Séance du
vendredi 26 janvier 2018 à
18h10
1re
législature -
4e
année -
11e
session -
62e
séance
PL 11922-A
Premier débat
Le président. Mesdames et Messieurs, nous passons au PL 11922-A en catégorie II, quarante minutes. Je donne la parole au rapporteur de majorité, M. Olivier Cerutti.
M. Olivier Cerutti (PDC), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs, nous voici devant un projet de loi qui aurait pu passer aux extraits. La commission des finances l'a traité très rapidement, en une seule séance, le 7 décembre 2016. Il s'agit de trois institutions, dont une sur laquelle nous ne nous sommes pas mis d'accord, et c'est la raison pour laquelle nous en parlons ici ce soir.
Ces trois entités sont d'abord le musée de la Croix-Rouge, une belle institution genevoise, la Fondation Martin Bodmer, une autre belle institution, colognote celle-ci, et enfin la Fondamco, une fondation qui traite de l'art; or quand on traite de l'art, Mesdames et Messieurs, cela peut être très subjectif, l'objectivité n'est pas toujours de mise. Nous sommes cent dans cette salle ce soir, nous aurons tous un avis très différent - et j'en suis très heureux - sur l'esprit que peut dégager une oeuvre.
Le MAMCO est une magnifique plate-forme pour les artistes genevois, tout comme une magnifique vitrine pour la presse internationale qui cite souvent les oeuvres et artistes qui y sont présentés. C'est aussi une magnifique animation pour le quartier des Bains: les fameuses Nuits des Bains animent énormément de galeries externes au MAMCO, et je pense que cette synergie est très intéressante pour notre ville.
Monsieur le président, je m'arrêterai là et laisserai mon collègue nous expliquer ce que représente l'art pour le MCG. Ce parti revendique en effet une objectivité qui ne correspond pas forcément à la subjectivité à laquelle on pourrait se livrer dans le domaine de l'art.
M. François Baertschi (MCG), rapporteur de minorité. Je vais continuer sur les belles paroles de mon préopinant, Olivier Cerutti. Nous ne contestons pas les deux remarquables fondations qui accompagnent le MAMCO; ce qui nous déplaît, c'est que l'on fasse un paquet ficelé de trois institutions qui, à notre sens, n'ont rien à voir les unes avec les autres, en tout cas s'agissant du MAMCO.
J'ai été très choqué par ce qui s'est passé lors du lancement de ce musée: on nous a dit que ça ne coûterait rien ou pas grand-chose et que des privés financeraient le tout. Au final, on s'est retrouvé avec une sorte de privatisation de biens publics, puisqu'une usine a été entièrement reprise pour le compte de cette institution qui, d'une certaine manière, est quand même discutable.
Certes, on peut penser ce que l'on veut de l'art contemporain - quant à moi, je n'ai aucune prétention d'objectivité - mais quand il s'agit d'argent public, ce n'est pas la même chose. Certains choix sont faits qui sont politiques, et accepter tout et n'importe quoi n'est absolument pas admissible. Cette honorable structure consacre une vision de l'art contestable, ne serait-ce que les oeuvres de Manzoni qui y ont été présentées - je ne vais pas faire de description, parce que c'est peu ragoûtant à cette heure, mais je conseille à chacun d'aller se renseigner dans une encyclopédie ou via toute autre source d'information.
D'un autre côté, c'est la dynamique actuelle, comme le disait l'ancien directeur du musée Picasso de Paris, Jean Clair, qui s'est exprimé à propos des dérives de l'art dans un livre intitulé «De immundo»: «Le temps du dégoût a remplacé l'âge du goût.» Certains apprécient sans doute, mais ma question est la suivante: jusqu'où descendra-t-on ? Et doit-on vraiment financer cela avec de l'argent public ?
Si de riches mécènes sont prêts à financer ce type d'oeuvres, libre à eux de dépenser leur argent ainsi, mais, à notre sens, ce n'est pas le rôle de l'Etat de subventionner ce genre d'institution, ce d'autant plus que le Musée d'art et d'histoire peut tout à fait accueillir des collections d'art contemporain, comme il l'a déjà fait.
Le MAMCO est une institution superfétatoire qui fait oeuvre de déconstruction de l'art, de négation de notre civilisation, et je me vois mal soutenir ce type d'action. C'est pour cela que la minorité vous propose, Mesdames et Messieurs, de refuser ce projet de loi.
M. Henry Rappaz (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, pour commencer et faire bref, je ne vous dirai pas de mal de l'art contemporain, loin de là, car il est bien connu que celui qui ose émettre des doutes quant à sa beauté et à son intérêt passe immédiatement pour un idiot, voire un inculte. Audiard disait à juste titre qu'on reconnaît les cons parce qu'ils osent tout, et là, vous avez fait très fort. Quand je m'aperçois, dans ce PL 11922-A, que la Fondamco s'immisce en tête des demandeurs devant la célèbre Fondation Martin Bodmer ou celle du Musée international de la Croix-Rouge, je me dis qu'il fallait vraiment oser !
Le MAMCO, qui dispose d'une surface d'exposition de 3500 mètres carrés, est bien trop élitaire et peu rempli au mètre carré, si ce n'est plusieurs fois par an par un vaste public avide de cocktails dînatoires. La Fondamco sollicite une aide financière annuelle de 1 344 375 F pour les années 2018 et 2019, alors que la brillante Fondation Martin Bodmer doit se contenter d'une subvention de 665 000 F pour les mêmes années et que celle du Musée international de la Croix-Rouge, plus économe mais non moins performante, percevra une aide beaucoup moins importante.
Pour de nombreuses autres raisons qui me tiennent à coeur, le Mouvement Citoyens Genevois s'abstiendra de donner sa voix au MAMCO.
M. Edouard Cuendet (PLR). Quand j'entends certaines des précédentes descriptions de l'art contemporain, je me sens tout à coup très modéré, parce qu'on n'est pas loin des notions d'art dégénéré qui rappellent de mauvais souvenirs ! Le PL 11922-A concerne trois institutions phares du paysage muséal genevois dans des domaines très différents: d'abord le MAMCO, qui constitue une référence internationale dans le domaine de l'art contemporain. N'en déplaise à MM. Baertschi et Rappaz - vous transmettrez, Monsieur le président - il y a eu là-bas des expositions d'artistes extrêmement reconnus, comme John Armleder, Sylvie Fleury ou encore le Zurichois Thomas Huber. Ce musée met en avant des artistes suisses, ce qui devrait plaire au MCG, et est internationalement reconnu, couvert par des publications. Des expositions décentralisées dans plusieurs communes ont également été organisées, qui ont rencontré un vif succès.
Viennent ensuite la Fondation Martin Bodmer, qu'on n'a pas besoin de présenter puisqu'elle fait partie du patrimoine mondial de l'UNESCO et bénéficie d'un rayonnement international majeur, puis le Musée international de la Croix-Rouge, qui est lié à ce qui constitue l'ADN de la Genève internationale. En effet, cette organisation a été l'une des premières créées à Genève et a lancé le mouvement de l'esprit de Genève.
Si ces trois entités sont actives dans des domaines très différents, elles ont en revanche un point commun: elles sont nées de l'engagement massif de mécènes privés qui ont permis leur réalisation. Pour répondre aux arguments avancés par le MCG, les mécènes en question sont toujours extrêmement engagés au sein de ces institutions - ce n'est malheureusement pas le cas dans certains projets qu'on a eu à traiter ici récemment - c'est-à-dire qu'ils participent non seulement à l'enrichissement des collections - je pense notamment au MAMCO ou à la Fondation Bodmer - mais aussi aux frais de fonctionnement. Le MAMCO, par exemple, est régi par une convention tripartite avec un fonctionnement assumé à la fois par la Ville, le canton et les mécènes. Pour eux, ce n'est pas uniquement un investissement, ce qui pose parfois problème, ils sont aussi impliqués dans le fonctionnement, ce que je tiens à saluer.
Chacune dans leur domaine, ces trois fondations contribuent énormément au rayonnement international de Genève. Leur grande caractéristique, c'est qu'elles sont très peu politisées et sont gérées de manière sereine, ce qui n'est pas le cas du Grand Théâtre, comme on a pu le voir, qui est devenu un enjeu politique. Ici, tout se fait dans le calme et la sérénité, et participe au rayonnement muséal de notre canton. C'est la raison pour laquelle le groupe PLR soutiendra ce projet de loi avec détermination. Je vous remercie.
Une voix. Bravo ! (Applaudissements.)
M. Roger Deneys (S). Ce n'est pas mal que vous me donniez la parole maintenant, Monsieur le président, parce qu'il me faut saluer l'approche des élections qui fait redécouvrir aux députés PLR les vertus des structures culturelles genevoises... (Protestations.) ...sans qu'ils proposent de réduire la durée des contrats de prestations ou le montant des subventions de quelques dizaines ou centaines de milliers de francs !
Je salue ce progrès, parce que, comme l'a relevé M. Cuendet, président de la commission des finances, ces institutions contribuent massivement au rayonnement de Genève, tant au niveau touristique qu'international. Une ville comme Genève, qui a vocation à accueillir des activités internationales, que ce soient des entreprises ou des organisations non gouvernementales, se doit de présenter une offre culturelle de pointe, laquelle est possible parce que des mécènes s'engagent pour financer notamment l'acquisition des oeuvres.
Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi concerne trois institutions à subventionner, on l'a évoqué. J'étais un peu perplexe en lisant le rapport de minorité de M. Baertschi, parce qu'il n'y figure aucun amendement. Je me suis dit qu'en s'opposant à ce projet de loi, ce que signifie généralement un rapport de minorité, on saborde non seulement le MAMCO, mais encore deux autres institutions, puisqu'il concerne aussi la Fondation Bodmer et le Musée international de la Croix-Rouge. Cela signifie, Mesdames et Messieurs les députés, que le MCG veut saborder trois institutions genevoises majeures au prétexte d'un désaccord dans le goût ou l'appréciation - qui sont bien relatifs, d'ailleurs. C'est ça, le vrai problème ! Si vous consultez le rapport de minorité à sa page 53, on y trouve une phrase que je trouve absolument édifiante: «Doit-on financer la déconstruction de l'art, sa négation et ses expressions les plus vulgaires ? Des commissaires s'y refusent.»
Il y a quelques jours, on a eu droit à des publicités parfaitement abominables de la part du MCG, qui sont certainement bien plus vulgaires que tout ce qu'on peut exposer dans tous les musées du monde, parce qu'il s'agit d'attaques indécentes contre la dignité humaine. Le problème, c'est que les politiciens ne doivent pas se mêler du contenu culturel des musées ! Même M. Cuendet l'a reconnu tout à l'heure: ce n'est pas le rôle du monde politique, et je pense qu'il faut en prendre acte. Dans une démocratie, nous devons offrir des conditions-cadres pour qu'une expression culturelle variée puisse exister, et puis nous devons faire en sorte que les deniers publics ne soient pas dilapidés. La diversité culturelle constitue une richesse, un bien précieux; imposer des règles en définissant ce qui est bien, ce qui est mal, ce qu'on veut financer ou non, c'est tout simplement dramatique, c'est la dérive vers les régimes dictatoriaux.
Mesdames et Messieurs les députés, nous ne pouvons pas accepter ce genre de propos dans un rapport de minorité ! On peut apprécier ou non l'art contemporain, mais une chose est sûre: on n'est pas obligé d'aller dans ces musées si on n'aime pas les oeuvres qui y sont exposées ! La démocratie vit de la diversité, Mesdames et Messieurs, et nous devons l'encourager. C'est pour cela que je vous invite à voter ce projet de loi le plus majoritairement possible. (Applaudissements.)
M. Marc Falquet (UDC). M. Cerutti disait que chacun a sa propre définition de l'art, mais c'est tout à fait faux, parce que l'art doit respecter certaines conditions d'harmonie, de proportions, de beauté... (Remarque de Mme Salika Wenger.) L'artiste ne travaille pas pour développer son ego, il doit essayer de transcender quelque chose, de livrer un message.
Aujourd'hui, le musée d'art moderne, c'est quoi ? Rien du tout ! Le véritable art possède une âme; l'art moderne - ou ce qui est considéré comme art - n'a plus d'âme, donc on abaisse l'être humain au niveau le plus bestial... (Remarque de Mme Salika Wenger.) Ce n'est plus de l'art, on ne devrait même pas évoquer ce terme... (Commentaires.)
Le président. S'il vous plaît, laissez parler M. Falquet !
M. Marc Falquet. Laissez-moi finir ! Si vous voulez voir une magnifique oeuvre, Mesdames et Messieurs, je vous conseille d'aller dans la commune de Collonge-Bellerive admirer le giratoire des Tattes: il nous a coûté près de 300 000 balles et c'est le carrefour le plus moche du canton !
Alors oui, il faut développer le véritable art, qui correspond à une âme. Mais le MAMCO n'a plus ça, et donc c'est se moquer de la population. Si des mécènes ont cet état d'esprit, qu'ils financent un tel musée, mais ce n'est pas aux contribuables de payer pour la médiocrité. Si vous montriez ces oeuvres aux gens, 90% d'entre eux seraient d'accord avec le rapport de M. Baertschi. C'est n'importe quoi ! Nous voterons contre le financement du MAMCO qui devrait être supprimé par un amendement. Merci beaucoup.
Une voix. Bravo !
Mme Salika Wenger (EAG). Chers collègues, je remarque qu'en général, ceux qui s'opposent à l'art contemporain sont ceux qui ont le moins de culture. Là, par exemple, et c'est typique des membres du groupe MCG, lorsque l'on parle de culture, ils parlent d'argent. Ce n'est pas que l'argent les intéresse, mais ignorants comme ils sont, c'est une forme de censure ! (Exclamations.) C'est pour eux une forme de censure, car il leur est difficile d'admettre qu'ils n'y comprennent rien, qu'ils font même la confusion entre art moderne et art contemporain, alors que ce sont deux périodes différentes de l'histoire de l'art. Comme ils ne savent pas tout ça, qu'ils ne s'y intéressent probablement pas, ils vont d'une part chercher des citations bidon dans les dictionnaires, d'autre part ne mettent jamais les pieds dans les musées, ni dans les uns, ni dans les autres...
Des voix. C'est faux !
Mme Salika Wenger. Ça ne les intéresse pas !
Des voix. C'est pas vrai !
Mme Salika Wenger. La culture ne les intéresse jamais, et chaque fois que nous avons tenté de voter des budgets pour la culture, le MCG s'y est toujours opposé, ce n'est tout de même pas un hasard ! Qu'il existe des personnes ignorantes, ça ne me dérange pas, parce qu'on peut toujours apprendre, mais que cela serve de prétexte à empêcher le reste de la population d'avoir accès à la culture, d'exprimer son goût, voire sa passion, non !
Pour ma part, j'ai connu les débuts du musée d'art contemporain et j'ai connu aussi certains de ses mécènes, qui ne font certainement pas partie de mon groupe politique; néanmoins, le plaisir que j'ai eu à rencontrer ces gens, à les voir donner de leur personne, espérer qu'un musée de cette sorte existe, la force qu'ils y ont mise, l'investissement qu'ils y ont consacré me semblent déjà une raison suffisante pour respecter l'existence de cette institution. (Brouhaha.)
De plus, ne pas aimer l'art contemporain ne constitue pas une raison pour empêcher la Fondation Bodmer ou le musée de la Croix-Rouge d'exister. Celui-ci, comme par hasard, fait souvent des expositions qui sont davantage de l'art contemporain que de l'art grec, comme en parlait monsieur... Je ne sais plus comment il s'appelle !
Une voix. Falquet !
Mme Salika Wenger. ...en nous disant qu'il y a des règles dans l'art que l'on doit respecter. Je ne pense pas qu'il ait les qualités requises pour définir ces règles. Que l'on aime ou pas l'art contemporain n'est pas une raison pour dire qu'on ne peut pas... Moi, par exemple, j'aime l'art contemporain, j'adore ça, je trouve que c'est une expression riche, diverse, souvent amusante, étonnante. J'apprends en permanence, j'apprends de tout, j'apprends de l'humanité, j'apprends de plein de choses; et je devrais me priver du plaisir de cet art parce que vous ne l'aimez pas ? (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Et je ne suis pas la seule, donc... (Remarque de Mme Magali Orsini.) De grâce, Madame... Comment s'appelle-t-elle, déjà ? Madame Orsini ! De grâce, taisez-vous ! Vous m'ennuyez à mourir ! (L'oratrice rit. Commentaires.) Je disais donc que je ne veux pas me priver et je ne veux pas priver les gens qui, comme moi, ont fait des efforts...
Le président. Il vous faut conclure, Madame.
Mme Salika Wenger. ...qui, comme moi, se sont battus pour ce musée, je ne veux priver personne de la possibilité de le découvrir...
Le président. Merci, Madame.
Mme Salika Wenger. ...du plaisir de découvrir la richesse de l'art contemporain.
Le président. C'est terminé !
Mme Salika Wenger. Je vous invite tous à voter la subvention ! (Applaudissements. Brouhaha.)
Le président. Un peu de silence, s'il vous plaît ! Il reste dix minutes, essayons de les passer dans le calme, merci. Madame Engelberts, c'est à vous.
Mme Marie-Thérèse Engelberts (HP). Merci, Monsieur le président. Si j'étais ironique, je dirais qu'on vient d'avoir un très beau happening, qui aurait pu se dérouler sur la place Neuve ou celle du Marché. C'est triste, quand on parle de culture, de s'invectiver ainsi, de dire qu'il y a d'un côté les imbéciles, de l'autre ceux qui savent. Ce jugement de valeur sur des personnes - et, encore plus ridicule, sur un groupe - c'est exactement le contraire de la culture au sens général. Quelle est votre connaissance, Madame, des gens en face de vous ? C'est n'importe quoi ! C'est n'importe quoi d'accuser individuellement les gens comme ça, c'est non culturel ! Va au musée qui en a envie, parce que la culture, c'est la liberté.
Je reviens au projet de loi et j'aimerais dire la chose suivante aux membres de la commission des finances: faites preuve d'un peu d'humilité, tout de même ! Vous n'êtes des spécialistes ni de la culture ancienne... Monsieur Baertschi, je vous parle ! ...ni de celle d'aujourd'hui, et personne ici n'est habilité à définir des critères, si ce n'est des critères personnels liés à des connaissances, des critères émotionnels en relation avec sa propre histoire, et éventuellement des critères intellectuels... (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) ...parce qu'on a appris dans les livres à conceptualiser un certain nombre de choses.
Mesdames et Messieurs - mais surtout Messieurs - de la commission des finances, l'humilité est liée à l'exigence; votre travail n'est pas de dire que Ferdinand Hodler, c'est super, que Maillol, c'est génial et que Giacometti, ça ne vaut rien parce que ses personnages sont tout maigres. Juste pour terminer...
Le président. Oui, il vous faut conclure.
Mme Marie-Thérèse Engelberts. ...la mère de Giacometti a dit une chose très belle à son fils. A une époque, il confectionnait de toutes petites sculptures qu'il mettait dans des boîtes d'allumettes; un jour, par arrogance ou parce qu'il était fâché...
Le président. C'est terminé, Madame...
Mme Marie-Thérèse Engelberts. ...il a tout détruit, et sa mère lui a dit: «Mon fils, rappelle-toi que l'humilité, c'est le début de l'art.»
Une voix. Bravo !
M. Bertrand Buchs (PDC). Pour ma part, j'attends uniquement de la commission des finances qu'elle me dise, s'agissant d'un organisme, si les comptes sont bien tenus, si la gestion est bonne. J'attends de la commission des finances qu'elle examine les chiffres, qu'elle juge si l'argent public est bien utilisé, voilà tout. Le reste n'est pas de sa compétence, elle n'a pas à nous dire quel est le meilleur art, c'est à chaque personne de décider.
Vous savez, l'art contemporain a toujours été considéré comme de l'art dégénéré par la plupart des gens, il a toujours été refusé parce qu'il ne correspond pas aux canons. Laissez les artistes faire ce qu'ils ont à faire ! La commission des finances doit se montrer beaucoup plus humble. Je vous remercie. (Quelques applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur. La parole est à M. Flury pour deux minutes.
M. Christian Flury (MCG). Merci, Monsieur le président. Je serai bref afin de laisser un peu de temps à mon ami Baertschi. Oui, chers amis des bancs d'en face, le MCG est en faveur de la culture, mais d'une certaine culture. Nous apprécions les belles collections de beaux musées de Suisse, nous sommes d'accord de soutenir la Fondation Bodmer qui possède des collections remarquables, nous soutenons le musée de la Croix-Rouge qui est un merveilleux musée. En revanche, j'ai eu l'occasion de visiter le MAMCO, eh bien je suis désolé, mais je ne suis pas encore prêt pour ce type de culture, et j'estime - nous estimons ! - que prendre l'argent des contribuables genevois, qui doivent se serrer la ceinture, pour le foutre dans ce ramassis là-bas, c'est prendre les gens pour ce qu'ils ne sont pas, et il faut refuser ça. Je vous remercie beaucoup.
Une voix. Bravo !
Une autre voix. Très bien !
Le président. Je vous remercie, Monsieur le député, et passe la parole au rapporteur de minorité, M. Baertschi, pour une minute quarante.
M. François Baertschi (MCG), rapporteur de minorité. Oui, Monsieur le président, merci. J'ai déposé un amendement visant à supprimer les aides financières au MAMCO uniquement, en gardant celles pour la Fondation Bodmer et le Musée international de la Croix-Rouge. Il s'agit donc d'abroger l'article 2, alinéa 1, lettre a.
Par ailleurs, j'aimerais répondre au député Deneys qui a dit que ce n'est pas le rôle des politiques de s'occuper d'art; je vais tout à fait dans sa direction ! Ainsi, il suffit d'enlever le financement au MAMCO, et la politique ne s'occupera plus d'art ou d'art contemporain, et on demandera aux riches banquiers du PLR de financer ce musée qu'ils avaient lancé, si je me souviens bien. Quant à Salika Wenger, je n'ai qu'une chose à lui répondre - vous transmettrez, Monsieur le président: la culture, moins on en a, plus on l'étale. (Rire de Mme Salika Wenger.)
Le président. Merci. Monsieur Cerutti, c'est à vous pour trois minutes.
M. Olivier Cerutti (PDC), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Je suis finalement heureux de ce débat, parce qu'il y a de la passion, et je pense que la passion est quelque chose de très important, c'est l'un des moteurs dans la vie.
S'agissant du MAMCO, j'aimerais rappeler qu'il s'agit de l'un des musées les plus visités par nos enfants, par les écoles. Il a un rôle pédagogique important en permettant à nos enfants d'oser la créativité. Qu'est-ce que la créativité, au final ? Le geste qui sublime l'âme, pour M. Falquet, le geste créateur. On a besoin tous les jours de créativité, et ça commence peut-être par un monde plus éphémère.
La dernière chose que j'aimerais indiquer, Mesdames et Messieurs, en vous demandant de voter ce projet de loi, c'est que le rôle de l'Etat, du politique, c'est aussi de permettre la diversité. Pourquoi la diversité ? Nous sommes tous différents, nous avons tous une vision des choses différente, comme on a pu le voir ce soir au travers de ce passionnant débat, donc je crois que c'est notre rôle de permettre la diversité culturelle. Je vous remercie. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur. La parole n'étant plus demandée, nous allons d'abord voter sur l'entrée en matière de ce projet de loi... (Remarque.) Oui, Madame Emery-Torracinta ? (Remarque.) Ce n'est pas grave, allez-y.
Mme Anne Emery-Torracinta, conseillère d'Etat. J'avais oublié de demander la parole, Monsieur le président, mais je serai très rapide. Je souhaite d'abord remercier la majorité de ce parlement de voter ce projet de loi. Les trois fondations que nous vous présentons ici, cela a été dit par plusieurs d'entre vous et notamment par M. Cuendet, avec qui je suis pour une fois totalement - ou presque totalement - d'accord... (Exclamations. Applaudissements.) ...sont trois institutions qui participent au rayonnement de Genève, et c'est d'ailleurs bien pour cela que dans le cadre de la répartition des tâches, le canton a décidé, en accord avec la Ville de Genève, de les garder sous sa houlette, même si celle-ci gère encore une partie du MAMCO.
Ensuite, Mesdames et Messieurs, je ne vais pas refaire le débat, mais je dois vous dire que je suis profondément choquée par certains mots que j'ai entendus ce soir. Quand on dit que l'art contemporain est la négation de notre civilisation, je suis choquée, quand on parle de bestialité, je suis choquée, parce que ce qui détermine la différence entre un homme et un animal, c'est la capacité à créer, c'est notamment l'art, et c'est justement ce qui fait la richesse de notre humanité.
Mesdames et Messieurs les députés, on peut apprécier ou non telle ou telle forme d'art, cela fait partie de nos goûts personnels. Pour ma part, je visite régulièrement le MAMCO, et il y a certaines pièces que j'aime et d'autres que je n'aime pas, mais jamais, au grand jamais il ne me viendrait à l'idée de nier le fait qu'elles expriment quelque chose pour l'artiste. Je crois, Messieurs les députés qui avez prononcé ces mots, que vous devriez réfléchir à ce qu'ils signifient.
Comme l'a très bien dit M. Cuendet, les époques de l'histoire où l'on a parlé d'art dégénéré nous font froid dans le dos. Je vous invite donc, Mesdames et Messieurs les députés, à refuser cet amendement et à adopter le projet de loi tel que sorti de commission. Merci. (Applaudissements.)
Le président. Je vous remercie, Madame la conseillère d'Etat, et mets aux voix l'entrée en matière.
Mis aux voix, le projet de loi 11922 est adopté en premier débat par 62 oui contre 23 non et 1 abstention.
Deuxième débat
Le président. Mesdames et Messieurs, nous sommes saisis d'un amendement de M. Baertschi portant sur le titre. Il s'agit d'y supprimer la mention de la Fondamco. Je lance la procédure de vote.
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 62 non contre 23 oui et 1 abstention.
Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés, de même que l'art. 1.
Le président. Puisque le titre n'a pas été modifié, Monsieur Baertschi, votre amendement à l'article 2, alinéa 1, lettre a, visant à écarter la Fondamco des institutions bénéficiant d'une aide financière, n'est plus valable.
Mis aux voix, l'art. 2 est adopté, de même que les art. 3 à 10.
Troisième débat
Mise aux voix, la loi 11922 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 61 oui contre 18 non et 5 abstentions.