Séance du
vendredi 25 janvier 2019 à
16h05
2e
législature -
1re
année -
8e
session -
47e
séance
R 865-A
Débat
Le président. Nous passons à la dernière urgence que nous aurons à traiter aujourd'hui. Je vous rappelle que les deux urgences restantes seront traitées jeudi prochain dès 8h du matin. Nous sommes en catégorie II, trente minutes, pour la R 865-A. Le rapport est de M. Pierre Vanek... (Un instant s'écoule.) ...qui a introduit sa carte dans la console ?
M. Pierre Vanek. Pas encore, mais ça vient. (Un instant s'écoule.)
Le président. Je vous passe la parole.
M. Pierre Vanek (EAG), rapporteur. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs, j'ai trois minutes pour évoquer une vaste affaire; je vais le faire très sobrement. Nous avons déposé la proposition de résolution 865 le 18 septembre 2018. Le 20 septembre, ce parlement n'estimait pas, disons, qu'il faille l'inscrire à son ordre du jour. Il s'est trouvé neuf députés du groupe Ensemble à Gauche pour voter cet ajout, mais ils étaient contre tous les autres ! Le 11 octobre, nous étions un peu plus nombreux pour demander une discussion immédiate, mais ça n'a pas suffi et la résolution est partie à la commission législative.
Cette résolution est d'une simplicité extrême: elle dit que M. Pierre Maudet ne saurait demeurer membre du Conseil d'Etat et qu'il doit tirer immédiatement les conséquences que cette situation impose. C'est une déclaration politique qui n'entraîne aucun effet législatif ou matériel, mais elle indique une volonté politique de ce parlement. L'écart de plusieurs mois entre le 18 septembre, date à laquelle nous avons déposé cette résolution, et aujourd'hui a conduit à un vote unanime de la commission - avec pas mal d'abstentions mais unanime - qui a considéré que ce parlement devait demander à Pierre Maudet de démissionner. Les travaux de la commission, l'éloquence des auteurs de la résolution ont peu contribué à cette évolution; ce sont les faits - les faits extérieurs - rapportés par les médias concernant le flot d'argent... Le «Tages Anzeiger» rapporte encore aujourd'hui des éléments nouveaux sur ce flot d'argent qui a été dirigé vers Pierre Maudet et qui pose problème. Il a été évoqué hier soir, mais je ne peux pas en parler, puisque c'était à huis clos.
Pierre Maudet disait dans telle émission de télévision qu'il était un homme de pouvoir et pas un homme d'argent. Aujourd'hui, la question est tranchée: nous savons que c'était un homme de pouvoir - pouvoir construit grâce à de l'argent de source non transparente, disons, à des caisses noires, à des cagnottes, avec un certain nombre de transactions couvertes par le mensonge. Ces éléments-là démontrent que Pierre Maudet n'a plus la légitimité politique nécessaire pour être au gouvernement. Ce n'est pas un vague opposant qui l'affirme: le Conseil d'Etat lui-même le reconnaît de facto en lui ôtant l'essentiel de ses responsabilités. Cette résolution constitue une aide à la décision pour Pierre Maudet. Il s'agit de lui montrer qu'il ne faut pas prolonger ce théâtre de Guignol et qu'il faut qu'il se retire, qu'il se retire dignement et rapidement. Merci. (Applaudissements.)
M. Thomas Bläsi (UDC). Faire démissionner, destituer, virer un conseiller d'Etat ne fait pas partie des prérogatives du Grand Conseil. Ça n'entre pas dans les prérogatives de notre fonction de députés, et le groupe UDC a toujours maintenu cette ligne. Aujourd'hui, nous tenons à amender le texte pour un certain nombre de raisons que je vais vous expliquer.
Dimanche dernier, cinq conseillers d'Etat se sont réunis en excluant deux autres, violant ainsi l'article 105 de la constitution qui prévoit que le Conseil d'Etat est un collège. De la même façon, petit à petit, le département de M. Maudet a été découpé, amputé, coupé, réduit, remanié. Nous en sommes au quatrième remaniement ! Et que voit-on malgré ce quatrième remaniement ? Eh bien nous voyons que lui est laissée la compétence de gérer les Ports Francs ! Ports Francs éminemment importants d'un point de vue stratégique pour les Emirats arabes unis, qui sont concernés par l'affaire ! Ce quatrième remaniement ne sera donc certainement pas le dernier. Aujourd'hui, nous sommes fâchés parce que nous estimons avoir demandé à cette assemblée de prendre des décisions institutionnelles depuis les mois de mai et juin. Nous avons par exemple demandé en juin déjà que le département des finances vérifie la conformité des déclarations fiscales de M. Maudet ! Si le parlement nous avait donné raison, la plupart des éléments de cette affaire seraient déjà tranchés et résolus !
C'est pourquoi le groupe UDC estime que M. Maudet s'est effectivement, tel qu'il a été dit, rendu indigne de sa fonction et doit prendre ses responsabilités en la matière; nous l'appelons de nos voeux. Mais nous estimons aussi qu'on ne peut que déduire de la dernière réorganisation du Conseil d'Etat, qui a expliqué l'avoir conçue autour d'une représentation réduite de M. Maudet à l'extérieur, que moins on voit leur collègue M. Maudet, mieux cela est ! Non seulement ils le considèrent, mais ils le votent et l'expriment en conférence de presse ! Que reste-t-il de la «dream team» ? (Rire.) Que reste-t-il de ce collège ? Il n'en reste absolument rien !
Il aurait été beaucoup plus simple d'effectuer une rocade avec le département de la santé, avec le département de la mobilité, avec le DIP; il n'y avait absolument aucune raison - aucune raison ! - de ne pas effectuer cette rocade qui aurait préservé nos institutions ! Je pense avoir été assez payé pour ma proposition par certains des promoteurs de cette version qui n'ont pas hésité à insulter et à menacer ceux qui à l'époque étaient seuls pour dénoncer les faits, ceux qui ont demandé que la commission de contrôle de gestion fasse son travail et prépare un rapport. A l'époque, je tiens à vous le préciser, cette commission avait dans les mains bien plus d'informations que le procureur ! Le groupe UDC estime donc que le Conseil d'Etat s'est rendu indigne de sa fonction. Il redemande à M. Maudet, les yeux dans les yeux, de bien vouloir prendre ses responsabilités, et au Conseil d'Etat d'arrêter d'humilier cette république. Merci, Monsieur le président. (Applaudissements.)
Le président. Je vous remercie. Je ferai voter votre amendement à la fin. En attendant, je passe la parole à M. le député François Baertschi.
M. François Baertschi (MCG). Merci, Monsieur le président. Cette résolution met en cause un système: le système Pierre Maudet. C'est un système fondé sur le favoritisme, le copinage - les copains et les coquins. La république des copains et des coquins ! C'est cela qu'il faut dénoncer avec détermination, parce que nous ne voulons plus vivre dans une République de Genève véritablement à la dérive, en proie à un dysfonctionnement généralisé. Nous refuserons bien évidemment l'amendement, qui, de manière très bizarre et incompréhensible, vole au secours de ce système Maudet, le système des copains et des coquins. Merci, Monsieur le président.
M. Jean Rossiaud (Ve). Le conseiller d'Etat Pierre Maudet ne peut plus être membre du Conseil d'Etat du canton de Genève. Cette résolution déposée le 18 septembre 2018, que les Verts ont soutenue sans état d'âme, a pourtant mis quelques mois à convaincre une majorité des députés de la commission législative. Il est vrai que, chaque semaine, de nouveaux éléments démontraient que Pierre Maudet n'était plus, depuis début septembre déjà, capable de gouverner ni compétent pour le faire. Le fait que l'intéressé n'en tire pas les conséquences qui s'imposent soulève l'incompréhension grandissante de la population, de notre Grand Conseil et du Conseil d'Etat lui-même. Si bien que nous en sommes aujourd'hui à nous demander s'il faut introduire dans notre constitution la possibilité d'une destitution, ce qui n'a aucune raison d'être excepté dans le cas d'un magistrat qui abuserait de son droit.
Deux demandes de levée d'immunité du Ministère public, auxquelles notre parlement a accédé à la quasi-unanimité, seraient pour n'importe quel dirigeant digne et de bonne foi un signe suffisant pour présenter sa démission. Pour Pierre Maudet, non. Pierre Maudet se cache derrière la présomption d'innocence. Il sait pourtant bien que ce n'est pas l'objet du débat et que personne ici ne remet en cause la présomption d'innocence. On ne se base que sur ses aveux publics et sur des faits clairement consignés et documentés dans la presse. Pierre Maudit a... Pierre Maudet, pardon... (Rire.) ...a menti sur son voyage à Abu Dhabi. Il en convient. Ce fait à lui seul mériterait qu'il démissionne.
On pouvait penser que Pierre Maudet était un homme de vérité. Il est un homme de mensonge. On pouvait penser que Pierre Maudet était de l'étoffe des hommes d'Etat. Il a démontré qu'il ne l'était pas. Il a toujours fait passer son ambition personnelle avant les intérêts bien compris de la République et canton de Genève ! Tout dirigeant de bonne foi, digne de confiance, aurait démissionné sur-le-champ, ne serait-ce que pour ne pas faire peser le ridicule, le déshonneur et l'illégitimité sur les institutions de la patrie et de la république. Institutions qu'il se targue de continuer à vouloir servir contre vents et marées, et même contre les intérêts de notre patrie et de notre république ! Les Verts remercient le Conseil d'Etat d'avoir dessaisi Pierre Maudet de pratiquement tous ses dossiers. Cette affaire Maudet n'est pas terminée.
Les Verts refusent bien sûr tout système politique fondé sur des allégeances, des prébendes et l'espérance de retours d'ascenseur. Mais surtout, les Verts contestent cette philosophie néolibérale qui fait de l'attractivité de Genève l'alpha et l'oméga de toute politique publique, fiscale, commerciale ou économique: elle met le Conseil d'Etat sous pression pour qu'il aille à Abu Dhabi, ou ailleurs, passer de pseudo-contrats qui finiront par engluer la république dans les affaires ! Je vous remercie. (Applaudissements.)
Une voix. Bravo !
M. Jean Batou (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, pour le groupe Ensemble à Gauche, il s'agit d'une prise de position. Une prise de position que nous voulons forte, unanime - ou la plus large possible - pour que le Grand Conseil assume ses responsabilités. Il ne s'agit pas de discuter de prérogatives: nous savons tous qu'il n'est pas dans nos prérogatives de révoquer un conseiller d'Etat ou de le destituer. Mais nous pouvons - et nous devons ! - dire quelle est notre opinion politique. Et notre opinion politique est résumée par ce texte qui demande à Pierre Maudet de prendre ses responsabilités et de quitter ses fonctions.
En ce qui concerne l'amendement proposé par l'UDC, nous faisons une différence entre cette proposition et le mécanisme de destitution d'un conseiller d'Etat. La destitution d'un membre du gouvernement, qui serait débattue à la commission des droits politiques, vise un individu pour son comportement; c'est une décision que le Grand Conseil devrait pouvoir prendre. C'est pourquoi, même si pour le moment il ne dispose pas des compétences légales, une prise de position très claire est un premier pas vers un mécanisme légal de destitution qui devrait être, à notre avis, de la compétence d'une majorité qualifiée du parlement. Tout ce qui est de l'ordre d'une révocation globale du Conseil d'Etat existe par ailleurs dans la constitution tessinoise; c'est là de la compétence du peuple. C'est une procédure d'initiative, avec un nombre qualifié de signatures, qui, dans le canton du Tessin, permet au peuple de demander la révocation de l'ensemble du gouvernement un an après une élection et un an avant l'élection suivante. Il nous semblerait incompréhensible que le parlement puisse révoquer le gouvernement alors que le gouvernement a été élu par le peuple.
En revanche, dans le cas d'un individu qui commet des actes à nos yeux inacceptables dans l'exercice de ses fonctions - le mensonge public, le mensonge organisé, la réception d'un certain nombre d'avantages reconnus pour le moment, même s'ils ne sont pas nécessairement qualifiés pénalement - celui-ci devrait pouvoir être destitué par une majorité qualifiée forte de ce parlement. C'est pourquoi je vous invite tous à voter cette résolution en prenant chacun, en votre âme et conscience, vos responsabilités. Merci. (Quelques applaudissements.)
M. Thomas Wenger (S). Mesdames les députées, Messieurs les députés, mercredi, le Conseil d'Etat nous a envoyé un message fort, un message clair: à six membres du gouvernement contre un, il a été décidé de réduire le département de M. Maudet à la portion congrue. Il s'agissait aussi de penser aux fonctionnaires de l'administration publique ballottés d'un département à l'autre, si je puis dire, de mercredi en mercredi, et de leur donner cette fois une stabilité pérenne, de leur redonner confiance dans le Conseil d'Etat et dans les institutions.
Cette affaire, on l'a rappelé à plusieurs reprises, ce sont deux levées d'immunité, dont une qui a encore été votée hier soir; l'acceptation de nombreux cadeaux, pour des dizaines de milliers de francs au minimum; des mensonges répétés, construits, entraînés; des déductions fiscales infondées ! Et aujourd'hui, on apprend dans le «Tages Anzeiger» - c'est à confirmer - que les dons s'élèveraient depuis quelques années à 400 000 F environ. Alors non, Mesdames et Messieurs les députés, Pierre Maudet n'est pas victime ! Pierre Maudet n'est pas victime d'un acharnement ni du Grand Conseil ni du Conseil d'Etat ! C'est lui qui prend notre République et canton en otage. C'est lui qui prend les institutions politiques de ce canton en otage. C'est lui, Mesdames et Messieurs, qui est dans le déni et qui ternit de manière catastrophique notre image à Berne et celle de la Genève internationale.
Mesdames et Messieurs, s'agit-il d'un acharnement ? Monsieur Maudet, vous êtes là: oui, il s'agit d'un acharnement - de votre acharnement ! Monsieur Maudet, par pitié pour nous, pour la population, mais surtout pour vous, mettez fin à cet acharnement. C'est le message politique du Grand Conseil aujourd'hui. Le parti socialiste votera cette résolution, et vous demande d'avoir le courage de prendre vos responsabilités et de démissionner. (Applaudissements.)
M. Guy Mettan (PDC). Tout d'abord, je voudrais déclarer que le parti démocrate-chrétien s'opposera naturellement à l'amendement de l'UDC. Nous avons longuement discuté tout à l'heure d'un projet de destitution du Conseil d'Etat. Cet amendement ne vise rien d'autre que la destitution du Conseil d'Etat, il est donc hors de question que, dans ce domaine, nous entrions en matière comme ça, sur le vif.
Sur le fond maintenant: comme député membre de la commission législative, je me suis personnellement toujours abstenu de prendre position dans les médias ou d'intervenir sur le fond de ce qu'il est convenu d'appeler l'affaire Maudet. Pourquoi ? Parce que je pense, comme beaucoup d'entre nous et même l'intéressé, qu'il s'agit d'une question de responsabilité personnelle, de responsabilité individuelle. Il revient donc à M. Maudet, comme il l'a d'ailleurs déclaré, de se déterminer, c'est-à-dire d'assumer pleinement ses responsabilités. Cela dit, le PDC est un groupe, et je suis moi-même membre de ce groupe; voici la position du parti sur cette affaire.
Une majorité du PDC, lors de notre caucus de lundi soir, a décidé d'entrer en matière sur cette résolution et de suivre l'avis de la majorité du groupe PLR. Dans cette affaire, le PDC se sent en effet solidaire du PLR - ou en tout cas de la majorité du PLR - parce que nous estimons que les amis ou les partenaires ne doivent pas être abandonnés dans la difficulté. C'est pourquoi, même s'il y a une liberté dont certains vont user, la majorité de notre groupe, dont je me fais le porte-parole, a décidé de suivre la majorité du PLR. Nous voterons donc apparemment en faveur de cette résolution. Merci.
M. Antonio Hodgers, président du Conseil d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, le Conseil d'Etat ne souhaite pas s'exprimer sur cette résolution. Cependant, M. Pierre Maudet étant directement mis en cause, il peut naturellement répondre et il le fera donc à titre personnel.
M. Pierre Maudet, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, cet après-midi, je viens devant vous qui avez juré de faire servir vos travaux au bien de la patrie qui vous a confié ses destinées, comme le veut la formule consacrée prononcée par le président au début de chaque séance. Je vous présente ici mes excuses, comme je les ai présentées à la population, comme je les ai présentées à mon parti pour ce comportement que j'ai effectivement qualifié d'indigne de la fonction.
Je vous ai écoutés attentivement. Je vous ai compris, en tout cas pour les propos qui reposent sur des aspects factuels. Mais je dois vous dire aussi que je ne suis pas sûr que le temps évoqué par le rapporteur tout à l'heure, entre septembre et aujourd'hui, qui a été pour une large part le temps des insultes, des avanies, de l'acharnement, de l'humiliation, ait été bien utile à la patrie qui nous a confié ses destinées et qui nous a également confié le soin d'avancer sur des sujets politiques de fond. C'est bien sûr votre droit, Mesdames et Messieurs les députés, de prendre la parole et d'intervenir dans le champ public, ici, au parlement, pour y tenir les propos que vous avez tenus. C'est votre devoir - c'est notre devoir - de veiller au bien de la république.
Cette résolution porte précisément sur le bien de la république: fondamentalement, si on la relit, elle s'interroge sur le fonctionnement des institutions. Ce fonctionnement interpelle; les institutions ne sont pas parfaites. En a témoigné tout à l'heure le vote unanime de renvoi en commission du projet de loi relatif à une adaptation de la constitution et des lois afférentes en matière de destitution. Et puis ces institutions sont composées d'hommes et de femmes qui ne sont pas parfaits non plus, et j'avoue tout à fait volontiers ici que j'en fais partie. Ces institutions sont perfectibles, c'est pourquoi vous avez tout à l'heure renvoyé en commission ce projet de loi.
Ces institutions, notamment le Grand Conseil, recèlent aussi quelques problèmes, et je suis obligé de l'évoquer: comment peut-on passer sous silence - je n'ai entendu personne en parler - les nombreuses violations du secret de travail de commission et de fonction qui ont notamment émaillé le début de cette affaire ? On évoquait tout à l'heure la commission de contrôle de gestion; on doit ici se rappeler que celles et ceux, et je veux croire qu'ils ne sont pas nombreux, qui ont violé ce secret, qui se sont rendus parjures, ne servent pas forcément les institutions. Comment passer sous silence que l'un des députés qui m'a interpellé tout à l'heure a récemment fait l'objet d'une ordonnance de classement du Ministère public dans laquelle on lit qu'il s'est exclusivement fondé sur un article paru dans la «Tribune de Genève» en y ajoutant des trouvailles de son cru, telles que l'implication de la commandante de la police ou de la brigade de sûreté intérieure ? Il s'agit évidemment de l'affaire de prétendues écoutes téléphoniques qui me concernaient, qui a pris dix mois pour être réglée parce qu'elle était vide. Les institutions parlementaires ont aussi leurs imperfections, et certaines de ses composantes en particulier. La justice, je viens de le dire, a également ses imperfections. Ça prend du temps, la justice: dix mois pour confirmer que le procès qui m'était fait en matière d'écoutes téléphoniques était complètement farfelu - bidon, pour le dire autrement.
Et puis le Conseil d'Etat a ses imperfections. Et j'assume ici la rupture de collégialité que j'ai prononcée mercredi s'agissant de la décision, que je regrette, de réorganisation et d'attribution des départements. Je l'ai dit mercredi, je n'irai pas au-delà. Je regrette la façon de faire, la façon dont elle s'est déroulée, qui - c'est le terme de mon collègue Mauro Poggia dans «Le Temps» de ce jour - procède de l'humiliation. Je regrette également ses conséquences, je le redis ici, parce que le déséquilibre généré par la répartition nouvelle des départements sera, je pense, source de problèmes pour la république.
Je suis néanmoins convaincu que la question économique, la question du développement économique, est centrale; je tiens à le dire puisque j'ai été tout à l'heure interpellé là-dessus. La santé économique de Genève est centrale; c'est ancré dans les valeurs du PLR que je défends et continuerai à défendre, y compris au-delà des frontières, parce que Genève est une économie ouverte. Ces valeurs sont importantes, c'est une grande responsabilité que le gouvernement m'a confiée sur le développement économique. Je pourrais assurément en faire plus, mais je fais ici voeu de poursuivre l'oeuvre entamée, que ce soit pour les sans-grade et les sans-papiers - je pense à l'opération Papyrus - ou pour le rayonnement de Genève, de son horlogerie, de son industrie, de sa pharma, de toutes ses composantes dont je suis fier également.
Mesdames et Messieurs, et je conclurai par là, si cette résolution vise réellement à s'interroger sur le bien des institutions, sur le bien de la république, sur l'idéal - mais qui n'est qu'un idéal - de perfection des personnes qui la composent, j'en appelle ici au pardon. Pour ma part, s'agissant des députés qui auraient violé leur serment et livré des documents, eh bien je vous pardonne. (Rires. Exclamations.) Je pense que c'est au moins aussi grave, il faut le souligner, que de voir ce type de violation. Je me permets de citer une phrase brève d'un magistrat du XXIe siècle qui a dit ceci: «J'ai entendu certains soutenir l'idée incongrue que je devais démissionner de ma charge de conseiller administratif, ou tout du moins me mettre en retrait. Mais c'est le peuple, et lui seul, qui souverainement m'a porté à cette charge, j'entends ainsi lui rester fidèle.» Ce magistrat, qui en l'occurrence parlait comme un magistrat condamné, parce qu'il avait été condamné, est un de vos collègues: M. Rémy Pagani.
Alors je vous annonce ici solennellement, Mesdames et Messieurs les députés, que jamais je ne céderai à une pression politique, à une pression médiatique, à une pression sociale, à une pression économique en vue de démissionner. L'honneur d'un conseiller d'Etat, d'un membre du gouvernement, commande de respecter les institutions et les principes sur lesquels elles reposent, notamment la séparation des pouvoirs, la présomption d'innocence ou le droit d'être entendu. Et le droit d'être entendu, Mesdames et Messieurs, n'a pas vraiment été respecté: je n'ai pas été invité par la commission à m'exprimer devant elle. Il faut respecter aussi le principe de la Justice avec un grand J, et pas celle du tribunal des émotions, du tribunal de la vindicte populaire. J'ai été élu pour combattre, et je me réjouis de combattre sur des idées, sur des projets. Je n'ai pas été élu pour me faire abattre ! Mesdames et Messieurs, je vous invite ici à soutenir les institutions - pour le bien des institutions, laissez la justice notamment faire son travail - et à réitérer votre confiance dans l'ensemble des institutions en refusant cette résolution. Je vous remercie de votre attention.
Le président. Je vous remercie, Monsieur le conseiller d'Etat. Exceptionnellement, puisqu'il a été mis en cause, je donne la parole pour une minute à M. Rémy Pagani.
M. Rémy Pagani (EAG). Monsieur le président, je me suis tu jusqu'à maintenant dans cette affaire parce que je pense qu'il faut faire preuve d'un minimum de solidarité envers un ancien collègue; j'ai travaillé pendant six ans avec M. Pierre Maudet. Mais quand même, Monsieur Maudet, vous travestissez la réalité ! C'est dans le cadre de l'affaire de la brochure que j'ai pris cette position devant le Conseil municipal, et je n'étais pas condamné ! C'est vous-même qui avez participé avec le Conseil d'Etat à cette guignolerie, à cette indignité qui a consisté à me sanctionner, Monsieur Maudet ! Je tenais à le dire. Merci. (Applaudissements.)
Le président. Je vous remercie. Nous votons en premier lieu sur l'amendement dont nous sommes saisis. Il est extrêmement simple; vous l'avez sous les yeux. Je le lis:
«Modification de la déclaration:
Déclare que l'ensemble du Conseil d'Etat doit démissionner.»
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 84 non contre 8 oui.
Mise aux voix, la résolution 865 est adoptée par 66 oui contre 8 non et 15 abstentions.