Séance du
vendredi 22 mars 2019 à
14h
2e
législature -
1re
année -
10e
session -
60e
séance
P 2025-B
Débat
Le président. Nous abordons à présent la P 2025-B. Une demande de lecture concernant ce point a été formulée et soutenue hier soir, je prie donc Mme Moyard de bien vouloir nous lire le courrier 3838.
Le président. Merci pour cette lecture, Madame Moyard. Je passe maintenant la parole à Mme Marion Sobanek.
Mme Marion Sobanek (S). Merci, Monsieur le président. L'essentiel a été dit dans cette lettre et je remercie Mme Moyard d'en avoir donné lecture.
Le président. Une seconde, s'il vous plaît ! (M. Pierre Eckert s'assied.) Je vous remercie, Monsieur Eckert. Je peux maintenant voir ce qui se passe derrière vous ! Vous avez la parole, Madame.
Mme Marion Sobanek. Il ne se passe pas grand-chose ici ! Merci beaucoup. Ce dossier fait l'objet de nombreuses discussions en ce moment, il est donc un peu regrettable que le Conseil d'Etat dise grosso modo dans sa réponse qu'il faut circuler, qu'il n'y a rien à voir et que tous les problèmes ont été résolus. Les votes sur la M 2220 et le PL 11838 montrent quand même que nous devons agir ! Cela dit, nous avons appris à la commission des visiteurs que les discussions avec les autres cantons concernant la construction d'une prison intercantonale étaient très difficiles. Le canton de Genève est obligé d'agir, mais comme le dossier est en cours de discussion à la commission des travaux et que la commission des visiteurs est en train d'examiner les besoins effectifs en matière de places de prison, il faudrait renvoyer cette réponse du Conseil d'Etat à son expéditeur, car elle est indéniablement incomplète. Merci.
Le président. Je vous remercie. Nous nous prononcerons sur cette demande à la fin du débat. En attendant, je passe la parole à M. François Lefort.
M. François Lefort (Ve). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, en avril 2018 nous avons renvoyé au Conseil d'Etat la P 2025, munie de 2285 signatures, qui portait les quatre messages suivants: «Tous ensemble protégeons notre nature et sa biodiversité»; «Tous ensemble refusons ce projet démesuré et dévastateur»; «Tous ensemble refusons le coût de 227 millions de francs pour la prison des Dardelles»; «Tous ensemble refusons que la campagne de Puplinge devienne une vaste cité de détention pénitentiaire et disons NON à une 5e prison sur le territoire genevois». La pétition se terminait ainsi: «Des terrains déclassés, libres de construction, existent dans d'autres cantons romands et pourraient accueillir ce projet pour la construction d'une prison INTERCANTONALE.»
Le Conseil d'Etat nous a remis une réponse circonstanciée de neuf pages, que l'on pourrait résumer par ces mots: «Tout va bien se passer, ne vous inquiétez pas ! C'est le meilleur projet, il n'y a pas d'autre solution, et nous vous l'expliquons en neuf pages.» Exit les votes exprimés le 30 août 2018 dans cette salle, à savoir l'abrogation de la loi ouvrant un crédit d'étude concernant Les Dardelles et l'adoption d'une motion demandant entre autres une prison intercantonale. Alors je vous le dis, Mesdames et Messieurs, cette réponse ne nous a pas convaincus ! Nous restons fort sceptiques quant à la détermination du Conseil d'Etat, surtout lorsqu'on voit le déni affiché par ce dernier face aux demandes formulées dans la pétition et par la population. Nous les Verts continuons à penser qu'il est possible de réaliser soit un projet de moins grande ampleur, soit une prison concordataire ailleurs, sur une zone pénitentiaire déclassée et déjà disponible.
Afin de prendre en considération la proposition de redimensionner le projet - et suite à la motion votée en août - de très nombreux scénarios de réduction du projet initial nous ont été présentés récemment à la commission des travaux, mais, il faut le dire, toutes ces options coûtent plus cher. Leur coût est curieusement beaucoup plus élevé que celui du projet initial, ce qui va certainement convaincre une majorité de la commission des travaux d'en rester au projet de base, qui lui ne coûte que 227 millions. Vous le comprendrez, il faut donc poursuivre le projet d'une prison concordataire ailleurs qu'à Genève, et nous souhaitons renvoyer ce rapport au Conseil d'Etat afin qu'il prenne en compte les votes exprimés par ce Grand Conseil le 30 août 2018. Merci.
M. Stéphane Florey (UDC). Le groupe UDC prendra acte de ce rapport du Conseil d'Etat, parce que finalement nous sommes assez satisfaits de sa réponse. Ce qu'on comprend surtout, c'est que comme à son habitude la gauche ne veut pas de prison; la gauche veut laisser toutes ces personnes en liberté ! La vie est belle, on est au pays des Bisounours, tout le monde est gentil, tout le monde est copain... Mais la réalité ce n'est pas ça ! Dans ce pays et dans ce canton, il y a malheureusement des personnes qui doivent être incarcérées, c'est la triste réalité. Cela dit, il faut également tenir compte du fait qu'il y a des concordats romands qui engagent notre canton à faire sa part en matière d'établissements de détention. Donc si nous voulons respecter la parole donnée et nos obligations en ce qui concerne ce concordat, eh bien ma foi maintenant il faut agir.
J'aimerais rebondir sur les propos de M. Lefort au sujet du redimensionnement. En effet, les commissions des travaux et d'aménagement ont demandé au Conseil d'Etat d'examiner la possibilité de redimensionner le projet. Ces scénarios sont en ce moment à l'étude dans notre commission, mais il faut relever que le Conseil d'Etat, avec la version présentée actuellement, a déjà redimensionné son projet, en allant du reste dans le sens voulu par la commune, puisqu'il a quand même répondu à un certain nombre de ses exigences, ce qui a permis d'économiser de la surface agricole et d'assolement. On voit donc bien que l'Etat fait des efforts pour économiser le sol, en particulier la zone agricole, même si en réalité ce n'était pas le but de cette pétition. A notre sens, on a pris en compte les demandes de cette pétition en la renvoyant au Conseil d'Etat, ce dernier a maintenant fait sa part du travail en nous rendant un rapport, et nous en prendrons acte, car cette réponse nous satisfait. Je vous remercie.
M. Pierre Bayenet (EAG), député suppléant. Mesdames les députées, Messieurs les députés, on dit qu'on ne fait pas boire un âne qui n'a pas soif; eh bien il semble qu'il soit difficile pour le Conseil d'Etat d'avaler ce qu'il n'a pas envie de manger, c'est-à-dire qu'il devrait renoncer, reculer, reconsidérer les choses et réfléchir à nouveau avant de se lancer dans ces projets de construction de ville carcérale, parce que c'est bien une cité carcérale à la campagne qui est en train d'être planifiée. Deux questions se posent: la première concerne le lieu où elle sera construite, tandis que la seconde porte sur la nécessité d'une telle infrastructure. Est-il vraiment nécessaire de créer 450 places en milieu fermé dans une prison genevoise ? En premier lieu, on ne comprend pas pourquoi il faudrait sacrifier une zone agricole sensible sur le plan environnemental, puisqu'elle longe une rivière qui a été renaturée récemment. C'est un lieu qui est propice au développement de la vie sauvage et qu'il faut protéger. Il n'y a pas de raison qu'on fasse des exceptions et qu'on se permette de sacrifier des terrains naturels pour construire des prisons alors qu'on ne le ferait pas pour bâtir des logements, par exemple. Il n'y a pas de raison de donner une priorité absolue aux prisons en disant que s'il est question d'un lieu de détention, tout est permis en termes d'aménagement du territoire. Il faut arrêter de penser de cette façon ! Il n'y a pas de raison de ne pas construire des lieux de détention en ville, s'ils sont nécessaires ! Il en existe d'ailleurs déjà en ville, et ils ne posent pas de problème particulier. Voilà le premier point. Il faut préserver cet espace naturel et ne pas sauter sur le prétexte du lieu carcéral pour le massacrer.
Le deuxième élément concerne l'utilité de ce lieu de détention. Le projet prévoit des espaces carcéraux qu'on appelle en milieu fermé, alors que ce qui manque en réalité à Genève, ce sont des places carcérales non pas en milieu fermé, mais en milieu ouvert. Je vous invite à vous référer à la réponse que le Conseil d'Etat avait donnée à la question écrite urgente 939, dans laquelle il expliquait que la plupart des personnes issues du canton de Genève et condamnées dans ce canton étaient détenues en milieu fermé pendant une très grande partie de leur détention, de l'exécution de leur peine, alors que le droit pénal suisse prévoit des aménagements progressifs, le passage au milieu ouvert, au régime de travail externe, des sorties, or les détenus issus de notre canton n'ont pas accès à tout ça parce qu'à Genève on détient les gens en milieu fermé pratiquement jusqu'à la fin de leur détention. Et pourquoi ? Parce qu'il n'y a aucune place de détention dite ouverte dans notre canton. Je vais vous citer un exemple pour vous expliquer ce dont il s'agit: une place de détention dite ouverte, c'est ce qu'on trouve notamment à Orbe, à La Colonie ouverte, qui est une prison en zone agricole. Mais dans le cas d'espèce cet emplacement est justifié, parce que les prisonniers sortent et travaillent dans les champs alentour durant la journée. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Il y a donc un intérêt à créer une prison en zone agricole si elle accueille des prisonniers détenus en milieu ouvert qui peuvent utiliser la campagne située autour d'eux pour travailler. Mais ce n'est pas ce qui est prévu ici ! En l'occurrence, on veut les laisser en cellule toute la journée, avec une heure de promenade, et on les met au milieu des champs. Il faut donc simplement arrêter de penser à ce projet et repartir à zéro en élaborant d'autres scénarios.
Pour toutes ces raisons, nous ne pourrons pas prendre acte de ce rapport du Conseil d'Etat, et nous demandons son renvoi à la commission de l'environnement et de l'agriculture compte tenu de l'aspect environnemental que revêt ce projet. (Applaudissements.)
Mme Anne Marie von Arx-Vernon (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, il faut arrêter avec les légendes urbaines ou campagnardes ! Cela fait plus de cinq ans qu'on dit qu'il faut construire cette prison ailleurs et que les autres cantons du concordat latin n'ont qu'à... C'est fini ! On ne peut plus dire ça ! On sait qu'ils ne sont pas d'accord, ni dans le Jura ni dans les autres cantons. Le canton de Vaud va faire sa part prochainement en construisant 400 places dans la plaine de l'Orbe, donc arrêtez ! Vous prétendez certaines choses alors que vous savez que ce n'est pas vrai ! Par ailleurs, il y a une réalité que vous oubliez, à savoir la vétusté de Champ-Dollon, qui fait que cette prison coûte énormément en frais indirects, puisqu'il faut dédommager les détenus dans la mesure où ils sont incarcérés dans des conditions considérées comme inhumaines et dégradantes. Cette situation est donc totalement absurde et cela coûte extrêmement cher au canton ! De plus, les femmes sont elles aussi détenues dans des conditions absolument inhumaines, et vous le savez tous, Mesdames et Messieurs de la gauche; arrêtez donc de faire semblant de ne pas l'entendre ! Compte tenu de la vétusté de Champ-Dollon, de la surpopulation, de l'incapacité à détenir les femmes de façon digne et du refus des autres cantons - sachant qu'il y a en outre des exigences de la Confédération, qui contribue au financement - il faut trouver une solution la plus acceptable possible, parce qu'on sait que personne ne veut de prisons, mais il en faut quand même. Cela dit, renvoyer ce rapport au Conseil d'Etat ou en prendre acte reviendra exactement au même: il va falloir travailler ensemble à peu près correctement afin de trouver une solution. Il s'agira peut-être d'un redimensionnement, parce que même si cette solution coûte légèrement plus cher et que le cadre doit être un peu réduit, le gain sera plus important en termes d'efficacité, de réinsertion, de désistance, et il sera plus facile d'imaginer de vrais projets pour les détenus. Quoi qu'il en soit, arrêtez de faire semblant: il faut une prison, elle devra se situer à Genève et nous devons l'assumer. Je vous remercie, Mesdames et Messieurs. (Applaudissements.)
M. François Lefort (Ve). J'entends bien les propos de Mme von Arx-Vernon, mais j'aimerais lui rappeler que ce que recherche ce Grand Conseil, c'est le meilleur projet. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Nous les Verts recherchons le meilleur projet. Celui dont il est question ici et dont on a parlé le 30 août a maintenant sept ans, et ce n'est visiblement pas le bon, parce que s'il s'était agi du bon projet et qu'il n'avait rencontré aucune opposition, il aurait pu obtenir la majorité et passer. Vous aviez d'ailleurs la majorité pour construire cette prison des Dardelles, il faudra donc nous expliquer pourquoi vous n'avez pas pu le faire et rénover Champ-Dollon ! Quoi qu'il en soit, ce n'est pas à nous de porter la culpabilité que vous voudriez nous imputer. Ce projet, qui a maintenant sept ans, a mis à bas en 2012 une autre planification financière...
Le président. C'est terminé, Monsieur le député !
M. François Lefort. ...qu'il serait bien de reconsidérer.
M. François Baertschi (MCG). Toutes les explications nécessaires figurent dans ce rapport, il faut donc être un peu de mauvaise foi pour vouloir le renvoyer au Conseil d'Etat, qui ne pourra rien nous dire de plus. Comme l'a indiqué une préopinante, il est certain qu'aucun autre canton ne veut construire de prison pour les Genevois, si bien que nous allons une fois de plus nous retrouver dans une impasse. Alors va-t-on construire ailleurs ou bien essayer de mettre nos détenus à la plaine de l'Orbe ou à Bellechasse ? Dans tous les cas, on va se retrouver inévitablement dans une impasse ! Sans compter qu'il est également nécessaire de rénover Champ-Dollon afin d'offrir aux détenus des conditions dignes - je pense notamment aux femmes, qui sont incarcérées dans des conditions très négatives, cela a été relevé. Nous n'avons pas le choix, nous sommes obligés de continuer à chercher des solutions. Le dossier est en train d'être examiné par la commission des travaux, je crois donc qu'il faut la laisser travailler. J'entends bien que certains voudraient qu'on supprime les prisons et qu'on crée des camps de vacances, des sortes de Club Méditerranée ou Dieu sait quoi, qui abriteraient des jolies fleurs, des petits oiseaux, et où tout serait beau. En théorie c'est génial, mais je crois qu'à un moment donné il faut revenir sur terre et accepter ce rapport, même si ce n'est pas tout à fait plaisant pour tout le monde. Je vous demande donc de prendre acte de cette réponse du Conseil d'Etat.
Le président. Je vous remercie. La parole est à Mme von Arx-Vernon pour une minute.
Mme Anne Marie von Arx-Vernon (PDC). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs, je pense qu'il faut vraiment arrêter ces échanges totalement stériles. Différents scénarios sont actuellement à l'étude à la commission des travaux, à la commission des visiteurs officiels des lieux de détention et à la commission d'aménagement, donc on travaille ! On est précisément en train de chercher comment réaliser ensemble le moins mauvais projet, même si ce n'est pas le meilleur... Essayons par conséquent d'être un peu respectueux de notre démocratie et de travailler ensemble pour le bien commun. Je vous remercie.
Le président. Je vous remercie, Madame la députée. Nous allons d'abord voter sur la première demande dont nous avons été saisis, soit le renvoi à la commission de l'environnement et de l'agriculture; en cas de refus, je mettrai aux voix la seconde, à savoir le renvoi au Conseil d'Etat, et si les deux requêtes sont rejetées, il sera pris acte de ce rapport.
Mis aux voix, le renvoi du rapport du Conseil d'Etat sur la pétition 2025 à la commission de l'environnement et de l'agriculture est rejeté par 47 non contre 37 oui et 3 abstentions.
Mis aux voix, le renvoi au Conseil d'Etat de son rapport sur la pétition 2025 est rejeté par 46 non contre 38 oui et 3 abstentions.
Le Grand Conseil prend donc acte du rapport du Conseil d'Etat sur la pétition 2025.