Séance du
jeudi 6 juin 2019 à
20h30
2e
législature -
2e
année -
2e
session -
6e
séance
R 882
Débat
Le président. Nous passons à la R 882 que nous traitons en catégorie II, trente minutes. Je donne la parole à Mme la députée Simone de Montmollin. (Remarque.) C'est une erreur, la parole est donc à M. Bertrand Buchs.
M. Bertrand Buchs (PDC). Merci beaucoup, Monsieur le président. Nous arrivons à l'été, le Conseil d'Etat va recevoir les propositions d'augmentation des primes d'assurance-maladie pour 2020. Nous savons que chaque année, nous aurons les mêmes récriminations, le Conseil d'Etat aura les mêmes récriminations: il ne peut pas vérifier si l'augmentation prévue par les caisses maladie est logique ou pas. A chaque fois, les chiffres qui nous sont proposés ne correspondent pas à la réalité, ils sont parfois surréalistes, et on s'en rend compte seulement après coup.
On a déjà entendu dire que les coûts de la santé ont augmenté cette année de 4%, 5%, 6%, sans savoir sur quoi ça réside. Mais moi, je m'arrête sur ce qui est vrai, ce qui est réel: ce qui est réel, c'est qu'en 2018, les coûts de la santé n'ont augmenté que de 0,47%. Ce qui est réel, c'est qu'à la fin de l'année 2018, quand les assurances-maladie ont fait les comptes, elles avaient des bénéfices. Comme l'assurance de base ne peut pas en faire, les bénéfices ou l'argent perçu en trop sur les primes 2018 ont été mis dans les réserves, qui ont augmenté. Actuellement, leur montant est de plus de 5 milliards, plus de 150% de ce qui est spécifié par la loi - il n'y a pas de limite vers le haut, mais vers le bas. Il y a donc bien assez d'argent pour qu'en 2020, on propose de ne pas augmenter les primes d'assurance-maladie. Je m'étonnerais que l'augmentation des coûts de la santé ait été de 0,47% en 2018 et que brusquement, par hasard, en 2019, on ait une forte augmentation. Probablement qu'à la fin de l'année 2019, on nous dira qu'on a perçu trop d'argent sur les primes d'assurance-maladie et qu'on va reverser ce trop-perçu dans les réserves. Ça continue chaque année comme ça: nous disons stop, stop ! En 2020, pas d'augmentation des primes d'assurance-maladie ! Je vous remercie. (Applaudissements.)
Une voix. Bravo !
Mme Jocelyne Haller (EAG). Nous ne pouvons que souscrire aux propos de M. Buchs et apprécier à leur juste valeur les considérants de cette résolution. Elle ne demande rien d'autre que de freiner la ronde infernale que constitue chaque année contre tout bon sens l'augmentation des cotisations d'assurance-maladie, comme l'indiquent les considérants de ce texte. Il n'y a pas à tergiverser sur l'utilité de cette requête consistant à geler l'augmentation des cotisations dans notre canton. Cette nécessité est avérée; le poids des primes est ressenti douloureusement chaque fin de mois, quand les Genevois doivent s'acquitter de leur cotisation d'assurance-maladie. Mesdames et Messieurs les députés, soutenons cette résolution, adressons-la à l'Assemblée fédérale et donnons par là un premier signal en vue d'autres changements indispensables pour rendre enfin à la LAMal le caractère social qu'elle a perdu au fil de ces dernières années. Je vous remercie de votre attention.
Mme Marion Sobanek (S). Mesdames et Messieurs les députés, je vais continuer dans la ligne de mes préopinants: nous souscrivons évidemment à cette résolution. Le système suisse, avec la prime par tête, figure parmi les plus antisociaux de toute l'Europe. Je crois que nous sommes les seuls en Europe à avoir ce type de système. En plus, ces primes sont sans rapport avec le revenu disponible des foyers et des familles. Ça signifie que l'augmentation des primes chaque année est extrêmement lourde pour les familles. Au mois d'octobre, ouvrir le courrier qui indique à combien se montera l'augmentation est une véritable source d'angoisse. Geler ces primes, c'est vraiment le minimum de ce qu'on peut demander. A priori, il faut demander d'aller beaucoup plus loin et changer complètement ce système - mais cela a déjà été évoqué. Quand les caisses maladie nous disent qu'elles nous redistribuent de l'argent, je trouve ça rigolo: on a payé des centaines de francs en trop sur les primes, et qu'est-ce qu'on reçoit ? 70 francs ! Je n'ai aucune idée d'où le reste de cet argent a disparu, si ce n'est dans les réserves que M. Buchs a évoquées.
A défaut d'une réforme profonde du système de santé, nous demandons au moins qu'on accepte d'urgence cette résolution. Merci beaucoup.
M. Pierre Conne (PLR). Chers collègues, en effet, nous n'en pouvons plus, les résidents suisses n'en peuvent plus d'être pressurés par les primes d'assurance-maladie. Mais nous n'en pouvons plus non plus, au PLR, de lire systématiquement des objets comme celui qui nous est présenté aujourd'hui, qui se trompent de cible et qui soufflent sur la fumée au lieu de s'intéresser réellement au fond des choses.
Les préopinants ont manifesté leur ras-le-bol et l'incapacité de suivre l'augmentation des primes d'assurance-maladie, qui est réelle. Mais cette proposition de résolution ne répond pas à ce qu'ils remettent en cause: elle demande simplement de geler l'augmentation des primes. Mesdames et Messieurs, ce n'est pas possible !
Reprenons les considérants du texte. L'augmentation des coûts de la santé en 2018, c'est une prévision annoncée par santésuisse il y a quelques semaines, sur laquelle les signataires de cet objet se sont précipités. Si vous lisez bien les articles qui présentent cette augmentation, vous verrez qu'il y est clairement dit que ce n'est pas définitif, que l'augmentation de la facturation ambulatoire n'est pas incluse dans ces comptes - elle est extrêmement importante et n'est pas encore comptabilisée. Pourquoi ? D'une part parce qu'on a opéré un report des activités hospitalières sur l'ambulatoire, d'autre part parce que pour maîtriser les coûts, certains cantons ont réduit les prestations ou ont amené des prestations hospitalières à être strictement effectuées en milieu hospitalier, ce qui n'est pas encore facturé. Par conséquent, rien ne nous dit que l'augmentation des coûts sera limitée à 0,47% en 2018.
Ensuite, les bénéfices des assurances-maladie: Mesdames et Messieurs, les assurances-maladie sociales ne réalisent pas de bénéfice ! Arrêtez de laisser croire que les assureurs se goinfrent sur notre dos, c'est un mensonge !
Quant à l'augmentation des réserves, je vous rappelle qu'elle est supervisée par le Conseil fédéral et répond strictement à l'exigence du taux de solvabilité des caisses. On s'aperçoit en regardant les chiffres de 2013 à 2017 que si le taux de solvabilité minimum est de 100%, les caisses sont en moyenne légèrement au-dessus de ce 100%, mais que durant ces mêmes années, le taux de solvabilité a baissé de 172% à 153%. Il est donc faux de dire, Mesdames et Messieurs, que la constitution des réserves se fait de manière arbitraire et abusive.
Ce qui est vrai, Mesdames et Messieurs - et je vous rejoins à ce propos - c'est que la charge que représentent les primes sur les ménages est devenue intolérable. Mais pour que ce poids disparaisse, c'est au coût des prestations médicales qu'il faut s'en prendre et non aux primes, qui représentent l'augmentation de ces coûts. Je vous remercie de votre attention. (Applaudissements.)
Mme Alessandra Oriolo (Ve). Mesdames les députées, Messieurs les députés, il est évident que les Verts et les Vertes soutiendront cette résolution qui demande le gel de l'augmentation des primes d'assurance-maladie pour 2020. La situation aujourd'hui n'est tout simplement pas soutenable, les ménages suisses étouffent sous leurs primes maladie, des primes qui sont censées les aider pour leur santé mais qui ne leur permettent pas de vivre dignement.
Effectivement, ce texte ne va pas à la source du problème, mais c'est un minimum que nous devons garantir pour 2020. Je ne partage pas l'avis de mon préopinant, M. Conne - vous transmettrez, Monsieur le président: je pense que les assurances-maladie font des bénéfices, que l'augmentation des réserves, calculée à plus de 4 milliards aujourd'hui, est tout simplement scandaleuse, et que nous devons limiter cette augmentation qui chaque année pèse de plus en plus sur les ménages. La Confédération doit s'engager et doit légiférer en la matière pour protéger ses citoyens. Nous devons dire stop au lobby des assurances et nous devons redonner un souffle aux ménages suisses. Je vous remercie d'accepter cette résolution sur le siège. (Applaudissements.)
M. François Baertschi (MCG). Avec détermination, mais sans illusions, le groupe MCG soutiendra cette résolution. Cela fait une trentaine d'années que l'on peut constater le problème de l'assurance-maladie, l'impasse dans laquelle nous nous trouvons et où nous nous enfonçons de plus en plus profondément. Un jour, sans doute, nous trouverons la solution. Espérons-le, tant est fort le lobby des caisses maladie, un lobby tout-puissant. Le MCG appelle de ses voeux une grande réforme de l'assurance-maladie, sans illusions, tant nous avons été déçus ces dernières années, tant est solide le mur devant lequel nous nous trouvons, tant est grande l'espèce d'inertie de la Suisse alémanique essentiellement et d'un lobby tout-puissant qui place sa chape de plomb sur la Suisse. Nous devrons bien trouver un jour la solution. C'est donc avec détermination, mais sans illusions, que nous soutiendrons cet objet, qui représente avant tout une protestation.
M. Bertrand Buchs (PDC). Oui, c'est une protestation ! Les arguments développés par M. Conne ne sont pas justes, à mon sens. Pourquoi ? Parce que les caisses maladie ont reconnu qu'elles avaient perçu trop d'argent en 2018 ! La caisse Assura a même décidé de rembourser 100 francs par assuré parce qu'elle avait trop perçu sur les primes. Les primes proposées, que le Conseil fédéral avait acceptées et qui ont été imposées aux cantons, je dis bien imposées, étaient donc beaucoup trop élevées. Assura rend 100 francs, mais les autres caisses ne rendent rien du tout ! Qu'est-ce qu'elles font, puisqu'elles ne peuvent pas faire de bénéfices ? Je l'ai dit, elles reversent tout simplement le surplus dans les réserves. Or, on sait très bien que la manière dont ces réserves sont utilisées, ce à quoi elles servent n'est pas clair.
Je remarque que depuis des années, on répète tout le temps la même chose, on proteste. Il faut continuer à protester, il ne faut pas désespérer. Mais aucun contrôle n'est exercé sur les caisses maladie ! Aucun contrôle ni audit ! La Confédération n'a jamais envoyé quelqu'un pour contrôler leurs comptes, alors qu'à Genève, n'importe quelle institution est contrôlée, par la Cour des comptes, par le service d'audit interne - tout le monde peut être contrôlé. Alors on dit que les caisses maladie ne peuvent pas l'être parce qu'elles sont privées et que les structures privées ne peuvent pas être contrôlées: mais je m'excuse, elles participent à un système qui n'est pas privé mais public, puisque l'assurance est obligatoire. Tant qu'il n'y aura pas un contrôle clair et un audit des caisses maladie, on doit protester en disant qu'on n'accepte pas les chiffres qui nous sont donnés.
Quant à l'augmentation de 0,47%, je veux bien entendre qu'un tas de factures n'ont pas été payées à la fin de 2018 et le seront en 2019. On est au mois de juin, et ce chiffre de 0,47%, il y a deux semaines qu'il est sorti; au mois de juin, on n'a toujours pas payé les factures de 2018 ? C'est étonnant !
Il faut continuer à protester, on va dire à Berne qu'on n'est pas d'accord. Je vous remercie. (Applaudissements.)
Le président. Merci bien. La parole est à M. le député Patrick Dimier pour une minute dix-huit.
M. Patrick Dimier (MCG). Je n'ai pas besoin d'autant, Monsieur le président. Je souhaite juste rappeler, redire et redire et redire encore que les primes d'assurance-maladie servent à faire de la santé avec notre argent et non pas aux assureurs à faire de l'argent avec notre santé ! Nous soutiendrons donc cette résolution.
M. Thomas Bläsi (UDC). Le groupe UDC soutiendra la résolution qui nous est proposée ce soir parce que le poids des primes à l'heure actuelle est absolument intolérable, en particulier pour la classe moyenne inférieure. L'auteur l'a très bien décrit.
Seul M. Baertschi, du MCG, a souligné une pensée que nous partageons: j'entends bien, M. Buchs, il faut résister, il faut protester, nous allons le faire et soutenir votre texte; mais on a quand même de plus en plus l'impression, dans ce travail de Sisyphe qu'est la lutte contre les caisses maladie, que ce combat relève à Genève davantage de l'acte de foi, de l'acte politique, et que malheureusement les résultats qu'on peut en attendre sont très faibles. Nos parlementaires à Berne tiennent le couteau par le manche. Probablement - et c'est un UDC qui vous le dit - que les liens entre les politiciens et les caisses maladie doivent être abolis, on doit absolument arriver à les sortir des conseils d'administration: tant que cette proximité existera, et sans contrôle extérieur, on n'arrivera à rien.
Nous nous associons à la présente démarche et participerons à cet acte de foi du parlement genevois. Merci, Monsieur le président. (Applaudissements.)
M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, tous les six mois, votre Grand Conseil se fait plaisir: il vote une résolution du type «Stop à l'augmentation des primes d'assurance-maladie». C'est sans doute la victoire de l'optimisme sur l'expérience. (Rires.) Mais vous avez raison, sur le fond, et je ne peux que partager votre point de vue: stop, disons stop !
M. le député Conne a aussi raison: nos assureurs ne font pas de bénéfice, ils font des excédents de recettes. (Rires.) Ce n'est pas moi qui invente, c'est la terminologie fédérale.
C'est vrai que tout cela ne fonctionne pas, c'est vrai qu'il n'y a pas de transparence, c'est vrai que l'opacité règne. C'est vrai aussi que la conférence latine et la conférence nationale des directeurs de la santé écrivent inlassablement pour obtenir davantage de transparence. Entre-temps, que se passe-t-il ? Aux 330 millions versés par le canton en subsides pour l'assurance-maladie s'ajouteront bientôt les 186 millions que vient de voter la population genevoise - qui sans ce contreprojet aurait sans doute accepté un demi-milliard supplémentaire. On voit à quel point la lassitude est présente au sein de la population, on voit par ces montants à quel point on se retrouve déconnecté d'une réalité qui nous dépasse toutes et tous.
Alors que faire ? Faut-il se résigner à accepter cette réalité en disant que ce n'est pas ici que les décisions sont prises et qu'ailleurs on ne veut pas nous suivre ? Je vous demande simplement une chose. Nous sommes à quelques mois des prochaines élections fédérales: Mesdames et Messieurs les députés de chaque parti ici présent, allez simplement voir sur le site du parlement fédéral comment vos représentants à Berne ont voté sur le sujet durant la législature en cours. Vous verrez à quel point la discrépance est grande, à quel point vos préoccupations échappent à celles et ceux qui pourtant siègent normalement là-bas pour représenter les intérêts de notre population. Je vous remercie. (Applaudissements.)
Une voix. Bravo !
Le président. Bien, nous passons au vote.
Mise aux voix, la résolution 882 est adoptée et renvoyée à l'Assemblée fédérale par 65 oui contre 28 non.