Séance du
vendredi 21 septembre 2018 à
16h
2e
législature -
1re
année -
3e
session -
21e
séance
PL 12248-A
Premier débat
Le président. Nous passons à notre prochain objet, que nous traitons en catégorie II, quarante minutes. Je remercie les rapporteurs d'introduire leurs cartes de façon que je voie les noms s'afficher. Je passe la parole au rapporteur de majorité.
M. Alexandre de Senarclens (PLR), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Ce projet de loi a pour objectif d'augmenter la possibilité de déduction des frais de garde pour les familles qui mettent leurs enfants en crèche. Vous savez qu'à ce jour, la déduction fiscale est à Genève de 4000 F, et de 10 000 F pour l'impôt fédéral; le but de ce projet de loi est de pouvoir augmenter cette déduction à 25 000 F, afin de donner un bol d'air fiscal à certaines familles qui ont des enfants en bas âge et de leur permettre de mieux concilier la vie familiale et la vie professionnelle. Souvent, les frais de garde sont si élevés que l'un des parents décide d'arrêter de travailler, et c'est bien souvent la femme; c'est une réalité. On parlait d'égalité avec la précédente motion: en effet, seulement 10% des femmes ayant un enfant de moins de quatre ans travaillent à plein temps. L'objectif est justement d'inciter les femmes à reprendre ou à conserver un travail - et ainsi de favoriser une meilleure égalité des sexes.
Il s'agit également d'anticiper une réforme qui arrivera au niveau fédéral: la réforme à venir augmentera justement les déductions à 25 000 F. On aurait donc un alignement entre ce qui peut être déduit pour l'impôt cantonal et ce qui peut l'être pour l'impôt fédéral.
En ce qui concerne les pertes pour les rentrées fiscales, elles sont relativement minimes: il s'agit de 7 millions de francs. C'est relativement faible par rapport à l'intérêt que cela aura pour les familles qui supportent ces dépenses importantes.
Pour d'ores et déjà répondre aux arguments du rapporteur de minorité, ce projet de loi ne traite évidemment pas de la question du manque de places en crèche ou en accueil familial de jour; c'est évidemment un problème, mais ce n'est pas l'objectif de ce projet de loi. Ce thème doit être traité en parallèle. Ensuite, ce texte ne vise pas non plus à lutter contre les variations importantes de tarif entre les différentes communes. C'est un problème communal en lien avec le thème de l'autonomie communale, et sur ce point, l'action doit se mener essentiellement dans les communes. Voilà, j'en ai terminé, Monsieur le président.
M. Yvan Rochat (Ve), rapporteur de minorité. Mesdames et Messieurs, chers collègues, je rejoins le rapporteur de majorité pour dire que ce projet de loi n'apporte pas de réponse au problème principal des gens qui ont des enfants en bas âge, le manque de places dans les institutions pour la petite enfance. C'est un premier élément qui fait que certains membres de la commission fiscale ont décidé de rejeter ce texte.
De plus, il ne tient pas compte des variations tarifaires importantes qui frappent les familles. Ce sont principalement les familles de certaines communes du canton qui sont défavorisées, et ce sont celles-là qui devraient être aidées. Or, même s'il tente de diminuer la charge fiscale des familles qui ont des enfants en âge préscolaire, ce projet de loi ne s'intéresse pas à cette question-là. Cela veut dire que le texte relève finalement aussi d'un agenda politique quelque peu caché consistant à se saisir de prétextes ici ou là - ici la petite enfance - pour diminuer l'imposition des personnes physiques coûte que coûte. C'est peut-être l'élément qui a convaincu certains membres de la commission de voter contre. Ce projet de loi ne se préoccupe pas d'une quelconque cohérence avec d'autres réformes ou des conséquences néfastes que cela peut avoir pour l'intérêt général, avec un affaiblissement - certes relatif - de l'action de l'Etat, l'Etat étant ici considéré comme le canton et les communes, celles-ci étant des acteurs effectivement importants.
La charge financière subie par les familles qui mettent des enfants en crèche est un problème réel, nous ne le nions pas. Il survient chaque mois, quand les familles doivent payer la facture mensuelle pour leurs enfants en crèche, selon le tarif fixé sur le bulletin de versement. A ce moment-là, c'est un coup de fusil redoutable pour le budget de certains ménages, notamment de la classe moyenne. C'est là-dessus qu'il faut effectivement agir, et des actions ont eu lieu. La plus spectaculaire d'entre elles fut celle menée en Ville de Genève par les partis de l'Entente, à l'initiative du PDC, lors des votes budgétaires. Cette action a permis de mettre 6 millions de francs de plus au budget de la Ville afin de diminuer de 20% les tarifs des crèches. C'est cela qui a permis de soulager les familles pour faire en sorte que Genève soit une des communes du canton - avec Vernier, Onex et Plan-les-Ouates - qui soutient le mieux les parents qui ont des enfants en crèche. C'est par ce moyen qu'il faut agir; je ne comprends finalement pas très bien pourquoi l'Entente s'est saisie de ce thème au niveau cantonal. Avec un tel projet de loi, elle n'est pas efficace, alors qu'elle avait su l'être dans une commune, celle de Genève. L'Entente est représentée à peu près dans toutes les autres communes où il y a des crèches.
Le président. Vous utilisez le temps de votre groupe, Monsieur le député.
M. Yvan Rochat. Merci. L'Entente devrait donc pouvoir le faire également dans toutes les autres communes. Voilà, j'en ai terminé pour l'instant.
Le président. Je vous remercie, la parole échoit maintenant à M. le député Jean Batou.
M. Jean Batou (EAG). Merci, Monsieur le président. Tout d'abord une remarque: on touche aux crèches, on touche à une question qui concerne l'égalité hommes-femmes. Vous savez que c'est quand les enfants sont les plus petits que les femmes assument la plus grande part du travail d'éducation. Il ne s'agit donc pas simplement de la question des crèches, c'est lié à la question précédente et c'est aussi lié à l'égalité hommes-femmes.
Quel est le problème de fond ? Il a été évoqué, c'est le nombre de places en crèche et c'est leur coût pour les revenus moyens et inférieurs. La seule réponse à donner réside dans les subventions et l'effort public. C'est comme ça qu'on peut favoriser celles et ceux qui en ont le plus besoin. Les déductions fiscales ont un effet tout à fait pervers. Pourquoi ? Parce que ces déductions profitent surtout aux revenus les plus importants, qui en tirent un bénéfice plus grand. Par contre, pour les revenus plus modestes, les déductions fiscales ont un effet bien moindre. Pour les revenus supérieurs, les coûts de crèche ne vont pas augmenter puisqu'ils paient déjà plein pot; ils n'auront que la déduction fiscale et cette déduction fiscale va jouer fortement en leur faveur. Pour les autres qui paient un peu moins mais qui sont peu subventionnés par rapport à leurs moyens, cette déduction fiscale n'aura pas d'efficacité significative. Le groupe Ensemble à Gauche s'oppose donc à cet objet de manière tout à fait déterminée et appelle toutes les collectivités publiques, le canton comme les communes, à faire un effort massif en faveur du subventionnement des crèches.
M. Christo Ivanov (UDC). Monsieur le président, ce projet de loi prévoit d'augmenter la déduction fiscale de 4000 F à 25 000 F pour les enfants en crèche dans nos communes. Avec cette augmentation, la déduction sur le plan cantonal sera alignée sur celle prévue au plan fédéral. Ce projet de loi a pour objectif de donner un bol d'air à certaines familles de la classe moyenne dans lesquelles la maman est obligée de travailler pour payer la crèche de ses enfants. Je crois que c'est un véritable problème, Monsieur le président. Il s'agit d'une charge financière très lourde pour les familles et pour les ménages de la classe moyenne. Pour toutes ces raisons, le groupe UDC soutiendra et votera ce projet de loi.
M. Vincent Maitre (PDC). Monsieur le président, en tant que parti de la famille, le PDC acceptera bien entendu ce projet de loi qui est largement favorable aux familles et améliorera leur pouvoir d'achat. Il leur octroiera un bol d'air bien nécessaire aujourd'hui, alors que les primes d'assurance-maladie sont de plus en plus difficiles à supporter pour les familles. (Exclamations.)
Alors c'est vrai, le rapporteur de minorité le relevait, ce projet de loi ne résoudra pas la pénurie du nombre de places. C'est vrai, mais il ne résoudra pas non plus bon nombre d'autres problèmes que peuvent vivre et subir les familles. Il ne résoudra évidemment pas la question du prix des places en crèche. Il ne résoudra évidemment pas le problème du coût d'une place en crèche. Il faudrait rappeler à ce propos que ce sont justement le PDC et l'Entente qui, à l'époque, souhaitaient assouplir les normes d'encadrement des crèches, et ce sont vos bancs, Monsieur Rochat, qui avaient refusé ce projet de loi qui aurait permis la construction de places supplémentaires, et non pas l'Entente, qui allait dans ce sens.
Je crois qu'il est erroné d'opposer à ce texte les problèmes qu'il ne résout pas afin d'argumenter sur son rejet: voter l'un n'empêche évidemment pas de chercher des solutions aux autres. Il faut, bien entendu, comme je le disais en préambule, permettre aux familles de respirer un tout petit peu mieux en augmentant leur pouvoir d'achat.
Je me permettrai aussi de répondre à Jean Batou qui disait tout à l'heure que les déductions fiscales ne sont en réalité bénéfiques qu'aux plus privilégiés et qu'elles ne profitent que dans une bien moindre mesure aux plus défavorisés de notre société. Eh bien, c'est décidément un argument ou une indignation à géométrie variable que nous propose là Jean Batou, une fois encore, lui qui, la semaine dernière ou il y a deux semaines, a voté l'abolition de l'impôt sur les chiens: cette abolition ne profitera de nouveau qu'aux propriétaires les plus riches et non pas aux plus pauvres !
M. Yvan Zweifel (PLR). Mesdames et Messieurs, chers collègues, permettez-moi de répondre à certaines questions et observations qui ont été faites. Le rapporteur de minorité nous dit notamment que ce projet ne répond pas à la pénurie de places. Tout le monde l'aura compris, il a évidemment raison, le rapporteur de majorité l'a indiqué lui-même. Ce n'est pas l'objectif de ce projet de loi et ce n'est pas du tout contradictoire. Le but est de régler un autre problème, celui du prix important de ces places en crèche et le fait que l'on ne puisse pas les déduire intégralement dans sa déclaration fiscale.
Permettez-moi de vous répondre, Monsieur le rapporteur de minorité, en citant simplement votre collègue de Confignon, par ailleurs président ad interim de l'Association des communes genevoises, association qui, je vous le rappelle, appelait à soutenir ce projet de loi en disant: «[...] il ne faut pas mélanger les choses. Il y a besoin de mesures pour encourager la création de places de crèches. En même temps, l'aide pour les familles qui ont des charges pour la garde de leurs enfants, c'est un autre aspect.» Donc, je compte sur vous, Monsieur le conseiller administratif - pardon, Monsieur le député, cher collègue ! - pour faire le nécessaire dans votre commune, afin de continuer à faire baisser le prix des places en crèche. (Commentaires.) Ça, c'est un point qui touche l'autonomie communale ! C'est un point qui touche l'autonomie communale et nous sommes ici des députés cantonaux: il n'est donc pas de notre ressort de toucher à ce point-là. En revanche, il est de notre compétence d'attaquer les points fiscaux et de donner, comme l'a justement dit le rapporteur de majorité, un bol d'air à notre population - notamment aux familles - simplement en leur permettant de défiscaliser l'intégralité de ces frais.
M. Batou disait que cela aurait un effet moindre sur les classes les plus défavorisées. Evidemment, si elles sont subventionnées et qu'elles ne paient rien pour les places en crèche, par définition il n'y aura pas de défiscalisation pour elles: elles sont déjà aidées puisqu'elles sont subventionnées ! En revanche, les personnes de la classe moyenne supérieure paient trois fois, Monsieur le député ! Elles paient d'abord la place en crèche pour leur enfant; ensuite, elles paient une partie de la place pour les autres enfants puisque leur facture est fonction du revenu et non pas du fait que leur enfant soit plus perturbé ou plus perturbant que celui des autres; enfin, elles paient une troisième fois avec l'impôt, qui permet de subventionner les places de crèche aux niveaux communal et cantonal. Il est donc logique de faire un effort en particulier pour ces personnes-là. C'est mathématique, c'est logique ! Et pour revenir à une interrogation du rapporteur de minorité, qui cite certaines communes qui feraient mieux que d'autres quant au prix des places - et on ne peut que les en remercier - eh bien, pour celles-là, l'effet fiscal sera moindre, puisque par définition, si la place est moins chère, la défiscalisation sera moindre. Ça ne peut donc qu'encourager ces communes-là à continuer à faire cet excellent travail, notamment votre commune et la mienne, puisqu'elle a effectivement déjà été citée, ce dont je vous remercie, cher collègue.
Ce projet découle simplement du bon sens, il a un coût extrêmement petit au niveau cantonal. Le rapporteur de majorité l'a dit, il s'agit de 7 millions de francs, 7 millions sur un budget de 8 milliards, faut-il le rappeler ? Quant aux communes, pour ceux qui s'inquiéteraient qu'elles n'aient plus les moyens de réaliser les places de crèche, le coût est estimé à 1,5 million de francs par année pour l'ensemble d'entre elles, alors qu'elles ont fait 133 millions de francs d'excédents de recettes en 2016. Alors me dire que les communes seraient tout d'un coup défavorisées et n'auraient plus les moyens de faire le nécessaire pour créer des places de crèche, c'est évidemment se moquer du monde !
Mesdames et Messieurs, ce projet procède également de la lutte contre le travail au noir, le rapporteur de majorité l'a dit, notamment en ce qui concerne les mamans de jour. Surtout, il vise à améliorer la conciliation entre la vie professionnelle et la vie privée. Il n'a que de bons côtés, que de bons aspects, et je ne peux donc que vous encourager à le soutenir ! (Applaudissements.)
Mme Françoise Sapin (MCG). Monsieur le président, 4000 F, ce n'est rien par rapport à la réalité ! En effet, le prix des crèches à Genève est vraiment très élevé. Eh oui, Monsieur Rochat, il n'y a pas assez de crèches à Genève et il y a encore beaucoup d'efforts à faire dans ce sens, mais ce n'est pas du tout l'objet de ce projet de loi modifiant une loi fiscale et qui permet certaines déductions. Dans mon métier, j'ai souvent affaire à des familles qui ont justement des enfants en crèche et dont les deux parents mènent une activité professionnelle, ce qui leur permet une meilleure qualité de vie. Quand je leur annonce le montant qu'il est possible de déduire sur la déclaration d'impôts suivant les factures des frais de crèche qu'ils m'amènent, ils ne comprennent vraiment pas.
Tout à l'heure, nous parlions d'égalité hommes-femmes, et cela a été relevé par plusieurs personnes dans cet hémicycle, c'est souvent la femme qui reste à la maison pour diminuer les coûts de ces crèches. Où est donc l'égalité ? Pour toutes ces raisons, le MCG soutiendra ce projet de loi.
M. Thomas Wenger (S). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, si ce texte avait été déposé le 24 décembre, on aurait pu appeler ça un projet de loi «cadeau de Noël». Comme il a été déposé trois mois avant les élections, je crois, on va appeler ça le projet de loi «campagne électorale» ou le projet de loi «on rase gratis» !
Effectivement, pour un certain nombre de familles, c'est un problème, et je le connais bien, étant donné que j'ai deux enfants qui ont été en crèche à un moment donné. Simplement, passer d'une déduction de 4000 F, qui peut se discuter - elle est en effet relativement basse - à une déduction de 25 000 F nous paraît un tout petit peu exagéré. On l'a dit, les déductions fiscales permettent d'aider un certain nombre de familles. Pour notre part, il est clair que les familles de la classe moyenne ou de la classe moyenne inférieure nous intéressent plus que les familles qui paient 25 000 F de frais de garde, c'est-à-dire des familles qui touchent de 250 000 F à 350 000 F de revenus ! Mais le plus important - le rapporteur de minorité l'a dit - c'est de pouvoir créer des nouvelles places de crèche dans les communes pour répondre à la demande. Aujourd'hui, la demande ne trouve pas l'offre suffisante pour que l'ensemble des familles qui ont besoin de placer leur enfant dans une institution de la petite enfance puisse le faire. La Ville de Genève produit un effort extraordinaire pour construire de nouvelles places de crèche - ça coûte extrêmement cher à la construction et ça coûte aussi extrêmement cher au fonctionnement ! D'autres communes le font du reste aussi. La Ville de Genève a prévu 800 nouvelles places de crèche ces prochaines années. Ces 800 nouvelles places correspondent à 25 millions de francs et c'est là la priorité.
On l'a aussi entendu, avec une déduction qui augmenterait à 25 000 F, l'impact de ce projet de loi serait de 7,7 millions de francs: ce n'est pas anodin. C'est pour ça que nous avons auditionné Mme Nathalie Fontanet - conseillère d'Etat PLR, je le rappelle - qui nous a indiqué que le Conseil d'Etat préfère avoir une vision globale de la fiscalité et non de tels projets de lois comme ça, au cas par cas. Le Conseil d'Etat nous recommande donc de le refuser !
Comme je l'ai dit, ça reste un problème important, notamment pour les classes moyennes ou les classes moyennes inférieures. C'est pour ça que, pour faire un pas dans le sens de ce que demande ce projet de loi, nous avons déposé un amendement qui passerait la déduction actuelle de 4000 F à 10 000 F, sans aller trop haut pour éviter que les pertes fiscales ne soient trop importantes. Cela permettra de donner un coup de main à ceux qui en ont peut-être le plus besoin; je le répète, il s'agit des classes moyennes ou moyennes inférieures. Cet amendement permettrait de réduire les pertes fiscales et de faire un petit pas vers les familles qui en ont besoin. Le parti socialiste vous remercie d'accepter cet amendement et il vous remercie aussi de soutenir l'ensemble des budgets de construction ou de fonctionnement pour les places de crèche dont les familles ont aujourd'hui besoin à Genève, dans vos différentes communes, tous partis politiques confondus.
M. Jean Rossiaud (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, ce qui est toujours amusant dans ces discussions sur la fiscalité, c'est que les positions des uns et des autres sont assez prévisibles: on a l'impression de revivre en plénière les débats de la commission fiscale, au point qu'on se demande si ces projets - que l'on peut traiter d'alibis ou de cadeaux de Noël - servent vraiment le propos qu'ils sont censés servir. Le député Rochat en parle dans son rapport de minorité, comment s'occupe-t-on vraiment aujourd'hui de la question des crèches ? Ce n'est pas en accordant des déductions fiscales ! Il y a deux problèmes. Le premier, c'est le manque de places: il faut un peu d'argent pour ça. Le second, c'est qu'il faut aider les familles qui n'arrivent pas à payer les frais de crèche, extrêmement lourd pour elles; il faut aussi un peu d'argent pour ça ! Et si vous pensez qu'on va répondre aux besoins de la petite enfance en augmentant la déduction pour ces frais, vous vous trompez ! Vous savez bien que vous vous trompez et c'est pour ça que ce projet est un projet alibi qui n'a aucun intérêt à être défendu ! C'est pour ça que les Verts s'y opposeront !
M. Rémy Pagani (EAG). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, je trouve qu'il y a parmi nous des bonimenteurs qui nous disent que moins d'impôt ramène plus d'impôts. Je suis à la tête de la Ville de Genève qui construit une crèche par année depuis à peu près dix ans. On nous a déjà enlevé 50 millions de francs avec des réductions fiscales - des cadeaux fiscaux - il y a cinq ans. Cette majorité s'apprête à nous enlever encore 70 millions de francs avec ce que l'on a appelé la RIE III puis le PF 17 et qu'on appellera maintenant encore autrement. Ça veut dire que la communauté que nous sommes censés servir va se retrouver pénalisée pour avoir accès aux crèches, puisque nous allons avoir de grandes difficultés à en mettre à disposition. Il y a une dizaine d'années, on satisfaisait 40% des demandes; aujourd'hui, à peu près 80%. Malheureusement, avec ces mesures, nous aurons encore plus de difficultés à créer des places de crèche.
Le véritable problème de ce canton, ce ne sont pas les arguments donnés aujourd'hui, c'est que les personnes qui ont des enfants doivent a minima avoir un salaire et demi pour vivre correctement dans cette ville extrêmement chère, une des plus chères au monde. Par conséquent, ils doivent mettre leurs enfants dans des crèches. Nous devons satisfaire ce besoin pour permettre aux couples et aux personnes qui désirent avoir des enfants de vivre à peu près correctement - pas de manière confortable, mais à peu près correctement ! Malheureusement, avec la décision qui va être prise, on aura moins de rentrées fiscales. Il n'y a qu'à voir les revenus des personnes physiques, qui baissent année après année: nous en paierons les conséquences, l'ensemble de la population en paiera les conséquences !
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est pour dix secondes - pas une de plus - à M. Cyril Aellen.
M. Cyril Aellen (PLR). Moins ! Est-ce que le PS vote le projet avec l'amendement ?
Le président. Je vous remercie. Je passe quoi qu'il en soit la parole à Mme la députée Danièle Magnin.
Mme Danièle Magnin (MCG). Merci, Monsieur le président. Moi, j'ai le sentiment que la position de la gauche est en contradiction avec les positions qu'elle a exprimées tout à l'heure sur la parité. En fait, nombreuses sont les femmes qui renoncent à travailler à cause du coût des crèches. Elles sont obligées de rester à la maison, même si elles veulent travailler, parce qu'elles n'ont pas les moyens de payer la crèche. Une fois qu'on a fait les comptes, une fois qu'on a payé la crèche et les impôts, finalement, on reste chez soi, ça coûte moins cher ! La structure familiale a pourtant changé et il faudrait commencer à en tenir compte si on ne veut pas que la pyramide des âges continue à s'inverser et qu'il soit de plus en plus difficile pour un couple d'avoir des enfants à des conditions acceptables.
Mme Delphine Bachmann (PDC). Monsieur le président, ce projet de loi a simplement pour but de permettre de déduire le coût réel de ce que représente la garde d'un enfant. Aujourd'hui, si vous prenez les tarifs d'une accueillante familiale à 100%, un des moyens de garde les moins onéreux à Genève, vous êtes déjà quasiment à 10 000 F par an et par enfant. Cela ne permettra pas de déduire plus que ce que ça aura coûté, mais ça permettra de déduire le coût réel. Aujourd'hui, ce sont en majorité les femmes qui arrêtent de travailler, parce qu'elles sont moins bien payées, parce qu'elles ont celui des deux salaires du couple qui est inférieur. Si on veut les réinsérer dans l'économie, si on veut leur donner cette possibilité, il faut que ce soit rentable pour elles de travailler ! Parce que si c'est pour les envoyer bosser quarante-deux heures par semaine mais qu'à la fin du mois on ait moins d'argent que quand on ne travaillait pas, ça ne sert à rien ! Donc je ne comprends pas cette position consistant à dire que c'est un cadeau pour les riches: c'est simplement faux ! Ça permet aux gens de déduire le coût réel que représente une place de garde et ça permettra certainement de donner un sacré coup de pouce à toutes les familles de la classe moyenne !
Des voix. Bravo !
Mme Nathalie Fontanet, conseillère d'Etat. Monsieur le président, je vais me livrer à l'exercice schizophrénique auquel doit se livrer la deuxième signataire de ce projet de loi, qui a maintenant revêtu l'habit de la conseillère d'Etat ! Cette signataire était évidemment plus que convaincue de l'utilité de ce projet de loi, d'une part pour les femmes, d'autre part pour donner ce bol d'air aux classes moyennes. Eh bien, aujourd'hui, elle vient vous convaincre du contraire, à savoir de la position du Conseil d'Etat, Mesdames et Messieurs les députés ! (Rires.)
Cela dit, cette position est liée à des faits que vous avez relevés il y a quelques minutes, dans le cadre des premières urgences: c'est la situation financière délicate dans laquelle se trouve notre canton et à laquelle doit faire face notre Conseil. Pour certains, cette situation n'est pas suffisamment délicate: finalement, on a un budget d'austérité avec 971 postes au PFQ. Pour d'autres, nous ne prenons pas la mesure de la situation et nous devrions faire plus d'économies. Le Conseil d'Etat se situe un coup à gauche, un coup à droite. (Exclamations.) Dans ce contexte-là, notre Conseil souhaite être attentif à la question des finances; il souhaite donner la priorité à la réforme de la fiscalité des entreprises, qui est à son sens l'enjeu de la législature. Ce n'est donc pas une situation favorable pour donner suite à des projets de lois épars qui demandent des diminutions d'impôts entraînant une baisse des revenus. Mesdames et Messieurs les députés, au vu de sa priorité de législature qui est la réforme de la fiscalité des entreprises, le Conseil d'Etat vous demande de ne pas soutenir ce projet de loi. Merci, Mesdames et Messieurs. (Commentaires.)
Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat. (Commentaires.) S'il vous plaît ! Mesdames et Messieurs les députés, je vous invite à vous prononcer sur l'entrée en matière.
Mis aux voix, le projet de loi 12248 est adopté en premier débat par 80 oui contre 7 non et 2 abstentions.
Deuxième débat
Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés.
Le président. Nous sommes saisis d'un amendement à l'article 35, déposé par le groupe socialiste. Il s'agit de remplacer le montant de 25 000 F prévu par le projet de loi par celui de 10 000 F. Je vous le lis pour que nous soyons tous au clair:
«Art. 35 Déduction pour frais de garde des enfants (nouvelle teneur)
Un montant de 10 000 F au plus par enfant dont la garde est assurée par un tiers est déduit du revenu si l'enfant a moins de 14 ans et vit dans le même ménage que le contribuable assurant son entretien et si les frais de garde, documentés, ont un lien de causalité direct avec l'activité lucrative, la formation ou l'incapacité de gain du contribuable.»
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 55 non contre 41 oui et 1 abstention.
Mis aux voix, l'art. 35 (nouvelle teneur) est adopté, de même que l'art. 72, al. 14 (nouveau).
Mis aux voix, l'art. 1 (souligné) est adopté, de même que l'art. 2 (souligné).
Troisième débat
Mise aux voix, la loi 12248 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 57 oui contre 40 non. (Applaudissements à l'annonce du résultat.)