Séance du vendredi 7 juin 2019 à 14h
2e législature - 2e année - 2e session - 7e séance

M 2536-A
Rapport de la commission des affaires communales, régionales et internationales chargée d'étudier la proposition de motion de Mmes et MM. Jocelyne Haller, Delphine Klopfenstein Broggini, Anne Marie von Arx-Vernon, Marion Sobanek, Nicole Valiquer Grecuccio, Sylvain Thévoz, Emmanuel Deonna, Diego Esteban, Helena Verissimo de Freitas, Alberto Velasco, Jean Burgermeister, Pierre Bayenet, Pierre Vanek, Olivier Baud, Pablo Cruchon, Salima Moyard, Léna Strasser, Caroline Marti, Paloma Tschudi, Marjorie de Chastonay, Adrienne Sordet, Alessandra Oriolo, Jean Batou, Grégoire Carasso, Isabelle Pasquier, Pierre Eckert, Claude Bocquet, Katia Leonelli, Patricia Bidaux, Yvan Rochat, Philippe Poget, Thomas Wenger pour une reconnaissance dans l'espace public du rôle joué par les femmes dans l'histoire genevoise
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session II des 6 et 7 juin 2019.
Rapport de Mme Delphine Klopfenstein Broggini (Ve)

Débat

Le président. Le prochain point est la M 2536-A. Le rapport est de Mme Delphine Klopfenstein Broggini, à qui je passe la parole.

Mme Delphine Klopfenstein Broggini (Ve), rapporteuse. Merci, Monsieur le président. Mesdames les députées, Messieurs les députés, à la veille de la grève féministe et des femmes, ce texte - voté à la quasi-unanimité - est révélateur d'un tournant que nous formulons de nos voeux: l'égalité dans les faits, jusque dans la rue. Deux motions ont préparé le terrain: celle des Verts, il y a deux ans, qui demandait que chaque nouvelle rue à Genève porte le nom d'une femme - les nouveaux quartiers sortant de terre sont nombreux - et celle du PDC, il y a quinze ans, pour une dénomination féminine des écoles. La motion que nous traitons aujourd'hui est un nouveau pas permettant de pérenniser l'action remarquable de l'association l'Escouade, qui a participé, avec des historiennes et la Ville de Genève, au projet «100Elles*» visant à rebaptiser une centaine de rues du nom de femmes ayant marqué l'histoire genevoise.

Le chemin est long. On sait qu'à Genève, 31 des 700 rues ayant hérité du nom d'un personnage célèbre portent celui d'une femme, soit moins de 1% sur l'ensemble des 3263 rues du canton. Aujourd'hui encore, les femmes sont sous-représentées dans de nombreux secteurs de la vie quotidienne. Il est dès lors de notre ressort d'activer les leviers nécessaires pour promouvoir l'égalité entre femmes et hommes, notamment, entre autres champs, par une réappropriation de l'espace public via la dénomination des rues. Cette démarche, loin d'être anodine, revisite l'espace public de chacune et chacun, sachant que les milliers de petites plaques bleues qui parsèment notre territoire habité font bel et bien partie de notre paysage quotidien. Je vous remercie donc d'accepter cette motion. (Applaudissements.)

Mme Claude Bocquet (PDC). Cette motion demande que 100 rues soient rebaptisées du nom de personnalités féminines ayant marqué l'histoire dans un délai de trois ans après son approbation. Actuellement, 548 rues du canton portent un nom d'homme et seulement 31 un nom de femme. Comme cela vient d'être dit, une première motion PDC, acceptée à l'unanimité en 2004, réclamait que des noms de personnalités féminines soient donnés aux établissements scolaires; une seconde motion des Verts, adoptée en 2017, incitait les communes à une meilleure représentation des noms de personnalités féminines lors de la dénomination des rues. Résultat: quelques écoles et collèges ont reçu un nom de femme, ainsi que 7 nouvelles rues.

Quand on sait que la population est pour moitié féminine, on se rend compte du fossé qui existe pour atteindre l'égalité. J'ai entendu les commentaires des personnes sceptiques qui ne comprennent pas l'utilité de cette motion et qui la trouvent compliquée à appliquer. Je les rassure: sur les plus de 3000 rues que compte le canton, il devrait être assez facile de trouver la soixantaine manquante pour parvenir à ces 100 rues aux noms féminins. Transformer une société patriarcale en une société égalitaire pour les femmes et les hommes est un travail de fourmi. Il est pourtant important que les petites filles grandissent dans un environnement qui leur ouvre des perspectives et qui leur offre des possibilités de réalisations personnelles. Attribuer à des rues le nom de femmes illustres ayant participé à l'histoire de notre canton constitue un pas dans cette direction, le PDC vous engage donc vivement à adopter cette motion. (Applaudissements.)

Mme Jocelyne Haller (EAG). Le groupe Ensemble à Gauche remercie la commission d'avoir accepté cette motion afin de rendre finalement aux femmes la place qui leur revient légitimement. En effet, il ne s'agit pas de créer un espace particulier ou de donner de nouveaux droits aux femmes, mais simplement de leur rendre les droits qui sont légitimement les leurs.

Au travers de la démarche proposée par l'Escouade, c'est un travail de reconnaissance dans l'espace public et dans l'histoire du rôle joué par les femmes, ce qui constitue à nos yeux un élément extrêmement important. Mais ce qui est plus important, c'est de passer de la dynamique d'incitation qui a prévalu jusqu'à maintenant aux actes, ainsi que le suggère ce texte. Nous voulons un espace public qui représente réellement la diversité de la population et pensons qu'il faut non seulement accepter cette motion, mais aussi faire en sorte qu'elle s'inscrive dans les faits le plus rapidement possible et que d'autres démarches, d'autres objets que nous avons déposés en faveur de l'égalité hommes-femmes, puissent devenir réalité. Je vous remercie de votre attention. (Applaudissements.)

M. Marc Fuhrmann (UDC). Je tiens à ajouter que ce n'est pas tant l'appellation des rues et places qui compte le plus, mais surtout la place que ces espaces laissent aux femmes. En effet, je constate qu'il y a une dégradation depuis quinze à vingt ans et que l'espace public laissé aux femmes - du moins les endroits où elles peuvent être le plus à l'aise possible - a été massivement réduit. Je pense donc que c'est aussi sur ce point qu'il faut agir, plus que sur la dénomination des rues et places. Si je prends l'exemple des allées de skateboard et autre - ou même de la plupart des places - on voit qu'elles sont principalement utilisées, voire squattées, par des hommes. A mon sens, en tant que personne plutôt sensible à ce sujet, je considère qu'il y a dès lors un énorme effort à accomplir. Comme je l'ai dit, on assiste à une détérioration assez massive depuis quinze ans, et je me demande comment nos enfants - en particulier nos filles - vont se réapproprier ces espaces urbains qui, selon moi en tout cas, ont été plutôt perdus pour ce qui est des femmes.

M. Thierry Cerutti (MCG). Mesdames et Messieurs, si les députés MCG se sont abstenus lors du vote sur cette motion en commission, ce n'est pas parce que nous sommes opposés à ce que des rues portent le nom d'illustres femmes ayant écrit l'histoire de notre république, mais parce que nous ne sommes pas d'accord avec la méthode proposée. En effet, nous n'approuvons pas le fait de débaptiser des rues pour leur donner de nouveaux noms, en raison de tout l'inconfort que ça peut créer. Voilà pourquoi nous nous sommes abstenus. A titre personnel, je ferai de même aujourd'hui, et mon groupe agira comme bon lui semble car nous avons la liberté de vote sur cet objet. Merci.

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole n'étant plus demandée, nous pouvons passer au vote.

Mise aux voix, la motion 2536 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 46 oui contre 5 non et 24 abstentions.

Motion 2536