Séance du
jeudi 23 novembre 2017 à
17h
1re
législature -
4e
année -
9e
session -
46e
séance
PL 11594-A et objet(s) lié(s)
Premier débat
Le président. Nous allons pouvoir commencer notre ordre du jour en abordant le PL 11594-A et les trois pétitions qui lui sont associées. Le débat se déroulera en catégorie II, quarante minutes. Monsieur Dandrès, je vous laisse la parole.
M. Christian Dandrès (S), rapporteur de majorité. Je vous remercie, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, je préciserai pour commencer que je vais passer en revue tous les motifs qui ont présidé au choix d'une majorité de commissaires, même si tous ne sont pas nécessairement repris à son compte par mon groupe politique.
L'objectif poursuivi par les auteurs de ce projet de loi est de rendre autonomes les grilles salariales de trois institutions, les HUG, les HES et l'université, sur le modèle de ce qu'on connaît aux TPG, aux SIG et à l'aéroport. Je précise aussi que ce projet de loi exclut l'IMAD de son champ. Les auteurs avancent deux motifs à l'appui de leur projet: tout d'abord, permettre de payer certaines personnes au-delà des plafonds prévus par l'échelle des traitements de l'Etat, dans la perspective de pouvoir attirer les talents; ensuite, résoudre un problème relevé dans le cadre du traitement du budget pour des institutions qui ont un financement mixte, à la fois cantonal et privé ou émanant d'autres instances telles que la Confédération: on a pu constater avec le vote des annuités que l'enveloppe financière nécessaire pour les mécanismes salariaux existait pour la partie cantonale mais pas pour la partie fédérale, ce qui pouvait poser des problèmes, les institutions devant chercher des économies pour assurer l'annuité qui figure dans la loi sur le traitement.
Une majorité de commissaires a refusé ce projet en invoquant plusieurs raisons. D'abord, les conditions-cadres à l'Etat de Genève sont excellentes s'agissant du salaire, mais aussi sous d'autres angles, car le salaire n'est pas tout: notamment, l'Etat garantit un certain équilibre entre vie privée et vie professionnelle, ainsi qu'un certain climat de travail et la possibilité de développement professionnel, en particulier aux HUG et à l'université. Les salaires de l'Etat sont, la plupart du temps, plus élevés que ce qu'on trouve dans le secteur privé. En revanche, des statistiques compilées par l'Office fédéral de la statistique montrent que dans certains secteurs - hors, naturellement, le secteur financier ou celui des assurances - les salaires des top-managers oscillent entre 12 000 F et 14 000 F, ce qui est nettement inférieur à ce qu'on peut obtenir à l'Etat de Genève dans les classes 30 et 33, qui prévoient des salaires de l'ordre de 200 000 F à 253 000 F, soit une vingtaine de milliers de francs par mois. La loi sur le traitement prévoit aussi que si ces montants-là ne suffisent pas, des traitements hors classe sont possibles, dont le Conseil d'Etat a pu faire usage et aussi les HUG, notamment pour les postes de directeur général et de président du conseil d'administration. Les HUG prévoient aussi la possibilité pour certains médecins d'avoir une activité privée et d'ajouter des honoraires au salaire. C'est le cas aussi pour l'université, en particulier pour la faculté de droit. Il s'agit de montants assez conséquents.
L'autre motif est de conserver un certain contrôle démocratique sur le niveau des traitements ainsi qu'une transparence: l'échelle des traitements est publiée, elle fait suite à un processus législatif qui permet à la population de lancer éventuellement un référendum, ce qui amène aussi, en quelque sorte, une certaine forme de modération salariale pour les hauts cadres, et évite certaines dérives qu'on a pu constater notamment à l'aéroport où il y a eu une augmentation des salaires des hauts cadres au détriment de ceux des personnes qui se situent au bas de l'échelle des traitements.
Un autre argument, soutenu, du reste, par l'université, consiste à maintenir une certaine économie d'échelle: aujourd'hui, la grille des salaires est élaborée par le Conseil d'Etat; si ce projet de loi était adopté, ce serait chacune de ces entités qui devrait procéder à ce travail conséquent, qui nécessiterait un développement important des ressources humaines. On pense aussi au travail de réévaluation de la grille salariale, ou projet SCORE, qui a nécessité des investissements importants de l'office du personnel de l'Etat: si le projet était adopté, le résultat de ces efforts ne pourrait pas bénéficier à ces entités publiques. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) L'audition de l'Aéroport international de Genève est assez éclairante quant à ces problèmes et à ces risques de bureaucratisation: le directeur des ressources humaines a indiqué que chaque année, l'aéroport était tenu de procéder à une enquête sur le niveau des salaires via des entreprises privées, ce qui, naturellement, coûte passablement d'argent. Avec le système actuel, on évite évidemment cela.
Autre motif: le risque que le salaire fonctionne comme variable d'ajustement dans un contexte budgétaire assez serré.
Le président. Vous prenez sur le temps de votre groupe.
M. Christian Dandrès. Je vous remercie, Monsieur le président. Mon groupe pourra développer cette problématique un peu plus abondamment. Si nous avons des enveloppes budgétaires diminuées, avec, par le biais des contrats de prestations, des prestations qui restent identiques, la variable d'ajustement sera naturellement la grille salariale des personnes qui travaillent dans ces institutions. Pour les HUG, notamment, la marge de manoeuvre serait assez importante, puisque l'on constate que l'échelle des traitements des cliniques privées, qui figure en annexe à la convention collective de travail, prévoit des salaires de 1000 F à 1500 F inférieurs à ceux des HUG.
Il est nécessaire de rappeler que la qualité du service public dépend naturellement des conditions de travail des personnes qui servent la population et qu'il est aussi important de conserver une certaine forme d'attractivité.
J'aborde très brièvement les pétitions dont nous sommes également saisis: ce sont des pétitions syndicales qui émanent des organisations concernées, elles appellent le Grand Conseil à refuser ce projet de loi. Je vous remercie.
M. Christophe Aumeunier (PLR), rapporteur de minorité. Le rapporteur de majorité l'a dit, quand nous avons déposé ce projet de loi, il s'agissait pour nous de rétablir les HUG, les HES et l'université dans leur statut d'entités autonomes. Ce que nous souhaitons, c'est qu'on supprime les difficultés budgétaires induites par l'octroi d'annuités non contrebalancé par des subventions accordées à ces établissements pourtant dénommés autonomes. Ce que nous souhaitons aussi, c'est permettre une gestion plus souple et une plus grande efficience dans les ressources humaines desdites entités. Supprimer ces difficultés budgétaires induites par l'octroi des annuités aurait une influence sur l'exercice qui a lieu ces jours, car on peut penser que les entités qui ne sont pas subventionnées à 100% devront trouver par elles-mêmes les ressources salariales liées par exemple à l'augmentation que représente l'annuité. Une entité qui fonctionne avec 60% de subventions étatiques devra financer 40% de l'annuité par elle-même. Cela pose des problèmes budgétaires importants et suscite des critiques qu'on a entendues récemment de part et d'autre face à l'externalisation des tâches, lorsque ces entités y sont forcées parce que nous les contraignons budgétairement parlant.
Concernant la souplesse et l'efficience dans les ressources humaines, M. Dal Busco, le ministre concerné, a indiqué au cours des auditions que «le système actuel de la grille salariale pose problème dans le sens où il a perdu toute cohérence. Au fil des ans, des métiers ont changé, des nouvelles fonctions sont apparues et cela n'a pas été pris en compte au niveau des grilles salariales». C'est dire, en définitive, que la grille salariale de l'Etat n'est plus adaptée. On nous dira: il y a SCORE ! Mais SCORE ne vient pas, SCORE n'est pas à bout touchant, SCORE ne résout pas le problème que j'évoquais tout à l'heure, à savoir l'augmentation de la masse salariale qui dépasse la partie subventionnée de ces entités.
A l'occasion des auditions, les entités en question nous ont dit ne pas être foncièrement opposées au projet de loi, au regard du fait que ce système est obsolète et qu'elles ont besoin de plus de souplesse pour l'engagement du personnel. Mais il ne s'agit pas que des hauts salaires, au contraire de ce que nous dit le rapporteur de majorité. Pas du tout ! Il faut faire un constat: la grille salariale de l'Etat permet des rémunérations extrêmement fortes pour des fonctions relativement primaires, sans autonomie ni responsabilités particulières, tandis que l'on note des salaires relativement modestes pour des fonctions importantes requérant des qualités professionnelles rares, parfois difficiles à trouver.
Il s'agit en définitive, Mesdames et Messieurs les députés, de rendre souplesse et adaptabilité à ces entités, d'éviter qu'elles ne soient exposées au risque de l'augmentation de la masse salariale de par les annuités. Et puis, il sied de rappeler que de toute manière, la grille salariale qu'elles adopteraient serait sous le contrôle du Conseil d'Etat. Il ne s'agit pas, comme on a pu le penser à l'écoute de l'intervention du rapporteur de majorité, de supprimer le contrôle sur ces salaires. Bien au contraire, ces salaires seraient contrôlés par le Conseil d'Etat d'une part et par le contrat de prestations d'autre part. Je vous appelle donc à voter ce projet de loi et à classer les trois pétitions. Merci, Mesdames et Messieurs les députés.
M. Christo Ivanov (UDC). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, le projet de loi 11954 a été déposé il y a deux ans et demi. Il propose de donner plus d'autonomie aux HUG, aux HES et à l'Université de Genève. Certains établissements comme les Services industriels, les TPG et l'Aéroport international de Genève ayant leur propre grille salariale, cela conduit à se demander pourquoi tous les établissements publics autonomes ne sont pas sur un pied d'égalité. Les débats récurrents au Grand Conseil sur la question des annuités leur donnent assez peu de prévisibilité. La question du management d'un établissement public autonome est centrale, en milieu hospitalier par exemple. La flexibilité doit être donnée aux établissements publics autonomes pour qu'ils puissent avoir une véritable politique des salaires qui ne prévoie pas nécessairement des annuités automatiques. Un des objectifs de ce projet de loi est que la discussion sur les annuités se fasse dans le cadre du contrat de prestations. Ce Grand Conseil attend déjà le projet SCORE depuis quatre ans, sans parler du plan financier quadriennal pour les années 2018 à 2021, qui vient d'arriver. Enfin, je dirai que ce projet de loi se veut proactif. Par conséquent, le groupe UDC vous demande de l'accepter. En ce qui concerne les trois pétitions, il en demande le dépôt sur le bureau du Grand Conseil. Je vous remercie, Monsieur le président.
M. Alberto Velasco (S). Contrairement aux coupes auxquelles on assiste à la commission des finances, qui sont des coupes linéaires d'une violence incroyable, au moins, là, le parti libéral a présenté un projet qui se dit structurel: il s'attaque aux salaires de la fonction publique et à sa structure. Ça, c'est le côté avantageux pour nous, car ça nous permet de voir la stratégie de ce parti. Mais, Mesdames et Messieurs, après avoir asséché les finances publiques, le dernier rempart qui reste, le moyen par lequel on peut encore essayer de faire des économies, c'est le fait de s'attaquer aux charges. Cet objet s'attaque justement aux charges. Et comment ? En libéralisant le principe d'égalité de traitement qui est fondamental pour la fonction publique et en introduisant ce qu'on appelle l'équité, ce qui veut dire que les directeurs pourront gagner bien plus et ceux d'en bas bien moins. On assiste déjà à ce processus dans les EMS, vous avez vu ce qui s'est passé.
On a donné pour exemple les annuités. Nous, les socialistes, nous avons déposé un projet de loi pour lequel M. Cyril Aellen doit encore rendre son rapport de majorité, projet de loi qui dit quoi ? Le problème des annuités relevé par le rapporteur de minorité est réel: quand le Conseil d'Etat ne donne que 50% de subvention à l'Hôpital cantonal et qu'il ne subventionne donc qu'à 50% les annuités, en effet, au moment où nous, les députés, donnons une annuité entière, l'hôpital doit chercher ailleurs le financement. Mais il suffit, dans ce cas-là, que le Conseil d'Etat finance la totalité de l'annuité, et le problème est résolu ! Il n'y a pas besoin de s'attaquer aux salaires de toute la fonction publique, Mesdames et Messieurs, il suffit de voter cela. Mais non, on prend cette excuse pour dire: vous voyez, s'il n'y avait pas ce problème, l'hôpital pourrait ne donner qu'une demi-annuité.
Mesdames et Messieurs, ce projet est extrêmement dangereux, parce que nous allons voir par exemple dans les écoles des professeurs qui seront plus ou moins payés: si tel professeur est bien vu par la direction, il gagnera plus; si par malheur il ne peut pas donner ses cours comme il faut en raison d'un problème physique - parce qu'on n'est pas toujours en forme - il verra peut-être son salaire diminué, ou revu par rapport à d'autres. On introduit une discrimination salariale dans la fonction publique, Mesdames et Messieurs, et ceci est très grave. La fonction publique, c'est l'égalité de traitement, la non-compétitivité entre toutes les fonctions. C'est fondamental, sinon, on revient à ce qu'on appelle la loi de la jungle. On connaît déjà ça dans le secteur privé, ne l'introduisons pas dans le service public, votons contre ce projet de loi. Merci, Mesdames et Messieurs. (Quelques applaudissements.)
M. Jean-Marc Guinchard (PDC). Mesdames et Messieurs, chers collègues, comme les rapporteurs l'ont rappelé, ce projet de loi vise surtout une plus grande souplesse qui serait ainsi laissée aux trois établissements autonomes mentionnés, les HUG, les HES et l'université. Ces trois établissements se distinguent non seulement par les prestations de qualité qui sont rendues à la population genevoise - et au-delà, d'ailleurs - non seulement dans le domaine des soins, de l'enseignement et de la formation, mais aussi dans celui de la recherche, en collaboration avec d'autres milieux académiques ou avec les milieux économiques, comme c'est une constante exigée par exemple pour les hautes écoles.
Au-delà du problème des annuités, récurrent dans ces établissements, qui lie les mains de leurs directions et les empêche d'avoir suffisamment de souplesse, et au-delà du problème de l'égalité de traitement aussi relevé tout à l'heure, il faut rappeler que ces trois entités ne sont pas en concurrence avec les acteurs locaux: elles le sont avec des acteurs nationaux et, surtout, internationaux; je parle en particulier des HUG. Cela a été reconnu par la même majorité qui se dit ce soir opposée à ce projet de loi, qui a écouté attentivement et a entendu la direction des HUG qui demandait à ce Grand Conseil de maintenir l'indemnité de 8,33% pour l'année prochaine, en arguant justement qu'il fallait conserver les cerveaux et pouvoir assurer une bonne concurrence sur le plan international.
Dans cet esprit, il serait bon, ce soir, de faire preuve de la même cohérence, de faire preuve de la même logique. C'est ainsi que je vous recommande d'accepter ce projet de loi et de déposer sur le bureau du Grand Conseil les trois pétitions qui lui sont liées. Je vous remercie de votre attention. (Quelques applaudissements.)
M. François Baertschi (MCG). L'autonomie des HUG et des hautes écoles, en théorie, dans un monde idéal, pourquoi pas ! On pourrait étudier la question. Mais nous sommes là dans la réalité. C'est un projet imposé par une loi à ces institutions et à leur personnel, sans négociation. Du fait de la méthode utilisée, il nous est malheureusement difficile d'entrer en matière sur cette question. On arrive ici au coeur du problème, d'une méthode dogmatique trop souvent utilisée. On se dit: une idée est bonne, on fait un projet de loi ! Mais ensuite, le projet de loi nous réserve des surprises négatives. Ici, on mélange les HUG et les hautes écoles, je n'ai pas très bien compris la logique de ce système. Ç'aurait été plus intelligent de déposer deux projets de lois, à supposer qu'on veuille donner cette autonomie. Mais surtout, on voit très bien pourquoi Genève est actuellement mal gérée: c'est le coup de force permanent. Des gens se lancent avec des idées dogmatiques, peut-être bonnes au départ, mais néfastes et mauvaises à l'arrivée. (Commentaires.) On est dans la même logique s'agissant du débat budgétaire, comme l'a dit le député Velasco, où l'on essaie à tout prix de rester dans des dogmes, bien loin du réel. Ce coup de force permanent, le groupe MCG ne le veut pas, car c'est par le bon sens qu'on arrivera aux solutions nécessaires, par le bon sens et non par le coup de force. Je pense que le PLR et le PDC seraient bien inspirés d'avoir en tête cette devise: l'enfer est pavé de bonnes intentions. (Commentaires.)
Mme Frédérique Perler (Ve). M. Baertschi a raison, l'enfer est pavé de bonnes intentions. Je ne vais pas exposer à nouveau les arguments de la majorité et de la minorité, mais ce projet de loi pose bien une question essentielle: celle de la mission des services publics que l'Etat offre. C'est bien là que notre vision - celle de la minorité et celle de la majorité - diverge. Pour les Verts, c'est très clair, sous ses aspects quelque peu séduisants, avec une certaine argumentation sur l'autonomie et la souplesse, ce projet de loi s'attaque véritablement aux charges. Il y a un certain nombre de risques qui ont été énoncés, tels que le risque d'augmenter les hauts salaires, de supprimer une certaine mobilité au sein de l'Etat de Genève, le critère de pénibilité, etc. (Remarque.) Dans le travail en commission, le groupe des Verts n'a absolument pas été convaincu ni rassuré par la mise en oeuvre possible de ce texte. Se posait aussi la question de pouvoir véritablement conserver le contrôle démocratique sur des entités qui ont des missions de service public. Pour ces raisons, le groupe des Verts refusera ce projet de loi et renverra les trois pétitions au Conseil d'Etat, tout comme il l'a fait lors des travaux en commission. Je vous remercie. (Quelques applaudissements.)
Mme Magali Orsini (EAG). Je me permets de répéter, je suis désolée ! Selon ses auteurs, ce projet de loi avait pour but de donner plus d'autonomie aux HUG, aux HES et à l'université du fait que d'autres établissements publics, à savoir les SIG, les TPG et l'AIG, ont leurs propres grilles salariales. Si ce texte était adopté, la discussion sur la grille salariale aurait lieu entre l'établissement et les syndicats, le contrôle du Grand Conseil se faisant toujours à travers le contrat de prestations. Il est évident que ce projet ouvre la porte à une libéralisation de l'échelle des salaires. La problématique, déjà à l'époque, était bien d'éviter le projet SCORE. En ce qui concerne les HES, par exemple, le directeur dit qu'il est conscient qu'il ne bénéficierait plus, pour les paies, des services de l'office du personnel de l'Etat, ce qui coûterait très cher. Il reconnaît que parmi toutes les HES de tous les cantons, la HES-SO de Genève est celle qui a la loi qui lui donne le plus d'autonomie. Pour ce qui concerne l'université, le recteur explique que le processus SCORE y a bloqué les réévaluations. La loi actuelle permet à cette entité de bien fonctionner; il ne faudrait pas un total bouleversement. Pour ce qui concerne les HUG, le directeur des ressources humaines se demande ce qui se passerait en matière d'augmentation des salaires futurs s'ils étaient entièrement autonomes, l'Etat ne participant plus au financement en cas d'augmentation, sans cohérence avec l'IMAD, les EMS ou l'Hospice général et les assistants sociaux: cela pourrait se faire au détriment de l'un ou de l'autre. Dans le projet SCORE, la majeure partie de l'augmentation vient du domaine de la santé et du social; elle est donc avantageuse pour les HUG.
Il y a dans toutes ces entités des métiers de base et un personnel administratif et technique commun à tous les secteurs. En sortant ces entités de la loi concernant le traitement du personnel de l'Etat, on enlève à ce personnel la possibilité de passer de l'une à l'autre en trouvant un métier équivalent aux mêmes conditions salariales. On peut se demander à quel système seront livrés les métiers pénibles. Selon une syndicaliste, ce projet de loi est la porte ouverte au dumping salarial et au salaire au mérite. Les professionnels de la santé ne doivent pas avoir à se préoccuper de la manière dont ils gagnent leur salaire à la fin du mois. Vouloir sortir ces établissements publics du système salarial de l'Etat, c'est exposer plus de 13 000 salariés aux lois du marché privé. On pourrait craindre que l'échelle des traitements ne serve de variable d'ajustement quand le contrat de prestations prévoirait des prestations constantes avec une subvention en baisse. Dans le projet SCORE, on s'aperçoit qu'on baisse les basses classes de salaires, en se préoccupant surtout des hauts cadres qu'on veut attirer. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.)
Pour ce qui concerne la CPEG, il n'y aurait pas d'impact sur le chemin de croissance ou sur l'évolution financière de la caisse. Il va juste falloir déterminer comment la pénibilité s'intègre dans un cadre hors échelle.
Enfin, selon le Conseil d'Etat lui-même, l'entrée en vigueur de SCORE permettra de continuer à attirer du personnel de qualité. Il y a déjà un traitement particulier pour le corps professoral, le but est aussi d'obtenir une certaine harmonisation...
Le président. C'est terminé, Madame.
Mme Magali Orsini. Nous vous proposons donc de rejeter ce projet de loi pour empêcher toute possibilité de baisse des salaires. Je vous remercie.
Le président. Merci, Madame. Je salue à la tribune un groupe de l'Université ouvrière de Genève accompagné de M. Claude Gerber, responsable de formation. Ce groupe nous rend visite dans le cadre d'un cours sur le système politique. (Applaudissements.) La parole est à M. Aellen.
M. Cyril Aellen (PLR). Merci, Monsieur le président. J'avoue être un peu surpris par la teneur des débats. Ceux qui vilipendent SCORE nous expliquent qu'il ne faut surtout pas accorder l'autonomie, parce que SCORE va résoudre les problèmes. Ceux qui cumulent les doubles casquettes, en particulier comme administrateurs des SIG et administrateurs de l'AIG, nous expliquent qu'un système comparable à celui des institutions dont ils ont la charge serait une catastrophe, c'est un aveu que la façon dont ils remplissent leur mandat serait catastrophique. J'entends les uns dire que ce projet de loi permettrait d'augmenter massivement les salaires; j'entends sur les mêmes bancs des gens dire que c'est un moyen de faire des économies sur les salaires.
La vérité, ce n'est rien de tout cela, Mesdames et Messieurs: la vérité est que nous souhaitons pouvoir donner à certains établissements de pointe de notre canton, comme les HUG et l'université, la capacité d'être des sujets de fierté des Genevois et de s'adapter à un environnement qui évolue sans cesse, dans un contexte qui n'est pas forcément semblable au reste de l'Etat. Mesdames et Messieurs, les enjeux d'une université ou d'un hôpital universitaire sont aujourd'hui importants et il convient de leur accorder l'autonomie nécessaire pour qu'ils parviennent à régater avec d'autres institutions similaires et ainsi à continuer d'être la fierté de notre canton. Jusqu'à nouvel avis, je n'ai pas vu aux SIG ou aux TPG qu'il ait été question d'une pratique particulièrement problématique s'agissant des bas salaires. Au contraire, dans ces deux institutions, il n'y a pas eu seulement une adaptation du salaire, mais une adaptation du statut du personnel, statut qui tient compte - par exemple aux TPG - d'un travail effectué sept jours sur sept, d'un travail effectué en heures de nuit, au sens de la loi sur le travail; de même aux HUG. Ne lisons-nous pas régulièrement dans les journaux que les HUG ont de la difficulté à respecter un certain nombre de normes précisément parce que le statut rigide et inadéquat pour cette institution - parce que ce statut est adapté à une administration différente - ne permet pas d'y respecter les conditions normales de travail ?
On dit que ce projet de loi est un coup de force. Il a été déposé en 2015 et étudié pendant deux ans. De nombreuses auditions ont eu lieu en commission. (Brouhaha. L'orateur s'interrompt.) Monsieur le président...
Le président. S'il vous plaît ! Monsieur Cerutti ! Merci.
Une voix. A la buvette !
M. Cyril Aellen. Merci, Monsieur le président. Ce projet de loi, à la forme, n'est pas un coup de force: il arrive devant vous après deux ans d'examen par notre Grand Conseil. Il ne prévoit pas une rupture, mais un changement dans la continuité. Avec ce texte, le statut actuel ne va pas tomber. Ce statut va pouvoir être remis dans les mains à la fois des représentants du personnel et des représentants de la direction de ces institutions... (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) ...pour qu'un partenariat social propre aux institutions concernées puisse s'instaurer, pour qu'elles puissent trouver un statut adapté, pas seulement sur le plan salarial, mais aussi sur le plan des horaires et de beaucoup d'autres points propres à chacune.
Le président. Il vous faut terminer, Monsieur.
M. Cyril Aellen. Monsieur le président, j'ai été interrompu, je poursuis. Je crois que celui qui est attaché à ces institutions et qui veut leur octroyer la capacité de s'adapter au monde qui change...
Le président. Nous avions arrêté le chronomètre, c'est terminé; vous dépassez déjà de dix secondes. Merci, Monsieur. (Protestations.)
Une voix. Bravo !
Le président. Monsieur Saudan, vous n'avez plus de temps à disposition, malheureusement. Monsieur Deneys, il vous reste dix secondes. (Remarque.) Pas plus !
Une voix. De la concision !
M. Roger Deneys (S). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi a été déposé dans l'attente de SCORE, ça figure dans l'exposé des motifs. C'était peut-être légitime à l'époque. Aujourd'hui, le projet SCORE est déposé, nous devons le traiter en tant que tel, je suis même étonné qu'en conséquence cet objet n'ait pas été retiré. Je vous demande donc de le refuser.
Une voix. Ça, c'est de la concision !
Le président. Merci, Monsieur. Il ne reste plus de temps au rapporteur de majorité. Monsieur le rapporteur de minorité, vous avez quinze secondes. (Remarque.) Comme vous ne souhaitez pas prendre la parole, je la passe à M. le conseiller d'Etat Dal Busco.
M. Serge Dal Busco, conseiller d'Etat. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, il m'incombe de vous apporter la position du Conseil d'Etat sur ce projet de loi. Comme j'ai eu l'occasion de le dire en commission, le Conseil d'Etat ne le soutient pas, pour deux raisons principales que je vais évoquer. Premièrement, on l'a entendu, et de ce point de vue là, on ne peut que se réjouir, on recherche de la souplesse et de l'efficience dans la gestion. Avec le système de rémunération actuel, le système SEF, qui existe depuis 1973, qui est éculé, il est difficile d'imaginer cette efficacité. C'est pourquoi le Conseil d'Etat a déposé un projet de loi qui s'appelle SCORE. Lors du dépôt du présent objet, SCORE n'était pas encore déposé, mais maintenant, il l'est, et il se trouve entre les mains de votre Grand Conseil. Il est possible, il est même souhaitable - et j'espère qu'il est certain - que ce Grand Conseil va empoigner ce dossier... (Brouhaha.) ...puisque j'ai entendu évoquer SCORE aussi bien parmi les opposants à cet objet que parmi ceux qui le soutiennent. Il y a une perspective de souplesse et d'efficience avec ce projet, un projet qui va remettre... (Brouhaha. L'orateur s'interrompt.)
Une voix. L'église au milieu du village !
M. Serge Dal Busco. Certainement, mais qui va surtout permettre d'apporter cette souplesse requise, ainsi que la possibilité pour l'Etat de recruter des talents précisément dans les domaines évoqués - médical, académique - et qui permettra aussi de revaloriser les postes de cadres, car, contrairement à ce qui a été indiqué dans une comparaison avec le secteur privé, ce ne sont pas les salaires moyens et inférieurs qui sont insuffisants dans la fonction publique, ce sont bien les salaires de l'encadrement et des directions. C'est la raison pour laquelle le projet SCORE nous permettra - je l'espère - de supprimer l'inégalité introduite par ce Grand Conseil lors de la suppression de la prime dont bénéficiait l'encadrement jusqu'en janvier 2015. SCORE est en bonne voie, il est parfaitement en phase: c'est une raison, à mon avis, de penser qu'il pourra résoudre un des éléments que le projet de loi dont nous discutons ce soir met en exergue, ce manque de souplesse.
Deuxième élément, la fameuse marge de manoeuvre budgétaire dont disposent les institutions. Je pense qu'il faut clairement distinguer, Mesdames et Messieurs les députés, les institutions qui sont subventionnées et celles qui ne le sont pas. Je comprends bien que pour les institutions autonomes, dont l'autonomie dépend financièrement de grosses subventions et qui doivent appliquer les mécanismes salariaux, un certain nombre de problèmes se posent lorsque ces mécanismes ne sont pas entièrement couverts par la subvention. Il n'en demeure pas moins que s'il y avait une latitude totale en matière de politique salariale, il y aurait un problème de couverture. Le Conseil d'Etat remarque juste que dans les institutions qui ne sont pas subventionnées et versent une partie de leur bénéfice à l'Etat de Genève, on observe, par exemple à l'aéroport et aux SIG, que le niveau des salaires est globalement plus élevé que dans les institutions qui appliquent la LTrait. On craint, dans un contexte de subventionnement, que la même tendance s'exprime ou se développe au sein de ces institutions subventionnées dont on voudrait maintenant qu'elles soient totalement autonomes. (Brouhaha.)
Finalement, Mesdames et Messieurs - je conclurai par là - on constate un peu sur tous les bancs les effets budgétaires des mécanismes salariaux au sein des institutions subventionnées. Le meilleur moyen aux yeux du Conseil d'Etat de régler ce problème de la couverture budgétaire - comme il en a souvent exprimé le souhait lorsqu'on lui en a fait la proposition, et comme il a d'ailleurs pu en bénéficier pendant, je crois, trois semaines, il y a quelque temps - est de lui permettre de bénéficier de la latitude en matière d'octroi des mécanismes salariaux. Ça permettrait de résoudre le problème; quant aux autres problèmes évoqués par le projet de loi, c'est SCORE qui va les résoudre. Pour ces raisons, le Conseil d'Etat ne soutient pas, vous l'aurez compris, ce projet de loi. Merci de votre attention.
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. J'invite l'assemblée à se prononcer sur l'entrée en matière du PL 11594.
Mis aux voix, le projet de loi 11594 est rejeté en premier débat par 50 non contre 45 oui.
Le président. Il s'agit maintenant de voter sur les trois pétitions liées à ce projet de loi.
Mises aux voix, les conclusions de la majorité de la commission ad hoc sur le personnel de l'Etat (renvoi de la pétition 1960 au Conseil d'Etat) sont adoptées par 50 oui contre 43 non et 1 abstention.
Mises aux voix, les conclusions de la majorité de la commission ad hoc sur le personnel de l'Etat (renvoi de la pétition 1962 au Conseil d'Etat) sont adoptées par 51 oui contre 42 non.
Mises aux voix, les conclusions de la majorité de la commission ad hoc sur le personnel de l'Etat (renvoi de la pétition 1963 au Conseil d'Etat) sont adoptées par 51 oui contre 42 non.