Séance du
jeudi 11 octobre 2018 à
17h
2e
législature -
1re
année -
4e
session -
23e
séance
PL 12021-I-A
Premier débat
Présidence de M. Jean Romain, président
Le président. Nous passons au PL 12021-A-I, qui est classé en catégorie II, trente minutes. Je passe la parole à Mme Anne Marie von Arx-Vernon.
Mme Anne Marie von Arx-Vernon (PDC), rapporteuse de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, il aurait fallu appeler le projet de loi qui visait à amender les mendiants: pour criminaliser les auteurs de traite des êtres humains et pénaliser les exploiteurs d'esclaves. C'eût été plus logique !
Les travaux de la commission sur ce texte ont été extrêmement sérieux. Ce projet de loi est sensible, comme vous pouvez vous en douter, car il touche un sujet qui suscite des réactions très émotionnelles: la mendicité. Dans le cadre spécifique de la population rom, la mendicité est trop souvent justifiée par un aspect culturel. Or, elle n'est pas culturelle, elle est criminelle. Il s'agit clairement de traite des êtres humains. Ces personnes sont sous l'emprise de communautés, de clans, de familles et de systèmes organisés... (Brouhaha.)
Le président. Une seconde, s'il vous plaît, Madame ! J'aimerais bien un tout petit peu de silence. C'est assez difficile de parler, d'argumenter alors qu'on entend des conciliabules partout. Je vous remercie de respecter la parole de ceux à qui elle est donnée. C'est à vous, Madame.
Mme Anne Marie von Arx-Vernon. Merci, Monsieur le président. Ces mendiantes, ces mendiants sont sous l'emprise de communautés, de clans, de familles et de systèmes organisés. Ils sont amenés par bus, on leur promet une vie et un travail honorables alors qu'ils se retrouvent à mendier et à donner leurs recettes aux organisateurs sous divers prétextes. Ils sont aussi victimes parce qu'on les force à commettre des infractions: ils se voient obligés de se prostituer, de cambrioler et de voler.
Cette loi-là ne vise pas à criminaliser les pauvres, mais à rendre visible cette criminalité qui est l'une des plus graves de notre époque ! Mesdames et Messieurs les députés, c'est Interpol, Europol et Fedpol qui le disent: cette loi est un outil qui permet de contrôler la mendicité qui, souvent, est associée à d'autres formes de délits. Surtout, cette loi est un outil qui permet d'établir des liens avec des mendiantes et des mendiants; des liens de confiance ont été établis par la police - mais oui, Mesdames et Messieurs ! Depuis cette loi, la mendicité a diminué, notamment celle des mineurs. Grâce à elle, des mendiantes et des mendiants - surtout des mendiantes - ont pu être aidés et considérés comme des victimes par la brigade de lutte contre la traite des êtres humains et la prostitution illicite. Ces mendiantes ont pu être dirigées vers des lieux où elles ont été accompagnées et aidées pour sortir de cette condition indigne. Donc, Mesdames et Messieurs, dans sa grande sagesse, la commission a refusé l'entrée en matière sur le PL 12021, et je vous remercie de bien vouloir en faire autant, parce que ce n'est pas ainsi que l'on peut régler l'aide aux victimes de traite des êtres humains. Il faut conserver cette loi, elle est extrêmement utile !
M. Alberto Velasco (S), rapporteur de minorité. Je tiens à remercier Mme Jocelyne Haller d'avoir eu le courage de déposer ce projet de loi. Effectivement, il y a une tache indélébile dans nos lois avec la loi existante ! Comment est-elle survenue ? Vous savez, on avait beaucoup parlé des mendiants à une époque, avant de prochaines élections au Conseil national. Par qui a été déposée cette loi ? Par M. Christian Lüscher, député à l'époque, qui était en campagne électorale ! Les journaux en ont donc beaucoup parlé et M. Lüscher et consorts ont eu la chance de se faire élire en partie grâce à cet objet qui est une tache pour nos institutions. Mesdames et Messieurs, c'est infect ! Parce que j'habite un quartier populaire, j'ai eu l'occasion d'observer une petite dame qui mendiait tous les samedis à la rue de Carouge, devant la Coop, et les gens la traitaient dignement. Un jour, deux personnes ont commencé à l'invectiver, d'autres s'y sont mis et il a fallu que quelques personnes, dont moi, interviennent parce qu'elle allait presque se faire battre ! J'ai vu cette dame pleurer, Mesdames et Messieurs les députés ! Elle ne pleurait pas parce qu'elle avait peur, non, elle pleurait parce qu'on avait touché à sa dignité ! Le paradoxe est là: on a fait une loi soi-disant pour protéger la dignité de ces personnes, mais, au contraire, on ne protège pas leur dignité, on l'attaque ! Evidemment, cette loi nous renvoie à une époque difficile, quand la mendicité existait parce que les conditions de vie étaient dures. Quand on est dans une situation extrêmement difficile, on est appelé à mendier et il se peut qu'un jour, peut-être, je ne l'espère pas, on soit obligé de mendier dans ce pays, et cette loi sera une loi répressive.
Madame, les éléments que vous avez relevés peuvent très bien être attaqués ou poursuivis pénalement, il y a aujourd'hui suffisamment de lois à disposition de la police et des milieux chargés de la répression pour mettre fin à ces fameux circuits que vous qualifiez de mafieux. D'ailleurs, il n'y a pas que les Roms et les mendiants, il y a d'autres circuits mafieux, mais on s'attaque beaucoup plus facilement à ceux-ci qu'aux autres ! Mesdames et Messieurs les députés, je vous demande d'effacer cette tache indélébile en votant l'abrogation de cette loi.
Mme Jocelyne Haller (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, M. Velasco a insisté sur le but de ce projet de loi: il lutte contre la criminalisation et la pénalisation de la pauvreté - et d'une pauvreté crasse ! La mendicité n'est pas un choix de vie, ce n'est pas la voie de la facilité: essayez de tendre la main et vous verrez si c'est facile !
Ceux qui aujourd'hui s'opposent à cet objet oublient les circonstances qui ont présidé à l'instauration de cette loi, comme l'a rappelé M. Velasco. Ils prétendent qu'il s'agit d'un instrument qui permet d'établir des liens avec les mendiants, que c'est une loi qui protège les mendiants contre la traite des êtres humains. Or, nous savons que nous avons déjà une législation qui permet la protection contre la traite des êtres humains. Il est incorrect d'instrumentaliser l'interdiction de la mendicité en prétendant qu'elle répond à cet objectif ! Par ailleurs, on entend régulièrement que les mendiants sont des gens malhonnêtes qui fonctionnent par réseaux et qu'il s'agit d'une mafia communautaire qui n'hésite pas à exploiter ses membres. Or, les forces de police tout autant que les milieux spécialisés qui interviennent auprès de ces populations l'ont assuré: il n'y a pas d'utilisation mafieuse des mendiants dans notre canton ! Certains peuvent bien hocher la tête et faire des gestes de dénégation, c'est aux spécialistes du domaine qu'il faut se référer et non pas à des gens qui s'autoproclament les champions de la lutte contre la traite des êtres humains, ce qui reste encore à prouver !
Aujourd'hui, nous avons une occasion unique de réparer une erreur qui a été commise en son temps pour des raisons électorales. Nous devons protéger les personnes qui en sont réduites à l'obligation de mendier, et mon discours ne constitue pas une apologie de la mendicité, il s'agit simplement de dire qu'on ne peut pas s'attaquer aux victimes de la pauvreté. Si nous voulons agir, il faut agir sur les gouvernements qui discriminent ces personnes et les réduisent à l'obligation de chercher refuge ailleurs simplement pour pouvoir subvenir à leurs besoins. Aujourd'hui, nous avons une occasion unique, ne la ratons pas ! C'est pourquoi je vous invite à soutenir ce projet de loi. (Applaudissements.)
Mme Paloma Tschudi (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, les Verts soutiennent ce projet de loi. Il ne s'agit pas ici de faire l'apologie de la mendicité, mais nous constatons que la loi actuelle punit les mendiants et stigmatise une minorité. Les mots «Roms» et «mendiants» ne sont pas des synonymes; en revanche, «nécessiteux» et «mendiants» le sont ! Il semblerait donc qu'au lieu d'accompagner et d'aider les nécessiteux, ce parlement tente plutôt de les punir. Me serais-je donc trompée sur notre rôle ? Pourtant, à la lecture des rapports de majorité et de minorité, nous nous accordons toutes et tous à dire qu'il est important de lutter contre les réseaux de très riches qui exploitent les pauvres, je cite le rapport de majorité. Nous souhaitons donc toutes et tous ici protéger les plus faibles face aux plus forts et aider les victimes de la traite des êtres humains. Mais qu'attendons-nous pour unir nos forces et nos savoirs et élaborer un projet de loi qui défende ces personnes ? Attelons-nous à la tâche d'écrire un projet de loi qui défende les minorités, les pauvres et les victimes de traite d'êtres humains au lieu de maintenir les lois qui les stigmatisent et les criminalisent !
Je cite encore le rapport de majorité qui souligne qu'il «ne s'agit pas de criminaliser les mendiants mais de les définir comme victimes» afin qu'ils puissent «demander de l'aide». Pourtant, ce sont ces mêmes personnes que vous prétendez défendre de la traite qui se trouvent dans les rues ! Ces mêmes personnes qui sont arrêtées et amendées ! De plus, lorsqu'elles ont de l'argent sur elles, cet argent peut être immédiatement saisi ! Est-ce là donc votre façon d'agir face à des victimes ?
Interdire aux plus démunis de tendre la main ne les fera pas disparaître. Ce n'est pas avec une loi répressive que l'on doit combattre la mendicité, mais avec une loi qui combatte la misère en donnant aux nécessiteux les moyens de se soustraire à celle-ci ! Je fais donc le triste combat - pardon, le constat que vos paroles sont en désaccord avec vos actes. Il faudra donc attendre que la moitié de nos jeunes se retrouvent dans des situations... (Brouhaha.)
Le président. Une seconde s'il vous plaît ! Je m'excuse, est-ce qu'il serait possible de ne pas se parler à travers les lignes ? Parce que nous, on n'entend plus rien de ce qui se passe ici ! Madame la députée, je vous redonne les secondes qui vous ont été enlevées.
Mme Paloma Tschudi. Pas de souci ! Je disais donc que je fais le triste constat que vos paroles sont en désaccord avec vos actes. Il faudra donc attendre que la moitié de nos jeunes se retrouve dans des situations précaires pour que nous prenions conscience que la barrière entre pauvreté et misère est perméable et que la mendicité est une réalité que cette loi ne fait que tamiser - l'interdire pour moins la voir ! Pourtant, elle est bien présente et elle le sera tant que vous continuerez à combattre les pauvres plutôt que la pauvreté. (Applaudissements.)
M. Pierre Conne (PLR). Monsieur le président, je suis très surpris d'apprendre qu'aujourd'hui la gauche veut remplacer l'aide sociale par la mendicité. (Exclamations.) Nous en prenons acte, mais le PLR est évidemment complètement opposé à cette mesure !
Une voix. Bravo !
M. Pierre Conne. Parce que cela n'a pas été fait, j'aimerais vous rappeler brièvement ce que cet article 11A - que la gauche propose d'abroger - inclut à l'alinéa 2: «Si l'auteur organise la mendicité d'autrui ou s'il est accompagné d'une ou plusieurs personnes mineures ou dépendantes, l'amende sera de 2000 F [...]» Mesdames et Messieurs, cette loi vise spécifiquement à contrôler les moments où la mendicité est effectivement un acte de traite de l'être humain. C'est ça que vous voulez supprimer ? Je pense que vous êtes complètement à côté de la cible ! L'avantage de cette loi, c'est qu'elle permet simplement de suivre le phénomène et, le moment venu, de traquer ceux qui se trouvent derrière ces phénomènes de mendicité organisée. Sur la base de ces arguments, le PLR vous invite à refuser l'entrée en matière sur ce projet de loi.
M. Marc Fuhrmann (UDC). Monsieur le président, nous ne pouvons qu'approuver le rejet du changement de cette loi. Je crois que personne ne conteste l'augmentation de la pauvreté dans ce canton - merci notamment à la libre circulation des personnes ! Je pense aussi qu'il n'est pas dans l'intérêt de Genève d'importer encore plus de cette pauvreté. Si le canton et l'Etat ont un certain objectif à remplir, c'est que les enfants aillent dans des crèches, que les enfants aillent à l'école et qu'ils ne soient pas dans les bras de mendiants qui n'ont en soi absolument rien du tout de genevois. Je répète que nous sommes fermement contre ce changement de la loi. (Applaudissements.)
M. François Baertschi (MCG). Le MCG est résolument défavorable à l'exercice et à la légalisation de la mendicité; c'est un problème de principe. Actuellement, nous avons à Genève une aide sociale qui doit permettre à toute personne en difficulté d'avoir le minimum vital - toute personne qui, bien évidemment, réside légalement sur le territoire de notre canton. Certes, l'aide sociale est parfois incomplète, elle a peut-être des carences, des difficultés: il convient d'y remédier si c'est le cas. C'est l'objectif qu'on doit viser pour lutter contre la pauvreté, pour lutter contre la misère. Il est certain que nous, nous demandons que Genève s'occupe de la misère des Genevois, qu'elle trouve des solutions. C'est déjà un lourd travail, une lourde charge, quelque chose de très coûteux - on le voit d'ailleurs en regardant le budget de l'Etat de Genève - mais c'est une tâche importante, parce qu'on ne peut pas laisser tomber dans la misère les gens qui se trouvent dans la précarité et qui ont de grandes difficultés. Cette tâche doit être assumée, mais non en légalisant la mendicité. C'est quelque chose qui est contraire à toutes les valeurs de dignité, à toutes les valeurs démocratiques, et c'est pour ça que nous nous opposons à ce projet de loi.
Certes, la loi actuelle est d'une efficacité très relative. On voit des mendiants; c'est vrai que c'est un travail, c'est presque comme le mythe de Sisyphe ! A peine a-t-on résolu une partie du problème qu'on doit encore résoudre d'autres problèmes, de nouveaux problèmes ! C'est une tâche longue, difficile, pas évidente - il ne suffit pas d'une loi ! C'est un effort qui doit être mené, parce qu'il s'agit quand même du trafic d'êtres humains. On ne peut pas tolérer ce trafic. Parce que ça finit toujours là-dedans: ces mendiants sont exploités, ce sont de pauvres personnes qu'on va chercher, qui viennent là avec des gens qui se font de l'argent sur leur dos, des gens peut-être misérables aussi, mais un peu moins qu'eux. Ce trafic de la misère n'est pas acceptable pour nous. La loi qui nous est proposée serait une incitation à la mendicité. Nous vous demandons de vous y opposer.
M. Sylvain Thévoz (S). Monsieur le président, le parti socialiste soutiendra évidemment l'abrogation de cette loi qui lutte contre la mendicité, qui légalise la lutte contre les pauvres, qui stigmatise des personnes dans l'espace public et qui, au final, coûte très cher à la collectivité: plusieurs millions de francs en forces de police et en frais de justice au ministère public. (Rires.) Vous pouvez rire, Messieurs de l'UDC, il s'agit de dizaines de millions de francs, et j'espère que M. Maudet aura le courage de rappeler que des dizaines de millions de francs sont engloutis dans ce qu'on peut appeler une sorte de chasse à l'homme ou au faciès dans l'espace public. Plusieurs milliers d'amendes ont été infligées à des personnes précarisées dont le seul délit était d'être dans la rue et d'avoir parfois une couleur de peau qui ne convenait pas ou qui les identifiait comme Roms, par exemple. On a des témoignages de nombreuses associations à propos de personnes ainsi amendées: comme très souvent elles ne peuvent pas payer ces amendes, elles se retrouvent à Champ-Dollon ! Ce système policier est sans efficacité et coûte très cher. Non seulement ce système n'a aucune efficacité, parce que la mendicité n'a pas baissé, mais cela repousse encore plus dans les marges les personnes précarisées. (Brouhaha.) Je vous demande votre attention ! Des associations comme Aspasie font état d'une augmentation du nombre de jeunes migrants, roms par exemple, qui s'adonnent à la prostitution, et de diverses maladies en augmentation.
Il y a donc un problème de santé publique, un problème de coût et un problème de discrimination au faciès. Tout ça pour quoi ? Cette loi avait pour seul but de désigner la victime, de désigner le bouc émissaire qu'aurait été le Rom ! Mais il n'y a pas que les Roms qui s'adonnent à la mendicité: j'ai parfois été abordé à la gare par des personnes bien suisses, bien de chez nous, je le renvoie à l'UDC et au MCG ! Parce que l'aide sociale est malheureusement insuffisante et ne permet pas de couvrir tous les besoins !
Mesdames et Messieurs, c'est une liberté fondamentale que de se tourner vers son prochain et de lui demander de l'aide ! Il faut distinguer la mendicité passive - le simple fait d'être là pour demander de l'aide - du harcèlement. Il ne s'agit pas de harcèlement, et si c'était le cas, cela pourrait être pénalisé, il existe une mesure dans le code pénal. S'il s'agit de traite d'êtres humains, Alberto Velasco l'a rappelé, il existe également un article dans le code pénal.
Cette disposition est inique et elle coûte cher à la république; elle est inutile et elle constitue un risque pour la santé publique. Nous vous demandons simplement de l'abroger en soutenant le bon projet de loi de Mme Jocelyne Haller.
Mme Anne Marie von Arx-Vernon (PDC), rapporteuse de majorité. Je vous avais prévenu, c'est émotionnel, on est face à quelque chose de particulièrement douloureux. Pour moi, pour la commission qui a voté contre ce projet de loi, il n'y a pas de dignité à défendre la mendicité ! On parle de la vulnérabilité de personnes exposées à ça. La police joue un rôle très important et très intéressant: elle permet une sortie honorable aux victimes ! Les victimes peuvent dire à leur clan, à leur famille, à ceux qui les ont exploités: «Ce n'est pas moi qui ai demandé de l'aide, c'est la police qui m'a trouvé et qui m'a proposé après de l'aide !» Ça a permis de sauver des personnes, et ça, c'est très important ! Alors c'est une par une, une après l'autre, mais ça existe, c'est possible ! A partir du moment où la police devient aussi importante que le totem familial, on entre dans un processus qui permet à ces victimes de s'en sortir, et je peux vous assurer que je sais de quoi je parle ! Je peux encore vous assurer que la police et le ministère public ont pris très au sérieux les personnes qui avaient demandé de l'aide et les exploiteurs ont été condamnés, cela grâce à cette loi. C'est juste pour ça que je défends la loi sur la mendicité ! Je vous remercie, au nom de la commission, de repousser ce projet de loi !
M. Alberto Velasco (S), rapporteur de minorité. Ceux qui ont déposé cette loi, c'est évidemment la droite. Ils sont incapables de supprimer la pauvreté, alors ils veulent supprimer la mendicité ! (Exclamations.)
Le président. C'est terminé, Monsieur le député, je suis désolé ! Je passe la parole à M. le conseiller d'Etat Pierre Maudet.
M. Pierre Maudet, conseiller d'Etat. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, je ne serai pas aussi concis que mon préopinant, mais tout de même ! Tout de même, parce que la loi pénale genevoise a été modifiée en 2008, il y a dix ans. L'historique a été rappelé par le député Velasco, cette loi a depuis été appliquée. (Commentaires.) Appliquée avec proportionnalité par tous les corps de l'Etat concernés, cette loi a permis de lutter véritablement contre le phénomène décrit tout à l'heure par Mme von Arx-Vernon, à savoir la traite des êtres humains !
S'il est bien une idée à laquelle il faut tordre le cou aujourd'hui, c'est celle que la mendicité serait culturelle. La mendicité est essentiellement criminelle, elle est bien souvent organisée, méthodique, sérielle, et il s'agit pour les autorités de pouvoir lui apporter une réponse. Cette réponse, nous jugeons qu'elle est aujourd'hui proportionnée; parce que loin d'empêcher la mendicité, la loi permet en réalité de cadrer et de libérer des victimes de cette traite des êtres humains. Pas plus tard qu'il y a deux ans, une décision de justice a par exemple fait la démonstration que ces réseaux existaient, et c'est sur la base de cette loi qu'il a été possible pour les autorités de libérer la parole, de protéger des victimes. Je souligne en outre que le canton de Vaud vient d'adopter une législation similaire, confirmée d'ailleurs par le Tribunal fédéral. C'est, pour le canton de Genève, l'élément le plus important à retenir des dispositions introduites il y a dix ans et c'est la raison pour laquelle nous vous recommandons de rejeter ce qui est proposé ici.
Evidemment, les autorités ne souhaitent pas criminaliser la mendicité, mais elles souhaitent se donner les moyens de lutter contre les réseaux et contre l'exploitation de la pauvreté. C'est ce dont il est question ici, Mesdames et Messieurs: se donner les moyens de sanctionner, notamment - c'est un des succès de ces dispositions législatives - l'exploitation d'enfants. Depuis dix ans, on ne voit pas d'enfants mendier à Genève. C'est une bonne nouvelle; après les événements de 2007 et 2008 notamment, nous nous sommes donné les moyens de réagir et d'agir également avec des services qui se situent au-delà de la police: les services sociaux, les services de protection de l'enfance.
Ce que le Conseil d'Etat souhaite vous dire ce soir, c'est qu'un retour en arrière sur la loi pénale genevoise par le vote des dispositions proposées ici ferait sans doute de Genève le paradis de la mendicité. Ce que nous voulons, nous, c'est continuer à nous donner les moyens de lutter activement contre les phénomènes de traite, donner un signal extrêmement clair sur le fait qu'on ne tolère pas l'exploitation de la pauvreté et, accessoirement, montrer que nous avons une ligne et que nous nous y tenons !
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je vous fais voter sur l'entrée en matière.
Mis aux voix, le projet de loi 12021 est rejeté en premier débat par 55 non contre 38 oui.