Séance du
vendredi 25 janvier 2019 à
18h10
2e
législature -
1re
année -
8e
session -
48e
séance
M 2392-A
Débat
Le président. Nous prenons maintenant le dernier point pour aujourd'hui, la M 2392-A, que nous traiterons en catégorie II, trente minutes. Je passe immédiatement la parole à M. Guinchard pour deux fois trois minutes, s'il en a besoin.
M. Jean-Marc Guinchard (PDC), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, chères et chers collègues, le dépôt de cette motion avait été inspiré par la parution d'un article dans «Le Courrier». Celui-ci faisait état de potentiels conflits d'intérêts dans le cadre de transactions immobilières entre la Fondation pour les terrains industriels - la FTI - une banque et une société de conseil. L'article en question indiquait que le président de la FTI ne s'était pas récusé alors qu'il présidait parallèlement le conseil d'administration d'une entreprise qui avait pris part à la transaction.
Au cours de ses travaux, en particulier après l'audition de la FTI, la majorité de la commission a constaté qu'il paraît difficile de demander au Conseil d'Etat de légiférer encore dans ce domaine, plus particulièrement dans celui des fondations de droit public, alors que de nombreuses modifications ont déjà été apportées à la LOIDP ainsi qu'à son règlement d'application. Ces modifications vont justement permettre d'éviter que de tels cas de conflits d'intérêts puissent se reproduire. Il a également été relevé à plusieurs reprises qu'il était assez inefficace de légiférer sur des cas particuliers.
La majorité de la commission a beaucoup apprécié l'audition de la FTI, beaucoup appris aussi à cette occasion, et elle a salué avec énormément de satisfaction les décisions prises par cette institution, qui visent à éviter à l'avenir tout problème lié à de potentiels conflits d'intérêts. Elle a pris également acte du fait que le cas particulier du président de la FTI et de sa non-récusation était en cours de traitement à la commission de contrôle de gestion. Sur cette base, Mesdames et Messieurs les députés, chères et chers collègues, je vous recommande de suivre le préavis de la commission et de refuser cette motion. Je vous remercie.
Mme Jocelyne Haller (EAG), rapporteuse de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, comme l'a indiqué M. Guinchard, il s'agit de la question de la récusation et des conflits d'intérêts dans un certain nombre d'organes où siègent des représentants de la société civile mais également des représentants de groupes d'intérêts.
Il faut quand même mettre en évidence le contenu du rapport de majorité de M. Guinchard, qui relève les propos de membres de la FTI: jusqu'à récemment, on peinait à trouver des portages financiers pour les projets industriels, mais la situation a changé avec la baisse du taux hypothécaire et la zone industrielle redevient aujourd'hui profitable. Il faut savoir également qu'il y a des projets de développement immobilier imminents, notamment celui du PAV, avec des biens fonciers dont la valeur se chiffre en milliards. De quoi aiguiser les appétits ! Sur la question des transactions immobilières, qu'il s'agisse de zones industrielles ou plus largement d'éléments immobiliers, on est là dans une grande nébuleuse et les intérêts se chiffrent à des montants que nous aurions de la peine à concevoir.
Il est vrai que cette motion a été inspirée, comme l'a dit M. Guinchard, d'un événement rapporté par la presse. Il apparaît que la première signataire est finalement revenue sur ses considérations en disant qu'il n'y a pas d'élément avéré et que la personne ayant en l'occurrence pris ses distances avec la FTI, la question se résout d'elle-même. Il faut peut-être considérer cela avec une certaine circonspection.
La motion contient trois invites qui portent essentiellement sur une modification des statuts de la FTI ou sur une spécification des règles relatives aux questions de collusion ou de conflits d'intérêts. Compte tenu de la loi sur l'organisation des institutions de droit public ou de la loi sur les commissions officielles, qui ont amené beaucoup de précisions en ce qui concerne ces domaines, il s'avère que les deux premières invites deviennent caduques. Ne reste donc que la dernière invite, qui demande à soumettre au Grand Conseil une charte d'exemplarité engageant par leur signature les administratrices et les administrateurs des fondations de droit public à faire preuve d'un comportement éthique irréprochable dans le cadre de leur mandat.
La minorité vous propose donc d'accepter cette motion avec uniquement sa dernière invite. Certains ont dit que les règles relatives aux conflits d'intérêts ou que les principes éthiques que chacun s'impose doivent suffire. Or, nous le savons, l'éthique ne se décrète pas, elle ne se commande pas, c'est un questionnement qui guide la réflexion et qui ne peut pas se prescrire. C'est pourquoi une charte d'exemplarité nous a semblé être un bon élément pour rappeler à chacun des membres des conseils de fondation de se montrer exemplaire dans l'accomplissement de ses tâches. Je vous invite par conséquent à accepter cette motion en conservant uniquement la dernière invite. Merci de votre attention.
Le président. Je vous remercie. Je ferai voter sur les deux amendements qui visent la suppression des première et deuxième invites, comme vous l'avez demandé, avant le vote relatif à l'adoption de la motion. La parole est à M. le député Rémy Pagani.
M. Rémy Pagani (EAG). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les conseillers municipaux... (Protestations.) Les députés, pardon ! Je soutiendrai... (Protestations.) Je suis un peu malade, excusez-moi, j'ai de la fièvre. (Commentaires.) Je voulais revenir...
Le président. Une seconde, s'il vous plaît. Mesdames et Messieurs, il faudrait peut-être un peu plus de silence si vous voulez entendre M. Pagani ! Je vous repasse la parole, Monsieur.
M. Rémy Pagani. Monsieur le président, j'ai un peu de fièvre; comme tout le monde, je suis un peu malade... (Commentaires. Rires.) ...et je vous prie donc d'excuser ma confusion.
J'ai été actif pendant dix ans dans les fondations HBM, qui créent du logement bon marché, je suis actif en ce moment même à la Fondation pour les terrains industriels et je soutiens tout à fait cette proposition: comme dans les fondations HBM où beaucoup d'architectes avaient des relations avec les milieux immobiliers, beaucoup de personnes dans la FTI, par exemple des avocats, en ont également. De fait, à l'occasion d'octroi d'avantages, de droits de superficie ou de marchés publics, ces personnes peuvent téléphoner à certains pour dire: «Je t'ai octroyé un mandat; tu pourras me rendre service à l'occasion, soit en donnant du travail à mon bureau, soit en pensant à moi lors d'une autre transaction financière.» C'est comme ça que ça se passe ! On a malheureusement supprimé l'obligation d'engager des procédures AIMP pour les fondations HBM et ce système recommence à y prévaloir.
A la Fondation pour les terrains industriels, il n'y a malheureusement pas de procédure d'attribution de droits de superficie. C'est extrêmement grave, Mesdames et Messieurs ! Je revendique et je demande que la FTI soit soumise aux procédures AIMP pour l'octroi de droits de superficie. Ça supprimerait un certain nombre de privilèges que s'octroient quelques membres de cette fondation ou de retours d'ascenseur; ça a été le cas - c'est en tout cas supposé avoir été le cas - pour l'ancien président. Cette charte devient donc de plus en plus importante pour rendre tous les membres de ces conseils d'administration attentifs à leur obligation de respecter l'éthique, et surtout leur engagement vis-à-vis de la collectivité et non vis-à-vis de leur intérêt personnel. Je vous remercie de votre attention, Mesdames et Messieurs les députés !
M. André Pfeffer (UDC). Les motionnaires ont relevé un dysfonctionnement, voire un scandale, qui a effectivement eu lieu. La FTI doit favoriser nos artisans et PME et les aider à obtenir des locaux et des installations à des prix raisonnables. Dans le cas dénoncé, la FTI a autorisé une opération commerciale, soit permis à un promoteur de construire un bâtiment de plusieurs étages et à but locatif. En plus, le prix du droit de superficie pour ce bâtiment est identique à la valeur d'un terrain abritant un petit hangar, voire un terrain nu ! Le scandale est aussi lié au fait que le bâtiment a été vendu durant la construction, avec plusieurs dizaines de millions de bénéfice. Mais le cas a été dénoncé, reconnu, et la FTI a changé sa pratique.
Cette motion, en tout cas sous sa forme originelle, a deux défauts. Le premier est qu'il est nuisible de légiférer lors de chaque dysfonctionnement ou scandale. Le deuxième défaut est sa trop grande rigidité, qui exclurait probablement de ces fondations tous les professionnels et experts. Cette motion part d'une bonne intention mais elle serait inapplicable et probablement nuisible sous la forme sous laquelle on l'a refusée en commission. Et avec les amendements qui proposent de biffer les deux premières invites, elle n'a pratiquement plus de sens. Notre groupe propose donc de la refuser. Merci.
M. Daniel Sormanni (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, il y a effectivement un certain nombre de problèmes liés à ces fondations et notamment à la FTI. Ce n'est pas la démission d'un président qui règle le problème de fond ! Ça a réglé son problème personnel mais ça ne règle pas le problème de fond de ces fondations. A mon avis, à partir du moment où l'Etat est impliqué et qu'un certain nombre de transactions ont lieu - comme celles qui viennent d'être dénoncées, ou en tout cas expliquées, par le député Pfeffer - lorsqu'une telle plus-value est réalisée, la fondation qui permet une plus-value aussi importante par l'octroi d'un droit de superficie devrait aussi raisonnablement avoir un retour. Or ce n'est pas le cas ! Ces droits de superficie sont à des prix ridiculement bas - entre 5 F et 12 F le mètre carré par année - même si maintenant ils sont justement en train d'examiner une augmentation ! Tout ça pour réaliser 50 millions de bénéfice pendant la construction de l'édifice ! Non, tout ça n'est pas normal !
Ce problème est loin d'être réglé, et il est loin d'être réglé à la FTI aussi. Ok, son président a démissionné, mais il y en a d'autres. Et puis maintenant, c'est le directeur qui démissionne; il va finir - je vous le donne dans le mille - dans une grande société d'investissement avec son fichier, fruit de tout le travail qu'il a fait à la fondation. Je pense qu'il y a des problèmes à régler, d'ailleurs la commission de contrôle de gestion, suite au rapport du SAI sur ce sujet, s'est à nouveau saisie de cette question. En ce qui nous concerne, nous pensons que ce n'est pas réglé, et pour cette raison-là, le MCG votera la motion amendée. Merci.
Le président. Je vous remercie. Nous passons au vote sur les deux propositions d'amendements faites par la minorité, tout d'abord la suppression de la première invite.
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 39 non contre 38 oui et 11 abstentions.
Le président. Je soumets maintenant à votre vote l'amendement qui vise à supprimer la deuxième invite.
Mis aux voix, cet amendement est adopté par 69 oui contre 8 non et 9 abstentions.
Le président. Il reste donc la première et la troisième invite. Je passe la parole à Mme Jocelyne Haller qui a encore quelques secondes à disposition.
Mme Jocelyne Haller (EAG), rapporteuse de minorité. Merci, Monsieur le président. Je voudrais juste relever qu'il est difficile de concevoir que la recherche d'exemplarité ne trouve pas d'écho dans ce parlement, notamment lorsqu'il s'agit de brasser des milliards de francs ! Je tenais à attirer votre attention sur cet élément, en vous réinvitant à accepter la motion ainsi amendée. Je vous remercie.
Le président. Merci, Madame la députée. C'est à vous, Monsieur Guinchard, pour le mot de la fin.
M. Jean-Marc Guinchard (PDC), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, chères et chers collègues, je rejoins Mme Haller lorsqu'elle disait tout à l'heure que l'éthique ne se décrète pas. Elle a raison: l'éthique ne se décrète pas, mais elle existe ou pas ! Nous sommes soumis, en tant que députés, au secret de fonction. Tous les membres des commissions officielles sont exhortés à la confidentialité, qu'ils doivent respecter pour les débats qui ont lieu au sein de ces commissions; cela n'empêche pas qu'il y ait régulièrement des fuites. Je ne pense donc pas qu'une charte d'exemplarité, ajoutée aux nombreuses dispositions qui existent déjà dans la LOIDP et son règlement d'application, amènerait quelque chose de plus à la situation et la rendrait plus sûre. Je vous remercie et vous... (Le micro est coupé.)
Le président. On n'a pas entendu votre dernière phrase.
M. Jean-Marc Guinchard. Je vous recommande donc à nouveau de rejeter cette motion.
Le président. Merci. Nous passons au vote sur la motion ainsi amendée, à laquelle il reste la première et la troisième invite.
Mise aux voix, la proposition de motion 2392 ainsi amendée est rejetée par 52 non contre 40 oui.