question importante.

Je ne doute pas que notre parlement votera majoritairement cet amendement, dans le même élan qui a conduit la commission à adopter quasi unanimement la motion. En effet, il s'agit de la conclusion logique d'un rapport qui précise que pour - je cite - «diminuer la quantité d'énergie dévolue à se chauffer, le principal levier consiste à améliorer l'isolation de l'enveloppe du bâtiment». Les députées et députés présents ici savent qu'on ne peut plus se contenter de faire semblant d'agir et qu'il est urgent de prendre les choses au sérieux. Je vous remercie. (Applaudissements.)

M. Pierre Eckert (Ve), rapporteur. Je suis rapporteur sur cet objet, en effet. En commission, nous avons essayé de conserver l'unité de matière de cette motion qui se focalise sur les comportements. Nous avons eu droit à une belle présentation de la Ville de Genève qui nous a expliqué que deux tiers des économies d'énergie pourraient être faits via l'isolation des bâtiments - bien entendu, nous reviendrons sur ce sujet - tandis qu'environ un tiers dépend des comportements individuels ou collectifs. A travers ce texte, nous avons cherché à cibler le comportement, pas l'isolation. Nous y avons passé beaucoup de temps, il y a eu des propositions pour déborder sur l'isolation des bâtiments, mais nous n'avons pas souhaité nous engager là-dedans.

Je comprends bien la démarche qu'entreprend M. le député Burgermeister avec son amendement, mais nous avons réellement voulu mettre l'accent sur les comportements individuels. Nous avons aussi assisté à une belle présentation sur la façon dont on ressent la température à l'intérieur d'une pièce ou d'un bâtiment: les sensations de chaud et de froid dépendent de nombreux paramètres, y compris des courants d'air et de la température des murs. Bref, nous avons vraiment voulu rester concentrés sur ce sujet. Ce n'est pas que je ne sois pas d'accord avec la modification qui nous est soumise, car on reviendra très certainement sur le sujet bientôt, mais les mesures d'isolation des bâtiments, c'est quelque chose de beaucoup plus compliqué. Comme vous le savez, Mesdames et Messieurs, il est relativement complexe de déterminer ce que doivent mettre à disposition les propriétaires, ce que peuvent payer les locataires. Il s'agit d'un débat que nous avons déjà eu à plusieurs reprises, donc je vous propose de ne pas entrer en matière maintenant.

Je reviendrai volontiers sur l'isolation des bâtiments une autre fois, mais l'unité de matière de cette motion concerne les comportements individuels. Nous visons des campagnes d'information, par exemple à l'intérieur des immeubles: on s'habille, on met un pull, on ne chauffe pas plus que 18 ou 20 degrés, etc. Voilà ce que nous souhaitons mettre en place, et je ne pense pas que la motion soit vide de substance. Comme l'a souligné la Ville de Genève, environ un tiers des économies d'énergie peuvent être réalisées à l'échelle individuelle. Je vous remercie.

M. Daniel Sormanni (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, cette motion part d'un bon sentiment, mais enfin, dans l'art de débattre pour rien et d'enfoncer des portes ouvertes, nous sommes les champions du monde ! Il est inutile d'entamer aux extraits une discussion sur ce texte que nous ne soutiendrons pas et dont nous ne voterons pas l'amendement, parce que le travail dans ce domaine s'effectue déjà: l'office cantonal de l'énergie tout comme les Services industriels font des efforts pour améliorer la situation et économiser l'énergie au maximum de leurs possibilités.

Je rappelle tout de même qu'une grande partie des citoyens sont locataires et n'ont que peu de maîtrise sur la température dans leur appartement, hormis le fait qu'ils ne doivent pas trop ouvrir les fenêtres. Tout ça est régi par les chaufferies, donc par les régies, voire par les propriétaires, et ce n'est pas une campagne d'information auprès de la population qui changera quoi que ce soit, ou alors vraiment à la marge.

Je ne vois pas quel rôle on joue là-dedans, et c'est la raison pour laquelle nous nous étions abstenus en commission; aujourd'hui, nous dirons clairement non à l'amendement tout comme à cette motion qui n'apporte aucune amélioration. Il faut oeuvrer sur d'autres paramètres, accélérer le programme de rénovation des bâtiments de l'Etat, isoler les immeubles, effectuer la transition vers des énergies renouvelables... C'est ainsi qu'on réalisera de véritables économies et pas autrement. Merci.

Mme Claude Bocquet (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, la commission a largement travaillé sur cette motion, elle l'a amendée à de nombreuses reprises afin d'arriver à des propositions concrètes pour diminuer les pertes d'énergie, et je vous remercie de respecter son travail et d'accepter la motion telle que présentée, c'est-à-dire sans amendement. (Applaudissements.)

M. Marc Falquet (UDC). Mesdames et Messieurs, je remercie le rapporteur ainsi que la commission d'avoir travaillé sur cette motion avec sérieux. Il est vrai que le changement des comportements représente des économies potentielles de 30%. Je ne pense pas qu'il faille faire dévier le texte sur l'isolation, surtout avec une proposition sans hausse des loyers, il est un peu risqué de se tourner vers cette option. En effet, qui va payer les frais liés à l'isolation ? Je suggère aussi, comme chacun l'a dit, de garder l'unité de matière et de ne pas prendre en compte cet amendement, qui est fort louable par ailleurs. Merci.

Le président. Merci bien. Je lance la procédure de vote sur l'amendement de M. Burgermeister qui consiste à ajouter l'invite supplémentaire suivante: «à mettre en place un plan d'isolation de l'ensemble des bâtiments d'ici 2030 sans hausse des loyers pour les locataires.»

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 55 non contre 21 oui.

Mise aux voix, la motion 2528 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 66 oui contre 9 non et 5 abstentions.

Motion 2528