Séance du
vendredi 2 novembre 2018 à
15h
2e
législature -
1re
année -
5e
session -
31e
séance
PL 11621-A
Premier débat
Le président. Nous abordons le PL 11621-A, classé en catégorie II, trente minutes. Je passe immédiatement la parole à Mme Magnin, dès lors qu'elle aura appuyé sur le bouton.
Mme Danièle Magnin (MCG), rapporteuse de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, le texte proposé demande que tous les commerces assujettis à la loi sur les heures d'ouverture des magasins mettent à disposition des clients des stations de tri des déchets signalées clairement et accessibles à tous. En commission, nous avons procédé à un certain nombre d'auditions, dont celle du chimiste cantonal, M. Patrick Edder, qui nous a expliqué qu'il y aurait prochainement une ordonnance fédérale sur l'étiquetage. Il nous a également dit que le suremballage restait problématique.
Nous avons ensuite entendu M. Claudio Marra, chef de vente pour la région chez Coop. Il a insisté sur le fait que, lorsque des demandes émanent de la clientèle, les choses se mettent peu à peu en place. Il nous a expliqué que l'emballage servait surtout à protéger les marchandises et qu'il n'était pas favorable au projet de loi car les magasins ont déjà installé des points de récupération un peu partout. (Commentaires.) Je voudrais signaler que la Coop a supprimé les sacs plastiques blancs dits à usage unique pour les remplacer par des sacs payants en plastique dits recyclés, à cinq centimes le sac. Sinon, il y a toujours les sacs en papier et les sacs en toile de bâche.
Ensuite, nous avons entendu M. Conrad Aeby, directeur du département commercial et logistique de Migros, qui a attiré notre attention sur la politique de développement durable très forte du groupe. Il a indiqué que Migros ne proposait plus de sacs plastiques à usage unique. Il a aussi mentionné les centres de récupération très complets où l'on peut aussi rapporter les matières chimiques achetées à la Migros. Il y a toute sorte de possibilités de rapporter, voire de ne pas emporter avec soi, les emballages de ce qui s'achète à la Migros, à M-Parc, dans les brico-loisirs ou dans les centres de jardinage.
Sur la base de ces auditions et des documents remis par la Migros à propos de leur manière de recycler les déchets, nous sommes arrivés à la conclusion que ce projet de loi n'était pas nécessaire, qu'il était superfétatoire par rapport à la situation existante et que des normes fédérales allaient encore un peu améliorer la situation. C'est pourquoi je vous invite - la majorité, pas moi - à ne pas entrer en matière.
M. Pierre Vanek (EAG), rapporteur de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, ce texte a obtenu l'appui initial d'une large palette de députés allant d'Ensemble à Gauche à l'UDC en passant par le PS. C'est un projet de loi qui empoigne un problème réel, de manière très raisonnable et modeste, puisqu'il s'agit d'assujettir un certain nombre d'entreprises, pas les petites entreprises familiales, mais les magasins soumis à la LHOM, à une simple disposition selon laquelle elles doivent fournir aux clients des stations de tri des déchets signalées clairement et accessibles à tous: quoi de plus raisonnable ?
Deux dispositions supplémentaires figurent dans le texte. La première, une proposition de simple bon sens, demande que ces stations de tri soient adaptées à la récolte des emballages des produits vendus dans ces commerces. Cela peut varier en fonction de la nature du commerce. La deuxième prévoit que le département règle la disposition, la signalisation, le volume des stations de tri en fonction de la surface de vente. Cela laisse donc une large marge de régulation et d'ajustement ainsi qu'une latitude au Conseil d'Etat pour faire au mieux en la matière.
Mesdames et Messieurs, ce projet de loi s'inscrit dans ce qui devrait être un objectif pour nous tous, dans une volonté de limiter une production excessive de déchets par suremballage. C'est un projet de loi écologique, économique aussi, qui évite que ce ne soient que les ménages et les consommateurs finaux qui doivent faire face, de leur propre volonté, au problème largement reconnu du suremballage. Cette proposition vise à faire remonter cette incitation à limiter l'emballage des biens vendus vers les distributeurs concernés et, in fine, vers les producteurs industriels, et, par là, à réduire la masse des déchets à traiter ou à incinérer. Ce dispositif peut contribuer subsidiairement à la mise en route de circuits de recyclage. Au bénéfice de ces explications, je crois qu'il est tout à fait utile, nécessaire et raisonnable de voter cette proposition.
M. Eric Leyvraz (UDC). Monsieur le président, je dois dire que nous avons bien accueilli ce projet de loi tout d'abord - nous avons même signé la demande - mais les diverses discussions avec les professionnels nous ont prouvé que, malheureusement, au fond, ce n'était pas une bonne idée. Ce texte demande une modification de la LGD, la loi sur la gestion des déchets. On a trop tendance à faire porter le fardeau des déchets sur le dernier maillon de la chaîne, c'est-à-dire le magasin ou le consommateur, alors que les responsables des emballages sont multiples.
Une taxe d'élimination des déchets est prévue par l'ordonnance fédérale: l'application de cette loi pourrait donc être contraire au droit fédéral. Notons aussi que les magasins vont certainement reporter les frais supplémentaires sur le client. Le chimiste cantonal fait, lui, une nette différence entre suremballage général et emballage nécessaire - d'hygiène - des denrées alimentaires. Il faut reconnaître aussi que les grandes surfaces genevoises favorisent déjà passablement le tri: elles ont supprimé les sacs plastiques à usage unique.
C'est plutôt un effort général qui nous semble nécessaire, du consommateur jusqu'au fabricant du produit. Nous devons aussi être très prudents de ne pas pousser plus les clients vers les grandes surfaces françaises en chargeant encore nos enseignes avec des dépenses supplémentaires. Bien sûr, les progrès sont lents concernant la gestion des déchets, mais il faut quand même reconnaître que nous sommes sur la bonne voie, avec une très large prise de conscience du public de ce problème lancinant. Enfin, la mise en route de cette loi et le contrôle de son application semblent des plus aléatoires. C'est pour cela que, quoique avec un peu de regret, l'UDC vous recommande de refuser l'entrer en matière sur ce projet de loi.
M. André Python (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, voici une contrainte de plus qui obligerait les commerçants à faire ce que la plupart font déjà. Les grandes enseignes sont préoccupées par le recyclage des déchets et ont déjà supprimé les sacs en plastique; elles font des efforts pour ne pas gaspiller, notamment en proposant des produits à l'association Partage - plusieurs tonnes par année. Imposer plus de contraintes augmenterait nécessairement le prix de certains produits et inciterait encore plus de consommateurs à s'approvisionner hors de nos frontières. Mesdames et Messieurs les députés, notre groupe refusera l'entrée en matière sur ce projet de loi. Je vous remercie de votre attention.
Mme Isabelle Pasquier (Ve). Mesdames et Messieurs, chers collègues, pour réduire la quantité de déchets, il y a globalement deux stratégies: la première, c'est taxer, la deuxième, c'est inciter. Si nos voisins - les autres cantons - ont tous déjà introduit la taxe au sac depuis de nombreuses années, Genève a fait le pari de l'incitation. L'incitation, c'est la voie que propose ce projet de loi: il s'agit de mettre en place des stations de tri adaptées aux emballages vendus. Un geste qui implique les consommateurs citoyens, on l'a dit, mais aussi les distributeurs et les vendeurs. Chers collègues, je dois dire que je ne comprends pas bien l'opposition que suscite cette proposition qui s'inscrit dans une nécessité. Le problème des microrésidus de plastique dans les océans ne touche pas seulement les pays riverains des océans. Le chimiste cantonal, qui a été cité de nombreuses fois, a déclaré en commission que le Léman est également contaminé par les résidus de microplastiques qui vont jusqu'à tuer certains poissons et se retrouvent dans l'eau potable.
Ensuite, ce projet de loi s'inscrit complètement dans la volonté du plan cantonal de gestion des déchets qui prévoit deux axes stratégiques prioritaires, à savoir diminuer à la source les déchets et augmenter le recyclage en incitant les ménages à trier. C'est exactement dans ce sens que va ce projet de loi. Vous dites que cette proposition semble irréalisable, mais elle est vraiment dans la ligne de ce qui se fait déjà. Au niveau fédéral, l'ordonnance sur le recyclage des déchets électriques et électroniques demande déjà aux magasins de reprendre ces déchets. Il s'agit de déchets bien plus compliqués à prendre en charge puisque les appareils électroniques, c'est un peu autre chose qu'un emballage superflu de biscuits ou ce qui est dénoncé ici ! Ensuite, on le voit, les magasins font aussi déjà des efforts de manière volontaire. C'est le cas avec les emballages de lait qui sont repris; alors que ce n'est pas une exigence au niveau fédéral ou cantonal, ces emballages sont repris. Les possibilités existent donc et les magasins peuvent le faire ! Seulement, jusqu'à maintenant, ils le font de manière volontaire et ce projet de loi demande de formaliser cette reprise, de rendre ces points plus accessibles.
Je dirai enfin qu'avec les nouvelles capacités prévues pour les Cheneviers, il sera nécessaire de réduire les déchets à incinérer. Ce projet de loi donne donc un signal clair aux consommateurs, mais aussi aux fabricants, qu'il faut aller dans ce sens. C'est pour cela que nous voterons en sa faveur. (Applaudissements.)
Mme Delphine Bachmann (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, je crois que le problème de la pollution plastique et l'urgence qu'il y a à le résoudre ne sont plus à démontrer. C'est un enjeu majeur pour les générations à venir. Le projet de loi consiste principalement à dire aux commerces qu'ils doivent disposer de stations de recyclage correspondant aux produits qu'ils vendent. Je rappelle qu'aujourd'hui, le tri dépend principalement des communes et que, selon leur taille, c'est compliqué d'avoir un système de récolte à domicile, notamment parce que le coût n'est pas toujours en rapport avec la taille de la commune. Ce texte permet d'augmenter le nombre de stations de recyclage ainsi que de faire réaliser aux grandes surfaces la quantité de suremballages présents dans leurs rayons - cette quantité est dramatique ! Dès lors, l'industrie prendra peut-être conscience que, pour avoir moins d'emballages plastiques dans ses poubelles, elle devrait éventuellement en mettre moins à disposition dans ses rayons ! Le parti démocrate-chrétien soutiendra donc dans sa majorité cet objet, et il rappelle qu'une marge de manoeuvre est laissée au Conseil d'Etat pour appliquer cette loi, notamment pour ne pas mettre en péril les petits commerces par rapport à la contrainte exigée.
Mme Marion Sobanek (S). Monsieur le président, parfois, je ne sais pas si je dois rire ou pleurer devant l'éternelle ritournelle des arguments de la droite sur chaque motion ou projet de loi en faveur de l'environnement, en faveur du logement social, en faveur des logements accessibles aux handicapés. C'est trop compliqué, c'est trop cher, c'est une contrainte supplémentaire, ce n'est pas à nous de le faire, c'est aux communes de le faire, pas au canton ! Ensuite, on dit que ça pénalise les petits commerces, puis on dit que ça pénalise les magasins genevois. Bref, il y a toujours une autre solution parfaite ou déjà une législation fédérale. Tout cela au lieu d'entreprendre une action simple, qui ne coûte pas trop cher, qui est compréhensible par tout le monde et qu'on peut tous réaliser !
Quand vous discutez avec les gens et que vous leur dites qu'ils pourront laisser les emballages superflus là où ils les ont achetés, au magasin, quasiment tous les citoyens comprennent cette mesure et son bienfait. Les déchets supplémentaires sont souvent des plastiques, beaucoup de papier aussi. Vous savez que les déchets plastiques forment un sixième continent dans les océans, comme l'a dit ma collègue. On aurait dû utiliser les magnifiques écrans que nous avons là pour projeter des images des déchets plastiques dans les mers et que nous nous rendions compte de ce que nous faisons !
On dit parfois ici qu'il ne faut pas faire peur aux Genevois; franchement, moi j'ai un peu peur quand je vois notre lenteur et notre pusillanimité. Nous ne réagissons pas, nous n'agissons pas ! Ce projet de loi est très modeste; il demande très peu de choses et il est adaptable, c'est écrit qu'il est adaptable aux produits vendus dans les commerces. C'est donc simple à faire, et je ne peux que vous enjoindre de voter oui à ce projet de loi.
Le président. Je vous remercie. Je passe la parole pour vingt-cinq secondes à la Mme la députée Klopfenstein Broggini.
Mme Delphine Klopfenstein Broggini (Ve). Merci, Monsieur le président. Je demande un renvoi à la commission de l'environnement.
Des voix. Non ! (Commentaires.)
Le président. Merci. On va juste sonner, peut-être... (Commentaires.) Vous voulez venir à ma place un petit moment ? (Le président rit.)
Une voix. Non !
Le président. Merci ! Le renvoi en commission est demandé. (Commentaires.) Oui, mais on aimerait avancer, Monsieur le député ! (Rires. Le président rit.) Le vote est lancé.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 11621 à la commission de l'environnement et de l'agriculture est adopté par 48 oui contre 34 non.