Séance du
vendredi 22 septembre 2017 à
18h05
1re
législature -
4e
année -
6e
session -
35e
séance
PL 11501-A
Suite du premier débat
Le président. Mesdames et Messieurs, nous allons aborder le dernier sujet du jour. Je vous rappelle qu'hier, nous n'avons pas terminé le premier débat sur le projet de loi 11501. Les personnes inscrites pour prendre la parole étaient M. Zacharias, pour trois minutes, et M. Falquet, pour une minute trente. Concernant les rapporteurs, Mme Haller s'est annoncée, il lui reste cinquante secondes. La dernière personne qui peut encore parler est un député du PDC, les autres groupes ayant épuisé leur temps de parole. Le PDC a encore trois minutes quarante. La parole est à M. Zacharias pour trois minutes.
M. Ronald Zacharias (MCG). Merci, Monsieur le président. Chers collègues, pour financer le très ambitieux programme contenu dans ce projet de loi dont la finalité est noble, il faut bien le dire, puisqu'il s'agit de tenter de mettre un terme au chômage, le texte a implicitement recours à deux instruments de politique économique, l'un budgétaire, l'autre fiscal. La politique économique budgétaire fait appel à un concept peaufiné par la gauche depuis des années, celui de l'endettement enrichissant. Qu'est-ce que c'est ? C'est d'abord une dette publique qui n'a pas pour vocation d'être remboursée. L'obligation «j'emprunte, donc je dois» est remplacée en matière publique par «j'emprunte, donc j'ai plus». Cerise sur le gâteau, les intérêts négatifs: vous le comprendrez aisément - et en cela, il faut donner raison à la gauche - dans un contexte pareil, pourquoi maintenir un frein à l'endettement ? Ce n'est plus utile, ni même de tenter d'obtenir un équilibre budgétaire.
Le deuxième instrument est fiscal, il ressort de la doctrine de la fiscalité régénérante. Qu'est-ce que c'est ? On se souvient du conseil de Colbert à Louis XIV: en matière d'impôts, il faut plumer la volaille sans trop la faire crier. Ce projet de loi de la gauche va plus loin; après avoir écorché vif, on se rend compte qu'il y a encore de la chair et des os, en d'autres termes, il n'y a plus de limites. Forte de ces deux instruments, la gauche se propose de mettre un terme au chômage. Eh bien ce sera sans nous ! Je vous remercie.
Mme Jocelyne Haller (EAG), rapporteuse de deuxième minorité. Je ne répondrai pas à M. Zacharias, ça n'en vaut pas la peine. J'aimerais juste dire que ce texte, outre qu'il veut lutter efficacement contre le chômage, propose de mettre de l'ordre dans le domaine de l'insertion afin qu'il cesse d'être un marché d'aubaine pour employeurs en mal de subventions ou patrons indélicats qui profitent de la détresse des demandeurs d'emploi pour abuser de leur situation et déréguler le marché du travail. Quels qu'aient été les montants qu'on aurait retenus pour ce projet de loi si l'on était entré en matière, j'aimerais dire que le véritable gouffre à millions, ce n'est pas ce projet de loi: ce texte est un investissement sur l'avenir, un investissement pour l'avenir des demandeurs d'emploi et des personnes à l'aide sociale, qu'il cherche véritablement à aider. Le véritable gouffre à millions, c'est, comme on l'a dit hier... (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) ...la RIE III, qui revient sous de nouveaux oripeaux, la PF 17. Ne l'oublions pas, ce projet propose des cadeaux somptueux aux entreprises les plus riches de ce canton. Or nous, ce que nous voulons, c'est véritablement aider les chômeurs à sortir du chômage, permettre aux personnes de sortir de l'aide sociale, ce que vous avez généralement tendance à oublier de faire. Je vous remercie de votre attention.
M. Marc Falquet (UDC). On constate en effet que la population genevoise devient de plus en plus pauvre, mais les solutions proposées par la gauche sont extrêmement mauvaises. Ce n'est pas ça, le problème ! Le problème est qu'actuellement, à Genève, on assiste à un grand remplacement des travailleurs. Les Genevois de 50 ans et plus sont remplacés par des travailleurs de l'Union européenne de 30 ans et moins. C'est ça, le problème ! Aujourd'hui, à Genève, on a un droit au chômage, mais on n'a pas de droit à l'emploi ! Il faudrait peut-être commencer par inscrire un principe de défense des travailleurs. On ne le fera pas en favorisant des entreprises bidon qui vont encore coûter, en chargeant les entreprises, en chargeant l'Etat qui se trouve dans une situation financière catastrophique. Non ! La solution est d'inscrire un droit prioritaire au travail pour les Genevois. C'est le projet de loi de l'UDC, la priorité à l'emploi; un droit constitutionnel, un droit au travail inscrit dans la constitution. Il y a un droit au chômage où de plus en plus de personnes... (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Voilà, vous avez compris le principe, merci beaucoup. Ah, j'ai encore droit à la parole ! Je continue. C'est tout simple: un droit à l'emploi inscrit dans la constitution, un droit au travail. Aujourd'hui, les syndicats feraient mieux de défendre les travailleurs genevois que de défendre n'importe quoi.
Le président. C'est terminé, Monsieur, merci.
M. Marc Falquet. Tous les jours, à l'UDC, nous avons de nouveaux membres qui sont des exclus... (Le micro de l'orateur est coupé.)
Le président. La parole est à M. Zacharias pour deux minutes.
M. Ronald Zacharias (MCG). Merci, Monsieur le président. Sur le plan systématique, il est quand même assez cocasse de relever qu'à l'article 1, si je me souviens bien, on trouve une consécration du droit au travail, immédiatement suivie des jours de congé. (Remarque.) Ensuite, on a un plan quadriennal, et finalement, bien plus loin, les dispositions qui régissent le travail lui-même. (L'orateur rit.) Je vous remercie.
M. Jean-Marc Guinchard (PDC). Il est vrai que lorsqu'on parle du droit au travail, on se trompe: il s'agit du droit du travail, il n'existe pas de droit consacré au travail. Il est tout à fait dommageable que dans un tel texte, on parle en premier des jours fériés et des vacances. Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi n'est pas réaliste et n'est pas réalisable non plus. Il va coûter 200 à 250 millions, et je reviens avec les dépenses que vous avez votées majoritairement dans ce Grand Conseil hier: nous arrivons déjà à aggraver le déficit du budget pour l'année prochaine d'une telle façon que je ne vois pas comment nous allons nous en sortir. Concernant les attaques permanentes contre les frontaliers, je rappellerai à M. Falquet - vous transmettrez, Monsieur le président - que les représentants de la CGAS auditionnés par la commission de l'économie ont démontré que ce n'est pas l'afflux des frontaliers qui provoque du chômage, mais plutôt la globalisation d'une certaine économie et la délocalisation des entreprises. Je vous encourage vivement à refuser ce projet de loi. Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur. (Remarque.) Vous n'avez plus de temps de parole, c'est fini. Madame Schneider Hausser, pour cinquante secondes. (Remarque.) Ce n'est pas pour vous, c'est pour Mme Schneider Hausser ! Vous n'avez plus de temps de parole. (Un instant s'écoule.)
Une voix. C'est pour toi !
Mme Lydia Schneider Hausser (S), rapporteuse de première minorité ad interim. Ah ! Excusez-moi, Monsieur le président, je n'avais pas entendu mon nom. Mesdames et Messieurs les députés, vous vous offusquez de ce qu'on parle déjà à l'article 5 des jours fériés: nous avons juste suivi la loi actuelle sur le chômage, qui place les jours fériés à l'article 4 ou 5, y compris les trois jours dont quelqu'un s'offusquait hier, désignés par la loi fédérale; c'est repris tel quel. Gardez vos commentaires ou adressez-les à la Confédération ! Ensuite, tout le monde ici se montre préoccupé par la stagnation, voire l'augmentation du chômage. Quelles qu'en soient les raisons, je pense que le nombre de personnes au chômage, demandeurs d'emploi, qui vont grossir les rangs de l'aide sociale...
Le président. Il vous faut terminer, Madame.
Mme Lydia Schneider Hausser. ...nous questionne. Nous vous proposons une possibilité de travail, vous la refusez, j'espère juste que nous ne ferons pas uniquement des économies sur l'aide sociale in fine.
Le président. Merci, Madame. La parole est à M. Béné pour une minute quarante.
M. Jacques Béné (PLR), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Oui, ce projet est très ambitieux: 200 ou 250 millions d'investissement dans des prestations supplémentaires alors que le peuple genevois y a lui-même d'ores et déjà renoncé, c'est en effet très ambitieux. C'est surtout inadmissible de soutenir ce genre de projet pour des partis gouvernementaux comme les Verts et les socialistes. Mesdames et Messieurs, j'ai relevé que la plupart des intervenants en faveur de ce texte étaient soit des fonctionnaires, soit des employés d'organismes publics subventionnés; ils ont des emplois sans contrainte commerciale, sans objectif de rendement financier, dans des entreprises qui ne sont pas privées, des organismes qui ne bénéficieront pas de la PF 17, parce qu'elles ne paient pas d'impôts. Quand on en arrive à dire, Mesdames et Messieurs... non pas Mesdames et Messieurs, mais Mesdames les rapporteurs, que dans notre monde, le travail est très valorisé par rapport à l'aide sociale, ça devient vraiment dramatique. Alors oui, nous défendons les prestations étatiques raisonnables... (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) ...et utiles pour ceux qui en ont réellement besoin; nous défendons l'initiative privée, les entrepreneurs, les créateurs d'emplois à plus-value, et oui, nous défendrons la PF 17 parce que nous croyons à un effet de levier qui bénéficiera aussi à l'emploi. Mais non à ce projet de loi ! Comme le peuple genevois, nous ne défendrons jamais l'assistance généralisée que certains esprits rétrogrades tentent de nous imposer ! (Commentaires.)
M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, je ne m'attarderai pas sur la systématique discutable ou la qualité rédactionnelle douteuse de ce projet de loi. Il doit être rejeté pour d'autres raisons. Il représente une image de la société que nous ne voulons pas: nous ne voulons pas d'une société dans laquelle nous luttons contre le chômage en créant des ateliers protégés pour des personnes qui peuvent parfaitement travailler dans le monde du travail ordinaire. C'est insulter ces personnes qui ont des compétences que de leur dire que nous allons leur créer des emplois sur mesure pour les y mettre et ensuite les stabiliser après quatre ans. Je ne m'attarderai pas sur le fait, relevé par l'un d'entre vous, qu'en son article 5 déjà, cette loi parle des jours fériés, qui à mon sens ne devraient pas être la préoccupation principale quand on essaie de donner un emploi à nos chômeurs. J'en viens à l'article central, qui demande de créer des emplois avec des institutions privées ou associatives à but non lucratif, avec des buts d'intérêt collectif qui n'entreront pas en concurrence avec les entreprises privées. On veut donc, par ce texte, créer des emplois en dehors du marché du travail, en sachant très bien que ce travail-là n'est pas rentable et qu'il ne pourra qu'être subventionné par la collectivité. Ce sont 100 millions au minimum que l'on nous dit vouloir investir dans ce projet, somme qui devra augmenter année après année. Au bout de quatre ans, l'Etat devra tout simplement faire en sorte que ces emplois soient stables. Voulons-nous une société d'assistés ? Est-ce l'image que nous voulons donner de notre société ? Est-ce la dignité que nous voulons rendre à nos candidats à l'emploi qui ont pourtant des compétences et ne demandent rien de mieux que de les mettre au profit de notre économie ? Non, Mesdames et Messieurs, vous ne pouvez pas soutenir un projet de loi comme celui-ci. Le Conseil d'Etat vous demande de le rejeter.
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. J'invite l'assemblée à se prononcer sur l'entrée en matière.
Mis aux voix, le projet de loi 11501 est rejeté en premier débat par 57 non contre 19 oui et 7 abstentions.