Séance du
vendredi 2 juin 2017 à
14h
1re
législature -
4e
année -
4e
session -
18e
séance
P 1979-A
Débat
Le président. Nous abordons à présent la P 1979-A, toujours en catégorie II, trente minutes. Je passe la parole à M. Wicky, qui remplace M. Barbey en tant que rapporteur de majorité.
M. Raymond Wicky (PLR), rapporteur de majorité ad interim. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs, chers collègues, l'office cantonal de l'emploi édicte depuis toujours des directives sur les actions à entreprendre par les personnes malheureusement touchées par le chômage afin de pouvoir recevoir en contrepartie leurs indemnités. Parmi ces actions, l'obligation de produire dix recherches d'emploi par mois est sans doute la plus visible. Or les pétitionnaires se plaignent que cette obligation soit trop contraignante par rapport à la précédente, qui était moins impactante.
La majorité de la commission ne partage pas du tout ce point de vue, car lorsque nous avons auditionné le directeur de l'office cantonal de l'emploi, M. Barbey, ce dernier a clairement stipulé que cette approche était faite de manière généraliste, mais qu'il y avait des possibilités de dérogation, notamment dans le cadre de professions particulières ou dans certains cas de figure où la personne est touchée en raison d'un déplacement à l'étranger, etc. En outre, ces recherches peuvent être effectuées sous de multiples formes. Bien sûr, il y a la demande conventionnelle écrite, mais il est également possible de les faire par e-mail, et même dans certains cas par téléphone. Et cela représente environ 2,5 demandes par semaine en moyenne, ce qui nous paraît on ne peut plus raisonnable si on a la prétention de pouvoir retourner sur le marché de l'emploi. De plus, cela permet également de rester connecté au marché du travail et de ne pas sombrer, compte tenu de la situation pénible à laquelle on est confronté. Enfin, il semble normal à la majorité de la commission que des contreparties raisonnables soient demandées aux chômeurs en échange des allocations reçues. Pour toutes ces raisons, la majorité de la commission vous propose de déposer cette pétition sur le bureau du Grand Conseil. Merci de votre attention.
M. Olivier Baud (EAG), rapporteur de minorité. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, l'office cantonal de l'emploi a effectivement exigé que le nombre de recherches d'emploi soit doublé, passant de cinq à dix. Ce n'est pas une mesure anodine. Que ce soit la Communauté genevoise d'action syndicale - la CGAS - ce parlement ou l'office cantonal de l'emploi, d'ailleurs, je pense que tout le monde souhaite une réinsertion rapide, heureuse et surtout durable des chômeuses et chômeurs de ce canton. La question principale qui se pose donc par rapport à cette pétition - qui a du reste été largement soutenue par le Cartel intersyndical - consiste à savoir si les mesures prises par le département de l'emploi, des affaires sociales et de la santé poursuivent réellement ce but de réinsertion rapide. En effet, pour l'office cantonal de l'emploi, seule la multiplication des recherches d'emploi permet de décrocher un entretien d'embauche, mais certains domaines d'activité ne permettent pas d'accumuler autant de requêtes que le quota prescrit, pour la simple et bonne raison que le nombre d'employeurs potentiels est limité. Par ailleurs, aucune statistique ne montre qu'il y aurait un gain significatif suite au passage de cinq à dix demandes par mois. Ce qui est certain, en revanche, c'est que les pénalités tombent, sous forme d'un retrait d'indemnités opéré par l'OCE, si le quota requis n'est pas atteint. Et l'accumulation de sanctions peut aussi avoir pour conséquence l'exclusion de l'assurance-chômage.
Mesdames et Messieurs les députés, la CGAS n'a pas pour habitude de lancer des alertes à la légère. La demande de retrait des mesures prises par l'OCE, et en particulier de celle qui fixe à dix le nombre de recherches d'emploi par mois, est légitime et mérite donc d'être examinée. Dès lors, un renvoi de cette pétition au Conseil d'Etat serait la solution la plus raisonnable pour qu'on puisse prendre le temps d'étudier si ces dix demandes produisent vraiment l'effet escompté, ou au contraire visent à soustraire les chômeurs des statistiques. En effet, s'ils sont exclus de l'assurance-chômage, il est évident qu'ils disparaissent aussi des statistiques et qu'on pourrait ainsi se satisfaire à bon compte en disant qu'il y a moins de chômage.
Nous voulons véritablement que la réinsertion des chômeurs soit rapide. Tout le monde sait que faire traîner les choses n'est pas l'idéal, mais si c'est pour pouvoir mieux éliminer, nous sommes contre cette mesure. La minorité vous engage donc à renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat. Merci.
Mme Sarah Klopmann (Ve). Dix demandes d'emploi, ça peut évidemment paraître assez peu, mais ça dépend complètement du domaine dans lequel on aimerait retrouver un travail. (Remarque.) Si je suis masseuse, oui, c'est peut-être plus facile, d'autant que c'est un métier qu'on peut aussi exercer en tant qu'indépendant !
Je pense que c'est également une très bonne chose de privilégier, comme c'est actuellement le cas, les compétences plutôt que le métier, mais seulement si la personne a envie de mettre en valeur ses compétences pour trouver un métier en lien avec celles-ci, parce que si on force quelqu'un à faire des offres d'emploi dans un domaine qui ne l'intéresse pas, d'une part ces offres d'emploi ne vont pas être pertinentes, mais en plus la personne va potentiellement prendre la place de quelqu'un d'autre - ce qui finalement ne réglera pas le problème global - et exercer un métier qui la rendra peut-être malheureuse, si bien que ce ne sera pas une réinsertion très durable.
Mais finalement le point qui m'a le plus choquée pendant l'étude de cette pétition, c'est qu'on nous a dit qu'on exigeait maintenant que les personnes effectuent des demandes pour des emplois qui se trouvent à deux heures de route de chez elles. Ça veut donc dire que la journée qu'on est en train de préparer pour les gens, c'est de se lever le matin, de se préparer en vitesse, de faire deux heures de route, de bosser quatre heures, d'avoir une ou deux heures de pause à midi - évidemment sans pouvoir rentrer et éventuellement voir sa famille - de rebosser quatre heures, de refaire deux heures de route, de vite manger en se bâfrant en deux secondes et puis de se coucher, parce qu'il faut être en forme le lendemain. Alors moi je ne sais pas ce qu'est une réinsertion durable, mais si donner aux gens la possibilité, ou plutôt les amener au burn-out ou à la dépression, c'est la vision de la réinsertion durable de l'OCE, je m'y oppose complètement.
En commission, on m'a dit qu'il y avait de nombreux endroits où tout le monde faisait deux ou trois heures de route et que les Etats-Unis en étaient l'exemple parfait. Alors oui, comme je l'ai rappelé en commission, les Etats-Unis en sont évidemment l'illustration parfaite, mais pour ce qui est de l'exemple, c'est aussi un pays où notamment les gens ne prennent jamais de vacances, et c'est surtout l'exemple du pays qui consomme le plus d'antidépresseurs au monde. Je pense donc que ce n'est peut-être pas ce qu'on devrait viser comme modèle ! Enfin, je milite évidemment - vous l'avez compris - pour le droit d'avoir du temps pour flâner, et d'ailleurs je vais bientôt m'y employer. Merci ! (Commentaires.)
M. Christian Frey (S). Le groupe socialiste est également en faveur du renvoi de cette pétition au Conseil d'Etat. En effet, cette nouvelle demande peut en quelque sorte être assimilée au fait de serrer la vis pour les chômeurs, comme si ces derniers attendaient patiemment qu'un emploi leur tombe sur la tête. Or dans ce contexte, serrer la vis ne tient pas compte de la situation particulière des personnes concernées. Chaque situation est différente et mérite d'être considérée comme telle. Des exemples particuliers ont été cités, comme celui d'une maman célibataire ayant la charge de son enfant, etc., qui ne peut pas remplir cette condition des dix demandes.
Cette mesure oblige également le conseiller à appliquer des règles. Certes, on nous dit qu'il y a des exceptions possibles, etc., mais en même temps une règle est faite pour être appliquée, donc il faudrait voir ce que signifie exactement le fait de dire que le conseiller de l'OCE a la possibilité de déroger aux règles. C'est une question ! On peut aussi s'interroger sur le sens. Nous avons auditionné une gestionnaire d'une caisse de chômage qui nous a indiqué à quel point c'était démotivant, déprimant, de postuler dans le vide. Et on sait par ailleurs - c'est M. Barbey lui-même, le directeur de l'OCE, qui l'a dit - que 50% des personnes qui retrouvent du travail le font à travers leur réseau personnel. Qu'est-ce que c'est, le réseau personnel ? Eh bien c'est boire un coup avec des amis à un moment donné, obtenir une information que d'autres n'ont pas et sauter dessus. C'est ça, les 50% de personnes qui trouvent un travail à travers leur réseau personnel. Enfin, on l'a mentionné, cette mesure augmente de plus le risque de pénalités injustifiées, voire d'exclusion de la caisse de chômage au moment où des manquements, par exemple à cette règle des dix demandes, s'accumulent.
Le directeur de l'OCE, M. Barbey, nous a affirmé que sur 16 500 bénéficiaires, seuls 10 auraient protesté, qu'il les avait tous vus individuellement et qu'ils seraient sortis satisfaits de ces entretiens - j'ajoute cette dernière phrase, mais je ne suis pas tout à fait sûr qu'il ait dit cela ainsi. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Quand on sait le risque qu'on prend en allant dans le bureau du directeur général de l'OCE pour se plaindre... (Quelques protestations.) ...effectivement, Mesdames et Messieurs, c'est dangereux. Il faut donc absolument, il est même indispensable que cette obligation purement arithmétique soit changée et que le nombre de recherches à effectuer soit modulé en fonction de la situation particulière et de l'emploi antérieur de chaque personne concernée. Pour toutes ces raisons, Mesdames et Messieurs les députés, il faut renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat. Je vous remercie.
M. Pascal Spuhler (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais réagir aux propos incohérents que je viens d'entendre de la part de M. Frey, selon lequel il est dangereux d'aller dans le bureau du directeur. C'est peut-être un vampire, il se transforme en monstre de temps en temps, je ne sais pas... Moi je trouve qu'il est déjà très généreux de faire preuve de patience et de consacrer du temps à tous ces gens qui viennent réclamer; il les reçoit personnellement, je trouve ça magnifique, et il faudrait le saluer plutôt que de dire qu'il est dangereux d'aller le rencontrer.
Cela mis à part, Mesdames et Messieurs, les réclamations qui sont faites dans cette pétition sont effectivement un peu ridicules. J'entendais le rapporteur de minorité dire que l'OCE a pris des mesures énormes en multipliant par deux le nombre de demandes. De cinq demandes, rencontres, contacts pour essayer d'obtenir un travail, ça passe à dix. Ce n'est pas la mort du petit cheval ! Franchement, il faut arrêter ! J'ai un peu de peine à comprendre qu'on puisse se révolter contre ces mesures-là: c'est un peu normal qu'on sollicite les chômeurs et qu'on les encourage à aller à la rencontre de patrons pour essayer de trouver un emploi.
Maintenant, quand j'entends Mme Klopmann s'insurger contre la possibilité d'avoir une heure et demie ou deux heures de route à faire - ce que je comprends bien: personnellement, ça ne m'intéresserait pas trop de faire deux heures de route dans un sens et deux heures dans l'autre le soir pour aller au travail... Eh bien, Madame Klopmann - et dites-le à vos collègues de parti ainsi qu'à tous vos camarades de la gauche - donnez la préférence aux Genevois, ça évitera que l'on engage des frontaliers et que les Genevois aillent chercher du boulot ailleurs, hors des frontières ! (Applaudissements.)
Une voix. Bravo !
M. Pascal Spuhler. Ça évitera que les Genevois, nos résidents, fassent deux heures de train ou de voiture pour aller chercher du boulot ailleurs. (Commentaires.)
Mesdames et Messieurs, il est évident que le MCG va déposer cette pétition sur le bureau du Grand Conseil, car ces réclamations des syndicats sont totalement exagérées: même les exemples de prétendues sanctions prises à l'encontre des chômeurs sont totalement erronés, parce qu'il s'agissait simplement d'erreurs de décompte suite à des jours de congé pris en trop par ces chômeurs. Donc réellement il n'y a eu aucune sanction administrative à l'encontre des gens, il a chaque fois été possible de discuter, et il faut arrêter de dire des bêtises et de simplement faire du populisme. Merci. (Exclamations. Applaudissements.)
M. Stéphane Florey (UDC). Cette pétition, déjà à la limite du ridicule, est de toute façon, quoi qu'il arrive, totalement inapplicable. (Brouhaha.) La raison en est toute simple - et on en trouve la mention à la page 3 du rapport - c'est que le canton a déjà été rappelé à l'ordre par le Tribunal des assurances sociales au sujet des dix demandes d'emploi. En effet, à une période donnée il n'en fallait plus que cinq, et c'est précisément le Tribunal fédéral qui a rappelé à l'ordre le canton, puisque, oui, Mesdames et Messieurs, il y a des règles à respecter quand on est au chômage, on n'est pas directement payé à ne rien faire, ce que tendent finalement à demander les rangs d'en face, si j'ai bien compris, puisque vous dites que dix demandes d'emploi, c'est trop. Mais vous voulez quoi, alors ? Que vous restiez chez vous, qu'on vous paie et qu'on vous trouve un travail ? Ce n'est pas à l'Etat de trouver un emploi pour ces personnes. C'est à elles de faire un minimum de recherches; dix par mois, ça représente quoi ? C'est une journée par mois grand maximum à consacrer à la recherche d'un travail. Alors certes, la conjoncture est mauvaise, mais on sait très bien ce que font une grande majorité de chômeurs: ils se promènent avec leurs petits papiers, ils se retrouvent sur la terrasse d'un bistrot et demandent: «Est-ce que le patron est là ? Oui ? Alors voilà, je cherche un emploi. Ah, vous n'avez rien ? Dans ce cas mettez-moi un tampon !» C'est ça, la réalité. (Commentaires.) L'autre réalité, c'est qu'une grande majorité des personnes au chômage font leurs démarches par téléphone ! Or un téléphone, ça prend maximum trois minutes: vous demandez à parler à la personne responsable et celle-ci vous répond qu'elle est désolée, mais qu'elle ne recherche pas d'employés. Et le chômeur remplit donc son petit papier en indiquant qu'il a reçu une réponse négative par téléphone. Voilà ! Et même si les chômeurs faisaient réellement ces dix demandes écrites, cela leur prendrait maximum une journée par mois, ce n'est pas insurmontable. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Ma foi, ce n'est jamais plaisant d'être au chômage, on ne le souhaite à personne, mais il y a des règles, et tout ce qu'on demande à ces personnes, c'est de suivre les règles, de faire ce qu'on attend d'elles, de sorte que ça se passe le mieux possible. Pour toutes ces raisons, nous déposerons bien évidemment cette pétition sur le bureau du Grand Conseil. Je vous remercie.
M. Jean-Luc Forni (PDC). Le parti démocrate-chrétien est toujours très soucieux de la réinsertion professionnelle, notamment pour les chômeurs ou ceux qui sont en fin de droit, et d'ailleurs chaque fois qu'il nous apparaît qu'un service de l'Etat n'est pas efficient, nous n'hésitons pas à intervenir par le biais de nos motions. Nous l'avons fait récemment s'agissant du SRP, et ça me fait également penser aux analogies avec le stage LIASI, qui était parfois mal perçu, infantilisant, et qui nous a justement permis de moduler et de prévoir des exceptions à ce stage.
Comme je le disais auparavant, nous sommes donc particulièrement attentifs à la question du chômage, à son évolution, ainsi qu'aux mesures qui sont mises en vigueur par l'Etat pour réinsérer le plus rapidement possible les chômeurs. Et là, franchement, quand j'entends que dix démarches par mois, c'est très astreignant, eh bien en tant qu'ancien employeur je suis un tout petit peu surpris ! En effet, quelqu'un parlait tout à l'heure d'une journée par mois, mais même si on en met deux, ça fait quand même un taux de travail inférieur à 10%. Or je pense qu'une personne qui veut trouver du travail doit quand même pouvoir montrer une certaine disponibilité pour faire ses recherches, surtout que, comme on l'a entendu, des exceptions sont toujours possibles dans certains domaines et pour certaines situations particulières. Alors selon moi il ne faut pas monter certains exemples en épingle, ni partir de cas particuliers pour en faire une généralisation. Je crois que notre but à tous, ici dans cette salle, est de faire en sorte que les gens soient le moins longtemps possible éloignés du marché du travail, et cela implique un certain esprit civique de la part à la fois de l'Etat, mais aussi des citoyens bénéficiaires du chômage. C'est pour toutes ces raisons que le groupe démocrate-chrétien demandera le dépôt de cette pétition sur le bureau du Grand Conseil. Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à M. Catelain pour quatorze secondes, donc il faudra faire vite !
M. Gilbert Catelain (UDC), député suppléant. Merci, Monsieur le président. J'aimerais simplement dire que nous sommes dans un environnement global et que les règles changent aussi dans les pays voisins. A Genève, elles n'ont pas changé, en Suisse, pas encore, alors prenons en compte qu'il est plus facile de nous imposer nos propres règles que de subir celles des voisins. Merci.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. Gauthier pour une minute trente.
M. Pierre Gauthier (HP). Je vous remercie, Monsieur le président. Chères et chers collègues, il y a un point important que cette pétition soulève, c'est que s'il y a du chômage, c'est surtout qu'il n'y a pas assez ou trop peu d'emplois. C'est une lapalissade, je vous le concède, mais nous ne devrions pas oublier cela, et le problème, ce ne sont pas les chômeurs, mais le monde de l'emploi. Par ailleurs, à quoi sert-il de multiplier les recherches si nous savons pertinemment qu'au bout de ces recherches il n'y a pas d'emploi ? C'est vraiment totalement ridicule et inutile.
La deuxième raison pour laquelle je pense qu'il faut renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat, c'est que la mise sous pression des personnes au chômage, quelle que soit d'ailleurs la forme qu'elle prend, est parfaitement inutile et totalement contre-productive. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Je ne sais pas combien de nos collègues dans cette honorable assemblée ont été au chômage, mais je fais partie de ces personnes et je peux vous assurer que si on m'avait dit de multiplier par deux, par trois, par quatre ou par cent le nombre de demandes d'emploi, ça n'aurait strictement rien changé. Ce ne sont pas des méthodes ni des outils adaptés à la réalité actuelle du marché de l'emploi. Le monde du travail est en pleine évolution...
Le président. Il vous faut terminer, Monsieur le député.
M. Pierre Gauthier. Je vais conclure, Monsieur le président. ...et les propositions qui sont faites de mettre le chômeur sous pression sont une très mauvaise idée: il vaudrait mieux que l'Etat emploie son énergie à développer de l'emploi plutôt qu'à mettre le chômeur sous pression. Je vous remercie, Monsieur le président.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à Mme Engelberts pour une minute trente.
Mme Marie-Thérèse Engelberts (HP). Merci, Monsieur le président. Moi je voudrais réagir aux propos de M. le député Florey. L'image tellement caricaturale qu'il a donnée d'une personne au chômage est tout à fait indigne, ne correspond à aucune réalité et ne veut rien dire. Prétendre qu'on peut prendre le téléphone, passer trois minutes et que c'est bon... Peut-être que ça ne vous est pas arrivé dans le cadre de votre administration, mais aujourd'hui si vous devez trouver un travail - et je l'ai essayé moi-même pendant deux ans - vous ne passez pas que deux minutes à le faire. Vous consacrez un certain temps à établir votre dossier, et selon votre travail c'est un minimum de cinq ou six heures que vous prendrez par dossier. Il est également des chômeurs - et je pense que ce n'est jamais trop mentionné - qui n'ont pas cette capacité d'établir aussi rapidement de très bons dossiers pour être engagés. De plus, effectivement, il n'y a pas forcément les emplois spécifiques; pour un certain nombre de demandes, c'est aussi une réalité. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.)
Pour ma part, je voterai pour le dépôt sur le bureau du Grand Conseil, parce que j'ai confiance dans le fait qu'il y aura une certaine sagesse, une certaine intelligence permettant d'appliquer ces règles d'une manière vraiment souple. Mais il en va aussi de la formation des accompagnants des personnes au chômage, et peut-être que là on pourrait quand même s'interroger sur leur souplesse et leur capacité d'adaptation et de reconnaissance des ressources des différentes personnes qui viennent les consulter. Je vous remercie, Monsieur le président.
Mme Jocelyne Haller (EAG). Mesdames et Messieurs, je crois qu'il faut d'abord établir une distinction entre le nombre de preuves de recherches d'emploi qu'est censé fournir un chômeur et celles qu'il effectue réellement. Dire que les chômeurs font leurs recherches d'emploi depuis une terrasse ou le laisser supposer, comme cela a été fait par M. Florey, est insane, et c'est particulièrement méprisant à l'égard des personnes qui sont réellement en détresse aujourd'hui, qui recherchent un travail et qui sont désespérées de ne pas en trouver. Peut-être que vous ne connaissez que des gens qui font uniquement cinq recherches d'emploi, mais moi j'en ai connu qui en faisaient soixante par semaine, qui dépensaient un argent fou en timbres, simplement, pour essayer de retrouver un travail. Sauf que dans certains secteurs, quand vous avez déjà fait le tour, le refaire de manière sempiternelle n'a aucun sens. Donc à un moment donné, ce qui est important, c'est ce que vous faites pour retrouver un travail et moins les preuves que vous fournissez pour le faire à votre conseiller en emploi.
En revanche, ce qui est déterminant, c'est le soutien et l'appui que votre conseiller en emploi peut vous apporter, parce qu'au bout d'un moment, lorsque vous avez fait le tour de toutes les entreprises des secteurs dans lesquels vous devez prospecter, eh bien vous avez peut-être besoin d'une aide, qu'il s'agisse d'un reclassement ou d'un complément de formation, et pas forcément d'un cours sur la manière de refaire son CV ou de rechercher un emploi. Vous avez réellement besoin d'un appui, et parfois même d'une introduction dans certaines entreprises. Et c'est cela qu'il faut renforcer, plutôt que les contrôles. Nous vous invitons donc à renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat: c'est là qu'elle a sa place, parce que le Conseil d'Etat doit revoir les mesures qu'il met en place aujourd'hui pour répondre aux besoins des chômeurs. Je vous remercie de votre attention. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Madame la députée. La parole est à M. Baertschi pour trente-sept secondes.
M. François Baertschi (MCG). Merci, Monsieur le président. Il est quand même un peu facile de dire que si les chômeurs ne trouvent pas d'emploi, c'est parce qu'il n'y a pas assez de places de travail. Mais pourquoi est-ce qu'il n'y a pas assez de places de travail ? (Commentaires. Chahut.) Parce qu'il y a trop de frontaliers ! (Exclamations. Chahut.) 85 000 frontaliers, voilà la cause du problème ! Il faut s'attaquer aux causes et non pas aux effets secondaires du mal. Et les causes, on les connaît. (Commentaires.) La cause, on sait que c'est un marché qui est un véritable jeu de massacre pour les chômeurs, pour les employés qui ont encore un travail, et il faut s'attaquer à la source du problème. Tant qu'on ne le fera pas...
Le président. Merci, Monsieur le député, c'est terminé.
M. François Baertschi. ...on aura ces problèmes. Merci, Monsieur le président.
M. Olivier Baud (EAG), rapporteur de minorité. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, retrouver un emploi est un travail à plein temps, c'est M. Barbey, le directeur général de l'office cantonal de l'emploi, qui le dit. Ainsi, doubler le nombre de demandes change forcément les conditions de travail. On ne peut pas banaliser cela. Si cinq demandes étaient requises et constituaient un travail à plein temps, passer à dix change forcément. Mais il ne faut pas se tromper, je ne crois pas avoir dit que c'était une mission impossible; ce que j'ai demandé, c'est si cette mesure avait un effet bénéfique ou pas. Il faut aussi considérer que s'il y a 16 500 assurés, cela ferait donc 165 000 demandes par mois, soit près de 2 millions de demandes par année. Est-ce que c'est bien raisonnable ? Est-ce que ça existe vraiment ? Est-ce que c'est possible ? A quoi cela sert-il d'édicter des mesures si, dans les faits, elles ne peuvent pas être respectées ? Ce que nous demandons au Conseil d'Etat, c'est donc qu'il puisse évaluer si ces mesures ont un effet ou pas. C'est simplement cela que nous demandons, car il ne sert à rien d'accroître la pression sur les chômeurs de manière inutile. Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur le député. Monsieur Maitre, il reste cinquante secondes à votre groupe.
M. Vincent Maitre (PDC). Je vous remercie, Monsieur le président. J'aimerais tout simplement réagir aux propos rébarbatifs et répétitifs de M. Baertschi quant aux prétendues causes... (Protestations. Huées.) ...du chômage à Genève. Je l'invite très amicalement et très gentiment à consulter une étude de l'Université de Genève... (Protestations.) ...réalisée en juillet 2012... (Brouhaha.)
Le président. Vous laissez parler l'orateur, s'il vous plaît !
M. Vincent Maitre. ...une étude argumentée, scientifiquement étayée... (Commentaires.) ...réalisée par des professeurs universitaires qui en savent manifestement largement plus que mon préopinant MCG et qui surtout s'écartent des aprioris, des stigmatisations et des quelques préjugés qu'on a l'habitude d'entendre ici de façon bien trop récurrente. (Brouhaha.) Cette étude conclut tout simplement, pour la simple et modeste raison que Genève fournit environ 80 000 emplois de plus qu'il y a de citoyens en âge de les occuper, que la situation du chômage n'a rigoureusement aucun lien avec les travailleurs frontaliers qui viennent à Genève. (Commentaires. Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. Monsieur Baertschi, votre groupe a épuisé son temps de parole. Je passe le micro à M. Wicky.
M. Raymond Wicky (PLR), rapporteur de majorité ad interim. Merci, Monsieur le président. Juste deux petites choses. Premièrement, j'aimerais un peu rétablir l'image de M. le directeur de l'OCE, parce qu'on l'a un peu écornée tout à l'heure. Je n'ai pas eu l'impression, lorsque nous l'avons auditionné, que ce monsieur était sans coeur et totalement incapable de faire preuve d'empathie. Ce n'est pas ce qui a été dit, mais enfin certains propos pouvaient le laisser sous-entendre... Je crois au contraire que ce monsieur a très clairement dit qu'il y avait des mesures d'adaptation et de modulation qui étaient concevables dans certains cas de figure, notamment pour des personnes qui exercent des professions tout à fait particulières.
Deuxièmement, pour ceux qui ont l'air de dire qu'il est complètement démentiel de passer de cinq à dix démarches à Genève, j'aimerais juste répéter les propos de M. Barbey, qui a très clairement indiqué qu'au niveau national le benchmark, comme on dit, se situait aux alentours de dix à douze par mois. Fort de ces considérations, je crois qu'on ne ferait donc que s'aligner sur les autres cantons suisses. Merci.
M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, s'il existait un prix Champignac des pétitions, sans doute aurions-nous ici un candidat... Je pense que le chômage est un sujet suffisamment sérieux pour qu'on ne puisse pas en dire n'importe quoi. Qui se plaint du fait que l'on réclame la démonstration de dix recherches ? Pas les chômeurs, non; des syndicats s'en plaignent, je les ai d'ailleurs trouvés sous mes fenêtres. Ils étaient une poignée, avec des banderoles, à considérer que c'était une mesure inadmissible et coercitive. Personnellement, je n'ai pas reçu une seule lettre d'un chômeur qui considérait avoir été injustement sanctionné pour n'avoir pas rempli ses obligations alors que, manifestement, selon lui, il n'était pas en mesure de les remplir. M. Barbey l'a dit et répété, il l'a d'ailleurs indiqué en ma présence aux syndicats: dans les cas particuliers, il est toujours prêt à discuter, et il va de soi que dans les premiers mois de chômage, si quelqu'un a été directeur à un poste élevé, on ne va pas lui demander de se déprécier sur le marché du travail en envoyant tous azimuts des offres d'emploi. Mais il n'en demeure pas moins que chacun sait que si l'on ne cherche pas, on ne trouve pas, et que plus on cherche, plus on a de chances de trouver. C'est valable dans tous les domaines, comme dans celui-ci, bien sûr.
J'ai par ailleurs entendu certains parler de timbres, du fait qu'on collait des timbres... Mais nous sommes en 2017 ! Les recherches se font de multiples façons, et la recherche peut même être simplement documentée par une note du chômeur lui-même, qui indique avoir rencontré un contact. En effet, on le sait, les emplois se trouvent aujourd'hui non pas simplement en feuilletant le journal local, mais bien sûr par les réseaux que l'on a déjà établis précédemment sur le plan professionnel et qu'il s'agit de réactiver. Le fait d'indiquer dans une note que l'on a réactivé un réseau, avec le nom d'un interlocuteur dont on attend une réponse, est donc la démonstration d'une recherche d'emploi. Ainsi, il est évidemment absurde de dire qu'effectuer dix recherches est excessif. Ce qui serait absurde, c'est d'en faire soixante, comme je l'ai entendu, en prenant le bottin téléphonique et en envoyant des lettres à des employeurs qui manifestement ne correspondent pas au profil de l'emploi.
Cela étant, j'ai aussi entendu dire qu'il fallait créer des emplois et qu'il ne servait à rien de faire pression sur les chômeurs. Si l'on regarde le nombre de travailleurs frontaliers en 2002 lors de la signature des accords dont nous fêtons aujourd'hui pratiquement le quinzième anniversaire - c'était le 1er juin 2002 - eh bien on constate qu'il y avait 30 000 permis frontaliers, alors qu'actuellement il y en a 85 000 actifs. J'en déduis donc, puisque le chômage n'a pas baissé de manière draconienne, que ces personnes occupent des postes qui ont été créés par notre économie. Tant mieux, nous en avons besoin ! D'ailleurs, si l'on plaçait tous nos chômeurs à la place de frontaliers - ce qui est une vue de l'esprit totalement irréalisable - il resterait tout de même 70 000 frontaliers dont nous avons besoin pour notre économie. (Exclamations. Applaudissements.) Mais oui ! Je crois que les mathématiques ne sont pas une vue de l'esprit. Il n'en demeure pas moins que si je réussissais à en placer ne serait-ce que la moitié, je ferais descendre le taux de chômage à Genève à un niveau qui ferait envie aux cantons primitifs de notre pays. Nous n'en sommes pas là. Ce que je veux dire, c'est que des emplois ont été créés. Il s'agit bien sûr de faire en sorte que nos employeurs aient le réflexe OCE et qu'ils aient aussi le réflexe, lorsque ceux qui leur écrivent sont des demandeurs d'emploi, de ne pas mettre la candidature sous la pile. Ce réflexe est en train d'entrer dans les moeurs, et on peut s'en réjouir. Ce n'est pas encore un résultat optimal, loin de là, nous sommes au milieu du gué, mais nous avançons dans le bon sens. Donc requérir de la part d'un chômeur dix démarches par quelque moyen que ce soit, c'est un minimum, dans son propre intérêt car, on le sait, un chômeur de longue durée - c'est-à-dire de plus de douze mois - est un chômeur qui risque bien d'arriver en fin de droit sans emploi et qui, dans la pire des hypothèses, peut ensuite être à l'aide sociale. Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Nous allons maintenant voter sur les conclusions de la majorité de la commission, soit le dépôt de cette pétition sur le bureau du Grand Conseil.
Mises aux voix, les conclusions de la majorité de la commission des pétitions (dépôt de la pétition 1979 sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement) sont adoptées par 52 oui contre 29 non et 1 abstention.