Séance du jeudi 2 novembre 2017 à 20h30
1re législature - 4e année - 8e session - 42e séance

M 2196-A
Rapport de la commission de l'environnement et de l'agriculture chargée d'étudier la proposition de motion de Mmes et MM. Christina Meissner, Martine Roset, Bernhard Riedweg, Patrick Lussi, Thomas Bläsi, Eric Leyvraz, Sandra Golay, Jean-François Girardet, Danièle Magnin, Marc Falquet, Ronald Zacharias, Marie-Thérèse Engelberts, Michel Baud, Michel Ducommun, Jocelyne Haller, Thomas Wenger, Alberto Velasco, Isabelle Brunier, Lydia Schneider Hausser, Jean-Luc Forni : Des jardins sur les toits
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session VIII des 2 et 3 novembre 2017.
Rapport de Mme Isabelle Brunier (S)

Débat

Le président. Nous traitons à présent la M 2196-A en catégorie II, trente minutes. Le rapport est de Mme Brunier, à qui je laisse la parole.

Mme Isabelle Brunier (S), rapporteuse. Merci, Monsieur le président. Je serai brève: si l'urgence a été demandée, c'est parce que cette motion, déposée, si je ne m'abuse, en 2014 - j'ai d'ailleurs oublié de le mentionner dans le rapport - a passé beaucoup trop de temps dans les... (Le micro de l'oratrice grésille.) J'entends mal... On s'entend mal, n'est-ce pas ? Je vais essayer le micro d'à côté. (L'oratrice change de place.) Bon, ça ne marche pas, alors je retourne à mon siège. (L'oratrice revient à sa place. Quelqu'un remet le protège-micro de l'oratrice.)

Mme Isabelle Brunier. Ah, merci !

Le président.  Ça fonctionnera sans doute mieux avec le petit chapeau !

Mme Isabelle Brunier. Oui, j'espère que ça ira mieux avec le chapeau. Cette motion, donc, déposée, si je ne m'abuse, en 2014, a passé beaucoup trop de temps dans les méandres de la commission de l'environnement. Quand elle y a enfin été abordée, les travaux ont duré longtemps, avec une période creuse de plus d'une année entre deux phases de traitement. La rapporteuse désignée n'ayant pas fait son travail, on se trouvait à la limite de l'échéance, et j'ai finalement accepté de rédiger un rapport le plus rapidement possible afin que nous puissions en parler ici. Mais, péripétie supplémentaire, la motion devait normalement passer aux extraits demain, et il y a eu une tentative de l'en retirer; il a donc fallu qu'on vote l'urgence tout à l'heure pour la remettre à l'ordre du jour.

Après tous ces rebondissements, j'aimerais juste dire la chose suivante: aménager des jardins sur les toits, ça ne consiste pas en une simple végétalisation. Dans cette enceinte, que ce soit au Conseil municipal de la Ville de Genève ou au Grand Conseil, on a souvent parlé de végétalisation des toits, la plupart du temps de simples prairies sèches. Or le principe de jardins sur les toits va beaucoup plus loin: ça commence certes avec une végétalisation, mais ça peut aller de jardins d'agrément de diverses sortes jusqu'à une certaine forme d'agriculture - le sujet a été évoqué en commission, on a même discuté pour déterminer si ça pouvait être décompté comme surface d'assolement, voire comme surface de compensation pour des suppressions de terres agricoles - donc on peut passer d'un extrême à l'autre.

Quand il a été déposé, ce texte était assez précurseur, car il va plus loin que de précédentes motions sur des sujets qui semblaient proches. Puis, le temps s'est écoulé et la réalité l'a rattrapé puisque, la semaine même où je rédigeais ce rapport, un article de la «Tribune de Genève» relevait l'existence d'une association et d'une entreprise fondées par trois jeunes femmes qui proposent justement leurs services pour établir des jardins sur les toits et qui ont recensé jusqu'à 150 000 surfaces susceptibles de recevoir ce nouvel aménagement. Voilà, je m'arrêterai là. Je regrette tout le temps perdu, mais vous encourage malgré tout, Mesdames et Messieurs, à voter cette motion. Merci.

M. Jean-François Girardet (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, le MCG soutiendra cette motion, comme il l'a d'ailleurs fait en commission, car elle est intéressante, notamment dans le cadre des surélévations d'immeubles. En effet, ce genre de transformation crée généralement des nuisances pour les locataires des étages inférieurs, et ce serait un bon argument pour les promoteurs que de favoriser l'aménagement de jardins sur les toits. Ce serait également une manière de promouvoir la biodiversité en ville. En accompagnant la végétalisation des toitures par la pose de cellules photovoltaïques, on contribuerait par ailleurs, en plus de la récupération de l'eau de pluie, à un gain d'énergie. Je vous remercie d'adopter cette motion et de la renvoyer au Conseil d'Etat.

Mme Delphine Klopfenstein Broggini (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, ce texte renvoie à une notion qui nous est chère, celle de la nature en ville. Renforcer le rôle de la nature en milieu urbain est essentiel, et végétaliser les toits fait pleinement partie de cette démarche. Il s'agit d'ailleurs d'une préoccupation que les Verts expriment depuis longtemps: voilà plus de vingt ans que nous réclamons que les toits se verdissent. Oui, végétaliser les toits est une bonne chose: d'abord, ça permet d'isoler les bâtiments - du froid en hiver, du chaud en été - et c'est un apport de verdure non seulement bienvenu dans les quartiers d'habitation, souvent piégés dans la grisaille et le béton, mais également déclinable puisqu'on passe de la mousse au jardin potager, en transitant par des arbustes ou même de petits vergers. Ensuite, ça protège du bruit extérieur, ce qui est une donnée extrêmement importante à l'heure où les nuisances sonores représentent l'un des principaux maux en ville, tout en constituant un tapis rouge pour la biodiversité. Enfin, ça offre une belle esthétique, ce qui contribue largement à la qualité d'une ville.

Mais au-delà de ces considérations évidentes, il nous appartient de cesser de compartimenter d'un côté la nature, d'un autre l'espace urbain, et de l'autre encore l'agriculture. Notre canton souffre de la pollution, les normes OPair et de l'ordonnance sur la protection contre le bruit ne sont pas respectées, et nous frisons régulièrement les seuils d'alerte, quand nous ne les dépassons pas ! Or la nature, que nous ne savons bien souvent pas respecter, nous protège: aménager des espaces naturels et des accès à l'eau, véritables îlots de chaleur, rafraîchit drastiquement en cas de canicule, multiplier les jardins potagers à proximité immédiate des habitations apporte savoir-faire, autonomie et qualité de vie.

Le potentiel sur les toits est grand ! Installons-y aussi des ruches, des panneaux solaires, des terrasses et - pourquoi pas ? - des saunas. Bref, pour toutes ces bonnes raisons, nous vous invitons, Mesdames et Messieurs les députés, à soutenir cette motion.

Mme Geneviève Arnold (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, le PDC votera évidemment cette motion, même s'il regrette le temps qui s'est écoulé depuis son dépôt, car ce qui était novateur à l'époque nous semble maintenant parfaitement naturel. Depuis, en effet, nous voyons se développer à Genève, tant en ville que dans les communes, des potagers urbains, des espaces de jardinage dévolus à la population, et pas forcément au rendement. Il s'agit d'une nouvelle dimension de la culture qui allie plaisir et consommation locale. Si les toits des immeubles offrent des espaces intéressants, leurs façades peuvent également être prises en considération. L'intérêt social d'une telle démarche est réel: elle favorise les liens entre habitants ou la vente directe de proximité.

Cette motion incite à la végétalisation et tend à faire construire des quartiers durables, ce que nous relevons avec plaisir. Les éléments présentés dans ce texte nous semblent aujourd'hui couler de source, l'aménagement étant lié à l'environnement et à l'agriculture. Les démocrates-chrétiens encouragent ce type de plantations bien intégrées dans le paysage urbain, qui rappellent l'importance de consommer des produits locaux et de saison. Ainsi, ils voteront cette motion et vous encouragent à faire de même. (Quelques applaudissements.)

M. Thomas Wenger (S). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, le parti socialiste aussi soutiendra cette motion, bien entendu. Il est en effet très important de promouvoir la biodiversité dans nos villes, qui souffrent de plus en plus de la pollution, que ce soit de l'air ou sonore, comme l'a relevé ma collègue Verte. Aujourd'hui, de nombreuses actions sont mises en place dans ce but - citons par exemple le programme «Nature en ville», développé par le magistrat de la Ville de Genève Guillaume Barazzone.

Clairement, les toits des immeubles peuvent favoriser la biodiversité en permettant l'aménagement d'espaces naturels, mais cette possibilité est pour l'heure sous-employée, Monsieur le président. On peut y créer - ça a été indiqué - des jardins, des prairies ou des potagers pour y cultiver des légumes, on peut simplement les végétaliser, toutes ces options étant propices au développement de la flore et de la faune, notamment des insectes pollinisateurs comme les abeilles, des papillons ou des coléoptères.

Ces derniers temps, plusieurs projets de ce type ont été menés, par exemple sur les toits de l'université, où on a aménagé des ruches, des potagers, des bacs à légumes. Le volet social d'une telle démarche est très intéressant: les étudiants, les membres des associations et les habitants du quartier ou de l'immeuble se retrouvent pour jardiner ensemble, pour partager un bon moment, ce qui constitue une dimension très importante.

A cet égard, il faut rappeler aux gens, notamment aux enfants - c'est essentiel et ma préopinante l'a aussi souligné - que les tomates ne poussent pas à la Coop, qu'on n'a pas spécialement besoin de manger des haricots du Costa Rica ou de l'autre bout du monde en plein mois de décembre et qu'il est très important de consommer des fruits et légumes locaux et de saison. Les enfants, mais également les adultes - la plupart du temps, ce sont quand même eux qui cuisinent - doivent se réapproprier cette notion de produits du terroir, de fruits et légumes de saison.

Pour toutes ces raisons, le parti socialiste pense qu'il est indispensable de pouvoir utiliser les toits, soit pour les végétaliser, soit pour y installer des panneaux solaires - ce sont là deux possibilités différentes qui ne sont pas contradictoires. Je conclurai, Monsieur le président, en disant ceci: les toits doivent contribuer à un meilleur environnement, tout comme toi !

M. Stéphane Florey (UDC). Je constate à regret que ce Grand Conseil a la mémoire courte puisqu'il y a quelques mois, la commission des travaux refusait à une très large majorité une motion sur le même sujet. A cet égard, je constate également que la commission de l'environnement et celle des travaux ont des sensibilités totalement différentes. A l'époque, en effet, la commission des travaux avait refusé ladite motion principalement pour des questions de coûts, que la motionnaire s'était bien gardée d'aborder au moment de sa présentation. En effet, un jardin de toiture représente 30% de coûts supplémentaires à la construction, coûts qui sont inévitablement reportés sur le prix des appartements, sur le prix des bureaux, globalement sur le prix du bâtiment. Vous pouvez secouer la tête, Madame Meissner, vous le savez très bien, c'était inscrit dans le rapport. De plus, est-il vraiment nécessaire que l'Etat s'occupe de promotion ? Non. L'Etat a d'autres choses à faire, il est censé être au service du citoyen, ce qu'il devrait faire plutôt que de la promotion.

Maintenant, il n'y a absolument rien de novateur dans le concept de toitures végétalisées, ça fait plus de trente ans que cela existe. Des entreprises genevoises sont spécialisées dans ce secteur, elles ont développé les toitures jardins dès le départ - je connais très bien le domaine puisque je suis moi-même étancheur à la base, je sais de quoi je parle - et la société phare est située à Meyrin.

Actuellement, il y a une polémique autour du glyphosate, et c'est justement là l'erreur de tous ces petits jardins qui se créent à droite, à gauche, ça a été largement constaté lors d'études... (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) ...il n'y a rien de plus nocif que ces quelques salades cultivées à la petite semaine. En effet, que font les gens ? Ils donnent un coup de spray anti-bébêtes par-ci, un coup de spray anti-maladies par-là, ils s'empoisonnent à longueur d'année, et pourquoi ? Pour obtenir une plus belle salade que leur voisin ! Personnellement, on m'en donnerait une, je n'en voudrais pas...

Le président. Merci de conclure, Monsieur.

M. Stéphane Florey.  Ça a été signalé à la radio encore dernièrement, ce genre d'initiative est nocive pour la santé. Au final, Mesdames et Messieurs, je vous invite à refuser cette motion. Merci.

Une voix. Très bien !

Mme Simone de Montmollin (PLR). Après toutes ces diatribes qui présagent des programmes de campagne fort intéressants, j'aimerais qu'on revienne sur cette motion qui, je le rappelle, avait été adoptée à l'unanimité de la commission, aurait dû passer aux extraits et se retrouve ici par le truchement d'une situation quelque peu abracadabrante. Le PLR n'avait pas l'intention de prendre la parole sur ce sujet aujourd'hui, mais il le fait volontiers pour réaffirmer qu'il soutiendra cette motion, non pas en raison des arguments des uns et des autres, qui font des amalgames assez malheureux de toutes sortes de concepts, mais simplement pour que le Conseil d'Etat puisse répondre aux questions que nous avions posées.

En effet, à l'instar de la FTI, nous estimons que si ces opportunités nouvelles doivent être explorées et exploitées, elles soulèvent aussi un grand nombre de questions techniques et juridiques, auxquelles nous aimerions obtenir des réponses. Le département a effectué plusieurs essais et autres études depuis le dépôt de cette motion, il nous avait d'ailleurs promis un rapport comportant un inventaire des toits plats végétalisables à Genève pour début 2017, rapport que nous n'avons pas reçu, et nous souhaitons pouvoir disposer de ces informations. Cette motion doit suivre le cours normal de la procédure et être renvoyée au Conseil d'Etat afin que celui-ci nous apporte des réponses dans les meilleurs délais. Je vous remercie.

M. Gabriel Barrillier. Très bien !

Le président. Merci, Madame. La parole revient à Mme Meissner pour une minute trente.

Mme Christina Meissner (HP). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs, je vous remercie d'avoir voté l'urgence sur cette motion déposée il y a trois ans, ainsi que de votre soutien à tous - ou presque - afin qu'elle soit renvoyée au Conseil d'Etat ce soir. Merci aussi à la rapporteuse pour son texte très complet. Réaliser des jardins sur les toits - et pas seulement des toitures végétalisées - est toujours d'actualité en 2017. A Genève, 150 000 toits pourraient ainsi être aménagés, dont beaucoup sous forme de jardins. Alors que la population devient de plus en plus urbaine, que le sol s'imperméabilise et que le climat se réchauffe en conséquence, il est plus que jamais nécessaire de rendre les villes plus vertes. Les toits offrent un beau potentiel qui contribuerait à maintenir ce lien essentiel avec la terre, et nous en avons tellement besoin ! Je remercie d'ores et déjà le Conseil d'Etat pour son implication et pour sa réponse à cette motion destinée à favoriser la nature en milieu urbain. Merci de maintenir la qualité de la vie et de la ville !

M. Olivier Cerutti (PDC). Je serai très rapide, Monsieur le président. J'aimerais simplement dire que l'Etat a déjà fait passablement de sensibilisation en faveur des toitures végétalisées, qu'il existe notamment une taxe de rétention d'eau. Cette taxe est une nécessité, parce qu'à force d'étancher nos sols, on crée une augmentation du débit dans les rivières et les cours d'eau, ce qui pose certains problèmes, notamment en cas de forts orages. Aujourd'hui, l'Etat a déjà fait le nécessaire, a déjà insufflé un mouvement dans cette direction au travers de taxes, et je crois qu'il était important de le rappeler, car il semble qu'on l'ait un peu oublié. Je vous remercie.

Le président. Merci, Monsieur. La parole n'étant plus demandée, je mets ce texte aux voix.

Mise aux voix, la motion 2196 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 78 oui contre 4 non et 4 abstentions.

Motion 2196