Séance du
vendredi 25 mai 2018 à
18h
2e
législature -
1re
année -
1re
session -
6e
séance
PL 11611-A et objet(s) lié(s)
Premier débat
Le président. Mesdames et Messieurs, nous abordons maintenant les PL 11611-A et 11612-A. Le rapporteur de majorité est M. Raymond Wicky, les rapporteurs de minorité sont M. François Baertschi pour le premier objet et M. Patrick Lussi - qui remplace M. Riedweg - pour le deuxième. Nous traitons également le PL 11672-A, lié à ces deux objets. Pour ce dernier, le rapporteur de majorité est toujours M. Raymond Wicky et le rapporteur de minorité est M. Mathias Buschbeck, remplaçant Mme Emilie Flamand-Lew. Ces trois objets liés sont classés en catégorie II, soixante minutes. Chaque rapporteur s'exprimera l'un après l'autre et dispose de six minutes de temps de parole pour expliquer sa position sur les deux points. (Remarque.) Oui, les trois projets de lois, mais les deux points ! Je passe la parole à M. Raymond Wicky.
M. Raymond Wicky (PLR), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs, chers collègues, permettez-moi en premier lieu d'aborder les PL 11611-A et 11612-A, concernant l'inscription de la nationalité suisse dans la LPol. Ces deux projets de lois, comme je viens de le dire, visent à ancrer dans la loi l'exigence de la nationalité suisse pour les policiers. Lors de leur traitement en commission, il s'est créé une majorité de circonstance basée sur deux types d'appréciations: la première est celle d'un groupe de députées et de députés certes extrêmement attachés à la nationalité suisse pour les policiers genevois, mais qui estiment que les dispositions actuellement en vigueur sont non seulement parfaitement suffisantes, mais qu'elles sont en plus appliquées à la lettre. Le deuxième groupe de députées et députés est pour sa part désireux de pouvoir intégrer les permis C dans notre police cantonale. Il faut savoir que les dispositions actuellement en vigueur sont d'ordre réglementaire et qu'elles exigent la nationalité suisse au moment de l'obtention du brevet de policier. Je le répète, ces dispositions sont appliquées à la lettre et il n'y a pas de dérogation possible. Des mesures d'accompagnement ont été mises en place et il existe une procédure accélérée de naturalisation destinée à faciliter l'accès à la nationalité suisse pour ces jeunes gens et jeunes femmes, une fois qu'ils ont décidé d'embrasser cette profession. Compte tenu de ce contexte général qui paraît soit largement suffisant à une partie de la majorité, soit pas adapté à une autre partie de la majorité, nous vous recommandons de bien vouloir refuser l'entrée en matière sur ces projets de lois.
En ce qui concerne le PL 11672-A qui vise à permettre l'engagement de permis C dans la police cantonale, il est évident qu'il est lié au recrutement et à la volonté d'intégration des étrangers. Lors de l'examen de ce projet de loi en commission, nous avons pu constater - à l'époque en tout cas, peut-être que les chiffres ont un peu évolué - que sur les quelque 500 000 habitants de Genève, à peu près 90 000 personnes étaient éligibles à la naturalisation. La majorité de la commission estime que c'est un petit effort qu'on demande à ces personnes titulaires du permis C que d'effectuer les démarches de naturalisation qui, comme je le disais précédemment, sont relativement facilitées, pour pouvoir embrasser cette fonction, qui est une tâche éminemment régalienne. Par conséquent, pour nous, la majorité, la demande de la naturalisation suisse paraît évidente.
Nous craignons également que l'engagement de permis C ne génère des policiers à deux vitesses: il faut savoir qu'au sein de la police cantonale, certaines fonctions - on pense notamment à la police qui s'occupe du service de renseignement, piloté également par la Confédération - ne peuvent pas être occupées par des ressortissants étrangers, donc par définition par des personnes qui seraient titulaires d'un permis C. Il y aurait donc là une forme de discrimination à l'interne, par rapport à l'utilisation de ces personnes. Le syndicat de la police nous a précisé lors de son audition qu'il était opposé à toute forme de distinction entre ces policiers en fonction d'une nationalité et qu'il estimait que tout doit être fait sur une base égalitaire. Nous aimerions également mettre en exergue que ce n'est pas parce que certains cantons ont déjà entrepris cette démarche d'intégrer dans leur législation la possibilité d'engager des personnes pourvues du permis C que Genève ne peut pas garder sa propre vision sur cette question et qu'elle doit s'aligner sur ces cantons. En conclusion, la majorité de la commission vous demande de refuser l'entrée en matière également sur ce troisième projet de loi. Merci de votre attention.
M. François Baertschi (MCG), rapporteur de minorité. Je vais aller, pour l'essentiel, dans le sens de mon collègue le député Wicky, en tout cas pour les problèmes fondamentaux. Il est certain que l'usage de la force qui est dévolu à la police est quelque chose d'important. Le problème de la nationalité est aussi une question importante. Il est souhaitable que les deux aillent de pair et qu'on ne crée pas une dichotomie, qu'on n'ait pas des mercenaires, comme on en a connu à certaines époques, c'est-à-dire du personnel chargé d'imposer la loi et d'utiliser si besoin la force, qui serait étranger, qui n'aurait pas tous les droits de citoyenneté qu'ont les autres citoyens. C'est un point fondamentalement important pour nous. Il est certain que... Bon, on peut parler de pouvoir régalien, mais c'est une question de principe, c'est aussi une question de bon fonctionnement de notre société et de logique. Le règlement l'implique dans la situation actuelle, comme l'a relevé le rapporteur de majorité, mais il est beaucoup plus important, il est pour nous essentiel que ce soit gravé dans le marbre, dans le marbre de la loi. C'est pour cela que nous avons proposé ce projet de loi.
Actuellement, à notre sens, les permis C peuvent très facilement suivre leur formation de policier et, à l'issue de cette formation, demander la naturalisation. On voit en effet mal que quelqu'un qui aurait toutes les compétences pour être policier n'ait pas celles pour acquérir la nationalité. Ce serait quelque part un dysfonctionnement institutionnel. C'est une logique que chacun peut comprendre, et c'est d'ailleurs un système qui fonctionne actuellement, c'est aussi un système qui permet de s'intégrer à la fois professionnellement et du point de vue de la citoyenneté. C'est donc un système qui marche bien. Ce que nous voulons, au travers de ce projet de loi, c'est graver dans le marbre ce qui se fait maintenant, pour qu'une personne ou une autre n'ait pas la fantaisie d'aller dans un autre sens et, bien évidemment, ne pas avoir une police à deux vitesses, ce qui ne serait pas acceptable.
A part cela, il y a encore quelques difficultés techniques qu'un permis C pourrait rencontrer dans l'exercice de sa profession de policier, notamment s'il se trouve à l'étranger, dans des affaires très spécifiques, qui démontrent très précisément que l'octroi du statut de policier à des gens qui garderaient le permis C et qui ne chercheraient pas à se naturaliser serait quelque chose de dangereux; mais ce n'est pas l'essentiel du problème.
A côté de notre projet de loi, j'aimerais ajouter que nous soutenons également celui de nos collègues de l'UDC, dont le contenu est plus ou moins le même. C'est une différence de forme: il y a deux paragraphes, il y a des formulations légèrement différentes. Nous accepterons l'un et l'autre, étant donné qu'ils ont le même sens. Enfin, nous refuserons bien évidemment le projet de loi sur l'engagement de permis C.
M. Patrick Lussi (UDC), rapporteur de minorité ad interim. Je vais essayer de ne pas être trop redondant, parce qu'on parle effectivement plus ou moins de la même chose et que ces deux projets ont la même finalité. L'essentiel de l'action - bien que jusqu'à présent, cela ait toujours fonctionné, nous n'en discutons pas - est que cela sorte du domaine réglementaire pour être inscrit dans la loi. Mesdames et Messieurs les députés, il est certain que nous avons tous une bonne idée de notre pays; nous différons certainement s'agissant de ce que nous estimons être des impératifs. Pour nous, la police - qui, rappelons-le, est toujours pour le moment un service armé, et heureusement - engage quand même très fermement la citoyenneté des gens.
Mesdames et Messieurs, lorsque que vous décidez de servir un pays en étant un représentant des forces de l'ordre et que... Sauf erreur de ma part, depuis la présidence de Mme Spoerri, vu les difficultés de recrutement, la possibilité de déposer sa candidature a été ouverte et les formations étendues aux permis C, ce qui se fait actuellement, avec la condition que le jour de l'assermentation, ils deviennent citoyens suisses. Il nous semble, si vous me permettez une mauvaise comparaison, que quand vous décidez de jouer au football, vous ne vous inscrivez pas dans un club de rugby et vice versa. Il doit donc y avoir une unité: vous décidez de défendre la population, c'est une tâche difficile, c'est une tâche qui est souvent soumise aux critiques et pour nous, c'est un cursus normal. Vous avez des jeunes parfaitement intégrés, qui après leur scolarité arrivent à la majorité et décident d'entrer dans les forces de l'ordre, pour qui le parcours est tellement simplifié, puisqu'ils remplissent les conditions... Cela nous semble totalement légitime que les choses soient comme elles le sont actuellement et qu'ils deviennent suisses, mais nous demandons qu'au fur et à mesure de l'évolution, peut-être des années, ce soit une disposition qui soit inscrite dans la loi.
Enfin, un autre point nous semble très important, Mesdames et Messieurs les députés: chacun a beaucoup parlé aujourd'hui de l'égalité, des discriminations et autre. Très sincèrement, j'avoue - c'est très personnel, certains m'en voudront - que j'aime savoir que tous les représentants des forces de l'ordre que je croise ont le droit de s'exprimer et de voter. Alors vous me direz que vous voulez ouvrir le droit de vote aux étrangers, c'est un autre sujet, mais en ce qui nous concerne, il nous semble très important, s'agissant d'une personne qui est là pour nous réprimander, voire nous arrêter, qu'elle ait les mêmes droits civiques que les nôtres. C'est un point très important.
Pour terminer, pour bien montrer que, malgré cette exigence qui semble peut-être aberrante pour certains... Nous précisons qu'il y a - enfin, quand le rapport a été rédigé - plus de quatre cents policiers genevois résidant en France voisine. Cela est dû à la crise du logement et autre, et cela veut dire que la nationalité, le fait d'avoir prêté serment et d'avoir promis fidélité à l'Etat de Genève ne vous empêche pas, si, pour d'autres raisons, vous ne pouvez vous loger à Genève... Raison pour laquelle, Mesdames et Messieurs les députés, notre groupe vous demande d'accepter tant le PL 11611 que le PL 11612. Evidemment, nous n'entrerons pas en matière sur le 11672. Je vous remercie.
Mme Paloma Tschudi (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, lorsque le projet de loi sur l'engagement de permis C dans la police genevoise fut déposé en 2015, la police cantonale subissait les conséquences d'un manque important d'effectifs. Aujourd'hui, le problème reste le même, comme en témoigne l'étude menée par la commission du personnel de la police: cette étude met en avant la grave problématique des effectifs et souligne une détérioration des conditions de travail. Or ce besoin d'augmentation des effectifs de police se heurte à un problème de recrutement. Inscrire dans la loi l'obligation pour les policiers et policières d'avoir la nationalité suisse ne résoudra pas le problème, loin de là. En revanche, engager des détenteurs de permis C autoriserait une partie importante de la population de notre canton à oeuvrer pour le maintien de l'ordre et de la sécurité à Genève.
Certes, une ouverture a eu lieu, puisqu'on a permis aux titulaires de permis C d'accéder à l'école de police et d'être naturalisés à la fin. Mais cette possibilité ne permet pas à l'aspirant de devenir policier tout en restant de nationalité étrangère. Il existe pourtant certaines nations qui ne permettent pas la double nationalité. Comment demander à une personne attachée aux valeurs et à la culture de ses deux nationalités de choisir ? L'impossibilité de choisir ferait-elle de cette personne un moins bon policier ou une moins bonne policière ?
Par ailleurs, comme l'a précisé Mme Bonfanti lors de son audition, quatre cantons suisses autorisent déjà l'accès au métier de policier à des permis C: Bâle, depuis 1997, Schwytz, Neuchâtel et le Jura. Le conseiller d'Etat PLR bâlois Baschi Dürr soulignait l'augmentation potentielle du nombre de personnes susceptibles de s'intéresser au métier de policier. Le conseiller d'Etat neuchâtelois Alain Ribaux, quant à lui, rappelait l'importance de ne pas négliger les aspects culturels ainsi que les connaissances de langues étrangères dans l'approche des concitoyens et concitoyennes dans certaines situations. De fait, cette démarche faciliterait le dialogue entre la police genevoise et les communautés étrangères. Nous savons, et ce n'est pas un leurre, que la police n'a pas toujours bonne presse auprès de la population et en particulier auprès des jeunes. Engager des personnes représentatives de la société genevoise permettrait à la police d'être plus proche de la population et donc mieux acceptée. Ainsi, ouvrir la police aux différentes communautés qui constituent Genève permettrait d'une part d'élargir considérablement le cercle des personnes susceptibles de se présenter aux examens de recrutement de la police genevoise et, d'autre part, de favoriser le dialogue entre la police et la population genevoise.
Enfin, le parti des Verts ne soutiendra pas un système dans lequel les candidats sont engagés selon leur passeport plutôt que selon leurs compétences. En quoi un policier valaisan serait-il plus à même de connaître la réalité genevoise qu'une jeune personne ayant grandi à Genève mais n'ayant pas la nationalité suisse ? Je suis née à Genève, j'y ai grandi et la plupart de mes camarades de classe sont eux aussi nés à Genève, mais de parents étrangers. Je ne saurais vous dire aujourd'hui lesquels avaient ou n'avaient pas la nationalité suisse. Nous ne sommes pas d'une génération qui démontre son attachement aux valeurs de son pays à travers une nationalité ou un passeport. Nous sommes une génération qui démontre son attachement à son pays à travers ses engagements et ses actes. Y a-t-il une meilleure preuve de l'attachement aux valeurs d'un pays que de vouloir s'engager dans son corps de police ? Je ne le pense pas. C'est pourquoi je vous invite, chers collègues, à refuser le PL 11611 et à accepter le PL 11672 de sorte que les détenteurs de permis C puissent devenir des fonctionnaires de police. Je vous remercie. (Applaudissements.)
M. Pierre Conne (PLR). Mesdames et Messieurs les députés, ce débat sur la nationalité des policiers est purement idéologique. Il n'y a nul besoin de légiférer pour établir la nationalité suisse dans la loi sur la police, de même qu'il n'y a aucune nécessité, et ce serait vraisemblablement contre-productif, d'inscrire dans la loi sur la police l'engagement des permis C. Pourquoi, Mesdames et Messieurs ? Parce qu'aujourd'hui, cette question de la nationalité des policiers genevois est réglée. Elle est réglée ! Il faut se souvenir qu'autrefois, les policiers étaient engagés à condition d'avoir accompli leur devoir militaire. Cette condition a été supprimée; depuis, la réglementation cantonale pour l'engagement des policiers - ce sont les prérequis pour postuler à la police - stipule clairement que, pour entrer à l'école d'aspirants et d'aspirantes, vous devez impérativement être de nationalité suisse ou en possession d'un permis de séjour donnant accès à la naturalisation. A noter que, si vous avez plus de vingt-cinq ans, la naturalisation doit avoir lieu avant la fin de la formation initiale. Si vous avez moins de vingt-cinq ans, vous devez avoir obtenu la nationalité suisse et terminé votre service obligatoire avant le début de la formation initiale. Voilà les conditions qui régissent aujourd'hui l'engagement des policiers sur des bases historiques - obligation d'avoir réalisé ses obligations militaires remplacée par cette réglementation.
Mesdames et Messieurs, on pose un faux problème. Nous n'avons pas besoin de légiférer. On légifère à partir du moment où l'on veut faire évoluer une situation ou corriger un problème; or, aujourd'hui, cette situation n'a pas besoin d'évoluer et n'a pas besoin d'être corrigée, en tout cas s'agissant de l'inscription de la nationalité suisse dans la loi sur la police.
Maintenant, s'agissant de l'engagement de permis C, j'ai bien entendu le discours mondialiste de ma préopinante, mais je crois que là, Mesdames et Messieurs, on est hors sol. Nous devons rester dans le principe qui régit la responsabilité de l'Etat par rapport à son corps de police, qui est le bras armé de l'Etat et qui, de ce fait, doit effectivement pouvoir s'identifier à l'Etat et à notre pays par le biais de la nationalité suisse. Le rapporteur de majorité l'a précisé, aujourd'hui, le bassin de recrutement de la police permet d'utiliser également les détenteurs de permis C qui remplissent les conditions que je viens d'énoncer, à savoir que, lorsqu'ils prêteront serment, ils seront naturalisés par une procédure accélérée. Ce problème est réglé. Ensuite, pour ce qui est de l'ouverture à l'engagement des permis C, là également, je me suis exprimé, nous y sommes opposés.
Vous l'avez compris, la position du PLR est la suivante: il n'est pas nécessaire de légiférer, parce qu'il n'y a pas de problème en la matière, ni pour inscrire la nationalité suisse dans la loi sur la police, ni évidemment, au contraire, pour ouvrir l'engagement aux détenteurs de permis C. La position du PLR est donc très claire; il suivra évidemment la position du rapporteur de majorité et vous invite, Mesdames et Messieurs, à refuser l'entrée en matière sur ces trois projets de lois. Je vous remercie de votre attention.
Mme Anne Marie von Arx-Vernon (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, concernant les PL 11611 et 11612, le rapporteur de majorité, M. Wicky, a parfaitement décrit les travaux de la commission. Pour le parti démocrate-chrétien, ces deux projets de lois ne servent effectivement à rien. Les détails expliquant pourquoi ils ne servent à rien ont été très bien explicités par mes préopinants, je ne vais pas en rajouter. Un règlement est parfaitement suffisant, il a fait ses preuves et il ne sert à rien d'alourdir les procédures par une loi supplémentaire. Ce sera donc non et non.
Concernant le projet de loi 11672, comme dans d'autres cantons, le parti démocrate-chrétien est persuadé que l'engagement de permis C dans la police genevoise n'est pas une utopie. Cela s'inscrit tout à fait, non pas dans une logique mondialiste, comme le suggèrent les termes qui ont été utilisés pour commenter l'excellente intervention de ma collègue Verte... Genève, vous savez, Monsieur le président, c'est «un monde en soi», cela a été évoqué déjà par Genève Tourisme, je crois. Plus de 50% de la population est étrangère. On peut s'en réjouir et ce n'est pas être mondialisateur, mondialiste ou je ne sais quel terme dépréciatif on voudrait utiliser, que de dire que Genève est un modèle dans ce domaine et doit le rester. Le parti démocrate-chrétien a voté oui à ce projet de loi, car il s'agit d'être progressiste; une personne détentrice du permis C, en processus ou non de naturalisation, est parfois bien plus motivée à être policier et est parfois plus au courant de nos institutions et de nos valeurs que certains Suisses qui n'ont pas forcément accompli leur parcours de vie à Genève. Notre canton est un peu spécial, c'est vrai. Les valeurs de notre république et du canton de Genève et la sécurité y afférente peuvent parfaitement être défendues par une personne détentrice d'un permis C qui a effectué tout son parcours ici, et il ne doit jamais être rédhibitoire d'engager des personnes motivées, compétentes et sachant parfaitement défendre nos valeurs de démocratie, de liberté, de sécurité et d'égalité hommes-femmes, Monsieur le président. Je vous remercie.
Mme Carole-Anne Kast (S). Mesdames et Messieurs les députés, à la lecture de ces rapports que j'ai faite attentivement, force est de constater que, fondamentalement, ce sont deux visions philosophiques et politiques qui s'opposent. Ces deux visions ne s'opposent pas sur la police, mais sur l'intégration, sur le vivre-ensemble, sur le sens de la citoyenneté et sur le processus qui permet de devenir un citoyen genevois. Les représentants du département ont été très clairs lors des auditions: il n'y a aucun problème organisationnel à intégrer dans une police des détenteurs de permis C. Il est évident que certaines restrictions peuvent être mises en place, mais d'autres cantons l'ont fait, et ce sans aucun problème organisationnel non plus, et effectivement, comme l'a rappelé ma préopinante, de quels cantons s'agit-il ? De certains peut-être connus pour leur caractère quelque peu progressiste, mais pas uniquement: aussi de cantons finalement plutôt connus pour leur attachement aux valeurs patriotiques, comme Schwytz, et qui ont eu cette forme d'ouverture vis-à-vis des titulaires de permis C.
Evidemment, le conseiller d'Etat a plaidé pour le maintien du statu quo, qui est en effet satisfaisant aux yeux d'une certaine partie de la commission et qui devrait conduire à rejeter les deux projets de lois des groupes MCG et UDC, puisque ceux-ci, tout en consacrant ce statu quo, ne peuvent être interprétés que comme une défiance vis-à-vis du magistrat. Bien sûr, ce n'est pas moi qui vais lui en tenir rigueur: en tant que magistrat à l'exécutif, on aime bien avoir une certaine marge de manoeuvre de gestion et on préfère que les choses soient réglées par voie réglementaire plutôt que par voie législative.
Néanmoins, Mesdames et Messieurs les députés, il y a une revendication dans ce débat qui est celle d'aller plus loin; d'aller plus loin dans le sens d'une ouverture aux titulaires de permis C, et cela, en tant que parlement, nous ne pouvons pas le faire autrement que par la voie législative. C'est pour cette raison que nous allons, au sein du parti socialiste, défendre le projet de loi des Verts et refuser les deux autres projets de lois des groupes MCG et UDC. Nous pensons en effet, comme les groupes PDC et Vert l'ont rappelé, que nous pouvons être plus progressistes, que nous avons une particularité genevoise qui fait que nous pouvons oser aller aussi loin que Schwytz et que nous pouvons, par ce moyen-là, donner un signal fort sur le sens du vivre-ensemble, sur le sens de la citoyenneté à Genève, sur le fait que les questions de l'intégration, de la compétence, de la qualité du travail et du sens du devoir ne sont pas réglées par la couleur du passeport, mais par le sens de l'engagement citoyen, et que celui-ci ne doit pas être réservé à des gens qui ont obtenu le passeport suisse, mais doit être ouvert aussi à des gens qui sont bien intégrés ici et qui montrent par leur démarche leur attachement aux valeurs du canton et de la Suisse. Je vous remercie de votre attention. (Quelques applaudissements.)
M. Christian Flury (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, la police est le dernier rempart protégeant l'Etat de Genève, ses institutions et sa population. Les collaborateurs dotés du poids d'autorité et armés doivent impérativement être de nationalité suisse, ne serait-ce que par fidélité et loyauté envers leur pays. Se posent également les problèmes liés à l'usage de la force étatique et de l'arme de service ainsi qu'aux blessures causées à leurs opposants par des étrangers sur sol suisse. La seule force armée étrangère comptant des étrangers sur son sol est la légion étrangère en France. A titre de comparaison, pour tout ce qui a trait au service de police français, ce ne sont que des Français qui y travaillent.
Effectivement, le processus de recrutement et de sélection est ouvert aux étrangers en possession d'un permis C. S'ils réussissent ces épreuves, ils pourront entamer le cursus de formation mais ne pourront être brevetés policiers et incorporés dans le service actif qu'après avoir été naturalisés. Telle est la pratique actuelle. Le Mouvement Citoyens Genevois demande que l'exigence de nationalité suisse soit inscrite dans la loi sur la police, car toute modification de loi passera devant ce Grand Conseil, ce qui nous mettra à l'abri de modifications réglementaires opérées en catimini.
En conclusion, Mesdames et Messieurs, le Mouvement Citoyens Genevois vous invite à accepter les projets de lois 11611 et 16112 et à refuser le projet de loi 11672. Je vous remercie.
M. Vincent Maitre (PDC). Qu'on le veuille ou non, la situation est aujourd'hui réglée. C'est un choix de notre gouvernement: il faut être de nationalité suisse pour faire partie des forces de police, on peut le regretter ou non, c'est un fait, et c'est un fait inscrit dans une directive qui a valeur de loi. Alors certes, les conditions pour modifier cette loi ou cette directive sont différentes justement selon qu'il s'agit d'une loi formelle, c'est-à-dire un texte qui doit passer devant notre parlement pour être décidé, ou d'une directive, auquel cas il appartient au Conseil d'Etat de la modifier. Cela veut dire une chose toute simple, Monsieur Flury, vous qui appartenez à un parti qui aime rappeler très régulièrement qu'il est l'autorité de contrôle suprême de ce canton sur le gouvernement: il vous appartiendra très précisément, si vous êtes une fois en désaccord avec un hypothétique changement de cette directive qui ouvrirait les candidatures dans la police à d'autres que des citoyens suisses, de vous y opposer. Vous ferez parfaitement bien, j'en suis sûr, votre travail de député et ne laisserez surtout pas passer cela en catimini, comme vous venez de l'évoquer.
La question posée ce soir a été très bien explicitée, notamment par ma collègue Verte tout à l'heure. Il s'agit ni plus ni moins de traiter de la fidélité et de la loyauté qu'on est en droit d'exiger de nos forces de police envers la nation qu'elles sont censées protéger. Mais du côté de ceux qui s'opposent au principe d'engager des permis C, je n'ai entendu personne jusqu'à présent relever qu'il y a entre 30% et 40% des agents de police municipale qui, eux, ont des permis C, ni relever qu'il y a environ cinq cents policiers à Genève, membres de la police cantonale, qui sont domiciliés sur territoire étranger. Cela n'a jamais été remis en question ou en cause aujourd'hui, ni par les uns ni par les autres. En ce qui nous concerne en tous les cas, la question de la fidélité et de la loyauté envers le corps de police et envers l'Etat ne peut assurément pas se résumer à la détention d'un document administratif qui en l'occurrence doit être rouge à croix blanche. La fidélité et la loyauté, cela a été parfaitement bien exprimé, se mesurent à l'engagement, à un certain nombre de croyances et de convictions, et ces gens-là, très souvent - je parle des permis C, bien sûr, et d'autres - sont sur notre territoire depuis parfois bien plus longtemps que ceux qui sont titulaires du passeport à croix blanche. Nous connaissons tous dans notre entourage des personnes naturalisées par voie de naturalisation facilitée qui sont en Suisse depuis moins d'une décennie, et puis nous connaissons à l'inverse des permis C qui sont de deuxième voire maintenant de troisième ou quatrième génération qui sont plus genevois que les Genevois. Cela ne pose évidemment aucun problème de loyauté ou de fidélité, si leur souhait devait être de s'engager dans la police. J'encourage pour toutes ces raisons à refuser bien entendu ces deux projets de lois et je réserve la position du groupe PDC sur le projet des Verts, qui sera exprimée formellement par la suite.
M. Pierre Bayenet (EAG), député suppléant. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, Ensemble à Gauche vous invite à rejeter le PL 11611 et à accepter le PL 11672. Il y a d'abord une raison purement mathématique pour laquelle il faut accepter ce dernier projet: plus le bassin de recrutement est large, plus la qualité des personnes qu'on peut recruter est élevée. Evidemment que le but premier est bien d'avoir des policiers qui soient les plus compétents possible à l'engagement, et qui deviennent de plus en plus compétents au cours de leur longue carrière. Or, plus il y a de candidats, plus la qualité des personnes choisies sera élevée.
Une deuxième raison un peu plus spécifique est qu'en plus, on aura des qualités distinctes qui peut-être manqueront chez les personnes de nationalité suisse et qu'on pourra trouver plus facilement chez les personnes étrangères. Je pense par exemple à une affinité avec les cultures qui sont présentes à Genève mais qui ne sont pas les cultures majoritaires, à des langues étrangères qui sont extrêmement utiles pour des policiers, à la capacité de communiquer avec l'ensemble de la population ou à la capacité de créer un rapport de confiance avec tous les citoyens - ou plutôt tous les habitants de ce canton et pas seulement ses citoyens.
Je voudrais bien sûr rappeler que la libre circulation imprègne aujourd'hui la vie de Genève et que ce n'est pas seulement la libre circulation des honnêtes gens, mais aussi la libre circulation de certains malfaiteurs, et que le fait d'avoir des liens avec les communautés d'origine de certains de ces malfaiteurs peut être utile pour débusquer des criminels de manière beaucoup plus efficace. Cela se constate dans la collaboration policière existante très intense, et cette collaboration pourra être renforcée par le fait d'avoir des personnes de nationalité étrangère. (Brouhaha.)
Mais surtout, nous pourrions inverser la question, car en fait, qu'est-ce qui fait qu'il faudrait absolument être suisse pour être policier ? Y a-t-il une raison qui imposerait cela ? Le seul motif que j'entends, c'est quelque chose d'un peu abstrait et de pas forcément juste, qui consiste à dire qu'il faut prouver son attachement à la patrie. Mais est-ce que l'attachement à la patrie est vraiment le premier critère qui permet de juger de la qualité d'un policier ? Non, évidemment. C'est d'abord un attachement à une mission de service public, un attachement à la qualité du travail, un attachement à la population, un engagement pour la population. C'est cela, le métier de policier, ce n'est pas un engagement pour la patrie, c'est un engagement pour la population. Or l'engagement pour la population, ce n'est pas une question de papiers, ce n'est pas une question de passeport, ce n'est pas une question de permis, c'est une question de sens de la justice et cela ne se juge pas sur la base d'un permis. D'ailleurs, pour être un peu provocateur - je me le permettrai - il faut se souvenir qu'un permis C, cela se mérite, alors qu'un passeport suisse ne se mérite pas ! Nombre d'entre nous sont nés avec des passeports suisses et nous n'avons rien fait pour le mériter, alors qu'un permis C est toujours en sursis: un permis C, il faut le mériter pour l'obtenir, et lorsqu'on déraille, on vous le retire. Il y a donc presque plus de garanties qu'une personne au bénéfice d'un permis C soit une personne honnête et juste qu'une personne suisse ! C'est un petit peu provocateur, je vous le concède, néanmoins, je conseille toujours aux personnes qui ont un permis C de devenir suisses en leur disant: «Vous savez, si vous déraillez, on va vous le retirer, alors que si vous avez le passeport suisse, vous pouvez faire presque ce que vous voulez, vous ne le perdrez pas !» C'est donc la preuve que le permis C est une garantie d'honnêteté plus élevée que la nationalité suisse.
J'entends ensuite qu'il s'agirait d'une tâche régalienne et qu'une tâche régalienne ne saurait être confiée qu'à des citoyens suisses. Mais pas du tout, Mesdames et Messieurs les députés, d'autres tâches régaliennes sont exercées par des étrangers, par exemple la fonction de juge. Pas tous les juges, certes, mais les juges prud'hommes: la loi sur l'exercice des droits politiques prévoit en son article 121 que la fonction de juge prud'homme peut être exercée par des citoyens étrangers domiciliés en Suisse depuis plus de huit ans. Il n'y a donc pas de raison, si on peut être juge en étant étranger, qu'on ne puisse pas être policier en étant étranger également.
Pour terminer, encore deux points: Bâle-Ville, on vous l'a déjà dit, compte des policiers étrangers depuis plus de vingt ans, et depuis plus de vingt ans, il n'y a aucun problème. La question de la participation à des missions de renseignement est réglée dans ce canton et les autres qui comptent des policiers étrangers: ceux-ci ne participent simplement pas à ces missions et cela ne pose aucun problème. Enfin, quand j'entends M. le député Christian Flury dire que la seule force armée étrangère qui existe est la légion étrangère en France, je lui réponds: pas du tout ! Genève a eu il n'y a pas si longtemps que cela des polices étrangères qui sont intervenues sur le sol genevois, des policiers allemands pour ceux qui ont la mémoire courte...
Une voix. Ils ne sont pas intervenus !
M. Pierre Bayenet. Oh, pas intervenus ? Je connais quelques personnes qui ont pris quelques coups de matraque germanique ! (Rires. Commentaires.) Donc cela existe ! Soyons logiques, préférons engager des personnes détentrices d'un permis C qui ont grandi à Genève, qui ont mérité leur permis C et qui ont donc prouvé leur attachement à notre canton ! C'est bien la voie à suivre. Je vous remercie, Mesdames et Messieurs les députés. (Quelques applaudissements.)
M. Murat Julian Alder (PLR). Pour ma part, je fais partie de celles et ceux qui regrettent l'époque où il fallait avoir effectué son service militaire avant d'être engagé dans la police. (Remarque.) Je crois aussi à la possibilité de créer des synergies entre l'armée et les polices au profit de la sécurité de notre pays et de sa population. Cela étant, je vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, très chers collègues, à sortir des caricatures xénophobes comme des caricatures xénophiles et des discours angéliques que nous avons pu entendre ce soir. Il s'agit d'être pragmatique: la nationalité, Mesdames et Messieurs, ce n'est pas seulement un passeport, ce n'est pas simplement un attachement qui existerait dans l'abstrait le plus total. La nationalité, c'est aussi, qu'on le veuille ou non, un statut juridique. Le lien qui unit quelqu'un à son pays, à sa patrie, ce n'est pas du tout le même que celui qui unit une personne au pays qui l'héberge. En ce sens, il y a, oui, Mesdames et Messieurs, une différence entre la nationalité et le permis C.
Cela étant dit, le député Bayenet a posé une question parfaitement légitime: au nom de quoi les policiers devraient-ils être des citoyens suisses ? Il y a sans doute différents arguments qui plaident en faveur de sa position, pour ma part je vais lui en donner un seul qui va, je l'espère, lui plaire: si un policier titulaire d'un permis C commet une bavure dans l'exercice de ses fonctions et prend la fuite, comment voulez-vous en obtenir l'extradition s'il n'a pas la nationalité suisse ? C'est peut-être un exemple rare, mais je sais à quel point Me Bayenet a à coeur de combattre les bavures policières. Je l'invite donc à réfléchir à ce propos.
Finalement, Mesdames et Messieurs, tout cela est un faux problème. La réalité de la situation, c'est que nous savons que la nationalité suisse est tributaire d'une législation qui est probablement parmi les plus sévères d'Europe. Dans d'autres pays, on devient citoyen, ressortissant, plus rapidement et facilement, et nous savons qu'en Suisse nous sommes régulièrement pointés du doigt pour cela. Mais où sont celles et ceux qui oeuvrent pour un assouplissement de l'octroi de la nationalité ? Je vous rappelle que c'est sous l'impulsion de la droite au Parlement fédéral que la loi sur la nationalité suisse a été assouplie: on n'exige plus un délai de résidence de douze ans, mais de dix ans, et, dans notre canton, sous l'impulsion du conseiller d'Etat Pierre Maudet, on a raccourci la durée de traitement des procédures de naturalisation de trois ans à une année et demie. Quant aux émoluments perçus dans le cadre de ces procédures, durant la dernière législature, nous avons voté un projet de loi qui les limite à la couverture des frais, et cette loi, Mesdames et Messieurs, souvenez-vous, avait été combattue par les partis de la gauche. Donc finalement, les discours angéliques, c'est bien, mais les actes qui visent à améliorer la situation de celles et ceux qui aspirent à devenir citoyens suisses, c'est mieux ! Je vous remercie de votre attention.
M. Marc Falquet (UDC). Je regrette aussi le fait qu'on n'exige plus d'avoir effectué le service militaire. Je trouve que cela apportait une valeur supplémentaire au métier de policier que j'ai exercé pendant vingt-cinq ans. C'est vrai que, et vous en avez parlé, on pourrait engager n'importe quel policier de n'importe quel pays, cela n'influence pas les compétences, la question n'est pas là. On pourrait avoir des gens compétents en Angola, on pourrait engager des policiers angolais, des requérants d'asile, on peut engager toutes sortes de personnes, la question n'est pas du tout là. Pourquoi les cantons patriotiques engagent-ils des policiers étrangers, à votre avis ? Ils engagent des policiers étrangers, parce qu'ils ont la fibre patriotique à la base. Et ces policiers étrangers ont également cette fibre patriotique et vont respecter cette fibre et ces valeurs suisses. Tandis qu'à Genève, c'est tout à fait différent. Dans notre canton, il y a une majorité d'étrangers... (Remarque.) ...dont le plus souvent la plupart restent dans leur communauté, ils y sont complètement perdus et ne savent plus où ils en sont. (Commentaires.) Donc à mon avis, ce qu'il faut faire, c'est justement exiger des valeurs de ces gens. Il faut donner une valeur à la nationalité suisse. Effectivement, les policiers peuvent être d'origine étrangère, il n'y a pas de souci, mais le fait qu'on exige qu'ils soient suisses, c'est un plus pour eux-mêmes. Cela les met en valeur s'agissant de leur estime d'eux-mêmes, du respect de la Suisse, du respect de notre constitution et de nos valeurs. C'est un plus qu'il faut garder. (Brouhaha.) Il ne faut donc pas brader la nationalité suisse. Pour cette raison, j'estime qu'il faut voter notre projet et garder des exigences maximales en la matière. Je pense que même les étrangers nous en seront reconnaissants. Merci beaucoup.
M. André Pfeffer (UDC). Actuellement, nous avons 1453 policiers cantonaux assermentés et tous de nationalité suisse. Nous avons aussi deux à trois cents policiers municipaux, dont certains ne sont pas suisses. (Commentaires.) Surtout, nous avons 7500 à 8000 agents de sécurité privés, dont certains sont aussi armés. Seule une très très faible proportion de ces agents de sécurité privés a la nationalité suisse. Compte tenu de cette situation, la nationalité suisse pour nos policiers cantonaux et assermentés nous semble évidente. Nous vous prions d'accepter ces deux projets de lois.
Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à Mme la députée Danièle Magnin. (Un instant s'écoule.) Madame Magnin ? C'est à vous !
Mme Danièle Magnin (MCG). Oui, je vous demande pardon, Monsieur le président ! Je vous remercie beaucoup. Je suis interpellée par ce que j'entends; on parle des droits des uns et des autres, mais personne ne parle du citoyen qui se ferait interpeller dans la rue par quelqu'un qui ne serait pas un concitoyen. Franchement, je trouve qu'on devrait y réfléchir un petit peu, parce que ce n'est pas si simple d'avoir... Je ne veux pas citer de nationalité pour ne justement pas faire de discrimination, mais ce n'est pas simple du tout. Je ne me vois pas, moi, obtempérer aux ordres de personnes qui auraient tel ou tel accent, tel ou tel... Voilà. (Protestation. Commentaires.) C'est quelque chose qui me dérange et si je pense ainsi, on peut imaginer qu'au moins toutes les personnes qui ont voté pour moi pourraient penser de façon similaire. Cela ne plaît pas à certains, mais cela correspond quand même à une réalité, à une sensibilité. J'ai parlé d'accent, cela peut être autre chose. (Commentaires.) Je ne sais pas moi, un accent parisien, tiens ! Si cela en gêne certains ! Eh bien, moi...
M. Mathias Buschbeck. Et valaisan, c'est grave ?! (Commentaires.)
Le président. Monsieur Buschbeck ! Merci !
Mme Danièle Magnin. Valaisan, ce n'est pas la même chose, c'est un concitoyen ! Je pense que la nationalité suisse est quand même une nécessité pour cette raison-là. Je vous remercie.
Le président. Merci, Madame la députée. Je passe la parole à M. le député Daniel Sormanni pour deux minutes cinquante.
M. Daniel Sormanni (MCG). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, comme tout à l'heure, je trouve que ce parlement marche sur la tête ! On entendait plus tôt - vous transmettrez, Monsieur le président - M. Bayenet qui essayait de nous faire croire que finalement les étrangers seraient plus attachés et feraient plus attention au droit et seraient donc en un mot bien plus honnêtes que les Suisses.
Une voix. Ooh !
M. Daniel Sormanni. Je tombe des nues quand j'entends des choses pareilles ! Aujourd'hui, il est nécessaire et tout à fait logique que pour une fonction d'autorité telle que celle de policier, on ait la nationalité suisse. Essayez voir, en tant que Suisse, d'aller vous engager dans un corps de police chez notre voisin tout proche - que certains encensent - vous allez voir comment vous allez être accueilli et accepté ! C'est simplement impossible ! Toutes ces fonctions régaliennes et d'autorité sont strictement interdites pour un étranger malgré le droit européen ! (Brouhaha.) A un moment donné, il faut qu'il y ait un échange: si nous, nous voulons nous ouvrir - et c'est une question qui pourrait se discuter - il faudrait que les Suisses puissent en faire de même dans les pays européens. Or ce n'est de loin pas le cas, c'est strictement interdit pour tout ce qui est, je le dis encore une fois, fonctions d'autorité. Il faut savoir raison garder. (Brouhaha.)
Nous avons besoin de cet attachement au pays, et le seul moyen d'avoir cet attachement au pays, incontestablement, c'est d'avoir fait acte... Soit on est suisse d'origine, soit on a fait la démarche de se naturaliser, au mieux durant la formation, puisque cela est possible. C'est cela le point que nous devons avoir à l'esprit aujourd'hui et nous ne devons pas nous focaliser sur d'autres choses. Je vous invite donc à voter le projet de loi du MCG.
Le président. Merci, Monsieur le député. Pour quarante-huit secondes, je passe la parole à M. le député Jean-Luc Forni.
M. Jean-Luc Forni (PDC). Merci, Monsieur le président. Ce sera suffisant. Au terme de ce débat, j'aimerais rappeler la position - du moins la clarifier - du groupe démocrate-chrétien. Notre groupe suivra la voie réglementaire sur ces trois objets. Cela règle effectivement la problématique du permis C et cela évite aussi le risque de référendum et de remettre en cause la loi sur la police. Nous ne voulons pas relancer la guerre des clans et reprendre cette problématique. Nous suivrons donc la voie réglementaire sur les trois objets. Je vous remercie.
Une voix. Lâche !
Le président. Merci, Monsieur le député. Madame Carole-Anne Kast, vous avez la parole pour une minute.
Mme Carole-Anne Kast (S). Merci, Monsieur le président. Je ne résiste pas à la tentation de contrer l'argument de M. Murat Alder concernant l'extradition. Vous lui transmettrez, Monsieur le président, que finalement la question est absolument la même pour les doubles-nationaux. Par conséquent, j'espère que vous ne plaidez quand même pas pour l'interdiction de l'accession des Suisses binationaux à la fonction de policier. (Commentaires.) Vous me rassurez ! J'aurais eu vraiment très très peur, surtout si en plus ils ont effectué leur service militaire. (Commentaires.)
Je regrette la tournure que prend ce débat, car fondamentalement, nous étions partis sur une question qui est, certes, symboliquement très importante, mais qui ne devrait pas diviser ce parlement comme elle est en train de le faire. Il s'agissait, pour moi et le groupe socialiste, de véritablement donner un message à l'attention notamment des potentiels futurs policiers, leur disant que ce n'est pas parce qu'il leur est peut-être impossible d'obtenir le passeport suisse dans les délais, pour des questions liées au fait qu'ils doivent abandonner leur nationalité d'origine, qu'ils ne sont pas les bienvenus au sein de notre police cantonale.
J'ai entendu certains arguments basés sur le sentiment d'être heurté de devoir répondre à l'autorité d'une personne qui n'est pas suisse: je rappelle, comme mon collègue Bayenet l'a fait, que les tâches régaliennes ne sont pas uniquement confiées aux Suisses; même au sein de la police, la tâche régalienne peut être exercée par des personnes non suisses, puisque les policiers municipaux, qui sont assermentés, qui représentent l'autorité aussi, sur des affaires peut-être plus de proximité et de prévention, mais qui néanmoins représentent l'autorité, peuvent être titulaires d'un permis C. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Or je n'ai jamais entendu qu'un APM ait été remis en cause pour ce simple fait. Au bénéfice de cela, je vous réitère ma demande de soutien au projet de loi des Verts. Merci, Monsieur le président.
Le président. Merci, Madame la députée. Pour une petite minute, la parole est à M. le député Pierre Bayenet.
M. Pierre Bayenet (EAG), député suppléant. Merci, Monsieur le président. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, on m'a fait remarquer qu'il y avait en tout cas un pays qui acceptait couramment des étrangers pour servir dans ses forces armées, et même des Suisses d'ailleurs: vous le connaissez, c'est bien sûr le Vatican ! Mais c'était pour l'anecdote.
J'ai écouté attentivement les remarques de tous mes collègues députés, pour me rendre compte que le seul argument pertinent... enfin, pertinent... Non, justement ! Le seul argument non pertinent qui a été servi est celui de M. le député Alder, celui de l'impossibilité d'une extradition. C'est absurde ! Dans ce cas, cela voudrait dire qu'on ne pourrait pas engager de fonctionnaires étrangers et qu'on ne pourrait pas avoir de fonctionnaires binationaux. Je rappelle que la mission de la police, ce n'est pas de lutter pour la Suisse contre l'étranger, mais c'est de lutter pour la protection des habitants du canton de Genève. La question de la nationalité n'est donc en aucun cas pertinente pour déterminer si les policiers peuvent mener cette mission à bien ou non. La question de la nationalité doit complètement sortir de la loi sur la police. Autoriser l'accès aux permis C, c'est un premier pas dans la bonne direction. Je vous remercie, Mesdames et Messieurs les députés. (Commentaires.)
M. Mathias Buschbeck (Ve), rapporteur de minorité ad interim. Chères et chers collègues, j'ai écouté avec beaucoup d'attention tout ce qui a été dit, notamment l'intervenant du PLR qui nous a refait un historique. Il en a oublié un petit bout et je me fais un plaisir de le rappeler aujourd'hui: cette proposition d'introduire les permis C dans la police date de 2003. C'était une proposition de la conseillère d'Etat de l'époque, Micheline Spoerri. Cela avait été embrayé par une motion des Verts déposée en 2003 et votée le 28 août 2008. Je ne résiste pas au plaisir de vous citer quelques interventions entendues dans le cadre de ce débat, tout d'abord Frédéric Hohl, du parti radical: «ll y a près de 40% d'étrangers à Genève. Nous pensons donc que c'est une très bonne idée que des détenteurs de permis C entrent dans la police; cela a beaucoup de sens ! Il me semble également que la police devrait peut-être travailler un peu mieux son image. Je crois qu'il est temps de revaloriser cette profession pour que des jeunes s'y intéressent.»
Jean-Claude Ducrot, du PDC: « C'est le moment de dire oui, d'oser dire que nous voulons une ouverture envers les personnes de notre canton qui sont intéressées à entrer dans la police mais qui ne sont pas citoyens suisses [...] car ils seront certainement de bons policiers qui sauront servir notre république.»
Enfin, mon préféré, Jean-Michel Gros, du parti libéral: «La démocratie doit être la clarté, la transparence ! [...] la transparence implique aussi d'être fidèle à ses votes ! [...] L'audition de la cheffe de la police» - qui est la même aujourd'hui - «était particulièrement intéressante. Elle nous a dit qu'elle était favorable [...] à l'engagement de détenteurs de permis C et, davantage encore, à l'engagement d'autres étrangers qui ne seraient pas au bénéfice de ce permis. [...] A l'heure actuelle, la restriction de n'engager que des permis C sous promesse d'une naturalisation future fait que les résultats ne sont pas extraordinaires au niveau de la réussite du recrutement. [...] C'est pourquoi, dans un esprit d'ouverture, les libéraux soutiendront cette motion [...]»
Que s'est-il passé depuis 2008 ? Il y a eu les élections de 2009, l'arrivée en force des rangs xénophobes qui ont manifestement étendu leur influence au-delà de leur périmètre historique. J'appelle donc aujourd'hui les partis de droite et de centre-droit à sortir de ce joug, à retrouver leur ouverture, leur libéralisme et à accepter ce projet de loi des Verts qui veut introduire la possibilité d'engager des permis C dans la police genevoise ! Je connais personnellement un exemple concret d'une personne qui, en 2008, est entrée à l'école de la police en tant qu'étrangère, en espérant que la législation changerait. Cela n'a malheureusement pas été le cas. Elle est retournée dans son pays d'origine, car elle était attachée à ce métier de policier, et elle a été surprise de voir que ce n'était pas du tout comme elle se l'imaginait dans son pays d'origine. Elle est revenue en Suisse, a cherché du travail, s'est retrouvée au chômage, puis à l'Hospice. Voilà le résultat de cette politique et de cette vision obtuse et éculée de la souveraineté ! (Commentaires.) Nous vous appelons aujourd'hui à voter ce projet de loi. Je vous remercie. (Quelques applaudissements.)
M. Patrick Lussi (UDC), rapporteur de minorité ad interim. Il y aurait de quoi faire une encyclopédie colorée ! Juste quelques mots, parce qu'avec tout ce qu'on entend... Mon voisin, excellent rapporteur du reste, me disait: «Encore deux-trois arguments xénophobes et tu vas faire tourner le vote !» Excusez-moi, je vais vous provoquer, mais on est en pleine «suissophobie» ce soir ! En pleine «suissophobie» ! (Remarque.) Tout ce qui est de la rigueur, tout ce qui est de... Non ! Surtout plus ! Surtout plus de lois suisses et... J'ai en tout cas apprécié l'intervention de M. Alder, même s'il refuse les projets de lois, parce qu'en effet, si à l'époque on n'a jamais parlé de nationalité suisse, pour entrer dans la police, il fallait être incorporé dans l'armée. Et, Mesdames, vous devriez être contentes que cette disposition ait été supprimée, parce que c'est justement pour pouvoir engager des femmes policières qu'on a fait sauter cette obligation, puisqu'il n'existe pas d'obligation constitutionnelle de faire l'armée pour vous.
Par rapport à cela, je pense que, oui, un peu de rigueur et... Quand j'entends, Mesdames et Messieurs - bon, là, en 2016, sur 760 personnes ayant déposé leur candidature à la police, soixante avaient un permis C. C'est parfait ! Rassurez-vous, j'ai des amis policiers qui - je pense que certains le savent, j'ai aussi fait une carrière dans la police judiciaire - sont même de couleurs différentes, qui ont pris la nationalité suisse et qui sont de parfaits citoyens. Je ne comprends donc pas cette fixation idéologique que vous faites sur... (Remarque.) Permissive, oui, mais... (Remarque.) Ah non, quand on est policier au service des citoyens et autre, on ne prend pas toutes les règles du pays qui nous paie et qui nous demande de le protéger. C'est une conception qui, pour moi, est dangereuse. Mais enfin, on voit que les majorités changent. Je n'espère pas qu'un jour cela nous retombera sur la figure. Merci, Monsieur le président.
M. François Baertschi (MCG), rapporteur de minorité. Pour le MCG, il y a une valeur fondamentale: l'intégration des étrangers. D'ailleurs, nous sommes un des partis qui compte le plus de personnes d'origine étrangère, alors qu'il y a beaucoup, même à gauche, de bons Suisses de tradition - je suis moi-même issu d'une famille établie depuis des siècles dans une vallée alpestre - qui renient les valeurs de leur pays, chose que l'on ne trouve pas chez beaucoup de personnes d'origine étrangère qui sont fières de leur pays et qui sont fières d'avoir été acceptées dans notre collectivité, parce que, pour ces personnes, cela a encore un sens, et c'est bien. C'est pour cela que le fait de se naturaliser est pour nous capital. Nous voulons la nationalité, mais nous voulons plus encore la naturalisation.
Nous avons parlé de ces cantons qui acceptaient des permis C. Lisons attentivement le rapport et voyons qu'à Schwytz, il y avait cinq permis C, deux ont démissionné, trois ont été naturalisés. En quinze ans, sur cinq permis C, deux sont partis, trois se sont intégrés. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Bon, il y a aussi des personnes d'origine schwytzoise qui partent, j'imagine, mais cela démontre que la police doit également être un élément d'intégration, et elle l'est, actuellement. Il suffit d'aller un peu dans la rue pour voir que la police actuelle est représentative de nombreuses communautés, elle le sera sans doute davantage au fil des années, mais elle l'est déjà, il suffit de se renseigner et...
Le président. C'est terminé, Monsieur le rapporteur.
M. François Baertschi. ...c'est pour cela que je vous conseille...
Le président. C'est terminé.
M. François Baertschi. ...d'aller dans la bonne direction.
Le président. Je vous remercie. Monsieur Raymond Wicky, vous avez la parole pour cinquante secondes.
M. Raymond Wicky (PLR), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Ce sera amplement suffisant. Juste deux ou trois remarques, car j'ai entendu certaines choses qui m'ont quand même quelque peu surpris: premièrement, s'agissant de la comparaison entre la police cantonale et la police municipale, d'une part, jusqu'à nouvel avis, la police municipale n'est pas intégrée dans la loi sur la police et, d'autre part, ses missions sont fondamentalement différentes. Alors s'il vous plaît, faisons des comparaisons qui soient raison ! Deuxièmement, concernant les citations de M. Buschbeck il y a quelques instants, effectivement, depuis que ces personnes ont déclaré cela, les permis C peuvent entrer dans la police. La seule chose qu'on demande à la fin est d'acquérir la nationalité helvétique. Je pense que c'est une bien petite chose pour quelqu'un qui veut embrasser une telle carrière. Je m'arrêterai là et je vous invite à suivre les conclusions de la majorité de la commission et à refuser ces trois projets de lois.
M. Pierre Maudet, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je crois que nous avons dépassé les 19h, je vais donc essayer d'être le plus bref possible. Tout a été dit et redit, puisque c'est un débat qui revient régulièrement. Il faut quand même rappeler tout d'abord que, si ce débat a lieu ce soir et a eu lieu préalablement, s'il n'y a pas d'ancrage légal, c'est pour un motif qui, je crois, a été évoqué tout à l'heure, un motif simple, celui qui voulait pendant longtemps que, pour être policier, il fallait a minima avoir accompli son école de recrue, et donc par définition être suisse. C'est la raison pour laquelle, historiquement, il n'y a pas d'ancrage légal.
C'est le lieu de rappeler aussi qu'il y a quelques années - j'étais déjà chargé du département de la sécurité - s'agissant du personnel pénitentiaire, nous avons convenu avec les syndicats et les gardiens de prison que nous pouvions tout à fait nous affranchir de la condition de nationalité, car les choses changent, elles évoluent. C'est un constat que nous avons fait ensemble il y a sauf erreur trois ou quatre ans. Rien n'est donc définitif.
Qu'est-ce qui fait un bon policier ? La question a été posée tout à l'heure. Je vous le dis d'emblée: assurément pas la nationalité ! Ce n'est pas la nationalité qui fait qu'un policier est bon ou non, c'est sa capacité de discernement, son caractère profondément citoyen, son intérêt pour les autres, ses connaissances, sa formation. La nationalité, de ce point de vue là, n'est pas à mettre en avant, pour une raison extrêmement simple évoquée tout à l'heure sur ces rangs: on a par exemple beaucoup de policiers binationaux - j'ai moi-même été victime l'été passé de la polémique de la binationalité - et l'on ne doit pas considérer que, parce qu'on serait binational, on serait un moins bon policier devant souscrire à deux loyautés. Le policier prête serment. Il prête serment devant le gouvernement in corpore - c'est d'ailleurs la seule catégorie de fonctionnaires qui se voit honorée par cette prestation de serment - et il doit sa fidélité et sa loyauté à l'Etat, son employeur, au gouvernement, ni plus ni moins.
Maintenant, qu'est-ce qui justifie l'existence de la nationalité suisse ? Là aussi, il faut le dire une fois pour toutes, parce que la situation ces dernières années s'est encore accentuée de ce point de vue là: le chiffre de cinq cents a été articulé tout à l'heure, mais nous avons en fait au minimum cinq cents policiers qui résident en dehors de notre territoire national. Je ne parle donc pas des policiers genevois qui habitent Vaud, Fribourg ou le Valais, je parle de ceux qui habitent au-delà des frontières genevoises, du côté français, dans l'Ain ou la Haute-Savoie, et qui - cela a été relativisé il y a quelques années - se trouvent dans un certain rayon de domiciliation, un rayon relativement large quand même, ce qui ne semble pas poser problème à certains d'entre vous qui ont déposé ces projets de lois.
Qu'est-ce qui justifie la nationalité ? Ce n'est donc pas le lieu de résidence, pas plus que l'arme ! Et là, je m'excuse, mais je suis obligé de souligner que certains de ce côté-ci qui défendent l'armement des APM devraient se montrer un tout petit peu conséquents avec le fait que, le jour où on aura armé les APM, on aura - cela ne semble pas vous poser de problème à cet égard - des gens dans la rue détenteurs des pleins pouvoirs d'autorité et d'usage de l'arme qui ne seront pas suisses. Je ne suis pas certain que cela pose problème, mais je vous mets devant votre inconséquence sur ce point.
Le Conseil d'Etat défend donc une approche pragmatique et il vous dit qu'il n'y a pas de problème de recrutement aujourd'hui. Pourquoi ? Parce que la réduction à dix ans du temps de résidence pour demander la nationalité - ce qui n'est pas qu'un simple acte administratif, car la naturalisation est évidemment un processus qui suppose une implication personnelle - fait que, même dans le cas où on aurait des aspirants policiers qui tutoient ces dix ans, qui les franchissent peut-être dans le cadre de leur école de formation au moment où ils prêtent serment, on leur facilite la tâche et par une procédure accélérée, on leur permet de devenir suisses. Tout a été fait et bien fait pour qu'aujourd'hui ce bassin de candidats qu'on évoquait tout à l'heure... Quel candidat qui n'a pas au minimum dix ans de résidence sur notre territoire en Suisse pourrait prétendre à la police ? Soyons raisonnables, soyons rationnels: personne ! Dix ans de résidence, c'est le minimum. Partant de là, la faculté de demander la naturalisation est offerte à tout un chacun et nous concrétisons cela sans aucune pénurie de candidats ces cinq ou six dernières années, je le répète ! Il y a au contraire une multiplication de ces candidatures. Il n'y a donc pas de problème de recrutement, et il n'y a pas de problème lié à la naturalisation accélérée. Il n'y a pas de problème du tout, tout est réglé par voie réglementaire.
Un seul problème pourrait subsister - là, il faut éventuellement laisser du temps au temps, et en l'état, le gouvernement maintient l'idée de refuser les deux projets de lois: c'est qu'il y aurait dans la population - cela a été relevé plus tôt, peut-être de façon un peu cavalière - une reconnaissance limitée envers un policier qui se trouverait en face et qui par exemple pratiquerait un contrôle d'identité. Ou, plus subtilement - parce que c'est aussi une réalité de l'évolution des métiers de la police, qui aujourd'hui consistent notamment à lutter contre le terrorisme et à lutter sur des cyber-réseaux - pouvoir disposer de citoyens et de citoyennes suisses qui en l'état, précisément, vérifient ce genre de données est une exigence, dans le domaine de la sécurité de l'Etat, qui nous semble à nous, le gouvernement, toujours importante.
En résumé, comme l'a évoqué tout à l'heure M. Forni, le gouvernement vous propose de refuser ces deux projets de lois, de confirmer par ce fait le maintien dans le règlement de l'exigence de la nationalité suisse pour certaines catégories de fonctionnaires, à savoir, je le mentionne au passage, par exemple les inspecteurs de naturalisation - cela va sans dire, mais si l'on doit faire examiner son dossier pour devenir suisse, on part de l'idée qu'on a face à soi une Suissesse ou un Suisse - les policiers et quelques autres catégories rares mais nécessaires de fonctionnaires. Je vous remercie de votre attention.
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, nous en arrivons à la procédure de vote. Je soumets à vos voix tout d'abord l'entrée en matière sur le PL 11611 de M. François Baertschi.
Mis aux voix, le projet de loi 11611 est rejeté en premier débat par 78 non contre 19 oui.
Le président. Nous votons maintenant l'entrée en matière sur le PL 11612 de M. Patrick Lussi.
Mis aux voix, le projet de loi 11612 est rejeté en premier débat par 79 non contre 19 oui.
Le président. Enfin, je mets aux voix l'entrée en matière sur le PL 11672 de M. Mathias Buschbeck.
Mis aux voix, le projet de loi 11672 est rejeté en premier débat par 56 non contre 41 oui et 1 abstention.