Séance du
jeudi 31 janvier 2019 à
8h
2e
législature -
1re
année -
8e
session -
49e
séance
PL 12424
Premier débat
Le président. L'ordre du jour appelle l'avant-dernière urgence que nous aurons à traiter durant cette session: il s'agit du PL 12424, catégorie II, quarante minutes. (Un instant s'écoule.) Personne ne se presse pour demander la parole. (Un instant s'écoule.) La parole est à M. le député Pierre Bayenet. Mesdames et Messieurs les députés, je vous redemande de bien mettre vos cartes dans la console de façon que je puisse voir apparaître les noms de ceux qui désirent s'exprimer. C'est à vous, Monsieur Bayenet.
M. Pierre Bayenet (EAG), député suppléant. Monsieur le président, Mesdames les députées, Messieurs les députés, ce projet de loi qui est glissé subrepticement parmi les urgences, dont nous allons discuter en quelques minutes - tout le reste de la journée étant consacré à des questions fiscales - n'est rien de moins qu'un coup de couteau dans notre démocratie ! Pourquoi ? Parce que c'est un coup de couteau dans notre constitution... (Commentaires.) ...qui est dépositaire... (Commentaires. L'orateur s'interrompt.)
Des voix. On n'entend pas !
M. Pierre Vanek. Un coup de couteau dans notre démocratie, il a dit ! (Rires.)
M. Pierre Bayenet. Merci. Je ne sais pas si vous m'entendez maintenant ? Je vais essayer de parler plus fort.
Le président. Une seconde, s'il vous plaît. Monsieur Vanek, laissez votre collègue s'exprimer de son propre chef. Et puis je rappelle à ceux qui peinent à entendre qu'ils ont une oreillette. Il y a, sur ce micro, un tout petit effet Larsen: je vous suggère de mettre l'oreillette pour entendre clairement ce que dit notre collègue. C'est à vous, Monsieur le député.
M. Pierre Bayenet. Je vous remercie, Monsieur le président. Je disais donc que ce projet de loi subrepticement glissé dans les urgences par le Conseil d'Etat n'est rien d'autre qu'un coup de couteau dans notre constitution. Et quiconque porte des coups de couteau à notre constitution porte des coups de couteau à notre démocratie puisqu'elle est la dépositaire des droits populaires. Je vous rappelle que le Conseil d'Etat a promis ou juré solennellement «d'être fidèle à la République et canton de Genève, d'observer et de faire observer scrupuleusement la constitution et les lois». Or, en nous présentant ce projet de loi, le Conseil d'Etat ne fait rien moins que fouler aux pieds sa promesse.
Pourquoi est-ce si grave ? C'est grave parce que la loi, incarnée ici par la constitution, est la dépositaire des intentions du peuple. Les intentions du peuple sont gravées dans la constitution, et le peuple a précisé avec beaucoup de soin comment les droits populaires doivent s'exercer. Et on ne peut pas modifier l'exercice des droits populaires par une simple modification législative ! Ça doit impérativement passer par une modification de la constitution !
J'aimerais vous rappeler que l'Assemblée constituante a examiné avec énormément de soin, de minutie, chaque détail de l'exercice des droits populaires. De longues discussions ont eu lieu sur diverses manières d'exercer le référendum et l'initiative. Je ne vous apprends rien, mais il y a eu des discussions sur le référendum constructif, sur le référendum communal, sur le référendum révocatoire, sur la motion populaire, sur le référendum obligatoire en matière de logement, en matière fiscale, en matière d'assainissement financier, sur l'exclusion du référendum en matière de budget, sur la clause d'urgence ! Tout cela a été minutieusement discuté par l'Assemblée constituante.
L'Assemblée constituante a même discuté du référendum avec variante, qui aurait permis au Grand Conseil de soumettre au référendum, en sus de son projet principal, une variante avec question subsidiaire. Cette idée du référendum avec variante, je vous le rappelle, Mesdames les députées, Messieurs les députés, a été rejetée par l'Assemblée constituante. Le Conseil d'Etat tente aujourd'hui d'introduire par la voie législative une idée qui avait été discutée et rejetée par la constituante ! Il est évident que, en procédant de cette manière, on ne fait rien d'autre que fouler aux pieds la volonté du peuple, qui a rejeté l'idée du référendum avec variante !
Je vous rappelle aussi qu'il y a des cantons qui connaissent cette option. Il y en a deux à ma connaissance, dont Berne, qui prévoit cette possibilité dans sa constitution et non dans une loi. Je vous invite à lire l'article 63 de la constitution du canton de Berne, ainsi que les articles 34 et 35 de la constitution du canton de Zurich qui prévoit également le référendum avec variante. Ces idées, en soi, ne doivent pas forcément être rejetées, mais elles doivent être incorporées dans la loi fondamentale de chaque canton, c'est-à-dire dans la constitution. Et c'est ce qu'ont fait Berne et Zurich ! On ne peut pas introduire une nouveauté dans l'exercice des droits populaires par la simple voie législative.
Je vous rappelle par ailleurs qu'il y a déjà eu un tel cas dans l'histoire de notre canton: la votation sur la traversée de la rade. Nous avions à nous exprimer, en 1996, je crois, sur la variante pont ou la variante tunnel. Eh bien il a fallu, à cette époque, inscrire dans la constitution la possibilité de la question subsidiaire. C'était une nécessité constitutionnelle, et la constitution a effectivement été modifiée pour permettre au peuple de répondre à une question subsidiaire. Les juristes dans cette salle peuvent consulter l'arrêt du Tribunal fédéral qui porte sur cette question et dans lequel cette instance avait examiné la possibilité d'introduire un référendum par la voie législative. Le Tribunal fédéral a rejeté cette option ! Cet arrêt porte la référence 121 I 252. (Remarque. Rires.) Le Tribunal fédéral est catégorique et, compte tenu de sa position, il est évident que le groupe Ensemble à Gauche attaquerait ce projet de loi par la voie du recours constitutionnel si notre Grand Conseil devait accepter cette modification législative. Je vous remercie, Mesdames et Messieurs les députés. (Applaudissements.)
M. Cyril Mizrahi (S). Mesdames et Messieurs, chers collègues, c'est toujours un délice de voir le talent de mon collègue Pierre Bayenet - son talent oratoire - mis au service d'une cause aussi noble que la défense des conclusions des travaux de l'Assemblée constituante, qui a, selon les propres termes de Pierre Bayenet, oeuvré avec tant de minutie.
Mesdames et Messieurs, chers collègues, je ne vais pas vous mentir: l'adoption de ce projet de loi du Conseil d'Etat n'est pas dénuée de risques juridiques. Je crois qu'il faut le reconnaître. Simplement, le groupe socialiste le votera en cas de refus de l'amendement qui vous est présenté, comme, finalement, la solution du moindre mal. Certains dans ce parlement ont en effet pensé que voter des textes contradictoires était une bonne chose, mettant ainsi une nouvelle fois notre république dans une situation institutionnelle très compliquée; cela pourrait conduire à l'adoption de textes contradictoires. Nous préférerions évidemment que l'amendement proposé ici soit adopté: il clarifierait la situation juridique, avec un vote sur le PL 12228 uniquement. En cas de refus, eh bien nous pourrions nous prononcer ultérieurement sur la solution proposée par le Conseil d'Etat. Si cet amendement de bon sens est refusé, je l'ai dit, nous voterons le projet de loi du Conseil d'Etat comme un moindre mal - le projet de loi 12424, donc, qui introduit la question subsidiaire.
Il est quand même difficile d'entendre ici qu'on réduit les droits populaires alors qu'on propose, en réalité, un choix au peuple. Si on avait fait les choses correctement, on aurait par exemple pu soumettre au peuple l'initiative et le PL 12404 comme contreprojet. Ce parlement en a malheureusement décidé autrement. Nous avons maintenant deux projets de lois sur la table; laisser le choix au peuple et lui donner la possibilité de trancher par le biais de la question subsidiaire ne nous paraît pas une atteinte aux droits populaires. Malgré les risques juridiques - ils ne sont pas inexistants - nous voterons donc cette solution comme la solution du moindre mal. Nous ne voulons pas faire la politique du pire. Je vous remercie.
M. Murat Julian Alder (PLR). Le groupe libéral-radical vous demande de voter ce projet de loi du Conseil d'Etat. Il tient tout d'abord à remercier la direction des affaires juridiques pour le travail de qualité qui a été fait en amont, Mesdames et Messieurs; comme juriste, je tiens à le dire ici. Ce n'était pas un exercice facile, loin de là !
On a en partie entendu M. Bayenet - parce qu'il n'a pas le coffre de M. Vanek - nous expliquer que le Conseil d'Etat est en train de donner un coup de couteau dans le texte de la constitution. Or l'amendement que vous avez sous les yeux, c'est un coup de tronçonneuse dans la LRGC ! Pour défendre cet amendement, on vient nous enfumer avec toute une argumentation juridique sur de prétendues lacunes constitutionnelles, qui concernent une loi n'ayant strictement rien à voir avec l'idée générale d'une question subsidiaire en présence de deux lois contradictoires. Mais surtout, on se moque de ce parlement puisque la semaine dernière, pour rappel, l'urgence a été refusée sur le même projet de loi que nous avons ici sous forme d'amendement. Je trouve donc quelque peu cavalier que l'on vienne dénoncer les méthodes - tout à fait acceptables - du Conseil d'Etat en la matière ! (Exclamations. Commentaires.)
Sur le fond, il est vrai qu'à la constituante, nous avons examiné un certain nombre de propositions en matière de droits populaires, à commencer par le référendum avec variantes. Le référendum avec variantes repose sur l'idée que lorsque différentes réponses peuvent être apportées à un problème, elles sont soumises au peuple simultanément. En règle générale, c'est ce qui arrive lorsque vous avez par exemple un projet qui propose le droit de vote des étrangers au niveau communal et un autre qui propose le droit de vote et l'éligibilité; on laisse ensuite le peuple choisir. Ce mécanisme a déjà été expérimenté en 2005, Mesdames et Messieurs, puisque les électeurs ont été appelés à se prononcer sur l'initiative «J'y vis, j'y vote: l'aînée» et l'initiative «J'y vis, j'y vote: la cadette» ! Elles proposaient l'octroi aux étrangers durablement établis de droits populaires communaux avec une intensité différente. On n'a pas entendu M. Bayenet venir nous expliquer que cette façon de faire était contraire à l'ancienne constitution qu'il chérit tant !
Je m'étonne aussi qu'on nous dise ici qu'il y a une lacune juridique, alors qu'on s'amuse à faire entrer dans le texte constitutionnel toutes sortes de choses qui n'ont strictement rien à y faire. On a par exemple évoqué la semaine dernière les produits phytosanitaires; je ne vois pas ce que ça vient faire dans la constitution - mais ce n'est pas le sujet du débat actuel. Nous ne vous proposons rien d'autre, ici, que de combler une lacune avec un mécanisme simple: nous ne sommes pas en train d'introduire une nouvelle forme de référendum, nous disons juste que le peuple doit pouvoir choisir lorsqu'il y a deux projets de lois contradictoires. Pourquoi ? Parce qu'en règle générale, en présence d'un conflit de normes, on applique soit le principe «lex posterior derogat anteriori»...
Une voix. Ah !
M. Murat Julian Alder. ...autrement dit: la loi la plus récente l'emporte sur la loi précédente, ou alors le principe «lex superior derogat inferiori», autrement dit: la loi de rang supérieur l'emporte sur la loi de rang inférieur. Là, nous ne sommes en présence d'aucun de ces cas de figure; nous avons deux projets de lois de même rang, adoptés le même jour, mais qui sont contradictoires. Et pour lever cette contradiction, il n'y a pas d'autre choix que de permettre au peuple de voter au moyen de cette question subsidiaire. Pour l'ensemble de ces raisons, je vous invite donc à entrer en matière sur ce projet de loi. Je vous remercie. (Applaudissements.)
Une voix. Bravo !
M. Vincent Maitre (PDC). Pierre Bayenet parlait de coup de couteau à la démocratie. En réalité, le seul véritable coup de couteau porté à la démocratie aujourd'hui, c'est tout simplement ne pas reconnaître à ses adversaires, pourtant tout aussi démocratiquement élus, la légitimité de déposer des projets de lois et de les faire valider par la majorité de ce parlement. Le vrai coup de couteau à la démocratie, c'est vouloir par tous les moyens refuser d'affronter le peuple. C'est aussi, par des artifices de procédure parlementaire, empêcher le peuple de faire un réel choix entre deux projets de lois contradictoires que, certes, dans sa grande absence de sagesse, pour le coup, le parlement a décidé de voter.
Je ne comprends réellement pas pourquoi M. Bayenet vient nous dire que ce serait une entrave à la constitution, d'autant plus qu'il se trompe sur le fond. Le député Alder l'a en grande partie rappelé: celle-ci fixe de grandes règles, des règles-cadres, et lorsqu'il s'agit d'en préciser les détails, cela se fait précisément par la voie législative de rang cantonal. En déposant le projet de loi - la modification de loi - dont il est question, le Conseil d'Etat s'attaque à une lacune juridique et non à un silence qualifié; M. Pierre Bayenet se trompe lourdement à ce sujet. De grâce, rendez-nous service: si cette loi devait être votée aujourd'hui, attaquez-la seulement par la voie d'un recours constitutionnel ! Je doute que l'issue... que le verdict que rendra la Cour constitutionnelle soit aussi favorable et joué d'avance que le prétend M. Bayenet.
Puisque vous en appelez systématiquement au peuple, ayez le courage, à Ensemble à Gauche, de lui soumettre les deux questions, les deux projets de lois - même celui qui vous déplaît. Vous aurez ainsi une réponse claire, précise et incontestable ! (Applaudissements.)
Une voix. Bravo !
M. Mathias Buschbeck (Ve). Je suis le premier non-juriste qui s'exprime aujourd'hui sur cette question; on va peut-être faire un peu de politique et pas seulement s'arrêter à des arguties juridiques ! La question subsidiaire est quelque chose d'assez récent dans notre système helvétique puisqu'elle n'a pas existé pendant plus d'un siècle. En Suisse, elle a été introduite en 1987 et utilisée pour la première fois en l'an 2000. A Genève, on l'a dit, c'était en 1996 lors de la votation sur la traversée de la rade. Avant l'introduction de la question subsidiaire, c'était l'objet qui avait le plus de voix qui l'emportait; ça obligeait à des votes tactiques. Les initiants - souvent nous, les minoritaires, soit, dans ce pays, la gauche depuis cent cinquante ans - étaient coincés: ils avaient le choix entre retirer l'initiative et se contenter d'un contreprojet, ou bien la maintenir et courir le risque d'un double non. L'introduction d'une question subsidiaire dans notre système législatif est donc une vraie avancée pour les droits populaires ! Et notamment pour les minoritaires que nous sommes souvent.
Comme je viens de le dire, il s'agit d'un outil relativement jeune et tous les cas de figure n'ont pas encore été prévus par la loi, dont celui qui nous occupe ici. En effet, dans le cadre de la recapitalisation de la CPEG - le plus grand crédit de l'histoire de notre canton - ce Grand Conseil, et notamment les Verts, a voulu laisser le peuple choisir entre deux solutions en votant bien sûr le PL 12228 et en permettant un plan B avec le PL 12404. La possibilité du double oui n'étant pas réglée par la loi, il nous faut donc cette question subsidiaire rendant possible ce double oui - et éloignant le spectre d'un double non aux conséquences catastrophiques.
Nous avons un peu de peine à comprendre cette volonté de soustraire ce choix au peuple... (Remarque.) ...choix pour lequel nos partis militent en récoltant des signatures. J'ai un peu l'impression de me retrouver dans la situation qu'a connue Meyrin il y a quelques années, lorsque les Verts ont fait aboutir un référendum contre le canal végétalisé et pour le lac des Vernes. Le Conseil municipal a annulé un crédit pour que le référendum soit annulé à son tour, et puis il a fait voter droit derrière les mêmes propositions. A l'époque, nous nous en étions offusqués à Meyrin; nous ne voulons pas qu'il arrive la même chose aujourd'hui ! Par respect pour nos partis, par respect pour nos militants, par respect pour tous ceux qui signent nos référendums en demandant une votation, il faut accepter ce projet de loi pour laisser le peuple choisir. Je vous remercie. (Applaudissements.)
M. Pierre Vanek (EAG). Mesdames et Messieurs, ce que je viens d'entendre - ce plaidoyer et ce qu'on vise à introduire dans la loi, soit la possibilité pour le parlement, en toute bonne conscience et dans un cadre légal, de voter deux lois au contenu incompatible - est une absurdité crasse ! C'est une absurdité crasse, et mon préopinant devrait s'en rendre compte à l'effet que ça a eu ! Nous ne prévoyons d'aucune manière de soustraire quoi que ce soit au peuple mais simplement, comme je l'ai proposé la dernière fois, de séquencer un certain nombre de décisions !
Maintenant, le gouvernement aurait bien sûr dû retirer le PL 12404 une fois que le parlement s'était prononcé pour une variante incompatible - le Conseil d'Etat reconnaît qu'elle est incompatible avec son projet de loi. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Murat Julian Alder a dit que cet amendement n'avait rien à voir. C'est absurde ! Cet amendement a tout à voir: il permet une sortie de l'imbroglio dans lequel nous a plongés le Conseil d'Etat. Il permet une sortie démocratique, et il nous évite de voter une réforme importante des droits politiques de ce canton en urgence, en trente minutes, un jeudi matin, sans que la question ait été renvoyée en commission...
Le président. Voilà, c'est terminé, Monsieur le député.
M. Pierre Vanek. ...sans que les juristes de la couronne... (Le micro de l'orateur est coupé. Applaudissements.)
Le président. C'est terminé, je passe la parole à M. François Baertschi. Allez-y, Monsieur Baertschi, c'est à vous.
M. François Baertschi (MCG). Merci, Monsieur le président. Nous sommes malheureusement dans une situation délicate, dans une véritable impasse. Celle-ci est due à l'attitude d'un groupe - les Verts - qui n'a pas voulu choisir, qui a quelque part fait un non-vote qui a créé une crise institutionnelle, si je puis dire, de laquelle on essaie de sortir, aussi bien que possible, avec le présent projet de loi. Or ce projet de loi présente un grand risque: comme l'a dit un préopinant, il peut être très facilement attaqué en justice, devant la cour constitutionnelle. C'est le grand risque que nous courons; nous marchons un peu sur des oeufs et il faut en être conscient. C'est la difficulté que nous rencontrons.
Comment peut-on sortir de cette situation ? Un des moyens, qui vaut ce qu'il vaut mais qui est peut-être un des meilleurs - ou un des moins mauvais - est celui proposé par l'amendement déposé. Il va dans le sens d'une abrogation pour faire ce qui aurait dû être fait mais ne l'a malheureusement pas été, par manque de courage et de ligne politique chez certains. Cette indécision met également en péril l'avenir de la CPEG; c'est à cela que nous sommes confrontés. Je crois qu'à un moment, il faut prendre ses responsabilités, et c'est justement notre responsabilité d'agir ainsi. C'est pour cela que le groupe MCG soutiendra cet amendement et qu'ensuite, que l'amendement passe ou pas, il soutiendra le projet de loi tel qu'il nous est proposé, parce que c'est une solution. Ce n'est pas une bonne solution, mais c'est peut-être la moins mauvaise.
M. Patrick Lussi (UDC). Tout d'abord, l'Union démocratique du centre remercie le Conseil d'Etat pour ce projet de loi; elle le votera. Mesdames et Messieurs les députés, vous savez très bien que l'UDC se bat à longueur d'année pour notre démocratie semi-représentative. Nous tenons, en dernier lieu, à ce que... Lorsque nous - vous, moi, tout le monde - sommes incapables de choisir clairement un projet de loi dans le cadre de notre démocratie représentative, c'est-à-dire basée sur une assemblée élue, si nous n'avons pas toutes les clés pour résoudre un problème, comme la dernière fois, qu'en est-il, Mesdames et Messieurs ? Si vous lisez ce nouvel article 57, alinéa 2, il décrit précisément les incohérences qui ont agité ce parlement: deux projets de lois qui passent la rampe mais sont les deux soumis à référendum, et soumis au peuple.
Mesdames et Messieurs les députés, où est l'erreur ? Où est l'absurdité ? Où est le coup de couteau... (Protestations.) ...lorsqu'on demande simplement au peuple: «Vous avez là deux projets de lois qui ont été acceptés tous les deux; si vous aussi vous acceptez les deux, où va votre préférence ?» Nous le faisons pour les initiatives ! Je ne vois pas vraiment où est l'erreur juridique, où est le coup de canif dans nos institutions ni où notre démocratie est mise en jeu. Au contraire, je pense que ce projet de loi permet de relever une lacune que nous avions jusqu'à présent - un oubli. Un oubli qui était peut-être de notre fait, dû à notre propre incapacité à régler quelque chose. Raison pour laquelle, Mesdames et Messieurs les députés, je pense qu'il est sain pour nos citoyens et pour l'exercice de notre démocratie de voter ce projet de loi. Je vous remercie.
M. Jean Rossiaud (Ve). Mesdames et Messieurs, j'aimerais apporter une précision d'ordre politique et juridique. Politiquement, notre parlement n'est pas un parlement de groupes mais un parlement d'individus, de députés élus par le peuple. Un parlement peut donc être contradictoire parce que les votes sont contradictoires. Au moment où deux textes contradictoires sont votés, c'est effectivement au gouvernement de ne pas demander le troisième débat sur le deuxième projet de loi. Ce n'est pas le groupe des Verts qui a fait fausse route puisqu'il n'y a pas de vote de groupe ! Il y a des votes individuels, et c'est donc au gouvernement de prendre ses responsabilités. A titre personnel, je voterai cet amendement. Je vous remercie. (Applaudissements.)
M. François Baertschi (MCG). J'aimerais juste rappeler... (Brouhaha.)
Le président. Une seconde, une seconde ! Un petit peu de silence, s'il vous plaît, Mesdames et Messieurs ! Chacun a le droit de s'exprimer et d'être entendu correctement. Je vous repasse la parole, Monsieur Baertschi.
M. François Baertschi. J'aimerais juste apporter une précision importante: nous ne sommes pas des individus - cent individus - différents ! Notre mode de vote, notre mode de fonctionnement, tel qu'il est indiqué dans la constitution et dans le corpus législatif, fait que nous avons des groupes politiques formés en général d'un parti ou d'un ensemble de partis. Ne pas voir cette réalité, c'est quelque part essayer de trouver une combine, une finesse, ce qui n'est pas à la hauteur des enjeux. Je pense qu'il faut affronter les difficultés, affronter les erreurs commises, et non pas se défausser en disant qu'il s'agit de personnes et d'individus. Il s'agit bien de groupes politiques, qui ont leur responsabilité et qui doivent l'assumer complètement. Merci, Monsieur le président.
M. Alberto Velasco (S). J'aimerais corriger les propos tenus par M. Buschbeck sur ce qui arriverait si le peuple dit deux fois non, Monsieur le président. Lors d'une précédente séance, nous avons justement voté l'initiative 168 sur ce même sujet; si le Conseil d'Etat agit avec la même célérité que pour le PL 12228 et le PL 12404, il devrait en principe la publier dans les jours qui viennent. Elle entrera par conséquent en vigueur et une loi pourra être appliquée. Il n'y aura pas de vide juridique comme l'affirme M. Buschbeck: si le peuple dit deux fois non, l'initiative s'applique ! Voilà, merci.
M. Antonio Hodgers, président du Conseil d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi vise à introduire dans notre législation, dans la loi sur l'exercice des droits politiques, un dispositif procédural permettant au peuple, lorsque deux objets portant sur la même matière mais proposant des solutions différentes sont soumis au vote, de choisir, d'exprimer sa préférence pour l'un des deux textes en cas de double oui. Cette disposition dite de la question subsidiaire est en réalité bien connue, et certains intervenants l'ont rappelé. Elle existe en effet dans le cadre d'une initiative et d'un contreprojet qui se verraient proposés au peuple le même jour et pourraient tous deux obtenir un oui; ils nécessitent cette question subsidiaire pour que le peuple puisse exprimer sa préférence en cas de double oui. Mesdames et Messieurs, ce projet de loi est là pour concrétiser un principe constitutionnel ! L'article 34 de notre Constitution fédérale, Monsieur Bayenet, indique en effet «l'expression fidèle et sûre» de la volonté populaire. Bien sûr que la situation actuelle, avec l'acceptation de deux lois aux dispositifs en partie contradictoires, suppose d'introduire dans notre législation ce même système de la question subsidiaire pour deux lois votées modifiant une autre loi ! S'agissant du respect de la légalité, le Conseil d'Etat et la direction des affaires juridiques estiment que cette piste est tout à fait envisageable. Nous nous sentirions évidemment plus sereins avec une disposition constitutionnelle mais, en réalité, la Constitution fédérale n'oblige pas les cantons à introduire toute la matière politique au rang constitutionnel.
L'arrêt qu'a cité M. Bayenet, qui concerne d'ailleurs un ancien cas, à Neuchâtel, relatif à une consultation sur les centrales atomiques, porte sur une extension des droits politiques. Il s'agissait du préavis du canton qui était pris, je crois, par le gouvernement. Il y avait là une volonté de permettre à la population de s'exprimer; un élargissement des droits politiques. Ici, il n'y a pas d'extension des droits politiques - il n'y a pas non plus de restriction de ceux-ci - mais un outil procédural qui permet à la population d'exprimer de manière univoque sa préférence entre deux objets contradictoires. Par conséquent, cet outil, qui permet cette clarification, peut tout à fait s'insérer au rang législatif.
La loi sur l'exercice des droits politiques contient toute une série de dispositions qui disent tout simplement... L'une d'entre elles indique que le peuple doit se prononcer par oui ou par non alors que ce n'est pas marqué noir sur blanc dans la constitution. Quelle conclusion doit-on en tirer si l'on suit Me Bayenet ? Qu'on pourrait, en fait, proposer des questions ouvertes: oui, peut-être; oui, à certaines conditions ? Bien sûr que non ! La loi sur l'exercice des droits politiques est un outil majeur dans la concrétisation de ceux-ci; cette disposition, la question subsidiaire, s'insère là sans aucun problème.
Mais revenons peut-être quelques instants sur le fond politique - même si ce n'est pas le sujet - parce que je m'interroge. Je m'interroge sur l'opposition d'un groupe comme Ensemble à Gauche à voir le peuple s'exprimer...
M. Pierre Vanek. Mais non !
M. Antonio Hodgers. ...à voir le peuple s'exprimer sur deux objets. Je m'interroge sur leur menace, déjà brandie, de faire recours auprès de la Chambre constitutionnelle. Des manoeuvres parlementaires, des manoeuvres juridiques pour empêcher quoi, Mesdames et Messieurs ? Pour empêcher une votation populaire ! Une votation populaire sur le projet de loi du Conseil d'Etat en matière de retraites des fonctionnaires. Et pourquoi - à travers des amendements, en déposant à nouveau des projets de lois, à travers des recours d'ores et déjà annoncés - vouloir à tout prix empêcher le peuple de se prononcer sur le projet de loi du Conseil d'Etat en matière de retraites des fonctionnaires ? Parce qu'il faudra aller dans la rue ! (Exclamations.) Il faudra aller dans la rue et expliquer aux gens, qui sont pour la plupart en primauté de cotisations... (Exclamations.) Il faudra expliquer à la classe moyenne et à la classe populaire qu'elles vont devoir payer pour un régime qu'elles-mêmes ne connaissent pas ! (Applaudissements.)
Des voix. Bravo !
M. Antonio Hodgers. Cette situation ne sera pas comprise ! (Applaudissements.) Cette situation est tout à fait incompréhensible pour la population, qui a du respect pour les fonctionnaires, qui a du respect pour le travail effectué... (Remarque.) ...mais qui ne peut pas permettre le glissement vers un régime où une partie des travailleurs, les salariés du domaine public, est traitée d'une manière... (Exclamations.) ...et une autre partie des travailleurs, à savoir la plupart des employés de ce canton, est traitée d'une autre manière. C'est ça, le vrai combat ! C'est ça, la vraie question ! Vu la tradition populaire d'Ensemble à Gauche, eh bien je pense que vous devriez vous réjouir de porter le débat dans la rue, d'avoir un débat populaire et de permettre au peuple de se prononcer de manière souveraine. Dans notre démocratie, c'est lui qui a le dernier mot; ce ne sont ni les juges ni le parlement ! Merci de voter ce projet de loi. (Applaudissements soutenus. Huées.)
Des voix. Bravo !
Le président. Je vous remercie, Monsieur le président. On se croirait à la grande époque, qu'on avait oubliée depuis une année ! (Rires.) Nous allons voter sur l'entrée en matière...
Des voix. Vote nominal !
Le président. Etes-vous soutenus ? (Plusieurs mains se lèvent. Commentaires.) Vous l'êtes. (Remarque.) Le vote nominal est acquis.
Mis aux voix, le projet de loi 12424 est adopté en premier débat par 85 oui contre 9 non (vote nominal).
Deuxième débat
Le président. Nous sommes saisis d'un amendement général de M. Pierre Vanek et consorts. Je vous le lis, bien que vous l'ayez reçu et qu'il soit projeté sur l'écran:
«Titre (nouveau)
Projet de loi abrogeant la loi 12404 modifiant la loi instituant la Caisse de pension de l'Etat de Genève (LCPEG) (B 5 22)
Art. 1 (souligné) Abrogation (nouveau)
La loi 12404 du 14 décembre 2018, modifiant la loi instituant la Caisse de pension de l'Etat de Genève, du 14 septembre 2012 est abrogée.
Art. 2 (souligné) Entrée en vigueur (nouveau)
La présente loi entre en vigueur au lendemain de sa promulgation dans la Feuille d'avis officielle.»
Mis aux voix, cet amendement général est rejeté par 53 non contre 39 oui et 2 abstentions (vote nominal).
Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés, de même que les art. 57, al. 2 (nouveau, les al. 2 et 3 anciens devenant les al. 3 et 4), et 94, al. 2 (nouveau, les al. 2 et 3 anciens devenant les al. 3 et 4).
Mis aux voix, l'art. 1 (souligné) est adopté.
Le président. La clause d'urgence est activée à l'article 2 souligné. Pour que cet article 2 souligné soit adopté, l'article 142 de la LRGC demande une majorité de deux tiers moins les abstentions, mais au moins 51 oui. Il s'agit donc d'une majorité qualifiée.
Mis aux voix, l'art. 2 (souligné) est adopté par 84 oui contre 11 non (vote nominal). (Commentaires à l'annonce du résultat.)
Troisième débat
Mise aux voix, la loi 12424 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 84 oui contre 11 non (vote nominal).