Séance du
jeudi 30 août 2018 à
14h
2e
législature -
1re
année -
2e
session -
16e
séance
IN 168 et objet(s) lié(s)
Débat
Le président. Nous passons à l'initiative 168, que nous traitons en catégorie II, trente minutes. Je passe la parole à M. le député Christian Dandrès.
M. Christian Dandrès (S). Je vous remercie, Monsieur le président. Rassurez-vous, je serai bref. Le groupe socialiste soutiendra évidemment le renvoi de cette initiative à la commission des finances. Néanmoins, à la lecture du rapport du Conseil d'Etat, je pense que quelques commentaires s'imposent, tout d'abord sur la prétendue nécessité de réajustement des efforts entre les salariés et l'Etat. Je crois qu'il ne s'agit pas d'un réajustement nécessaire. Dans les années 80, le Conseil d'Etat avait fait le choix de fonctionner avec un système mixte et un taux de capitalisation bas. C'était une approche intelligente, à l'époque, qui du reste a permis à la caisse d'éviter de faire des pertes importantes lors de la crise de 2007 et 2008, mais c'était un choix politique; et ce choix a été désavoué par les mêmes groupes politiques qui l'avaient institué au Conseil d'Etat, mais cette fois au niveau fédéral. Il s'agit du PLR et du PDC. Du coup, la caisse doit voir son niveau d'actifs augmenter jusqu'à 80%, ce qui demande un effort important. C'est encore un choix politique; la caisse fonctionne bien, les rendements sont élevés, et aujourd'hui, le niveau de cotisations est suffisant pour pouvoir couvrir le montant des rentes, raison pour laquelle je souhaitais faire cette remarque.
L'autre aspect est l'impact de l'initiative qui prévoit de capitaliser la caisse par la cession de terrains, notamment au PAV. Le Conseil d'Etat indique qu'il n'y aurait aucun impact sur la pénurie de logements. Il faut cependant rappeler que l'initiative en tant que telle permet d'offrir des logements abordables à la population, même s'il n'y aura évidemment pas plus de logements que ce que prévoit aujourd'hui le projet de loi soutenu par la population, combattu par les mêmes personnes qui aujourd'hui sont majoritaires pour rédiger ce rapport. Pour un locataire, l'intérêt d'être locataire de la CPEG plutôt que d'un autre bailleur, c'est d'éviter les pratiques prédatrices qui aujourd'hui ont cours de la part de bailleurs privés qui pratiquent des congés économiques, des contrats à durée déterminée, un certain nombre de choses auxquelles nos concitoyens sont confrontés régulièrement et que la CPEG ne pratique pas. La CPEG a des loyers qui sont certes plus élevés que des logements HBM, mais a aussi une pratique raisonnable de ce point de vue, largement en dessous de ce qu'on peut rencontrer sur le marché aujourd'hui, raison pour laquelle cette initiative a tout son sens.
Nous aurons le loisir d'exposer plus en détail à la commission des finances l'intérêt de l'initiative, ce que nous avons déjà commencé à faire avec le projet 12228 qui se trouve à l'ordre du jour de notre Grand Conseil. Je vous remercie. (Quelques applaudissements.)
M. Cyril Aellen (PLR). Le groupe PLR désire aussi que cette initiative parte en commission. Je précise que la CPEG elle-même est réticente à ce texte, en tout cas pour une partie. Les intervenants sur le secteur du PAV, en particulier le conseiller d'Etat Vert concerné, M. Antonio Hodgers, y sont également opposés, parce qu'elle met en péril les projets qu'il a pour ce périmètre. Les auteurs mêmes ont déjà effectué des corrections dans un projet de loi qui a été déposé. Tout cela pour dire que ce texte pose beaucoup plus de problèmes qu'il n'en résout. Il est encore impossible de savoir quelles seront les personnes grugées par cette initiative, si ce seront les affiliés de la CPEG ou les locataires; en tous les cas, cela ne résoudra pas les problèmes posés pour la CPEG si la politique sociale du logement est clairement mise en oeuvre.
M. Daniel Sormanni (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, le MCG accepte aussi le renvoi de cette initiative en commission, j'imagine à la commission des finances, qui a déjà traité notamment le plan du Conseil d'Etat pour «sauver» - je mets ce terme entre guillemets - la CPEG ainsi qu'un projet de loi qui reprend l'essentiel des dispositions prévues par cette initiative. Je pense qu'il y a une nécessité de bien examiner toutes les problématiques posées par la CPEG aujourd'hui. Ce plan est réalisable. Quel que soit l'opérateur qui construira les logements au PAV, l'essentiel est que ceux-ci soient construits et qu'ils répondent à la classe moyenne et à ceux qui ont besoin d'appartements. Par conséquent, une partie de cette recapitalisation qui s'effectuerait par le biais de ces transferts de propriété des terrains éviterait le financement direct et le complément demandé à travers le plan du Conseil d'Etat. Pas complètement, mais une partie: une partie devra quand même s'effectuer à travers le prêt simultané proposé ou d'autres techniques financières. Je pense qu'il vaut la peine d'étudier cela sérieusement en commission et je rappelle que le MCG a soutenu le projet de loi, qui a repris l'essentiel des dispositions de cette initiative. Nous souhaitons donc que celle-ci soit étudiée sérieusement en commission, de manière à trouver une solution pour la CPEG, une solution pérenne et supportable pour les finances de l'Etat. Merci.
M. Pablo Cruchon (EAG). Mesdames et Messieurs, chers collègues, l'initiative 168 lancée par l'ASLOCA et le Cartel est absolument indispensable: elle permet d'assurer dans les prochaines années le bien-être de la population vaudoise et de répondre aux grands défis qui nous attendent. (Commentaires.) Vaudoise ! Pardon ! (Rires. Commentaires.) J'ai été démasqué ! Genevoise, bien entendu. (Commentaires.) Elle répond à trois grands enjeux, trois grands problèmes qui sont extrêmement importants. (Commentaires persistants. Le président agite la cloche.)
Le président. Une seconde, Monsieur le député, s'il vous plaît. Il y a un peu trop de bruit à la faveur de ce lapsus. Tout le monde s'est lâché et on n'entend plus grand-chose ! (Le silence revient. Remarque.) Je vous remercie. C'est à vous, Monsieur Cruchon.
M. Pablo Cruchon. Ce n'est pas un plaidoyer pour la fusion de Genève et de Vaud ! Je continue. Le premier des grands problèmes que permet de résoudre cette initiative, bien entendu, c'est la situation de la caisse de pension de l'Etat de Genève, qui compte 43 000 assurés et 27 000 rentiers. Il est absolument nécessaire de recapitaliser cette caisse de pension. La solution proposée par l'initiative permet de le faire sans mettre en danger l'Etat et ses finances ni faire participer fortement les contribuables. C'est donc une bonne solution, de ce point de vue là. Je rappelle que c'est la droite qui a artificiellement dégradé les conditions de la caisse en faisant passer au niveau fédéral une loi qui oblige à recapitaliser et péjore artificiellement une caisse qui pourtant a reçu en 2016 un prix international pour son excellente gestion.
Le deuxième grand problème que ce texte permet de résoudre, c'est bien sûr la question du logement et la pénurie organisée notamment par la droite et les milieux immobiliers dont M. Aellen se plaît à défendre les intérêts dans cette salle. Evidemment, la crise du logement touche de plein fouet la population, c'est la préoccupation numéro 1 des Genevois puisque la difficulté à trouver un appartement à loyer modéré est extrêmement forte. Preuve en est que depuis quinze ans, la moitié des biens construits n'est accessible qu'à 20% de la population, la partie la plus aisée de ce canton. On a donc vraiment besoin de créer des logements, mais des logements accessibles à la majorité de la population.
Le troisième problème que ce texte permet de régler est le suivant: le projet du PAV qui s'ouvre représente pas loin de 12 000 logements et donc des masses de profits que, bien sûr, les milieux immobiliers veulent s'accaparer. Cette initiative permet de soustraire à la spéculation une grande partie du PAV et de permettre à la population de se le réapproprier en évitant que la logique spéculative ne se répercute sur les loyers. Pour ces trois raisons, et pour éviter ces problèmes qui vont se poser, Ensemble à Gauche soutiendra cette initiative de manière déterminée dans son étude en commission comme en plénière. Merci.
Mme Frédérique Perler (Ve). Rapidement, puisque les Verts ont soutenu cette initiative, ils soutiendront évidemment son renvoi en commission - du reste, nous n'avons guère le choix. Pour le surplus, le groupe des Verts souscrit aux explications données par M. le député Dandrès ainsi qu'à la demande populaire sur l'idée de sauvegarder les retraites de la CPEG via la cession de terrains constructibles par l'Etat. Nous étudierons donc de manière très approfondie les raisons qui s'opposent au soutien de cette initiative par le Conseil d'Etat.
M. Olivier Cerutti (PDC). Mesdames et Messieurs, chers collègues, je ne sais pas si la caisse de pension pourra profiter de la masse de profits telle qu'elle est décrite par la gauche. J'aimerais simplement rappeler ici que cette caisse est autonome et dire qu'il me paraît un peu bizarre de rendre obligatoire, au travers d'une initiative populaire, ce à quoi la loi fédérale n'oblige pas. Il est cependant utile de renvoyer ce texte à la commission des finances où nous avons passé un certain nombre d'heures à essayer de trouver une formulation, voire des solutions. Tout le monde est inquiet dans la population quant à savoir comment pourra se dénouer l'actuel noeud gordien de la recapitalisation de notre caisse de pension. Pour nous, nous continuons de dire qu'il n'est pas possible de recapitaliser la caisse de pension sans effort. Je vous invite, Mesdames et Messieurs, à renvoyer ce texte en commission afin que nous puissions reprendre nos travaux et trouver des solutions, mais des solutions intelligentes. Je vous remercie. (Quelques applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Christian Dandrès pour quarante secondes.
M. Christian Dandrès (S). Merci, Monsieur le président. Je serai très bref. Pour répondre à M. Cerutti, je crois qu'une chose a été mal perçue: l'initiative ne prévoit pas d'imposer le transfert des terrains à la CPEG, ce qui en effet serait contraire au droit fédéral. On a raconté beaucoup d'âneries sur ce texte que peu de personnes ont lu, je pense. Je vous incite à le faire, Monsieur le député. Il s'agit de propositions et non pas d'éléments imposés. Sur le fond, nul besoin d'être grand prophète pour comprendre ce que vous savez vous-même: les rendements sont élevés dans l'immobilier, probablement plus élevés que ceux de la BNS ou des obligations de la Confédération.
M. Christo Ivanov (UDC). On ne va pas faire le débat ici, mais je pense que le député Cerutti a eu entièrement raison en nous rappelant les problèmes concernant la recapitalisation de la caisse. Aujourd'hui, il manque au minimum 5 milliards de francs pour cela. Je rappelle que la CPEG est autonome, qu'il lui faut 4,1% de rendement par année pour pouvoir verser les rentes sans toucher au capital. Par le passé, la caisse a bien dû vendre des actions, des obligations et j'en passe. Par conséquent, le groupe UDC étudiera consciencieusement cette initiative à la commission des finances, mais je crains que cette acquisition de terrains - on a parlé de spéculation immobilière, n'est-ce pas, il faut faire un peu peur à son voisin - soit du bouillon pour les morts ! Il faut être honnête, la réalité est qu'il va manquer plusieurs milliards. Ce dossier est beaucoup plus complexe qu'il n'y paraît et cette initiative, je le crains, n'est qu'un coup d'épée dans l'eau.
Le président. Merci, Monsieur le député. Pour terminer, la parole est à Mme la conseillère d'Etat Nathalie Fontanet, que je remercie pour sa patience.
Mme Nathalie Fontanet, conseillère d'Etat. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, bonjour ! Le Conseil d'Etat souhaite vous adresser sur cette initiative un message d'apaisement. De toute façon, vous le savez, le texte va être renvoyé en commission. La volonté du Conseil d'Etat est de faire en sorte que nous trouvions un consensus pour adopter un projet de loi issu de la majorité la plus étendue possible, qui permette de sauver la CPEG et d'assurer les rentes des pensionnés, mais aussi de la fonction publique actuelle. Nous allons rechercher ce consensus. Vous n'ignorez pas que, quelle que soit la décision prise par votre parlement, celle-ci devra être validée par le peuple; la population sera sensible au fait de savoir qui porte les efforts, s'ils sont uniquement ceux de l'Etat et des contribuables, s'il y a un partage des efforts avec la fonction publique aussi, s'il s'agit de solutions concertées que nous pourrons défendre de manière majoritaire. Le Conseil d'Etat est convaincu que c'est vers cette direction qu'il faut se diriger. C'est donc un message d'espoir en vue de trouver un accord que je vous exprime aujourd'hui au nom du Conseil d'Etat. Merci, Mesdames et Messieurs.
Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat.
L'initiative 168 et le rapport du Conseil d'Etat IN 168-A sont renvoyés à la commission des finances.