Séance du
jeudi 21 mars 2019 à
20h30
2e
législature -
1re
année -
10e
session -
59e
séance
La séance est ouverte à 20h30, sous la présidence de M. Jean Romain, président.
Assistent à la séance: Mmes et M. Anne Emery-Torracinta, Serge Dal Busco et Nathalie Fontanet, conseillers d'Etat.
Exhortation
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.
Personnes excusées
Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: MM. Antonio Hodgers, président du Conseil d'Etat, Pierre Maudet, Mauro Poggia et Thierry Apothéloz, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Simon Brandt, Jennifer Conti, Eric Leyvraz, Vincent Maitre, Philippe Morel, Ana Roch, Stéphanie Valentino et Salika Wenger, députés.
Députés suppléants présents: Mmes et MM. Olivier Baud, Pierre Bayenet, Patrick Hulliger, Sylvie Jay, Souheil Sayegh, Vincent Subilia, Francisco Valentin et Helena Verissimo de Freitas.
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, l'ordre du jour appelle la prestation de serment de magistrats du pouvoir judiciaire. Je prie le sautier de les faire entrer et l'assistance de bien vouloir rester debout. (Les magistrats entrent dans la salle et se tiennent debout, face à l'estrade.)
Madame et Messieurs, vous êtes appelés à prêter serment. Je vais vous donner lecture de la formule du serment. Pendant ce temps, vous tiendrez la main droite levée et, lorsque cette lecture sera terminée, à l'appel de votre nom, vous répondrez soit «je le jure», soit «je le promets». Veuillez lever la main droite.
«Je jure ou je promets solennellement:
- d'être fidèle à la République et canton de Genève, comme citoyen et comme juge;
- de rendre la justice à tous également, au pauvre comme au riche, au faible comme au puissant, au Suisse comme à l'étranger;
- de me conformer strictement aux lois;
- de remplir ma charge avec dignité, rigueur, assiduité, diligence et humanité;
- de ne point fléchir dans l'exercice de mes fonctions, ni par intérêt, ni par faiblesse, ni par espérance, ni par crainte, ni par faveur, ni par haine pour l'une ou l'autre des parties;
- de n'écouter, enfin, aucune sollicitation et de ne recevoir, ni directement ni indirectement, aucun présent, aucune faveur, aucune promesse à l'occasion de mes fonctions.»
Ont prêté serment:
M. Alain-Edouard Fischer, Mme Françoise Fasel Berta et M. Jean-Philippe Ferrero.
Veuillez baisser la main. Le Grand Conseil prend acte de votre serment et vous souhaite une heureuse carrière. La cérémonie est terminée. Vous pouvez vous retirer. (Applaudissements.)
Correspondance
Le président. L'énoncé de la correspondance reçue par le Grand Conseil vous a été transmis par courrier électronique. Cet énoncé figurera au Mémorial.
Courrier de l'Association NON à la nouvelle prison des Dardelles! relatif à la P 2025-B, rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur la pétition MENACE sur la zone agricole de Puplinge (point 58 de l'ordre du jour) (C-3838)
Je passe la parole à M. le député Thomas Wenger.
M. Thomas Wenger (S). Merci, Monsieur le président. Mesdames les députées, Messieurs les députés, chers collègues, le groupe socialiste demande la lecture du courrier 3838 de l'association Non à la nouvelle prison des Dardelles, relatif au point 58 de notre ordre du jour, la P 2025-B.
Le président. Je vous remercie, Monsieur le député. Il est pris acte de cette demande. Nous lirons cette lettre lorsque nous aborderons le point concerné. (Remarque.) Ah oui ! Etes-vous soutenu ? (Des mains se lèvent.) Vous l'êtes. J'avais anticipé sur la bonne volonté de vos collègues !
Annonces et dépôts
Néant.
Débat
Le président. Nous abordons notre premier point fixe en catégorie II, trente minutes. Je passe immédiatement la parole à M. le député Jean Batou.
M. Jean Batou (EAG). Merci, Monsieur le président. Chers collègues, j'ai lu avec attention le rapport du Conseil d'Etat concernant notre initiative «Zéro pertes», et je dois dire que j'ai été profondément déçu. C'est un rapport totalement inepte - je pèse mes mots. Pourquoi ? Tout d'abord, le Conseil d'Etat nous explique qu'il nous a compris... (Rire.) ...et donc qu'il combat la concurrence fiscale intercantonale, ce qui est un des premiers thèmes de notre initiative. Eh bien non, ce n'est pas le cas: je rappelle tout le temps le rapport, ou plutôt l'étude du Crédit suisse qui montre que Genève va passer, du point de vue de l'attractivité des entreprises, du treizième au quatrième rang, devançant de loin le canton de Vaud. Avec le projet de RFFA cantonale, nous pratiquons une politique délibérée d'accentuation de la concurrence fiscale.
D'ailleurs, je me réjouis de vous rappeler que dans ce Grand Conseil, dont les rangs sont clairsemés à cette heure de la soirée, nous sommes 49 députés - si nous suivons les consignes de nos partis - à nous opposer à la RFFA cantonale. Et je pense qu'il y aura une majorité du peuple pour dire non à celle-ci. En effet, ce n'est pas seulement un enjeu de concurrence fiscale intercantonale, mais aussi un enjeu quant à la baisse des recettes de l'Etat et du financement des prestations de service public: cette baisse pour l'Etat et les communes sera non pas de 232 millions - comme on nous le répète parce qu'on ne parle que de la première année - mais de plus de 400 millions à l'échéance de cette réforme. J'ajoute que les communes vont être touchées non seulement par la perte de 80 millions résultant de la RFFA, mais aussi par celle de 90 millions représentant les charges que l'Etat veut déplacer vers elles. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Les communes vont donc subir une pression énorme à travers cette réforme de la fiscalité. J'invite évidemment ceux et celles qui nous écoutent, et les parlementaires qui sont prêts à y réfléchir, à lutter de toutes leurs forces contre cette réforme inique et antisociale de la fiscalité...
Le président. Je vous remercie, Monsieur le député, nous avons bien compris.
M. Jean Batou. ...et donc à soutenir notre initiative. Merci.
M. Jean Rossiaud (Ve). Mesdames les députées, Messieurs les députés, les Verts ont soutenu, soutiennent et soutiendront cette initiative populaire cantonale. Resituons le contexte: à la suite du refus en votation populaire de la réforme fiscale des entreprises RIE III, et avant d'entrer dans le débat sur le nouveau projet RFFA, les Verts - avec d'autres - avaient proposé cette initiative. Que disions-nous ? Comme vous, Mesdames et Messieurs les députés, nous étions en faveur de la fin des statuts spéciaux et nous trouvions justes et justifiées les demandes de l'OCDE et de l'Union européenne à la Suisse pour que soit harmonisée l'imposition des entreprises, quel que soit leur statut.
Ceci étant dit, que demande notre initiative ? Oui à la réforme de la fiscalité des entreprises, mais sans pertes fiscales - d'où son titre «Zéro pertes» - dès la première année; oui à la réforme, mais sans baisse des rentrées, des recettes fiscales; oui à la réforme, mais sans dumping fiscal, ni international ni intercantonal ! Cette initiative aurait donc dû être étudiée en même temps que les projets de réforme que nous avons nommés RFFA cantonale et qui portaient sur le même objet. C'est ce que nous avons demandé plusieurs fois en commission, sans jamais être écoutés. Nous nous rappelons que sous la pression du Conseil d'Etat, la majorité de la commission a toujours voulu coupler le vote sur le projet RFFA fédéral au vote sur la réforme fiscale cantonale, pour de mauvaises raisons de tactique politicienne. La commission fiscale a travaillé à l'aveugle et au pas de course. On en est arrivé à un faux-semblant de compromis. Ce compromis sans âme, ce paquet ficelé par le PLR et les socialistes, qui ne satisfaisait personne, a vite été annulé par la base même des partis qui l'avaient signé, le parti socialiste et l'UDC. Il sera donc probablement refusé par le peuple, Mesdames et Messieurs, et notre initiative arrivera à point nommé comme une véritable alternative à la politique fiscale irresponsable, anti-écologique et antisociale que nous propose le Conseil d'Etat et que soutiennent le PLR, le PDC et le MCG.
Comme les Verts le répètent depuis le début de cette législature, les diminutions de rentrées fiscales accentuent les risques environnementaux et sociaux que Genève et la Suisse courent actuellement et qui s'avéreront toujours plus importants dans les années à venir: le risque financier, le risque systémique climatique. Le système actuel est tout sauf résilient. La politique fiscale peut et doit être l'outil de la réorientation vers davantage de résilience face aux crises et davantage de prospérité collective et partagée. Nous avons besoin d'une fiscalité écologique, c'est-à-dire une fiscalité qui favorise les entreprises et les individus qui ont des comportements vertueux et responsables en matière sociale et environnementale. Les Verts restent donc fidèles à leurs principes et continuent à soutenir l'initiative «Zéro pertes»: oui à une adaptation, oui à l'initiative ! Je vous remercie d'en prendre note. Merci de votre attention.
M. Yvan Zweifel (PLR). Permettez-moi tout d'abord de souscrire à une tradition qui n'est pas vieille - elle a été instaurée il y a quelque temps par notre collègue Pierre Eckert: je voulais me présenter, je suis Yvan Zweifel, nouveau chef de groupe du PLR. (Rires. Applaudissements.)
Des voix. Bravo !
M. Yvan Zweifel. Mesdames et Messieurs, j'ai lu cette initiative. Que demande-t-elle ? M. Rossiaud vient de le résumer: une réforme fiscale sans pertes. Mesdames et Messieurs, je suis d'accord avec cette proposition, mais je ne suis pas d'accord avec les propositions de ceux qui la soutiennent. On nous explique: «Ah ! Cette réforme va ruiner le canton parce qu'il y aura des pertes fiscales.» On les a estimées à 186 millions - c'est le bon chiffre. M. Batou est allé jusqu'à 400 millions. Voyons les choses plus clairement. Il y a dans ce canton, Mesdames et Messieurs, 33 000 personnes morales. Sur ce total, mille sont des sociétés à statut. Ces mille sociétés à statut paient 480 millions au titre des impôts cantonaux et communaux sur le bénéfice et sur le capital. Les 22 000 employés de ces entreprises paient en outre plus de 600 millions d'impôts sur le revenu. Au total, cela représente 1,1 milliard de recettes fiscales.
Avec votre proposition, Monsieur Rossiaud, Monsieur Batou, et tous ceux qui soutiennent cette initiative, ce ne sont pas des pertes fiscales de 186 millions que vous voulez éviter, ni même de 400 millions; ce que vous nous proposez, ce sont des pertes fiscales de 1,1 milliard ! C'est ça, la réalité ! (Applaudissements.) Et en plus des 22 000 employés qui paient 600 millions d'impôts, je ne compte même pas les 39 000 employés de toutes les autres sociétés qui offrent des services à ces mille sociétés à statut.
On pourrait se dire: «Ces sociétés à statut, on ne veut pas les voir, on ne les aime pas. Remplaçons donc ces mille sociétés à statut par des PME locales.» M. Rossiaud aime bien dire ça. Faisons le calcul: sur les 33 000 personnes morales, les PME locales, ce sont 28 000 sociétés qui paient 250 millions au titre de l'impôt sur le bénéfice et de l'impôt sur le capital. Faites une règle de trois: pour remplacer ces mille sociétés à statut, il faudrait 51 000 PME supplémentaires à Genève. Les Verts, qui sont contre le mitage du territoire, m'expliqueront où on les mettra.
Mesdames et Messieurs, je termine sur l'étude du Crédit suisse qu'aime bien citer M. Batou. Il dit que selon l'étude, Genève sera le quatrième canton le plus compétitif. Il a raison, mais il a raison dans le cas d'une réforme à 13,79%. Ce n'est pas le cas à 13,99%, et ça l'est encore moins avec votre proposition à 16%, 18% ou 24%: avec ces taux, vous rendez Genève le canton le moins compétitif, d'où tout le monde va partir, où personne ne va venir. Vous expliquerez alors à vos électeurs pourquoi les caisses sont vides, parce que ce sera de votre faute. (Applaudissements.)
Le président. Je vous remercie, Monsieur le nouveau chef de groupe PLR. Je passe la parole à M. François Baertschi.
M. François Baertschi (MCG). Merci, Monsieur le président. L'initiative sur laquelle nous devons nous prononcer fait suite au projet RIE III qui laissait planer des inquiétudes au niveau suisse, surtout sur le financement de la réforme. Ces doutes sont maintenant levés. La RFFA, réforme de la fiscalité et de l'AVS, a deux axes: d'un côté, elle protège l'activité économique et l'emploi tout en garantissant le financement des services publics; de l'autre, elle renforce le financement de l'AVS, institution essentielle pour notre cohésion sociale suisse. Mais au niveau genevois, elle soutient aussi efficacement les assurés-maladie de la classe moyenne, les grands-parents et les parents qui verront les crèches davantage financées. La RFFA est un projet gagnant-gagnant qu'il faut à tout prix soutenir. Le MCG s'oppose au système de péréquation intercantonale, qui est un marché de dupes et permet une concurrence fiscale entre les cantons. Mais cette initiative n'intervient pas sur ce sujet central et sera donc complètement inefficace. En conséquence, le groupe MCG ne la soutiendra pas.
M. Jean-Marc Guinchard (PDC). J'aimerais faire deux remarques. La première s'adresse à M. Rossiaud, vous transmettrez, Monsieur le président: je ne suis pas d'accord qu'on dise que la commission fiscale a travaillé, je cite, de façon aveugle et au pas de charge. Pour une fois - ce n'est pas toujours la coutume - cette commission a travaillé de façon efficace et éclairée, parce que les délais qui nous étaient imposés étaient courts. Je pense que le compromis que nous avions trouvé - qui n'existe plus, malheureusement - pourvu d'un volet social important, avec plus de 20 millions pour des crèches et plus de 186 millions pour l'assurance-maladie, est un bon axe de travail, dont l'efficacité pourra être soumise au peuple sans qu'on ait aucune crainte, j'en suis persuadé.
J'aimerais aussi répondre à M. Batou, vous transmettrez. Il combat le fait que nous puissions enregistrer des déficits suite à l'adoption de la RFFA. Mais il est issu des mêmes partis qui ont présenté l'initiative 170 qui vise à plafonner les primes d'assurance-maladie à 10% des revenus du ménage, initiative dont le coût serait, la première année de son introduction, de plus de 400 millions, et atteindrait un montant de 970 millions d'ici dix ans. Il faut savoir de quoi on parle ! Je vous remercie.
M. Christo Ivanov (UDC). Je m'exprime en tant que président de la commission fiscale. Je remercie M. le député Jean-Marc Guinchard - vous transmettrez, Monsieur le président - d'avoir remis l'église au milieu du village. En effet, nous avons fait un travail colossal afin d'être dans les délais et que le peuple puisse voter le 19 mai prochain sur la réforme de l'imposition des entreprises.
J'aimerais dire que nous ne débattons pas ici sur l'initiative, nous devons seulement nous exprimer sur sa validité. Le texte a été validé, il conviendra donc d'en débattre en commission. Je me réjouis que nous puissions commencer ces travaux. Je vous remercie, Monsieur le président.
M. Romain de Sainte Marie (S). Certains pourront penser: «Mais que diable va-t-il faire dans cette galère ?», comme on l'entend dans «Les Fourberies de Scapin». C'est vrai, personnellement, je suis pleinement en faveur de la réforme de la fiscalité des entreprises, et je suis aussi en faveur de cette initiative, parce que je pense que la réforme entre dans son cadre. Mais il faut voir les choses de façon plus large et d'un peu plus loin.
D'abord, c'est une initiative constitutionnelle. Elle vise à fixer un cadre, elle a une portée générale sur la loi, ici la loi sur l'imposition des personnes morales. Le fait de donner un cadre est mentionné comme premier principe de ce texte qui permet de lutter contre la concurrence fiscale entre les cantons, ce mal qui touche notre pays. Autant le système fédéral est un atout de la Suisse, autant le système fiscal fédéral est un mal qui touche chacun des cantons. On connaît plusieurs exemples, comme celui de Lucerne, qui, sans prétexte, a baissé sa fiscalité et l'a ensuite chèrement payé à coup de suppressions de prestations, notamment dans l'enseignement, avec une semaine de vacances supplémentaires sans raison.
On peut regretter que la Confédération ne détermine pas au niveau national un seuil avec un impôt fédéral direct plus élevé que celui qu'on connaît aujourd'hui, qui permette de lutter contre la concurrence fiscale entre cantons. Cette initiative fixe dans la constitution genevoise - c'est un premier pas - la lutte contre cette concurrence fiscale, qu'on aimerait aussi voir figurer dans la Constitution fédérale, parce que ce serait encore plus efficace. Je pense que ni à gauche ni à droite, on ne peut contredire cet argument: aller de l'avant dans la concurrence fiscale, c'est entraîner les cantons vers leur perte. On pratiquerait alors une politique du pire qui voudrait jouer sur la concurrence pour attirer les personnes morales ou physiques au détriment des prestations à la population, ce qui reviendrait à mettre en péril la qualité de vie des habitants dans chacun des cantons.
Mesdames et Messieurs, cette initiative inscrit trois autres principes dans la constitution. Là encore, on fixe un cadre général, qui porte au-delà de la fiscalité des entreprises; c'est d'ailleurs dommage que le débat ne porte aujourd'hui que sur cette réforme-là, puisqu'il faut avoir des principes généraux qui garantissent le financement des prestations publiques, la progressivité de l'impôt et aussi un certain niveau de la fiscalité. Ces principes ont tout intérêt à figurer dans notre constitution pour le bien-être de la population. Je vous remercie, Monsieur le président.
Mme Nathalie Fontanet, conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, la récolte de signatures pour cette initiative s'est faite juste après l'échec de la RIE III et au moment où la commission fiscale du Grand Conseil avait, comme un seul homme, voté un taux de 13,49%. Les initiants étaient très inquiets, suite à cet échec de la RIE III, de voir le canton de Genève se retrouver dans une compétition ou une sous-enchère fiscale.
Les travaux menés en commission ont montré qu'il en allait tout autrement. Que vous le vouliez ou non, que certains se soient rétractés ou non, le projet ressorti des travaux de commission, Mesdames et Messieurs, était bien le fruit d'un compromis. La preuve de cela est que son taux a sensiblement augmenté, que les pertes, l'impact statique ont sensiblement baissé, que ce soit pour le canton ou les communes. Avec le taux qu'il a choisi, le canton de Genève n'est pas en train de faire de la sous-enchère fiscale, n'a pas augmenté ses pertes. Seize cantons ont un taux inférieur au sien, Mesdames et Messieurs, six autres ont un taux supérieur au sien. C'est dire si Genève n'a pas fait de sous-enchère fiscale. Ce sont des éléments importants à indiquer.
Il faut peut-être aussi rappeler à certains ce que signifie le taux tel qu'il est indiqué. Le canton de Genève a un taux de 13,99%, et il a un taux plancher - donc l'imposition minimale qui sera applicable, avec les mesures de déductions possibles - de 13,48%. Vous me direz, Mesdames et Messieurs, que ça ne correspond pas à l'initiative 172 qui nous est proposée, parce que le taux visé par celle-ci est de 16%. Fantastique, le taux de Zurich est de 18,1% ! Pensez-vous, Mesdames et Messieurs, que Zurich appliquera ces 18,1% ? Eh bien non, parce que Zurich fait une utilisation extensive des mesures de déduction fiscale et que son taux plancher sera d'environ 11,2%.
Mesdames et Messieurs, on peut se battre sur la question des taux. Ce n'est pas cette question qui est importante, mais celles des déductions fiscales possibles, du taux plancher, des pertes statiques calculées, des prestations offertes à la population en accompagnement de cette réforme. Que cela vous plaise ou non, le Conseil d'Etat a entendu ces questions-là. C'est dans ce contexte-là qu'il a conçu un projet de loi plus raisonnable et c'est aussi dans ce contexte-là qu'est ressorti un compromis de la commission fiscale, un compromis qui diminue l'impact pour les communes à 48 millions - il le diminue de 67 millions pour elles, et de plus de 200 millions pour le canton, qui se retrouve avec un impact global de 186 millions. Mesdames et Messieurs, des mesures ont été prises avec la suspension du frein au déficit, des prestations en faveur de la population, une aide aux classes moyennes pour que tout le monde puisse sereinement accepter cette réforme.
Un dernier mot avant que je vous laisse la parole, Monsieur le président - veuillez m'excuser: il ne faut pas se mentir, Mesdames et Messieurs, les statuts vont être supprimés. Quoi qu'il arrive, que nous acceptions la réforme ou non, les statuts seront supprimés par la Confédération. Le choix de ces entreprises sera d'avoir une imposition à 11,6% en moyenne aujourd'hui, ou, demain, si la réforme n'est pas acceptée, à 24,2%. Et dans ce cas, il n'est pas besoin d'être grand devin pour savoir que les 1,1 milliard dont vous parlait M. Zweifel iront sous d'autres cieux qui accueilleront mieux non seulement les 22 000 emplois mais aussi ces 1,1 milliard de recettes fiscales.
Mesdames et Messieurs, notre canton ne peut pas accepter cette perte. La population en sera consciente, elle nous écoute, elle ne raisonne pas de la même façon que certains et elle nous entendra. Le Conseil d'Etat ne soutiendra pas cette initiative. Merci, Mesdames et Messieurs. (Applaudissements.)
Des voix. Bravo !
Le président. Je vous remercie, Madame la conseillère d'Etat.
L'initiative 172 et le rapport du Conseil d'Etat IN 172-A sont renvoyés à la commission fiscale.
Débat
Le président. Nous abordons le deuxième point fixe de notre ordre du jour, l'IN 173 et l'IN 173-A, qui sera traité en catégorie II, trente minutes. (Un instant s'écoule.) Je ne vois pas qui souhaite s'exprimer; il faut introduire votre carte dans la console de façon que je voie apparaître votre nom. (Un instant s'écoule.) Et voilà le miracle de la technologie ! C'est à vous, Monsieur Pablo Cruchon.
M. Pablo Cruchon (EAG). Merci, Monsieur le président. Mesdames les députées, Messieurs les députés, je suis heureux de pouvoir parler aujourd'hui d'un sujet ô combien important pour notre canton et pour la population qui y vit. Aujourd'hui, enfin, on arrête de pleurnicher sur le sort des grandes entreprises, on arrête de pleurer sur le sort des actionnaires et on s'intéresse à une vraie question sociale, à une vraie préoccupation des habitants: les conditions de vie de la population genevoise. Je me permets d'ailleurs de remercier les initiants de nous offrir l'occasion de parler de cette vraie question sociale, à savoir la lutte contre la pauvreté et l'instauration d'un salaire minimum de 23 F l'heure.
Pourquoi est-ce aussi important d'en parler à nouveau ? Eh bien, c'est simple: 10% des travailleuses et des travailleurs gagnent, en travaillant à 100%, parfois jusqu'à 45 heures par semaine, moins de 4000 F par mois. Pire: 5% des travailleuses et des travailleurs gagnent moins de 3500 F en travaillant à 100%, parfois jusqu'à 45 heures par semaine. De qui parle-t-on ? Des employés des secteurs de l'hôtellerie-restauration, où le salaire minimum est à 3700 F; du nettoyage, où il est de 3400 F; de la coiffure, où il s'élève à 3350 F; des boulangeries, où il se monte à 3435 F; enfin, du nettoyage industriel des textiles, où le salaire minimum est de 3575 F.
C'est une liste non exhaustive, et c'est surtout une liste d'employées et d'employés couverts par une convention collective de travail qui prévoit des salaires minimaux. Parce que je vous rappelle que 40% des travailleuses et des travailleurs de ce canton n'ont pas de convention collective, des salaires minimaux ne sont donc pas appliqués dans leur cas. Il peut y avoir des situations aberrantes, et on en a vu, comme des secrétaires engagées avec des salaires de 1500 F, qui ont fait recours. C'est tout simplement inadmissible qu'on puisse avoir des salaires de ce niveau-là, ce d'autant plus que deux tiers des personnes touchées sont des femmes. Eh oui, ce sont les femmes qui sont les premières impactées par les inégalités de traitement dans les salaires !
Je vous rappelle aussi que le revenu minimum d'aide sociale à Genève est défini par les prestations complémentaires cantonales à 3821 F. Nous avons donc un vrai problème: l'aide sociale vient couvrir les besoins de la population parce que les patrons ne paient pas correctement les salariés. Comme le disait le rapport du Conseil d'Etat sur la pauvreté, si on veut agir là-dessus, il faut absolument que l'Etat intervienne pour corriger les grilles salariales et instaurer une vraie mesure de lutte contre la pauvreté: un salaire minimum de 23 F l'heure. Il est par conséquent indispensable de travailler sur ce texte et de venir devant ce parlement avec un projet sérieux. Nous inviterons à soutenir cette initiative. Merci. (Applaudissements.)
M. François Baertschi (MCG). L'un des axes du MCG est de défendre les acquis sociaux des travailleurs du privé et du public: cela figure dans notre charte. Nous estimons qu'il faut protéger les travailleurs du canton de Genève face à l'ouverture des frontières et à l'afflux des travailleurs frontaliers - des «eurofrontaliers», qui ne proviennent pas de la région frontalière mais de l'autre bout du continent européen, de Marseille ou de Lille. C'est pourquoi nous avons fait la promotion de la préférence cantonale à l'embauche.
Le salaire minimum a plusieurs défauts: il incite les employeurs à baisser les salaires moyens pour les aligner sur le minimum. C'est ce qui se passe avec le SMIC français. Ce salaire minimum pousse également les employeurs à engager du personnel frontalier à un salaire trop bas. Nous voulons que les résidents genevois aient de bons salaires, c'est pourquoi nous allons nous opposer au salaire minimum et à l'initiative 173.
M. Christo Ivanov (UDC). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, le préopinant d'Ensemble à Gauche nous a parlé de l'hôtellerie, de la restauration, du nettoyage, de la coiffure, des boulangeries. Or je rappelle qu'il existe dans ce pays des conventions collectives de travail, que celles-ci sont négociées de manière tripartite et qu'elles correspondent au marché du travail. Il s'agit donc pour l'UDC de renégocier de manière tripartite ces conventions collectives et de les étendre, le cas échéant, aux secteurs où elles n'existent pas. Pour toutes ces raisons, le groupe UDC refusera l'initiative 173, mais il se réjouit de traiter ce dossier en commission. Je vous remercie.
Mme Frédérique Perler (Ve). Les Verts ont soutenu cette initiative et ils continueront à la soutenir. Permettez-moi, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, de vous rappeler une maxime populaire qui dit: il faut bien gagner sa vie, ou gagner sa croûte. Qu'est-ce que cela signifie ? Cela signifie que nous devons - tout un chacun - travailler pour pouvoir vivre. Et c'est bien la quintessence de cette initiative.
Après une lecture attentive, tout le contenu du rapport du Conseil d'Etat - fort intéressant au demeurant - plaide en faveur du renvoi de cet objet à la commission des affaires sociales. Je citerai uniquement deux éléments. Outre le fait qu'on nous parle beaucoup, dans ce document, de justice sociale et de lutte contre les inégalités, le gouvernement souligne surtout les conclusions du Tribunal fédéral à la suite d'un recours contre la loi neuchâteloise. Et que conclut le Tribunal fédéral ? Eh bien il confirme qu'une loi qui concrétise un salaire minimum en vue de garantir à tous les salariés des conditions de vie décentes sans avoir besoin de recourir à l'aide sociale, contribuant ainsi à lutter contre la pauvreté, ne relève pas de la politique économique mais bien de la politique sociale. La loi neuchâteloise a donc tout son sens et toute sa légitimité. Mais l'exécutif précise surtout qu'il est de fait insoutenable que l'Etat doive pallier les salaires insuffisants versés par les acteurs de l'économie.
Voilà des thèmes bien connus de la commission des affaires sociales; ils font partie de nos domaines d'expertise. Pour étudier cette initiative justement sous l'angle de la politique sociale, le groupe des Verts - avec d'autres, je l'espère - vous invite, Mesdames et Messieurs, à la renvoyer à la commission des affaires sociales. Je vous remercie. (Applaudissements.)
Le président. Je vous remercie, Madame la députée, je ferai voter à la fin du débat pour savoir si l'assemblée décide de renvoyer l'initiative à la commission des affaires sociales ou à celle de l'économie, comme demandé. En attendant, je passe la parole à M. le député Serge Hiltpold.
M. Serge Hiltpold (PLR). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, c'est intéressant d'avoir cette discussion, compte tenu du fait qu'il y a déjà eu des votations sur le salaire minimum et qu'il a été refusé à 66,1% à Genève et à 76,3% au niveau fédéral. Le coeur de la discussion, c'est le partenariat social; beaucoup de députés se gaussent de ses avantages, mais ils n'en comprennent pas véritablement l'ADN. L'ADN du partenariat social, c'est une discussion constructive entre des employeurs - qui ne sont pas tous des patrons pourris, profiteurs, à cigare - et leurs collaborateurs, des gens avec qui ils travaillent toute la semaine et qu'ils respectent.
Le partenariat social a amené de grandes avancées en Suisse. Vous pouvez le vérifier en faisant une comparaison avec l'Europe: dans la construction, les salaires y sont de 12 euros alors qu'ils atteignent 30 F en Suisse. Pratiquement le triple ! C'est véritablement grâce aux négociations de branche. Et qu'est-ce qui fait que les négociations de branche sont positives ? C'est qu'elles sont menées par des gens concernés premièrement par leur travail, deuxièmement par leur domaine d'activité et troisièmement par la formation. Formation souvent oubliée, malheureusement, par les syndicats, plus préoccupés par les prestations salariales.
Les partenaires sociaux ont pris leurs responsabilités, notamment avec l'Inspection paritaire des entreprises, votée à l'unanimité de ce parlement. On peut donc dire que lorsque les partenaires sociaux sont d'accord de travailler de manière juste et équilibrée, le politique suit puisqu'il représente les deux tendances ! Ensuite, il y a des contrôles du marché du travail, faits notamment avec le conseil de surveillance du marché de l'emploi et la Chambre des relations collectives de travail. Ces instances établissent des contrats types de travail lorsqu'il n'y a pas de convention collective et veillent à l'application des usages. Donc, cela fonctionne.
J'aimerais revenir sur un élément qui me semble capital. On a vu que le dogmatisme politique n'était pas constructif, et je prends un exemple très concret. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Le projet de loi 12364 est le fruit d'un accord entre les partenaires sociaux sur la capitalisation de la fondation de prévoyance du personnel des TPG. Et la majorité, de gauche, qui se dessine à la commission des finances va détricoter cet accord, trouvé de manière paritaire, pour des raisons dogmatiques ! Des gens, dans une branche, concluent un accord, et que fait cette commission pour des raisons politiques ? Vous fourvoyez le partenariat social...
Le président. C'est fini, Monsieur le député.
M. Serge Hiltpold. ...et ça, c'est un débat fondamental. En conclusion, je demande le renvoi à la commission de l'économie. Merci. (Applaudissements.)
M. André Pfeffer (UDC). Je vais citer les paroles d'un ancien syndicaliste, M. Beat Kappeler. (Rires.) Cet ancien syndicaliste dit: «Le salaire minimum va à l'encontre de l'intérêt des travailleurs.» (Commentaires.) La négociation doit être laissée aux partenaires sociaux, et les conventions collectives de travail doivent tenir compte des situations différenciées. En cas de salaire minimum existe le risque que certains salaires soient tirés vers le bas, et Beat Kappeler donne l'exemple de Neuchâtel: si dans ce canton, qui a un salaire minimum, tout le monde travaillait à plein temps, il n'y aurait pas de working poors. Les working poors sont des gens - en général et malheureusement - mal adaptés au marché du travail. (Exclamations. Protestations.) Les conséquences de l'introduction d'un salaire minimum sont plus de chômage et une augmentation des contrats de travail à durée déterminée... (Remarque.) ...ce qui entraîne une augmentation de la précarité pour les salariés. Cet exemple s'est avéré dans tous les cas où il y a eu l'introduction d'un salaire minimum. Merci pour votre attention.
M. Sylvain Thévoz (S). Mesdames et Messieurs les députés, le parti socialiste vous invite à renvoyer cette initiative à la commission des affaires sociales. En effet, ses enjeux portent avant tout, on l'a dit, sur l'égalité et la lutte contre la précarité, qui frappe aujourd'hui de plus en plus de citoyens. Le nombre des working poors pourrait doubler dans les prochaines années; les working poors sont des gens qui n'arrivent simplement pas à boucler leurs fins de mois - parfois avec un travail, parfois avec un deuxième travail - à cause notamment de la hausse du coût de la vie.
Il n'est pas vrai, contrairement à ce que prétend le PLR, que les conventions de travail peuvent tout régir. A Genève, il y a uniquement 50%, au maximum, de conventions de travail signées. Il n'est pas non plus vrai de prétendre qu'un salaire minimum tirerait les salaires vers le bas; au contraire, c'est évidemment le fait de ne pas instaurer un plancher qui permet de descendre jusqu'à des 7 F ou 8 F l'heure, et même plus bas.
Aujourd'hui, 8% à 10% des ménages sont concernés par la précarité. Cette situation se répercute bien sûr sur les finances publiques, et les députés de droite, qui nous tiennent toujours un discours sur l'importance de faire des économies, qui luttent pour faire baisser les prestations sociales afin que l'Etat puisse faire des économies, devraient voir là une opportunité pour mettre en oeuvre leur politique. En effet, avec un salaire minimum, les gens gagneraient dignement leur vie - les gens gagneraient dignement leur vie ! - et ils ne solliciteraient pas l'Etat. Ils auraient moins besoin de prestations complémentaires, ils auraient moins besoin de ce type d'assurance qui, je l'ai dit, leur permet uniquement de boucler leurs fins de mois.
Un nombre croissant de travailleurs pauvres se trouvent à l'Hospice général. C'est la réalité, et il est étonnant de voir que les partis de droite - dont le PLR, qui se veut le parti de l'économie, de l'innovation - s'attardent à ce point dans une position, excusez-moi, idéologique par rapport à la réalité genevoise d'aujourd'hui: certaines personnes travaillent, mais elles travaillent à des tarifs complètement indécents qui ne leur permettent plus de boucler les fins de mois. Le seuil de la pauvreté est à 2247 F en Suisse. Vous connaissez le prix des loyers et le coût de la vie à Genève: il est tout simplement impossible de vivre avec moins de 4000 F par mois, ce qui équivaut, en gros, au salaire mensuel qui serait atteint avec une rémunération de 23 F l'heure. Nous vous remercions de renvoyer cette initiative à la commission des affaires sociales, où nous l'étudierons attentivement. Merci. (Applaudissements.)
M. Jean-Marc Guinchard (PDC). J'aimerais tout d'abord dire que je m'inscris en faux contre l'image, donnée par certains intervenants ce soir, de députés de droite - et du centre, d'ailleurs - qui sabreraient dans les prestations, alors que nous sommes dans un canton particulièrement généreux à cet égard. J'aimerais rappeler aussi le filet des relations de travail qui est tissé à Genève de façon bipartite ou tripartite. C'est une vieille tradition toujours vivace dans notre canton, que ce soit par l'adoption et le contrôle des usages, par le fait de favoriser la conclusion de conventions collectives ou de contrats types de travail, ou encore par les activités déployées par le conseil de surveillance du marché de l'emploi ou la CRCT. Ces instances sont plus développées à Genève que dans les autres cantons, et elles ont des effets appréciables sur la protection des travailleurs. L'inspection paritaire des entreprises, la dernière en date, a démontré son efficacité dans la lutte contre la sous-enchère salariale et le travail au noir. Dans ce contexte, il s'agit peut-être de trouver un moyen différent de celui proposé par cet objet, et le groupe démocrate-chrétien vous enjoint de renvoyer cette initiative à la commission des affaires sociales. Je vous remercie.
Mme Marion Sobanek (S). Il est juste incroyable d'entendre que les working poors sont des personnes mal adaptées au travail ! C'est une insulte pour cette partie de la population, toujours plus grande, et je voudrais rectifier ces propos: les working poors dépendent des patrons qui ne paient pas assez, c'est tout ! Merci. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Madame la députée. Nous passons aux votes sur la double demande: soit...
Mme Nathalie Fontanet. Je suis navrée, je croyais qu'il y avait encore une prise de parole et je n'avais donc pas appuyé sur le bouton.
Le président. Madame Fontanet, je vous passe la parole.
Mme Nathalie Fontanet, conseillère d'Etat. Je vais me faire beaucoup gronder ! Mesdames et Messieurs les députés, le Conseil d'Etat ne vous recommande pas d'adopter cette initiative; il y est opposé pour plusieurs raisons. On ne va pas remettre en question le fait qu'il y ait, dans notre canton, des personnes qui ne sont pas en mesure de vivre de leur salaire. La situation est effectivement problématique, mais le Conseil d'Etat est convaincu que ce n'est pas par l'introduction d'un salaire minimum que la situation est susceptible d'évoluer. D'abord parce qu'il existe à Genève un partenariat social fort - il est d'ailleurs bien plus fort que dans la plupart des autres cantons - mais aussi parce que quand il n'y a pas de convention collective, il est en effet possible d'avoir recours à des contrats types. Et la CRCT intervient de fait assez rapidement en cas d'abus.
Par ailleurs, Mesdames et Messieurs, il ne faut pas se mentir: dans certains secteurs économiques, il n'est pas possible d'avoir des salaires plus élevés, pour des questions de valeur ajoutée des emplois proposés. Le Conseil d'Etat est convaincu qu'un salaire minimum instauré pourrait finir par devenir l'étalon, sans que soit prise en considération la formation des différents salariés et collaborateurs. Mesdames et Messieurs, nous en avons un exemple pas très loin: il suffit de regarder ce qui se passe en France voisine avec le SMIC. Celui-ci partait d'une très bonne intention, à savoir fixer un salaire minimum pour chaque employé afin qu'il n'y ait pas de working poors. Pourtant, on voit bien la situation dans ce pays: elle est dramatique. Il n'y a plus de partenariat social, le SMIC est effectivement devenu l'étalon, et on devrait s'estimer heureux de cette situation ! Ce n'est pas ce que nous souhaitons pour le canton de Genève.
Le gouvernement est également convaincu que la piste principale à suivre dans ce type de situation, ce n'est pas d'imposer un salaire minimum - il ne faut pas se mentir, Mesdames et Messieurs - mais le développement de la formation. C'est ce qui permettra aux personnes d'évoluer: celles qui, à un moment de leur vie, ont un emploi peu rémunéré pourront en trouver un autre dans lequel des capacités et une formation supérieures sont requises, parce que nous les aiderons, en les formant, à atteindre ces emplois. Ainsi, Mesdames et Messieurs les députés, le Conseil d'Etat n'est pas favorable à cette initiative. Merci. (Applaudissements.)
Le président. Je vous remercie, Madame la conseillère d'Etat. Nous passons aux votes sur le renvoi en commission. La commission initialement prévue était celle de l'économie, nous commencerons donc par celle-ci. Si ce renvoi est refusé, nous nous prononcerons sur le renvoi à la commission des affaires sociales.
Mis aux voix, le renvoi de l'initiative 173 et du rapport du Conseil d'Etat IN 173-A à la commission de l'économie est adopté par 53 oui contre 43 non.
Débat
Le président. Le traitement de nos deux points fixes étant terminé, nous pouvons passer aux urgences, à commencer par la M 2534, classée en catégorie II, trente minutes. Je donne immédiatement la parole à M. Pierre Conne.
M. Pierre Conne (PLR). Merci, Monsieur le président. Chers collègues, je m'exprime au nom de la commission judiciaire qui a rédigé cette motion - signée par la totalité des groupes - laquelle demande au Conseil d'Etat de présenter un rapport détaillé sur le dispositif sécuritaire du CEVA en lien avec sa mise en service prévue le 15 décembre prochain. J'aimerais apporter quelques éclaircissements pour expliquer pourquoi nous en sommes arrivés à vous proposer cet objet. La commission judiciaire a été saisie d'une motion, présentée par M. Baertschi, qui portait sur des questions de sécurité essentiellement liées à la délinquance et à la criminalité. L'ensemble de la commission a rejeté ce texte, considérant que cette approche ciblait un aspect trop étroit. Lors de ses débats, elle a cependant estimé que sur le fond il était tout à fait pertinent de vouloir éclaircir les questions de sécurité et de sûreté relatives au déploiement de cette nouvelle ligne ferroviaire. Du reste, en creusant le sujet, on s'est aperçu que depuis 2015, tout au long de la construction du CEVA, le Conseil d'Etat avait été interpellé à trois reprises par divers groupes de ce Grand Conseil - sous forme de question ou de motion - à propos de différents aspects liés à la sûreté et à la sécurité. Notre parlement, conscient de l'importance de ces enjeux, a donc jugé qu'il était nécessaire de demander au Conseil d'Etat de présenter un rapport d'ensemble sur les questions sécuritaires franco-suisses - c'est le but de cette motion - notamment sur la manière dont la sécurité et la sûreté allaient être garanties lors de la mise en oeuvre du CEVA. L'ensemble de la commission judiciaire a par ailleurs souhaité demander le traitement en urgence de cette motion afin de laisser au Conseil d'Etat le temps de nous rendre réponse dans un délai raisonnable, c'est-à-dire avant l'ouverture du CEVA, bien sûr. Ce rapport permettra probablement aussi de répondre à une série de questions que pourraient se poser les citoyens en tant que futurs usagers de cette infrastructure. Ce texte a donc vraiment pour objectif de fournir des éclaircissements et des informations, mais également de rassurer les futurs passagers quant à l'utilisation de cette nouvelle ligne ferroviaire. Je précise encore, Mesdames et Messieurs les députés, que cette motion a été déposée par la commission dans le but d'être renvoyée directement au Conseil d'Etat. Je vous remercie.
Mme Xhevrie Osmani (S). Je vais probablement être redondante, car l'intervention du député Pierre Conne, qui s'inscrit dans une démarche unanime de la commission, a été plus que complète. J'aimerais peut-être juste ajouter que nous attendrons avec impatience ce rapport, parce que nous sommes à un tournant majeur avec l'ouverture du CEVA. Comme vous l'avez compris, les diverses interpellations sous forme de question et de motion reprises dans les considérants de cet objet avaient toutes pour but de savoir comment la sécurité de ce nouveau réseau ferroviaire allait être garantie. Sa fréquentation ne sera pas des moindres, il est donc important de rassurer la population, ses futurs usagers et usagères, quant aux craintes liées aux incivilités, à la délinquance et à la criminalité potentielles sur ce réseau, mais aussi dans les lieux qu'il desservira. Nous attendons ces informations concernant les garanties de sécurité afin que tout un chacun soit rassuré, et c'est d'ailleurs pour cela que la commission unanime a présenté cette motion. Merci. (Applaudissements.)
M. François Baertschi (MCG). Je me réjouis que cette motion de commission ait été déposée suite à une motion du MCG renvoyée à la commission judiciaire, parce qu'il y a effectivement une problématique en lien avec le CEVA qui nous attend, celle de l'insécurité liée aux incivilités, et principalement à la criminalité. En effet, il faut savoir que l'une des futures gares du CEVA se trouvera près d'un quartier reconnu à risque, soit le quartier du Perrier, où il existe quand même un risque potentiel, envisageable. Chacun se souvient en outre des actes de barbarie commis en Vieille-Ville l'été dernier, sauf erreur, dont les auteurs venaient de la région de Thonon. Il y a donc inévitablement un risque, il ne faut pas se cacher la vérité ! Les médias français nous cachent d'ailleurs une certaine réalité, celle du développement de la violence et de l'extrême violence en France, un phénomène qui n'épargne malheureusement pas la région frontalière genevoise. Cette insécurité est présente, et je vais vous citer quelques chiffres: selon les statistiques officielles, 13 000 vols, 2000 agressions et 200 viols sont commis chaque jour en France. Ce sont des chiffres énormes ! Et je conseille aux téléspectateurs qui auraient envie d'en savoir plus de lire l'excellent livre-enquête de Laurent Obertone appelé «La France Orange mécanique»: il donne tous les détails concernant l'augmentation de l'insécurité - et de l'insécurité de très haut niveau, malheureusement - qui embrase la France. Merci, Monsieur le président.
Mme Marjorie de Chastonay (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, si j'ai bien compris, nous sommes en train de parler de la motion de commission 2534 et non pas de la M 2500 dont je suis la rapporteuse de majorité, puisque cet objet se trouve plus loin dans l'ordre du jour. C'est exact, Monsieur le président ?
Le président. Tout à fait, Madame la députée !
Mme Marjorie de Chastonay. D'accord, merci ! Je vais donc me concentrer sur cette motion de commission, qui représente quand même l'aboutissement d'un compromis. On l'a dit, elle a été déposée suite aux discussions centrées sur la M 2500 - que nous traiterons sans doute prochainement - qui a été refusée par la majorité de la commission. Les commissaires ont cependant trouvé cette solution de compromis pour demander au Conseil d'Etat un rapport sur les aspects sécuritaires du CEVA, afin d'obtenir un état des lieux de l'avancement des travaux qui concernerait la sécurité en général et qui ne serait donc pas uniquement focalisé sur la criminalité et la délinquance. Et cela le plus vite possible, puisque l'ouverture du CEVA est prévue le 15 décembre de cette année et que les délais sont courts. Nous les Verts avions refusé cette motion pour les raisons que j'ai évoquées, mais aussi parce qu'elle contenait des propos délicats et stigmatisants, qu'elle associait la pauvreté à la criminalité et qu'elle instrumentalisait la violence faite aux femmes. Il aurait dès lors été inadéquat d'accepter une motion rédigée dans de tels termes, et comme il n'était pas possible de changer l'exposé des motifs, nous avons opté pour la solution compromissoire de la motion de commission. Concernant la violence faite aux femmes, je rappelle quand même que deux femmes sur trois sont violentées dans le cadre familial, il s'agit donc d'une question importante. Pour ce qui est de la sécurité liée au CEVA, nous souhaitons ce rapport du Conseil d'Etat pour disposer d'une vision globale, et nous soutiendrons évidemment cette motion de commission que nous avons cosignée. Merci.
M. Christo Ivanov (UDC). Comme mes préopinants l'ont relevé, cette motion de commission fait en quelque sorte la synthèse de plusieurs objets déposés par le passé. En effet, le député MCG François Baertschi avait présenté la M 2500 intitulée «Protégeons les Genevois de la criminalité véhiculée par le CEVA», j'avais moi-même rédigé une question écrite urgente - la QUE 577 - qui demandait, dans le cadre de la mise en service du CEVA, une évaluation des risques sécuritaires liés à l'accroissement prévisible du nombre d'usagers et du trafic, et notre ancienne collègue Lydia Schneider Hausser avait déposé la M 2146 ayant pour titre «Le CEVA à quel prix salarial et de sécurité ?» Le groupe UDC soutiendra donc bien évidemment cette motion de commission. Je vous remercie.
Mme Anne Marie von Arx-Vernon (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, pour le parti démocrate-chrétien, la notion de sécurité constitue ce qu'on peut appeler le quatrième pilier du développement durable. Il ne suffit pas que l'économie, l'environnement et le social soient garantis, il faut effectivement que la sécurité le soit aussi, mais il ne s'agit pas de la sécurité hystérique telle qu'elle est vue par le MCG: c'est la sécurité telle qu'elle est parfaitement décrite dans la motion de commission, et c'est dans cet esprit que nous soutenons ce texte et approuvons son renvoi immédiat au Conseil d'Etat. Nous remercions d'ailleurs M. Conne d'avoir si bien exposé le travail raisonné et raisonnable de la commission. Merci beaucoup, Monsieur le président.
M. François Baertschi (MCG). J'aimerais juste répondre à ma préopinante. Je crois qu'il y a malheureusement certaines réalités qu'il faut voir, même si elles nous déplaisent. Ce n'est pas de l'hystérie: il s'agit seulement de faire preuve d'un peu de réalisme, d'ouvrir les yeux et de ne pas mettre la tête dans le sable. Merci, Monsieur le président.
M. Serge Dal Busco, conseiller d'Etat. Mesdames les députées, Messieurs les députés, le Conseil d'Etat accueille avec beaucoup de bienveillance cette motion de commission, car il est parfaitement légitime que le parlement se préoccupe de la sûreté et de la sécurité de cette grande infrastructure. Nous sommes bien évidemment à l'oeuvre pour assurer qu'elles soient garanties, et c'est avec plaisir que nous documenterons tout ce que nous faisons actuellement pour que le sentiment d'une sûreté et d'une sécurité assurées, qui doit être le vôtre et celui de la population, puisse être avéré. Nous détaillerons bien sûr tout cela dans le rapport que vous nous demandez.
Je voudrais par ailleurs faire une petite remarque, si vous le permettez, Monsieur le président, s'agissant des propos largement stigmatisants qu'a tenus le député François Baertschi, qui laissent supposer que les problèmes surviendraient uniquement de l'autre côté de la frontière. Je crois que l'actualité criminelle et judiciaire récente de notre canton donne à penser que les problèmes ne se situent pas seulement à l'extérieur de nos frontières, mais également chez nous. Merci. (Applaudissements.)
Le président. Je vous remercie, Monsieur le conseiller d'Etat. Nous allons maintenant nous prononcer sur la prise en considération de cette proposition de motion.
Mise aux voix, la motion 2534 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 83 oui (unanimité des votants).
Débat
Le président. Sans autre forme de procès, nous passons au point suivant de l'ordre du jour. Il s'agit de la M 2532, notre deuxième urgence, que nous traiterons en catégorie II, trente minutes. Je cède la parole à Mme Paloma Tschudi.
Mme Paloma Tschudi (Ve). Merci, Monsieur le président. Mesdames les députées, Messieurs les députés, la réputation de pionnier du canton de Genève en matière de prévention des discriminations basées sur l'orientation sexuelle et l'identité de genre n'est plus à faire. En 1997 déjà, la première marche des fiertés romande avait lieu à Genève, suivie par celles de Lausanne, Fribourg ou encore Berne. En 2001, les premiers couples de même sexe de Suisse se sont unis grâce à la loi genevoise sur le partenariat enregistré, cela près de six ans avant l'entrée en vigueur de la loi fédérale du 1er janvier 2007.
La constitution genevoise est également la seule de Suisse romande à proscrire les discriminations basées sur l'orientation sexuelle. Hier, le Conseil d'Etat a annoncé la possibilité, dès samedi, pour les couples genevois de même sexe, de voir la célébration de leur partenariat effectuée par des maires ou des membres d'exécutifs communaux, au même titre que les couples hétérosexuels. Et cela grâce à une motion approuvée au sein de ce parlement - bravo !
Première Pride, premiers partenariats de couples de même sexe en Suisse, une constitution qui interdit les discriminations basées sur l'orientation sexuelle, la possibilité de voir les partenariats homosexuels célébrés par des membres des exécutifs: toutes ces premières font de Genève un canton pionnier en matière de défense des droits des personnes qui peuvent être discriminées du fait de leur orientation sexuelle ou de leur identité de genre. Il reste toutefois du chemin à parcourir jusqu'à l'égalité, et la lutte contre l'homophobie et la transphobie doit être le combat de toutes et de tous.
Les associations LGBTIQ ont joué - et jouent encore - un rôle central dans cette lutte. Elles ne sont d'ailleurs pas étrangères à la position de précurseur du canton de Genève. C'est pour reconnaître ce caractère innovateur de notre canton mais aussi, et surtout, pour reconnaître le travail effectué par les associations LGBTIQ que cette motion a été déposée. Permettons à la prochaine Pride, la quatrième à Genève depuis ses débuts en 1997, de se dérouler dans des conditions optimales, notamment sur le plan de la sécurité. Nous vous prions d'accepter cette motion afin que la manifestation puisse bénéficier de toutes les autorisations et des soutiens logistiques nécessaires pour permettre la participation des nombreuses personnes qui afflueront de tout le pays.
Cet événement n'est pas une Lake Parade bis mais une manifestation symbolique rendant hommage à celles et ceux qui, à travers l'histoire, sont descendus dans la rue pour lutter contre plusieurs siècles de discriminations en raison du sexe, de l'orientation sexuelle, de l'identité et de l'expression de genre. Pour toutes ces raisons, je vous prie, Mesdames les députées, Messieurs les députés, de soutenir cette motion. Merci. (Applaudissements.)
M. Diego Esteban (S). Mesdames et Messieurs les députés, dans notre grande aventure humaine, la marche vers l'égalité connaît une constante particulière: le concept de normalité est toujours - et sera toujours - en constante évolution, ce qui est une bonne chose. C'est la preuve que nous savons remettre en question nos certitudes, et surtout que nous augmentons continuellement notre niveau de connaissances sur notre environnement social.
Certes, nous venons de très loin. Il a fallu beaucoup de temps pour que l'amour entre deux personnes de même sexe ne soit plus considéré comme un crime. Il a fallu attendre encore plus longtemps pour que la transidentité ne soit plus considérée comme une maladie. Ce jalon a très précisément été posé lors de l'adoption de la onzième classification internationale des maladies de l'OMS, en juin 2018, Mesdames et Messieurs !
Si nous venons de loin, il reste encore du chemin à parcourir. Je rappellerai tristement le taux de suicide beaucoup plus élevé chez les jeunes personnes LGBTIQ que parmi le reste de la population - mais je signale quand même que nous allons dans la bonne direction. J'aimerais saluer le fait que le Conseil d'Etat travaille en ce moment sur un projet de loi unique en Suisse, qui vise à lutter contre les discriminations et les violences fondées directement sur l'orientation sexuelle et l'identité de genre ainsi que sur l'expression de genre. Je ne peux que le féliciter pour ce travail.
Cette motion veut garantir la tenue de la Pride dans les meilleures conditions possible. La Pride, ce n'est pas qu'une manifestation parmi d'autres ! C'est essentiellement un symbole car, vous ne l'ignorez pas, les discriminations frappant les personnes LGBTIQ se font le plus souvent dans l'ignorance et l'indifférence. C'est dans cet isolement que la Pride apparaît, pour toutes ces personnes, comme une lueur d'espoir. Cette lueur, il s'agit, pour nous, ce soir, de l'allumer dans notre poursuite vers l'égalité. C'est pourquoi le parti socialiste vous invite à soutenir cette motion de vos voix. (Applaudissements.)
Mme Jocelyne Haller (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, je ne reviendrai pas sur ce qui a été dit par les personnes qui se sont exprimées avant moi. J'aimerais simplement insister sur le fait que cette motion résulte d'un certain nombre de difficultés rencontrées par les organisateurs dans la mise sur pied de cette manifestation. C'est cela qui a conduit à déposer cet objet de sorte que l'Etat s'engage également dans la lutte contre les discriminations LGBTIQ. Il nous semble important que celles-ci soient reconnues et que l'ensemble des services de l'Etat mettent leurs prestations à disposition des organisateurs pour que cette manifestation, au même titre que d'autres, puisse avoir lieu sans que, subrepticement, un certain nombre d'obstacles lui soient opposés.
Il s'agit pour nous d'un élément extrêmement important et les invites sont, à cet égard, relativement claires. La dernière d'entre elles sollicite d'ailleurs l'intervention d'un des membres du Conseil d'Etat afin de prononcer un discours dans le cadre de cet événement. Tout un chacun est évidemment appelé à s'exprimer et à apporter son soutien à cette cause. Néanmoins, le groupe Ensemble à Gauche vous proposera une invite, en remplacement de celle-ci, qui demande au gouvernement de s'engager de manière très claire à lutter contre toutes les discriminations à l'égard des personnes LGBTIQ. Je vous invite non seulement à soutenir cette motion, mais à accepter cet amendement. Je vous remercie de votre attention.
Mme Anne Marie von Arx-Vernon (PDC). Cette motion, comme vous avez pu le remarquer, Monsieur le président, a également été signée par le parti démocrate-chrétien et le PLR. Nous vous invitons bien évidemment à la soutenir parce que c'est une évidence, c'est une certitude, il n'y a même plus à discuter sur ce qui nous est proposé lorsqu'on parle de thèmes liés aux personnes LGBTIQ. Concernant par contre l'amendement, je fais totalement confiance au Conseil d'Etat et je n'ai pas à lui donner des ordres sur l'attitude à avoir au sujet de cette évidence. Je vous remercie.
Mme Nathalie Fontanet, conseillère d'Etat. Cette motion est tout à fait intéressante quant à son sujet, à savoir le soutien à cette manifestation et à ce qu'elle défend: la lutte contre les discriminations, le fait de permettre à chacun de vivre son identité sexuelle et son identité de genre, le fait que ces identités soient respectées.
Et puis le texte, tout à coup, entre dans l'opérationnel ! Il intervient dans les décisions des offices, il intervient sur la façon dont doit être mis en place le soutien à cette manifestation. Il mélange, au final, l'opérationnel et le soutien à la cause - celui du Conseil d'Etat lui est déjà acquis. L'exécutif soutient en effet cette cause: elle figure dans son programme de législature. Je la porte quant à moi - et elle m'est chère - en ayant intégré dans mon département le BPEV. J'étais aujourd'hui même à la commission des Droits de l'Homme pour expliquer la teneur de l'avant-projet de loi sur la lutte contre les discriminations, qu'elles soient de genre ou autres.
Avec cette motion, vous mettez le Conseil d'Etat un tout petit peu mal à l'aise. D'abord parce que des demandes d'autorisation ont été déposées, qu'il va bien entendu y être répondu, et que cette manifestation sera bien évidemment autorisée à partir du moment où elle remplit les conditions. Ensuite, il y a les différentes invites. Même si, comme je vous le disais, il n'y a pas de raison que nous n'accordions pas les autorisations, la première d'entre elles demande de soutenir «la tenue d'un tel événement sur le territoire genevois». Cela va évidemment dans le sens du programme de législature du Conseil d'Etat et des priorités du BPEV, et il n'y a pas de raison que l'événement ne soit pas soutenu.
Et, d'un coup, le gouvernement est invité à «confirmer son soutien logistique et donc la pleine collaboration de l'ensemble des services cantonaux mobilisés». Vous imaginez bien que le canton de Genève ne peut pas confirmer le soutien logistique du Conseil administratif. Vous dites par ailleurs que celui-ci l'a déjà confirmé. Le Conseil d'Etat confirmera quant à lui le soutien logistique des forces de police, qu'il pourra mettre en place une fois que l'autorisation aura été accordée. Ces choses sont gérées par les services: elles relèvent de nos différents offices et non directement du Conseil d'Etat.
Pour ce qui est de «considérer cet événement d'utilité publique», il va falloir que nous soyons prudents: qu'est-ce qui revêt un caractère d'utilité publique ? C'est un événement qui se veut aussi festif; est-ce que le festif relève de l'utilité publique ? Nous avons pris note de la demande et elle sera examinée, mais nous ne pouvons pas vous dire aujourd'hui quelle sera la décision du gouvernement.
Pour finir, la motion invite «à déléguer l'un des membres du Conseil d'Etat». Mesdames et Messieurs, je n'ai pas souvenir que le Conseil d'Etat ait refusé de se rendre à ce type de manifestation. Pour ma part, si je suis présente à Genève et qu'elle a lieu, c'est avec plaisir que j'y ferai un discours. Je rassure le groupe Ensemble à Gauche, qui a déposé son amendement: mon discours ira dans le bon sens. Je ne me verrais pas faire un discours discriminant, indiquant que je suis prête à soutenir certains mais pas tous... (Rires.) ...et qu'il faut quand même voir parce que les homosexuels c'est peut-être OK, mais pas les transgenres ! (Rires.) Madame Haller, sortez-vous ça de l'esprit; ce n'est de loin pas la position du Conseil d'Etat ni celle du BPEV. Lorsqu'on prône la lutte contre les discriminations, quelles qu'elles soient, et le respect, eh bien on accepte l'ensemble de ces situations - on les respecte et on fait en sorte que ces personnes puissent vivre sereinement dans notre canton.
Mesdames et Messieurs, je veux aussi vous dire - peut-être le savez-vous déjà - que j'ai évidemment eu des contacts, par l'intermédiaire du BPEV, avec les organisateurs de cette Pride et qu'ils m'ont demandé comment procéder. Ils ont maintenant écrit à l'ensemble des membres du Conseil d'Etat pour attirer leur attention sur l'événement et sur le fait qu'ils souhaitent une réponse rapide s'agissant des autorisations de manifester. Vous pouvez, ma foi, renvoyer cette motion au Conseil d'Etat; une réponse lui sera apportée, mais je ne peux pas me prononcer aujourd'hui sur la question de l'utilité publique, ne serait-ce qu'au regard des autres manifestations.
Je me dois quand même de préciser, Mesdames et Messieurs, que c'est une chose de soutenir certains sujets; mais dire au gouvernement quand il doit donner ses autorisations, de quelle façon il doit le faire... Vous entrez dans l'opérationnel alors que nous avons des offices qui s'occupent de ce genre de choses. Je ne pense pas que cette motion rende service à la cause que nous soutenons d'ores et déjà: nous entendons permettre d'organiser une manifestation qui respecte les conditions d'usage. Merci, Monsieur le président. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat. Nous sommes saisis de deux amendements. Le premier d'entre eux, qui vous est projeté en ce moment, vise à biffer la dernière invite et à la remplacer comme suit:
«à faire tout ce qui est en son pouvoir afin de lutter plus efficacement encore contre les discriminations faites aux personnes LGBTI.»
Je passe pour une minute la parole à M. Jean Burgermeister afin qu'il puisse nous l'expliquer.
M. Jean Burgermeister (EAG). Merci, Monsieur le président. Pour préciser un peu l'amendement, si nous avons demandé de remplacer le discours du Conseil d'Etat par cette action contre les discriminations, ce n'est pas, comme a cru le comprendre Mme Fontanet, par suspicion envers le discours du gouvernement - quoique. (Rires. Remarque.) Nous ne souhaitons évidemment ça à personne, mais en particulier, nous n'aurions pas envie que l'exécutif tire la couverture à lui dans un tel événement. (Protestations.) Nous pensions plus judicieux qu'il utilise son temps et son énergie à mettre en oeuvre des mesures concrètes et fortes pour lutter contre les discriminations, plutôt que de faire ce qui pourrait être perçu comme une forme de récupération politique. C'est pourquoi nous avons proposé ce remplacement. De la part d'Ensemble à Gauche, voyez-le comme une marque de sympathie à l'égard des personnes qui participent à la Pride. Je vous remercie.
M. David Martin (Ve). Les Verts aussi... L'un de mes collègues est premier signataire de cette motion, et nous trouvons l'amendement présenté par Ensemble à Gauche utile et important. Nous proposons par contre de garder à la fois l'invite demandant au Conseil d'Etat de faire un discours et la nouvelle invite d'Ensemble à Gauche. (Remarque.)
Le président. Bien. Nous allons d'abord voter sur la proposition de biffer la dernière invite, et je vous demanderai ensuite si vous souhaitez rajouter l'invite d'Ensemble à Gauche. Je pense que c'est clair comme ça ? Tout le monde est au clair ? (Commentaires.) Nous passons donc au premier vote, sur la suppression de la dernière invite.
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 46 non contre 44 oui et 1 abstention. (Exclamations à l'annonce du résultat.)
Le président. Je vous fais maintenant voter sur l'ajout de l'invite suivante proposée par M. Burgermeister:
«à faire tout ce qui est en son pouvoir afin de lutter plus efficacement encore contre les discriminations faites aux personnes LGBTI.»
Des voix. Il manque le Q !
Le président. L'amendement est rédigé comme ça ! (Protestations.) L'amendement est rédigé comme ça: je vous lis ce qui est marqué ! (Protestations.)
Une voix. C'est une erreur !
Le président. Calmez-vous ! Le vote est lancé.
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 51 non contre 43 oui et 1 abstention.
Mise aux voix, la motion 2532 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 56 oui contre 24 non et 4 abstentions. (Applaudissements à l'annonce du résultat.)
Débat
Le président. Nous passons à l'urgence suivante. Cette proposition de résolution est classée en catégorie II, trente minutes. Je donne la parole à M. le député Stéphane Florey pour qu'il nous l'explique.
M. Stéphane Florey (UDC). Merci, Monsieur le président. Cette proposition de résolution demande de refuser l'accord-cadre avec l'Union européenne pour une raison finalement bien simple, du point de vue de l'UDC: nous refusons de perdre totalement notre autonomie vis-à-vis de l'Union européenne ! A y regarder de plus près, approuver cet accord-cadre reviendrait à accepter une perte massive de notre autonomie, notamment du fait que la Suisse devrait reprendre systématiquement le droit de l'Union européenne. Ce qui ne va pas non plus dans cet accord-cadre, ce sont les éventuels litiges qui pourraient survenir suite à telle ou telle obligation. Là aussi, nous serions totalement discriminés; nous serions soumis à la Cour de justice de l'Union européenne et nous n'aurions plus notre mot à dire. (Brouhaha. Le président agite la cloche.)
Le président. Une seconde, s'il vous plaît ! Je voudrais bien que le niveau de bruit descende un peu parce que j'ai - même ici - du mal à entendre ce que dit notre député. (Commentaires.) Ce n'est peut-être pas grave, mais je ne fais pas de jugement de valeur et j'entends que tout le monde soit traité de la même manière ! Je vous repasse la parole, Monsieur le député.
M. Stéphane Florey. Merci, Monsieur le président. Je vais essayer de parler un peu plus fort, si vous ne m'entendez pas ! (Exclamations.) Il y aurait un autre problème, ce serait vis-à-vis de l'emploi, puisque l'Union européenne n'accepterait plus les mesures d'accompagnement protégeant les salaires en Suisse. Cela pourrait poser de graves problèmes à notre économie et pour l'emploi en général. Autre grand problème de cet accord-cadre, la perte de notre souveraineté, puisque, selon le droit européen, nous ne pourrions plus avoir notre système d'aides sociales. L'Union européenne est très restrictive à ce sujet, elle a des règles très précises et vous ne pourriez plus accorder une aide directe; vous devriez systématiquement avoir son autorisation pour tel ou tel subventionnement social.
Nous serions aussi contraints de revoir notre système fiscal - partiellement du moins - puisque nous serions soumis aux règles européennes, et Dieu sait que la fiscalité européenne pourrait poser problème sur certains points pour la Suisse. Autre problème, les aides publiques: nous avons en Suisse un système qui octroie d'énormes aides publiques suivant les secteurs. Le secteur le plus parlant à l'échelle nationale, c'est celui de l'agriculture. Là aussi, ce serait une immense perte pour nos agriculteurs puisque ceux-ci ne pourraient plus toucher d'aides de la Confédération dans un premier temps. Il faudrait avoir l'autorisation de la Cour de justice européenne pour continuer à subventionner tel ou tel secteur économique.
Encore deux mots pour vous dire que cette résolution a déjà été déposée dans treize cantons, et on espère qu'elle sera déposée dans les autres cantons dans les jours ou semaines qui suivent. Elle a déjà été adoptée dans les cantons de Zoug et de Schwytz. Cela fait que si cette résolution est acceptée ici ce soir, nous deviendrions le troisième canton suisse à la voter, et nous sommes déjà certains qu'une majorité des cantons l'adoptera. Je vous remercie de votre attention, j'en ai terminé pour le moment.
M. Christian Dandrès (S). Mesdames et Messieurs les députés, l'UDC a raison de s'opposer à l'accord-cadre. Le parti socialiste aussi, mais la comparaison entre les deux partis s'arrête là ! L'UDC, en Suisse, c'est le fer de lance du néolibéralisme et, très honnêtement, je crois que l'UDC n'a absolument rien à envier à la politique que pratique la Commission européenne. Elle a porté toutes les libéralisations de ces dernières années, et l'entendre ici défendre les mesures d'accompagnement à la libre circulation est vraiment risible: l'UDC s'est opposée à celles-ci dès le départ, dès 2004 ! Je la cite, c'est sur son site internet: l'UDC disait qu'il s'agissait de nouvelles charges bureaucratiques, que cela allait diminuer la liberté et la souplesse, que c'était une entrave à la liberté contractuelle ! C'est comme ça que l'UDC a effectivement perçu les mesures d'accompagnement à la libre circulation des personnes ! Même en mai 2015, dans le cadre des campagnes pour les élections fédérales de la législature actuelle, l'UDC avait conclu un accord avec le PLR et le PDC pour faire en sorte qu'il n'y ait aucune amélioration des mesures d'accompagnement à la libre circulation des personnes et aucune amélioration pour lutter contre le dumping salarial. A entendre aujourd'hui M. Florey soutenir l'inverse, très honnêtement, on peut avoir quelques doutes !
Je crois qu'il faut rappeler ici que si l'Union européenne a une approche très libérale - elle est fondée sur quatre libertés essentiellement commerciales liées à la main-d'oeuvre, aux marchandises et à la finance - la Suisse n'est pas en reste. On ne peut pas peindre une image d'Epinal de notre pays en maintenant l'illusion que les mesures d'accompagnement à la libre circulation des personnes seraient un véritable rempart contre le dumping salarial.
On doit rappeler, ça a été fait tout à l'heure, que les mesures d'accompagnement reposent essentiellement sur le droit collectif du travail, ce que vous appelez le partenariat social. En pratique, ce partenariat social ne fonctionne pas, pour une raison très simple: non pas parce que les syndicats n'ont pas la volonté de discuter, mais parce que les salariés n'ont pas la possibilité de se défendre ! Aujourd'hui, en Suisse, le partenariat social, c'est de la charité organisée, je crois qu'on peut le dire; il n'y a aucune protection des délégués du personnel: les gens peuvent être licenciés, aucune réintégration n'est possible, ce qui n'est pas le cas notamment lorsqu'il y a des discriminations entre hommes et femmes. La Suisse a été cinglée par l'Organisation internationale du travail et, depuis des années, le dossier s'enlise à Berne, notamment à cause de l'UDC. Toute amélioration qui donnerait aux travailleurs la possibilité de négocier des conventions collectives avec un contenu réel ou qui permettrait aux salariés de maintenir des conventions collectives de travail existantes est refusée. On peut prendre un exemple récent: à Neuchâtel, la CCT Santé 21 a été dénoncée par un employeur. Une grève a été menée, à la suite de laquelle tous les grévistes ont été licenciés, et parce que l'employeur avait accepté de prolonger pour quelques mois les conditions de travail, le Tribunal fédéral a dit que c'était normal, qu'il s'agissait d'une proposition parfaitement raisonnable !
Dans ce contexte, comment prétendre que les mesures d'accompagnement à la libre circulation des personnes sont de nature à lutter contre le dumping ? Très honnêtement, je crois qu'il faut un travail de fond que nous pourrons mener dans le cadre de cette réflexion sur l'accord-cadre. Nous espérons que nous aurons une majorité aux Chambres fédérales pour imposer une vraie protection des travailleurs dans ce pays. (Applaudissements.)
M. Alexandre de Senarclens (PLR). Monsieur le président, avec ce texte, nous sommes un peu dans le coeur de métier de l'UDC - c'est sa raison d'être, son thème fondateur et sa lutte: elle considère tout accord avec l'Union européenne comme une intégration insidieuse et rampante. On est en année électorale, c'est bien compréhensible, il faut retomber sur les thèmes fondateurs.
Pourtant, la voie bilatérale a été la voie choisie par l'UDC après l'échec de l'Espace économique européen dans les années 90 ! Il n'y a en fait pas d'alternative à la voie bilatérale; elle est acceptée par la population. Ou que serait l'alternative ? L'intégration à l'Union européenne ! Mais cette adhésion, les Suisses n'en veulent pas ! L'autre possibilité serait de revenir presque à l'âge de la pierre, à des accords que nous avions en 1972 avec ce qui à l'époque ne s'appelait pas l'Union européenne: ce serait un isolement massif !
La voie bilatérale doit être consolidée, il faut la faire évoluer; il y a nécessité de travailler à une reprise dynamique mais non automatique du droit européen, de travailler à un règlement des litiges avec l'Union européenne justement pour que la Suisse demeure souveraine et indépendante. La souveraineté ne se décrète pas, elle est aussi liée au dynamisme économique de la Suisse. Par définition, une Suisse isolée ne serait pas souveraine et indépendante.
L'accord-cadre résulte de longues négociations avec l'Union européenne. Par définition, c'est un compromis entre ce que voulait l'Union européenne et ce que voulait la Suisse. C'est à notre sens un compromis équilibré, d'abord parce qu'il protège le travailleur avec les mesures d'accompagnement, ensuite parce qu'il permet d'ouvrir le marché de l'Union européenne à la Suisse. Je vous le rappelle, la Suisse est un des pays les plus exportateurs au monde, et quel est son premier marché ? C'est l'Union européenne ! Avec 500 millions de consommateurs, c'est notre premier marché; nous sommes exportateurs nets, tant de marchandises que de services. Ce marché est donc absolument essentiel pour la Suisse. C'est la raison pour laquelle le PLR soutiendra cet accord et refusera énergiquement cette résolution. (Applaudissements.)
M. Pablo Cruchon (EAG). Mesdames les députées, Messieurs les députés, une fois n'est pas coutume, nous pensons que le refus de l'accord-cadre que préconise cette résolution est, sur le fond, une bonne idée. Comme mon préopinant Dandrès l'a dit, la comparaison de notre parti avec l'UDC s'arrête là, puisque l'UDC oppose la Suisse à l'Europe. Il ne faut pas se tromper, l'accord-cadre n'est pas une négociation entre la Suisse et l'Europe ou un compromis entre la Suisse et l'Europe comme cela nous a été dit, c'est bien un accord entre le patronat européen et le patronat suisse pour taper sur les salariés ! J'en veux pour preuve le contenu de cet accord-cadre qui permettra de massivement revoir à la baisse les mesures d'accompagnement qui étaient un des seuls acquis sociaux et de protection des salariés obtenus ces dernières années.
Par exemple, on devra réduire massivement le contrôle des entreprises, notamment en ce qui concerne les travailleurs détachés et les indépendants, avec le problème des faux indépendants. La réduction du délai d'annonce rendra les contrôles bien plus difficiles et il n'y aura plus la possibilité de demander des cautions qui permettent ensuite d'infliger des amendes aux entreprises qui fraudent ou ne respectent pas les règles du marché du travail ainsi que les conditions de travail. Je rappellerai que, même si c'est encore bien trop faible, 45 000 contrôles ont été effectués l'année passée en Suisse dans les entreprises; un quart de ces contrôles ont amené à des revalorisations salariales, à des ajustements vers le haut de salaires qui étaient beaucoup trop bas. 12 500 contrôles ont amené à corriger des salaires trop bas, ce n'est pas négligeable ! Et si le nombre est de 12 500, c'est parce que le dispositif est insuffisant pour contrôler le marché du travail. De ce point de vue là, Genève est plutôt bonne élève puisqu'elle fait passablement de contrôles grâce à l'IPE, l'Inspection paritaire des entreprises.
Ce ne sont pas les seuls problèmes; il y aura aussi des problèmes juridiques par rapport à la capacité de l'Etat suisse à l'avenir d'introduire des mesures de protection sur le marché du travail puisque la Cour de justice européenne et un certain nombre de dispositions auront le pas sur les différentes options suisses.
Sans entrer dans les détails, nous nous opposons aussi à cet accord-cadre et nous voulons dénoncer cet accord de la bourgeoisie européenne avec la bourgeoisie suisse, mais nous ne pourrons pas soutenir la résolution telle qu'elle est formulée. C'est pourquoi nous vous proposons un amendement qui demande que l'accord-cadre soit rejeté tant qu'un renforcement des mesures de protection des salaires et des conditions de travail n'aura pas été obtenu et que la surveillance du marché du travail n'aura pas été renforcée. (Applaudissements.)
M. Pierre Eckert (Ve). Monsieur le président, Mesdames les députées, Messieurs les députés, nous avons abondamment parlé de chiens la dernière fois, je vais donc brièvement vous parler de chats ce soir. Il est bien connu que le chat miaule pendant des heures devant la porte avant qu'on la lui ouvre, puis, lorsqu'on lui ouvre la porte, il hésite systématiquement à franchir le pas. Le lien avec le Brexit qui se déroule actuellement est évident: le Royaume-Uni veut sortir de l'Union européenne, mais il se lance aujourd'hui dans un joli pas de ballet, à huit jours du délai fixé pour sa sortie, tout ça parce que les parlementaires anglais ont estimé que le divorce ne devait pas être prononcé sans accord: «Deal or no deal, that is the question !»
On voit par là l'importance de posséder un lien institutionnel fort avec l'Union européenne. Les Verts ne sont pas de ceux qui vont accuser l'Union européenne de tous les maux; au contraire, nous pensons que les solutions par rapport à un certain nombre de problèmes globaux ne peuvent passer que par des décisions de nature supranationale. Ne donnons ici que l'exemple de la lutte contre le changement climatique: ceux qui nous disent à longueur de journée qu'il est illusoire de prendre des mesures au seul niveau suisse et qu'il faut prendre des mesures globales sont les mêmes qui s'opposent frontalement à tout accord avec l'Union européenne !
Les Verts ne se bercent toutefois pas d'illusions: nous sommes bien conscients que le libéralisme excessif promu par l'Union européenne a conduit à de fortes disparités sociales et au succès de certains mouvements voire de certains gouvernements de nature plutôt nauséabonde et, très probablement aussi, au fameux Brexit. Nous pensons globalement qu'il est nécessaire de fixer un cadre institutionnel solide avec l'Union européenne afin de ne pas mettre en danger les dizaines d'éléments disparates qui constituent nos accords bilatéraux.
Nous récusons toutefois l'accord qui nous est actuellement proposé, notamment parce que les mesures d'accompagnement tendant à contrer la sous-enchère salariale sont largement insuffisantes et parce que les services publics sont menacés par la mise en place de systèmes de dérégulation forcenée. Nous appelons donc à renégocier l'accord-cadre avec de meilleures garanties sociales, mais nous soutenons le principe d'en conserver un. En ce sens, et puisque la demande consiste à rejeter l'accord sans condition, les Verts rejetteront cette résolution.
Juste encore un mot sur l'amendement: il me paraît insuffisant parce que je pense qu'il y a d'autres éléments que l'on peut renégocier dans cet accord, notamment tout ce qui concerne les services publics. Je n'ai pas envie de mentionner ici tout ce que je souhaiterais voir en plus dans l'accord à négocier, je vous propose donc simplement de rejeter cet amendement ainsi que la proposition de l'UDC.
M. Bertrand Buchs (PDC). La question européenne va être au centre de notre campagne pour les prochaines élections fédérales en même temps que la santé et le climat. Ce sera l'un des trois grands sujets, tous les partis vont devoir énoncer leur position sur l'Europe. Le parti démocrate-chrétien est pour un accord-cadre, mais avec certaines conditions. Nous sommes donc pour une renégociation, mais la négociation ne se fera pas avant les élections du mois d'octobre: elle se fera après, parce que le moment où les partis doivent déclarer ce qu'ils pensent n'est pas le bon pour négocier et agir. C'est un problème qui va clairement être repoussé après les élections du mois d'octobre et je pense qu'il faudra négocier un accord-cadre avec l'Europe.
Nous sommes seuls au centre de l'Europe et, comme l'a très bien dit M. de Senarclens, la grande majorité de nos exportations est à destination de l'Union. Vouloir fermer la porte et ne pas conclure un accord est suicidaire. Je rappelle que depuis que nous avons les accords bilatéraux, le niveau de vie et l'accroissement économique de la Suisse ont explosé et que c'est vraiment avec ces accords que la Suisse a commencé à mieux fonctionner économiquement ! Nous avons besoin de l'accord-cadre, nous avons besoin des accords bilatéraux; il faudra faire cet accord.
Il y a la question de la protection des salariés, c'est vrai, mais je vous rappelle qu'un groupe suisse alémanique a fait des propositions intelligentes en disant qu'on pouvait avoir un accord-cadre en modifiant les lois en Suisse. Ces propositions ont été écoutées par le parti socialiste qui a dit qu'il y avait une possibilité de négocier à partir de ça. Cela a été écouté aussi par mon parti qui a dit qu'il y avait une possibilité de négocier. Il y a une forte probabilité d'obtenir un accord-cadre qui puisse être signé et par la Suisse et par l'Europe: c'est l'avenir de la Suisse, vous ne pouvez pas ne pas conclure d'accord-cadre avec l'Europe, ce serait complètement surréaliste !
Il ne faut pas voter cette résolution purement électoraliste de l'UDC. Nous ne sommes pas d'accord avec l'UDC et nous ne voterons ni l'amendement ni la résolution. (Applaudissements.)
M. François Baertschi (MCG). Monsieur le président, le MCG estime que la Suisse doit arrêter de faire allégeance à l'Union européenne. Le MCG estime que cet accord-cadre entre la Suisse et l'Union européenne est un attrape-nigaud. En effet, cet accord va nous enfermer dans un carcan qui doit être dénoncé. Nous devons envoyer un message clair contre la dictature européenne. C'est pourquoi le MCG votera cette résolution.
M. Patrick Dimier (MCG). Monsieur le président, est-il besoin de rappeler l'origine de l'Union européenne ? L'Union européenne est née en 1938 de l'esprit de l'idéologue d'un régime que nous honnissons tous, mais que, curieusement, aujourd'hui, certains applaudissent. L'accord-cadre qui nous est proposé, comme tout ce que propose l'Union européenne, est un exemple de cette volonté hégémonique. Son comportement avec la Grande-Bretagne en est un autre exemple. Bien entendu, les Etats qui entendent rester souverains doivent s'opposer avec la dernière énergie à tout ce que propose l'Union européenne dans ses contrats bilatéraux, parce que ceux-ci sont par nature léonins.
M. Thomas Bläsi (UDC). Monsieur le président, j'essaierai d'être assez rapide... (Brouhaha.)
Le président. S'il vous plaît !
M. Thomas Bläsi. On se rappellera l'expérience de la France dont la population a refusé l'intégration à l'Union européenne et qui a dû finalement l'intégrer dans le cadre d'un autre accord. Cet autre accord n'a évidemment pas... (Brouhaha.) Je suis désolé, mais si M. Dimier pouvait se taire, ça me permettrait de m'exprimer, Monsieur le président ! C'est un peu difficile, là ! (Commentaires.)
Le président. Continuez, Monsieur Bläsi !
M. Thomas Bläsi. Dans le cadre d'un deuxième accord, la France a pu intégrer l'Union européenne en contournant finalement la décision des citoyens et en passant par les représentants du peuple. La Suisse a refusé son intégration à l'Union européenne, les bilatérales sont en vigueur, les bilatérales sont vivantes et les bilatérales devraient suivre leur évolution naturelle comme prévu par l'accord, selon la promesse des contractants, nos partenaires européens. Finalement, l'accord-cadre permettra au parlement de se rapprocher de l'Union européenne sans passer par la population suisse, ce qui a posé problème à l'Allemagne, je tiens à le souligner. Les conventions collectives de travail de l'Allemagne ont toutes explosé et les salaires ont tous baissé lorsque celle-ci a intégré l'Union européenne.
Le président. Voilà, c'est terminé !
M. Thomas Bläsi. Ce n'est pas l'avenir que j'imagine, ce n'est pas l'avenir que je souhaite pour mon pays et je pense qu'on a une capacité de négociation bien supérieure à cela !
Mme Nathalie Fontanet, conseillère d'Etat. Le Conseil d'Etat vous encourage à ne pas accepter cette résolution, évidemment, pour plusieurs raisons. D'abord, il faut rappeler quel est le contexte aujourd'hui: vous vous souvenez que le Conseil fédéral a présenté le 7 décembre 2018 le texte de l'accord institutionnel négocié avec l'Union européenne et qu'il a renoncé à parapher l'accord à Bruxelles, souhaitant ouvrir une large consultation dans notre pays. Le canton de Genève participe à cette consultation par le biais de la Conférence des gouvernements cantonaux.
Quelle est la situation actuelle et quels sont les enjeux ? La consultation n'est pas encore terminée et le Conseil fédéral prendra connaissance du résultat au printemps. C'est à ce moment-là qu'il décidera de la suite à donner à cet accord. Vous le savez, ses enjeux ont été évoqués; trois sont particulièrement débattus. Le premier concerne les mécanismes institutionnels, avec le rôle de la Cour de justice de l'Union européenne en matière de règlement d'éventuels différends. Effectivement, le canton de Genève estime qu'il serait opportun d'obtenir une analyse plus approfondie de la portée de la Cour de justice de l'Union européenne dans le cadre de procédures de règlement de différends. Les questions concernant la libre circulation des personnes, avec la reprise du droit européen en matière de détachement de travailleurs, la directive relative au droit des citoyens de l'Union européenne et la coordination des systèmes d'assurances sociales doivent être précisées. Les aides de l'Etat posent un certain nombre de questions qui devraient être clarifiées, dont celle de la garantie des cantons à l'endroit de leurs propres banques cantonales.
Mesdames et Messieurs les députés, dans le cadre de cette consultation menée par la Conférence des gouvernements cantonaux, le canton de Genève s'est exprimé sans ambiguïté pour la conclusion d'un accord institutionnel en demandant toutefois que celui-ci soit accompagné de clarifications préalables avec l'Union européenne sur un certain nombre de points et de réformes internes en matière de protection du marché du travail. Il s'agit là d'éléments absolument essentiels pour le canton. Le canton de Genève est convaincu que sans un accord institutionnel, la place économique suisse perdrait en compétitivité et que nous verrions donc une détérioration des conditions économiques cadres.
Mesdames et Messieurs les députés, il ne paraît pas non plus opportun au Conseil d'Etat que cette résolution soit renvoyée aujourd'hui. Pourquoi ? Tout simplement parce que l'accord institutionnel n'est pas encore paraphé par le Conseil fédéral, qu'il suit sa voie de consultation interne, que vous savez par ailleurs qu'au Conseil des Etats, une motion a été rejetée - une motion de M. Thomas Minder, qui voulait justement empêcher le Conseil fédéral de parapher ce texte. Notre résolution tomberait comme un cheveu sur la soupe, parce qu'aujourd'hui, ce texte n'est pas paraphé. Le Conseil d'Etat vous invite donc à refuser cette résolution et à le laisser faire valoir les intérêts du canton si un accord est paraphé... (Commentaires.)
Le président. S'il vous plaît !
Mme Nathalie Fontanet. ...pour que cet accord respecte les conditions qu'il juge essentielles, conditions relevées par certains d'entre vous qui s'engageront certainement à Berne pour faire en sorte qu'elles soient remplies. (Applaudissements.)
Le président. Je vous remercie, Madame la conseillère d'Etat. Nous sommes saisis d'un amendement de M. Pablo Cruchon qu'il a expliqué. Il consiste à formuler l'invite comme ceci:
«demande à l'Assemblée fédérale de rejeter l'accord-cadre entre la Suisse et l'UE tant qu'un renforcement des mesures de protection des salaires et des conditions de travail n'auront été obtenus, et que la surveillance du marché du travail n'aura été renforcée.»
Je lance le vote sur cet amendement, après quoi nous voterons sur la résolution.
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 56 non contre 30 oui et 2 abstentions.
Mise aux voix, la proposition de résolution 876 est rejetée par 75 non contre 14 oui et 1 abstention.
Débat
Le président. Nous passons à l'urgence suivante, qui sera le dernier point de notre soirée. Il s'agit de la M 2535, que nous traitons en catégorie II, trente minutes. Je cède la parole à son auteur, M. Jean Burgermeister, pour qu'il nous la présente.
M. Jean Burgermeister (EAG). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, ces derniers mois, des dizaines de milliers de jeunes ont secoué la Suisse et de nombreux autres pays et, il faut bien le reconnaître, le discours parfois méprisant qu'on pouvait entendre à leur égard - certains disaient par exemple qu'ils faisaient ça uniquement pour ne pas aller à l'école - a vite disparu devant la capacité de cette mobilisation à s'inscrire dans la durée, à monter en puissance et à se structurer. Et il ne s'agit pas seulement de grèves étudiantes et de manifestations massives, il y a également beaucoup de réflexions collectives et de débats dans les écoles. Si les jeunes se mobilisent en aussi grand nombre et aussi fortement, c'est avant tout parce que les représentantes et les représentants politiques ont démontré leur incapacité totale à prendre au sérieux la crise environnementale, à l'image de ce parlement, d'ailleurs, qui relègue systématiquement au second plan les réponses concrètes à cette crise et qui n'est d'accord de les voter qu'à condition qu'elles ne contreviennent à aucune activité économique. Il faut en outre rappeler que ce sont les jeunes qui seront les plus touchés par le réchauffement de la température et le saccage de l'environnement du globe; ce sont eux qui vivront le plus durement les conséquences de cette crise environnementale, il est donc normal et important qu'ils se mobilisent, car c'est pour leur avenir qu'ils le font. Je pense que, étant donné l'incapacité prouvée de ce parlement - du moins celle de la majorité - à prendre au sérieux cette crise, il est en tout cas important que nous permettions à cette préoccupation, à ce cri d'alarme, de s'exprimer démocratiquement. Personnellement, je n'ai plus beaucoup d'espoir de changer les choses au sein de ce parlement, mais je continuerai à essayer, bien sûr. Il faudrait évidemment voter des projets de lois allant dans le sens de zéro émission de carbone d'ici 2030, mais malheureusement je doute qu'une majorité du parlement soit prête à le faire... (Brouhaha.)
Le président. Une seconde, Monsieur le député ! Il y a trop de bruit ! (Remarque. Rires.)
Une voix. C'est pas gentil ! (Brouhaha.)
Le président. S'il vous plaît ! (Un instant s'écoule. Le silence revient.) Merci ! Vous pouvez poursuivre, Monsieur.
M. Jean Burgermeister. Je vous remercie, Monsieur le président. Je disais donc qu'il faudrait voter des projets de lois allant dans le sens de zéro émission de carbone, mais que je doutais que ce parlement soit prêt à le faire. Je vous engage cependant à être attentifs, car les jeunes - qui se mobilisent en nombre - ont été clairs: s'il n'est pas possible de changer les choses dans le cadre de ce système, eh bien c'est le système tout entier qu'il faudra changer. C'est un vrai message révolutionnaire... (Exclamations. Commentaires.) ...qui est porté par des dizaines de milliers de jeunes en Suisse et dans de nombreux pays, il est donc important que nous puissions au moins entendre et prendre au sérieux ces préoccupations justes et légitimes - à l'inverse de la droite, qui se livre à des clowneries de l'autre côté de la salle. Pour toutes ces raisons, je vous invite à voter cette motion, Mesdames et Messieurs. Je vous remercie. (Applaudissements.)
Une voix. Bravo !
Mme Katia Leonelli (Ve). Mesdames les députées, Messieurs les députés, à quoi sert-il d'aller à l'école si nous n'avons pas d'avenir ? C'est une question qui a été posée par Greta Thunberg lors du dernier World Economic Forum à Davos. Cette phrase n'est pas le fruit d'un caprice d'enfant gâté: c'est le reflet d'une prise de conscience de l'ampleur du problème environnemental auquel nous faisons face. Si les élèves et les étudiants sortent dans la rue, ce n'est pas parce qu'ils n'ont pas envie d'aller à l'école. Si nous sortons dans la rue, c'est parce que nous avons compris que trier le papier et accomplir d'autres petits gestes du quotidien, c'est bien, mais ce n'est pas suffisant. Si nous sortons manifester, c'est parce que nous ne comprenons pas que le sujet de la crise climatique ne rallie pas une majorité des parlements. Nous ne comprenons pas que les gouvernements n'aient pas la volonté de mettre en oeuvre des mesures simples pour appliquer les innombrables traités que nous avons ratifiés. Greta Thunberg a fait la grève tous les vendredis, et aujourd'hui la communauté internationale la récompense en la proposant pour le prix Nobel de la paix 2019. Les élèves du canton de Genève font également la grève, et on les récompense en les sanctionnant: on leur demande d'accomplir du travail supplémentaire absurde, on les empêche de passer des examens, on leur interdit parfois de les rattraper. C'est une sanction arbitraire, mais il s'agit surtout d'un moyen de dévaloriser l'engagement de ces élèves en leur faisant croire qu'il y a plus important au monde que ce qu'ils s'appliquent à faire. A quoi l'école sert-elle ? Je défie l'un ou l'une d'entre vous de venir à la fin de la session résoudre une équation à trois inconnues. A quoi l'école sert-elle ? Elle sert à nous faire réfléchir et à forger notre esprit critique. Dès lors que les élèves se mobilisent pour des causes qui leur sont chères, l'école a réussi son travail. Le corps enseignant - comme l'administration et le gouvernement - devrait donc s'en réjouir, mais aussi les féliciter et les encourager en facilitant leur participation à la grève et en leur donnant des espaces de discussions au sein de leurs écoles respectives. Au vu de ces arguments, je vous encourage à voter en faveur de cette excellente motion. Je vous remercie. (Applaudissements.)
Mme Marion Sobanek (S). Mesdames et Messieurs les députés, je le répète - et il faudra probablement le faire souvent - le climat est en danger. Dans une grande majorité d'endroits sur cette planète, il devient de plus en plus difficile de jouir de bonnes conditions pour les activités et la vie des humains. Imaginons une seule seconde la vague de migrations que provoquerait la montée du niveau des océans. Imaginons quelle serait la situation si l'air ici était aussi irrespirable qu'il l'est déjà à Pékin ou dans d'autres métropoles... Quand j'avais 16 ou 18 ans, je n'aurais jamais pensé que les jeunes de cet âge devraient un jour manifester pour quelque chose qui constitue la base de la vie, à savoir un environnement sain. Actuellement, chacun de nous utilise au moins deux, trois, quatre, cinq, voire dix fois les ressources dont la planète dispose pour un être normal. Alors maintenant les jeunes se réveillent et manifestent, et en tant que grand-mère je peux dire que je m'en réjouis... (Exclamations.) Eh oui, je suis grand-mère ! J'ai une petite-fille, et j'aimerais bien qu'elle puisse vivre correctement sur une planète encore saine. Or ici nous sommes vieux, et que font les vieux ? Eh bien pas grand-chose ! Ils se déplacent toujours en bagnole, ils veulent toujours construire des autoroutes et même des traversées ! Ils n'ont pas encore compris que les générations futures n'utiliseront peut-être plus du tout la voiture, et surtout qu'on ne pourra sans doute plus se permettre d'avoir recours à des modes de déplacement de ce genre. Les jeunes brandissent donc un carton rouge à notre intention, nous qui sommes des décideurs et qui hésitons à prendre des décisions, et il faut les soutenir. Il faut les soutenir en disant oui à cette motion et en votant enfin des mesures concrètes et précises en faveur du climat. Merci beaucoup. (Applaudissements.)
Une voix. Bravo !
Le président. Je vous remercie. La parole est à M. Olivier Cerutti.
Une voix. T'es pas encore grand-père, c'est bête !
M. Olivier Cerutti (PDC). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs, chers collègues, le parti démocrate-chrétien entend la jeunesse. Les manifestations de ces jeunes sont tout à fait légitimes. Je me rappelle quels étaient les débats à la sortie des classes quand je suis entré en apprentissage. Les débats étaient déjà là ! Aujourd'hui à Genève, on peut voir le verre à moitié vide ou à moitié plein, mais certaines choses ont été faites, je pense notamment à la loi sur l'énergie de 2013. Je rappelle à ce titre que ces vingt dernières années nous avons vécu avec un conseiller d'Etat Vert: il s'appelait Robert Cramer, Michèle Künzler... (Commentaires.) Ou Antonio Hodgers, mais il est encore là ! Ces gens ont participé à la défense énergétique de notre canton et mis en place un certain nombre de mesures qui nous permettent aujourd'hui d'être fiers de Genève. Nous disposons par exemple d'une véritable cartographie des indices de dépense de chaleur dans notre canton, Mesdames et Messieurs, et savons désormais quels sont les bâtiments qui consomment trop. Cela dit, maintenant nous savons également construire des bâtiments à très haute performance énergétique. Oui, Mesdames et Messieurs, ce sont de petites choses qui se font au quotidien et qui vont dans la direction recherchée par la jeunesse actuelle. Je l'entends, je le comprends, et je souhaite qu'on puisse continuer sur cette voie, même si elle est difficile. Le chemin vers la société à 2000 watts telle qu'elle a été imaginée par certains politiciens sera long, et il doit s'agir d'un chemin non pas de division, mais de solidarité les uns envers les autres. J'ai entendu que l'on évoquait les migrations consécutives au réchauffement climatique. Nous devons malheureusement prendre acte de ce réchauffement climatique et savons que sans les pays qui produisent beaucoup d'émanations de CO2, nous ne pourrons rien faire. Nous ne parviendrons pas à inverser la tendance ! Je suis malgré tout persuadé que nous pouvons rester optimistes, que nous devons continuer dans cette direction et que nous aurons peut-être le plaisir de retrouver un jour notre terre. Je vous remercie.
Le président. Je vous remercie. La parole est à Mme Delphine Bachmann pour trente secondes.
Mme Delphine Bachmann (PDC). Merci, Monsieur le président. Ce sera très bref ! J'aimerais juste dire que le parti démocrate-chrétien a proposé une table ronde sur le climat: une première rencontre a eu lieu et il y en aura d'autres. Contrairement à ce qu'a sous-entendu un député d'Ensemble à Gauche, la droite se préoccupe du climat, mais elle pense qu'il est faux de croire que le dépôt systématique d'objets parlementaires à chaque session pour en rajouter une couche constitue la réponse à donner aux jeunes s'agissant du climat. Alors travaillons ensemble en vue d'aboutir à des propositions constructives, mais aussi concrètes ! Je vous remercie, Monsieur le président.
Une voix. Bravo !
Mme Anne Emery-Torracinta, conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je dois vous dire mon étonnement face à cette motion, parce que j'imaginais que la question de savoir comment le département gérait les absences des élèves pendant la grève du climat ne faisait pas partie des principales prérogatives du Grand Conseil. Vous m'offrez cependant une tribune magnifique pour expliquer ce que le département a mis en place depuis plusieurs semaines, et je vais la saisir ! Nous avons élaboré une politique pragmatique et que nous avons voulue respectueuse aussi bien des institutions que des jeunes qui se préoccupent du climat - une cause juste, puisqu'il en va de notre avenir à toutes et à tous, et du leur en particulier. Je crois du reste être la seule parmi les conseillers et conseillères d'Etat de Suisse à avoir rencontré les jeunes avant la première grève. En effet, le 15 janvier, soit trois jours avant cette grève, je rencontrais une délégation de jeunes, qu'il a fallu trouver, parce qu'ils n'étaient pas encore vraiment organisés et qu'il n'existait pas de mouvement avec une association faîtière. J'ai donc rencontré une quinzaine de jeunes, issus tant du secondaire II - des filières professionnelles comme des filières généralistes - que du cycle d'orientation, et nous nous sommes mis d'accord sur un point: ce qui importait, c'était que le département applique une politique cohérente, c'est-à-dire qu'il n'y ait pas dans certaines écoles une attitude extrêmement stricte et dans d'autres, par hypothèse, une attitude particulièrement laxiste. Le but étant de donner une cohérence à la politique qui serait menée face aux absences lors de la première manifestation.
Depuis lors, je les ai revus trois fois - nous nous sommes donc rencontrés à quatre reprises déjà - et une prochaine séance est prévue le 16 avril, en présence des directrices et directeurs d'établissement, puisque l'objectif consiste désormais à transposer les choses dans la pratique, sachant que les jeunes ont formulé des propositions très concrètes, qui concernent notamment des tables rondes, des ateliers et des journées qui auraient lieu durant la prochaine année scolaire. Qu'avons-nous essayé de faire ? Nous avons voulu montrer qu'il y avait un cadre institutionnel et que faire la grève n'était pas un acte innocent. Les discussions ont d'ailleurs été assez intéressantes: j'ai expliqué aux jeunes que lorsque les adultes faisaient la grève, ils devaient au préalable déposer un préavis et qu'ils subissaient des retenues de salaire. A ce propos, je dois vous dire que j'ai vu beaucoup de jeunes écarquiller les yeux quand ils ont appris qu'il y avait notamment des retenues de salaire au moment des grèves ! Mon objectif était donc de leur rappeler qu'il existe un cadre institutionnel à respecter, même s'il peut être modulé, tout en leur montrant que j'accordais beaucoup d'importance à leur parole. En effet - et vous en avez vous-mêmes été témoins - nous avons voté l'année dernière un projet de loi sur l'enfance et la jeunesse, dans lequel vous avez accepté un article sur la participation qui demande au canton et aux communes de faire en sorte que les jeunes puissent participer aux débats lorsque les sujets les concernent. Dans toute la politique que nous avons menée, avec l'aval du Conseil d'Etat, nous avons donc cherché à être pragmatiques et respectueux de leur parole mais aussi d'un cadre.
Alors qu'en a-t-il été de la dernière grève et de la dernière manifestation ? Après discussion avec les jeunes - nous n'étions du reste pas d'accord sur tout - voici ce qui a été décidé: l'école aurait lieu normalement lors de la manifestation, et les élèves souhaitant participer à cet événement ou à une autre activité devraient s'excuser préalablement - ils avaient jusqu'au 14 mars pour le faire, soit la veille - en rédigeant une lettre motivée. Du moment que la lettre serait signée - par eux-mêmes, mais également par les parents, bien sûr, pour les mineurs - l'excuse serait acceptée, à une restriction près: si une épreuve annoncée ne pouvait pas être déplacée, elle aurait quand même lieu, et les élèves qui ne se présenteraient pas obtiendraient la note 1.
Je n'ai pas encore eu de retours concernant tout ce qui s'est passé dans les écoles, mais apparemment les choses se sont plutôt bien déroulées: des épreuves ont eu lieu ici ou là, et certains élèves sont restés pour les faire puis sont partis manifester. Tout s'est passé dans le calme, ce qui montre que lorsqu'on est pragmatique et respectueux des institutions, on peut satisfaire et prendre en compte la parole des jeunes tout en respectant un cadre institutionnel. Le département se doit du reste de le respecter, puisque je rappelle que la mission première de l'école consiste quand même à enseigner. Et je crois que c'est bien ce qui ressortait des propos tenus par la jeune députée Verte tout à l'heure, puisqu'il s'agissait de dire que c'était aussi à l'école que les élèves devaient prendre conscience de certaines choses. C'est en effet par l'enseignement qu'ils reçoivent qu'ils deviennent conscients des réalités ! Je vous invite donc, Mesdames et Messieurs les députés, à réserver le sort que vous voulez à cette motion, puisqu'elle ne changera en rien la politique du département qui est à la fois pragmatique et respectueuse de nos institutions. Je vous remercie de votre attention. (Brouhaha.)
Le président. Je vous remercie, Madame la conseillère d'Etat. (Remarque.) Monsieur Cruchon, s'il vous plaît ! Nous allons maintenant nous prononcer sur cette proposition de motion.
Mise aux voix, la proposition de motion 2535 est rejetée par 51 non contre 41 oui et 3 abstentions.
Le président. Nous nous retrouvons demain à 14h pour la séance des extraits. Je vous souhaite une bonne soirée !
La séance est levée à 22h40.