Séance du vendredi 24 février 2017 à 18h05
1re législature - 3e année - 13e session - 73e séance

M 2254-A
Rapport de la commission de la santé chargée d'étudier la proposition de motion de MM. Thomas Bläsi, Christo Ivanov, Patrick Lussi, Bernhard Riedweg, Stéphane Florey, Michel Baud, Eric Leyvraz, Marc Falquet : Pharmacie publique aux HUG = Mort programmée des pharmacies de quartier
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session VII des 22 et 23 septembre 2016.
Rapport de majorité de M. Guy Mettan (PDC)
Rapport de minorité de M. Jean Batou (EAG)

Débat

La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, la séance n'étant pas terminée, nous passons à l'urgence suivante, soit la M 2254-A. (Brouhaha.) Je comprends qu'il y ait un peu de tension, mais je prie instamment ceux qui ont envie de discuter de sortir de la salle, et les autres d'écouter les rapporteurs. La parole est à M. Guy Mettan, rapporteur de majorité.

M. Guy Mettan (PDC), rapporteur de majorité. Merci, Madame la présidente. (Brouhaha. La présidente agite la cloche.) En préambule, je voulais faire une remarque pour rappeler à quoi servent les pharmaciens et les médecins. Je crois que l'objectif d'un pharmacien et d'un médecin n'est pas de poursuivre un but commercial: ce ne sont pas des commerciaux, mais des personnes qui sont au service des patients et des malades et qui, à ce titre, se doivent - et elles le font d'ailleurs très bien - de faire tout ce qui peut faciliter la vie des patients et des personnes malades. A partir de là, il apparaît que la mise à disposition d'une pharmacie au sein des HUG contribue à ce but quasiment humanitaire et philosophique, je dirais, qui consiste à faciliter la vie des patients et des malades. (Brouhaha. La présidente agite la cloche.) C'est la raison pour laquelle l'immense majorité de la commission de la santé, dans laquelle j'étais remplaçant, a jugé bon de s'accorder sur un compromis, qui vous est proposé aujourd'hui.

Celui-ci consiste justement à accepter le principe d'une pharmacie aux HUG, pharmacie dont on «précise les droits, les devoirs, les contributions monétaires ou non monétaires et les attentes de chacun des partenaires: HUG, pharmacien privé et Ecole de pharmacie des universités de Genève et Lausanne». Voilà pour la première invite. Quant à la deuxième, elle vise «à tout mettre en oeuvre pour limiter l'offre de parapharmacie au strict minimum». Ces deux invites, Mesdames et Messieurs, ont été acceptées par l'ensemble des partis présents à la commission de la santé - y compris d'ailleurs l'Union démocratique du centre - à l'exception du groupe Ensemble à Gauche, qui lui ne réfute pas le principe d'une pharmacie aux HUG, mais souhaiterait qu'elle soit publique. Enfin, je laisserai M. Batou présenter son rapport de minorité, je ne vais quand même pas le faire à sa place ! (Commentaires.) Je suis prêt à beaucoup de choses, Monsieur Vanek, comme vous le savez... (L'orateur rit. Remarque.) ...mais ce que je voulais dire, c'est que même Ensemble à Gauche ne conteste pas le principe d'une pharmacie aux HUG, c'est un point qui me semble important. Voilà ce que je voulais dire en préambule, pour ne pas prendre trop de temps.

J'aimerais également juste mentionner qu'il convient de rejeter tous les amendements qui ont été proposés par M. Bläsi, parce qu'au fond ils s'opposent au droit supérieur: ils s'opposent à la loi fédérale en matière de santé, à la loi cantonale et même à la loi sur le commerce, il n'y a donc aucune raison de les accepter.

Pour finir, il se trouve que j'ai été pris à partie, et je voudrais répondre à ces critiques qui ont été émises cet été sur les réseaux sociaux, notamment par le député Bläsi, qui contestait mon droit à faire le rapport. J'aimerais donc rappeler les circonstances qui m'ont amené à accepter de rédiger ce rapport. Effectivement, j'ai remplacé notre très éminent président le docteur Buchs au sein de cette commission...

La présidente. Il vous reste trente secondes.

M. Guy Mettan. Merci, Madame la présidente, je vais terminer. ...et il s'est trouvé qu'à l'issue du vote absolument personne ne souhaitait prendre le rapport de majorité, c'est donc à la demande de l'ensemble de la commission que j'ai accepté cette tâche. (Commentaires.) Voilà exactement ce qui s'est passé, et c'est la raison pour laquelle j'ai accepté la demande de la commission et même, je crois, du rapporteur de minorité... (Commentaires.) ...s'agissant de la rédaction de ce rapport de majorité. Je voulais simplement préciser les choses, et maintenant c'est avec plaisir que j'écoute M. Batou.

M. Jean Batou (EAG), rapporteur de minorité. Chers collègues, il est évident qu'une écrasante majorité de la commission de la santé est tombée d'accord avec le rapport de majorité. Mais comme vous le savez, la majorité n'a pas toujours raison... (Exclamation.) ...et c'est un motif de plus pour revenir sur une question qui nous touche tous et qui est très importante, à savoir celle des besoins en matière sanitaire et en matière de pharmacie, ainsi que de la nécessité de maintenir des pharmacies de quartier qui correspondent à des besoins et de répondre à un besoin particulier qui est celui de l'ouverture d'une pharmacie que nous voudrions publique aux Hôpitaux universitaires de Genève. Pourquoi une pharmacie publique aux HUG ? Parce que quand les pharmacies sont fermées et que des patients sortent de l'hôpital, ces derniers peuvent ainsi se fournir en médicaments à n'importe quelle heure, en dehors des heures d'ouverture des pharmacies. Cela a été réalisé de manière exemplaire par nos amis vaudois, qui ont ouvert une entité publique dans le domaine hospitalier, une entité publique qui répond à l'ensemble des besoins de la population, de la formation des pharmaciens ainsi que du suivi de l'interface entre l'hôpital, les pharmacies de quartier et les médecins, c'est-à-dire un exemple de fonctionnement rationnel, où l'Etat prend l'ensemble de ses responsabilités. Or qu'est-ce qu'on nous propose ici ? Eh bien un grand bazar qui va être dominé par des groupes privés de la pharmacie, lesquels vont profiter d'une clientèle captive à l'hôpital pour faire d'excellentes affaires, qu'on peut estimer de l'ordre de 40 millions par année. Et évidemment, cette aubaine pourrait se répandre non pas seulement à l'hôpital, mais autour des cliniques privées, autour des permanences médicales, et petit à petit détruire le tissu des pharmacies de quartier. Alors je ne suis pas ici l'avocat des petites officines, mon collègue Thomas Bläsi le fera beaucoup mieux que moi, mais je suis l'avocat de la défense d'un service public répondant à un besoin public et sans but lucratif. C'est exactement la proposition que nous défendons en demandant la suppression de la première invite et son remplacement par «à créer un service pharmaceutique d'urgence aux HUG, géré par une fondation de droit public, ouvert aussi en dehors des heures d'ouverture des pharmacies de quartier». Quant aux autres amendements...

La présidente. Il vous reste trente secondes !

M. Jean Batou. ...celui de Sarah Klopmann ou ceux de Thomas Bläsi, nous les soutiendrons bien volontiers. Ils ne touchent pas au coeur de la problématique que nous défendons, mais nous pensons qu'ils vont dans le bon sens et nous vous invitons donc à les accepter. Merci.

M. Jean-Luc Forni (PDC). J'aimerais simplement vous dire que, étant juge et partie, je ne participerai ni au débat ni aux votes. En effet, j'ai présidé pendant dix ans pharmaGenève, l'association professionnelle qui a participé et développé le concept de cette pharmacie; j'ai quitté cette fonction à la fin de l'année, mais je suis devenu entre-temps président du conseil d'administration de cette nouvelle structure qui va ouvrir à Pâques dans les locaux des HUG. Je vous remercie.

La présidente. Merci de cette précision, Monsieur le député. Je passe la parole à M. Pierre Conne.

M. Pierre Conne (PLR). Merci, Madame la présidente. Chers collègues, les députés PLR de la commission de la santé étaient au départ plutôt défavorables à ce projet - un projet qui a d'ailleurs vraiment attiré l'attention de la commission, puisque nous y avons consacré en tout cas sept séances de travail, c'est vous dire si la commission a effectivement accompli un travail approfondi - mais nous arrivons aujourd'hui avec une proposition qui consiste à dire oui, avec un certain nombre de conditions, à propos desquelles le PLR rejoint du reste les questions posées dans le rapport de minorité. Alors qu'y a-t-il de préoccupant à la base dans ce projet de pharmacie aux HUG ? Il s'agissait évidemment de la question de savoir s'il fallait encore une pharmacie supplémentaire dans le canton de Genève, sachant que le réseau des pharmaciens de quartier est déjà fort dense et fort bien distribué. Et bien sûr, la question qui suivait immédiatement était celle de savoir si cette pharmacie aux HUG n'allait pas fragiliser les pharmacies existantes, au point de les faire fermer, ce qui serait bien entendu préoccupant, parce que nous avons besoin des pharmacies de quartier: elles sont en effet au bout de la chaîne de distribution des médicaments et, notamment pour les malades chroniques et les personnes âgées, elles fournissent un service à la personne de bonne qualité, grâce à la connaissance du patient et de son traitement, et sont d'ailleurs aptes à le délivrer même à domicile, ce qui est extrêmement pratique. Pour nous, au PLR, c'était donc vraiment cette question-là qui était en jeu.

Au fur et à mesure de l'évolution de nos travaux, nous avons pu découvrir que le projet initial, qui n'était pas un projet politique, mais un projet indépendant, en quelque sorte, entre les HUG et pharmaGenève, était arrivé sur la scène politique grâce à la motion qui avait été déposée notamment par notre collègue Thomas Bläsi, et cela nous a permis de nous poser toute une série de questions. Le projet initial n'était effectivement pas un projet de santé publique. Puis, suite aux auditions, nous avons été sensibles au fait que ce projet avait entre autres pour objectif de faire en sorte que les patients sortant des HUG puissent repartir avec le traitement prescrit à la fin de leur séjour et que les services de soins à domicile puissent également bénéficier d'une forme d'harmonisation des pratiques en matière de prescription et de mise à disposition des médicaments à l'issue d'un séjour, ce qui allait en tout cas dans le sens de l'attente de l'IMAD. Les promoteurs du projet nous ont en outre donné des assurances, et nous avons aussi auditionné dans ce cadre-là les professeurs de l'Ecole de pharmacie de Genève et de Lausanne, qui nous ont convaincus que cette officine allait également être un centre de formation pour les futurs pharmaciens d'officine. Ce sont donc les raisons pour lesquelles nous en sommes arrivés au bout du compte à dire oui, avec un certain nombre de précisions que vous trouvez dans la première invite de la motion.

J'interviendrai éventuellement par la suite pour m'exprimer sur les amendements qui seront proposés, s'il me reste encore du temps de parole, mais à priori ils sont plutôt les bienvenus, parce qu'ils vont effectivement dans le sens de donner encore plus de sécurité quant à la qualité du projet, qui est un projet de pharmacie publique, avec des objectifs visant la qualité de la prescription et de la distribution des médicaments, ainsi que la formation des futurs pharmaciens. Je vous remercie.

La présidente. Merci, Monsieur le député. Il vous reste trente secondes, si vous voulez intervenir à nouveau par la suite. Je passe la parole à M. Thomas Bläsi.

M. Thomas Bläsi (UDC). Merci, Madame la présidente. Monsieur le conseiller d'Etat, chers collègues, j'aimerais tout d'abord revenir sur ce projet de pharmacie de l'hôpital tel qu'il a été décrit et proposé au vote des pharmaciens pour obtenir leur acceptation, ainsi qu'au conseiller d'Etat. Ce projet était initialement prévu comme présentant une pharmacie réalisant un chiffre d'affaires moyen, c'est-à-dire de 2 millions, ce qui correspond à celui d'une pharmacie de taille moyenne. Finalement, après les trois semaines de travaux de la commission, il est apparu que le chiffre qui était communément admis, y compris par le département, était de 17,5 millions au minimum - entre ces 17,5 millions et les 24 millions réalisés à la pharmacie du CHUV - avec une possibilité de faire encore plus à la pharmacie de l'hôpital. Il s'agit dès lors d'un projet qui, dans la façon de l'aborder financièrement, a été multiplié par 8,5, et il est donc clair qu'un projet de cette ampleur-là, qui deviendra la plus grosse pharmacie de Genève, aura inévitablement un impact sur le réseau des pharmacies de quartier, contrairement à tout ce qui avait été prétendu au départ, et je précise par ailleurs que cette motion est soutenue par les 5000 signatures qui avaient été récoltées dans le cadre d'une pétition. En prenant les chiffres donnés par le Conseil d'Etat et en répartissant la perte sur l'ensemble des pharmacies genevoises, cela correspond à un chiffre d'affaires de 100 000 F par officine, soit 10 à 15% du chiffre d'affaires des plus petites.

Le marché actuel ainsi que le contexte actuel de la pharmacie en Suisse sont simples. Il y a quelques années, la pharmacie représentait, comme dans les autres pays européens, une moyenne de délivrance de 17% sur l'impact des coûts de la santé. Aujourd'hui, les bons élèves que sont les pharmaciens sont tombés à 8%, ce qui est quasiment un record au niveau européen quant au poids que pèse cette distribution sur les différentes économies de la santé.

En consultant le procès-verbal ou plutôt le rapport de l'inattendu rapporteur de majorité, on voit qu'il y a un certain nombre d'amendements visant à corriger le projet ou en tout cas à l'encadrer, et non plus à créer une opposition frontale, avec la reconnaissance éventuelle d'un intérêt public au projet. Ces amendements sont d'ailleurs issus, pour la plupart, des garanties qui ont été données par le Conseil d'Etat, que ce soit en commission ou au travers des médias. Je serais donc intéressé d'entendre le Conseil d'Etat finalement refuser ou contester les garanties qu'il a fournies aux initiants de la motion en commission.

Le premier amendement a essentiellement pour visée de garantir que cette pharmacie soit consacrée à l'urgence, qui est la mission telle que définie par les proposants et les initiants. Le deuxième amendement a lui pour but de garantir, puisque la structure choisie par pharmaGenève - et qui est par ailleurs contestable - est une société anonyme, que les actionnaires de cette société soient des personnes physiques et non pas des personnes morales, afin d'exclure, tel que l'a indiqué le département, les chaînes et les groupements de pharmacies. Le troisième amendement invite pour sa part à ouvrir une souscription aux mêmes conditions à tous les pharmaciens, qu'ils soient membres de pharmaGenève ou non. Cet amendement résultant également d'une garantie donnée par le Conseil d'Etat, il ne devrait normalement pas y avoir de difficulté à le faire adopter. Quant au quatrième amendement, il demande - et en cela il s'oppose à la volonté du Conseil d'Etat - qu'il n'y ait pas de traitement de faveur et que cette pharmacie ne bénéficie pas, comme l'a annoncé le chef du département, d'un loyer de complaisance. En effet, il est évident qu'avec cette implantation qui est la meilleure qui soit pour une pharmacie à Genève, compte tenu du volume de 40 millions d'ordonnances qui sortent de l'hôpital chaque année, il est inutile d'ajouter des avantages supplémentaires comme des loyers de complaisance. Pour ce qui est du cinquième amendement, il invite le Conseil d'Etat à garantir des contrôles pour éviter un élargissement de ce type de structures à tous les milieux hospitaliers, partant du principe que cette structure, si elle a un intérêt public...

La présidente. Il vous reste trente secondes !

M. Thomas Bläsi. Merci ! ...n'a pas vocation à être généralisée dans le canton. Enfin, le dernier amendement vise simplement à garantir que le code du travail soit appliqué quant à la majoration du travail de nuit - et je serai bien sûr intéressé de voir la réaction de mes collègues socialistes par rapport à cet amendement en particulier - puisque à l'heure actuelle le système de garde, organisé aujourd'hui par pharmaGenève, découle d'un principe de rémunération qui est un principe dérogatoire. L'exception devenant la règle, il n'est plus question et plus possible pour cette pharmacie ouverte 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 de travailler sous ce régime dérogatoire.

M. Christian Frey (S). Le groupe socialiste a été très étonné de la demande d'urgence sur ce sujet, qui a été longuement débattu non seulement à la commission de la santé, comme vous le savez très bien, mais avant encore pendant longtemps, avec de nombreuses séances à la commission des pétitions. Dès lors, pratiquement tout ce qui vient d'être exprimé, en particulier par mon collègue Thomas Bläsi - vous transmettrez, Madame la vice-présidente - a déjà été dit, déjà été discuté, déjà été élaboré, etc. Nous assistons aujourd'hui à une dernière salve, dans des circonstances qui sont inacceptables d'une part sur le fond, mais d'autre part aussi sur la forme. En effet, quand on passe tellement de séances, tant à la commission des pétitions qu'à la commission de la santé, à discuter de chaque détail, et qu'une demi-heure avant le début de la séance d'hier on reçoit sept, huit ou dix amendements, je ne me rappelle plus - six, merci de le préciser, Monsieur le député ! (Commentaires.) - sans qu'on puisse s'y préparer, sans que la commission puisse faire son travail correctement, eh bien c'est tout simplement inacceptable sur la forme.

Sur le fond, vous savez très bien ce qui importe au groupe socialiste: il s'agit effectivement d'avoir ce point de vente ouvert 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, à disposition notamment des patients qui quittent l'hôpital avec une prescription médicale en dehors des heures d'ouverture de leur pharmacie de quartier. L'autre point qui est très important consiste à développer à Genève un centre de compétences pharmaceutiques liées à la recherche et à la formation, en appui à une profession qui est, vous l'admettrez, chers collègues, en pleine évolution.

La motion telle qu'amendée - le rapporteur de majorité l'a rappelé - a été acceptée in fine par tout le monde, y compris par les signataires de la motion, et semblait mettre fin à cette interminable discussion autour de ce projet qui relève manifestement d'un intérêt public prépondérant. Or, patatras, comme vous l'avez vu, ce n'était pas le cas, car finalement plusieurs amendements ont encore été déposés, qui seront tous refusés par le groupe socialiste.

J'aimerais encore rapidement évoquer l'amendement présenté par le groupe Ensemble à Gauche, qui propose que ce soit une fondation de droit public qui gère cette pharmacie. Nous ne sommes pas entièrement persuadés de la pertinence de cet argument, car nous pensons que pharmaGenève, qui représente les deux tiers de tous les pharmaciens à Genève, peut parfaitement le faire.

En conclusion, Mesdames et Messieurs, le groupe socialiste vous invite - comme l'a dit le rapporteur de majorité - à refuser tous les amendements et à en finir avec cette interminable discussion sur cette pharmacie utile et d'intérêt public dans le cadre des HUG. Je vous remercie.

La présidente. Merci, Monsieur le député. Avant de passer la parole à Mme Sarah Klopmann, je précise que nous voterons tout d'abord la modification d'invite proposée par le groupe EAG, puis les six amendements présentés par M. Thomas Bläsi, et finalement l'amendement déposé par Mme Sarah Klopmann. Je signale en outre que les auteurs de ces amendements pourront s'exprimer encore une fois rapidement par la suite. Madame Klopmann, je vous cède la parole.

Mme Sarah Klopmann (Ve). Merci, Madame la présidente. J'aimerais dire tout d'abord que ce n'est pas parce qu'un sujet a été longuement discuté en commission qu'il n'est pas urgent; le bâtiment des lits 2 est maintenant prêt à ouvrir et c'est là que la pharmacie se trouvera, donc, oui, ce sujet est urgent. Par ailleurs, M. Mettan a déclaré que la commission l'avait à moitié supplié de prendre ce rapport... Eh bien je vous le dis en tant que présidente de la commission, c'est un pur mensonge. (Exclamations. Applaudissements.)

Sur le fond, comme vous le savez, les Verts ont toujours trouvé que cette pharmacie serait effectivement un plus pour la population, mais qu'il était très très important de recadrer un peu le projet, raison pour laquelle nous avions déposé plusieurs amendements en commission. L'un d'eux a du reste été adopté, à savoir l'invite qui demande de tout mettre en oeuvre pour limiter l'offre de parapharmacie au strict minimum. Il s'agit pour nous d'un point essentiel pour éviter la concurrence déloyale. Un autre élément qui était très important mais qui n'a pas été accepté réside dans l'amendement que nous redéposons maintenant, qui invite à s'assurer qu'il n'y aura pas de propharmacie, ni d'envoi direct des ordonnances des services des HUG à cette pharmacie. Je vous donne quelques explications: en réalité, le but est que les ordonnances produites dans les services des HUG ne soient pas automatiquement transmises à la pharmacie en bas, car cela entraînerait une captivité des clients, des patients, ce qui pour nous n'est pas normal. Cette pharmacie sera déjà la plus grande du canton en termes de chiffre d'affaires, et surtout nous pensons que les gens doivent pouvoir avoir le libre choix de l'endroit où ils vont obtenir leurs médicaments, parce qu'il y a aussi un conseil qui accompagne leur délivrance, et les personnes ont le droit de pouvoir choisir leur pharmacie ainsi que leur pharmacien ou pharmacienne. Le magistrat a évidemment dit en commission que cet amendement était inutile parce que cela allait de soi et que bien sûr les ordonnances ne seraient pas envoyées d'office, mais si c'est le cas, je ne comprends pas vraiment son entêtement à vouloir faire refuser cet amendement, car ce qui va de soi va aussi très bien en le disant !

S'agissant des amendements de M. Bläsi, nous allons en accepter plusieurs, mais pas tous. Le premier, soit celui qui prévoit qu'il ne peut être vendu que des médicaments prescrits par un médecin, nous le refuserons, parce que nous pensons que cette disposition est un peu trop contraignante et que nous avons le droit, si nous allons dans cette pharmacie, qui en plus aura son ouverture à l'extérieur du bâtiment, d'acheter aussi par exemple un médicament contre le mal de tête, même si celui-ci n'a pas été directement prescrit par un médecin.

Quant aux deux amendements suivants, qui consistent à garantir que les propriétaires soient des personnes physiques et que la souscription ne soit pas ouverte uniquement aux membres de pharmaGenève, ils nous paraissent très importants, déjà pour éviter qu'une grande chaîne devienne propriétaire majoritaire et impose son diktat dans cette pharmacie, mais aussi parce que nous estimons qu'il est inadmissible que seuls les membres de pharmaGenève puissent prendre des parts dans cette pharmacie. Cela aurait pu constituer un moyen de pression pour l'association professionnelle pharmaGenève, en forçant les différents pharmaciens et pharmaciennes du canton à y adhérer, pour ensuite devenir l'unique association professionnelle et donc faire souffler le vent toute seule dans la direction qu'elle entend.

J'en viens maintenant à l'amendement qui demande que le loyer corresponde à ceux du marché. Cette pharmacie, dont on dit toujours qu'elle est publique, est en réalité simplement ouverte au public; c'est en fait une pharmacie privée, il est donc inadmissible à nos yeux d'imaginer qu'elle profiterait d'un loyer à des prix préférentiels. C'est une pharmacie privée, qui en plus a la chance d'être excellemment bien placée, qui va donc générer un chiffre d'affaires monstrueux, et selon nous il serait donc évidemment scandaleux que son loyer ne soit pas tel que celui des autres pharmacies. Je ne comprends du reste pas pourquoi cet amendement ne fait pas l'unanimité.

Nous sommes encore saisis d'un autre amendement, qui propose que des rapports soient effectués et que l'on surveille bien que la propharmacie ne devienne pas la norme à Genève. Nous ne sommes pas convaincus par l'efficacité de cette invite...

La présidente. Il vous reste trente secondes.

Mme Sarah Klopmann. ...mais nous sommes par contre persuadés qu'il faut lutter contre la propharmacie, et nous voterons donc cet amendement. Le prescripteur ne peut pas être le vendeur ! La personne qui va faire de l'argent en vendant le médicament ne doit pas être celle qui le prescrit, sinon elle va essayer d'en prescrire plus et ainsi distordre le marché. Le médicament n'est pas un produit comme les autres: il est certes utile, mais il génère également des effets secondaires, nous devons donc en prendre avec beaucoup de parcimonie.

Concernant le dernier amendement relatif au respect de la loi sur le travail, il nous semble évidemment essentiel - essentiel ! - pour une pharmacie qui sera ouverte 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, et là je ne comprends vraiment pas, mais vraiment vraiment pas que les socialistes, dans un mouvement de mauvaise humeur, refusent un amendement qui demande simplement que la loi sur le travail soit respectée et que les employés soient protégés. C'est la moindre des choses ! Nous voterons donc cette motion pour une pharmacie ouverte au public aux HUG, mais surtout pour un projet qui sera bien cadré, on l'espère. Oui, le but est que le service à la population soit efficace, mais que ce ne soit pas juste un moyen de remplir les poches de certaines personnes. Merci. (Quelques applaudissements.)

M. François Lance (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, pour les mêmes raisons que celles évoquées par M. Frey, le groupe démocrate-chrétien votera le texte tel que sorti de commission et refusera tous les amendements qui seront présentés ce soir en plénière. Il suivra donc bien entendu la majorité de la commission.

M. Guy Mettan (PDC), rapporteur de majorité. J'aimerais juste corriger Mme Klopmann: si elle a un problème avec moi, je veux bien l'accepter... (Exclamations.) ...mais alors qu'elle ose dire, comme présidente de commission, que c'est un mensonge... C'est vraiment indigne de vous, Madame, en tant que présidente, de déclarer une chose pareille. Il ne s'agit pas du tout de ce que vous avez dit, et si j'ai été rapporteur, c'est parce que personne, personne ne voulait l'être. Point final. (Brouhaha.) Et si vous ne savez pas ce qui se passe dans votre commission, alors vraiment vous n'êtes pas digne de présider une commission, Madame. (Protestations. Exclamations. Commentaires.)

La présidente. Merci, Monsieur le rapporteur de majorité. Je passe la parole... Ah, excusez-moi, Monsieur Batou, j'aurais dû vous la passer en premier ! C'est à vous, Monsieur le rapporteur de minorité.

M. Jean Batou (EAG), rapporteur de minorité. Merci, Madame la présidente. J'ajouterai trois petites choses. Tout d'abord, j'aimerais citer le conseiller d'Etat Mauro Poggia, qui nous a expliqué en commission que, à ses yeux, la domination du marché de la pharmacie par des groupes disposant de gros moyens financiers résultait d'un cours naturel, si bien que dans le fond on doit s'y plier. Alors je vous rappelle - et je suis étonné par la timidité de mes amis socialistes sur ce point - que les pharmacies genevoises sont dominées par de grands groupes. Le groupe Amavita, par exemple, donc Galenica S.A., comporte 21 pharmacies à Genève, le groupe Pharmacie Populaire, 20 pharmacies, et il faut aussi voir dans les officines les réseaux qui sont en train de se structurer en faveur de groupes importants.

La dernière chose que j'aimerais dire - et c'est peut-être la plus importante - c'est que derrière ce projet il y a la volonté de financer l'insuffisance des dotations publiques pour l'hôpital par des revenus qui viennent de pratiques commerciales ou de locations de surfaces dans des endroits où la clientèle est captive. C'est dit de manière explicite dans la novlangue du New Public Management par M. Bron, qui nous expliquait - je vous cite ce passage, parce que c'est un véritable morceau de bravoure - s'agissant du but de cette grande pharmacie à l'hôpital, que ce type d'initiatives vise à répondre à «un vrai défi - écoutez-moi bien ! - pour essayer de décorréler la droite des ressources allouées à la couverture des soins, par rapport à l'évolution des besoins». Personne n'y a rien compris, mais ça signifie grosso modo que comme on n'arrive plus à financer l'évolution des besoins, il faut aller taper dans le secteur commercial pour financer les dépenses hospitalières. C'est ce qu'on appelle une privatisation rampante de la santé... (Quelques applaudissements.)

Une voix. Aïe, aïe, aïe !

M. Jean Batou. ...et c'est la raison pour laquelle nous voterons contre cette motion si elle n'est pas amendée avec notre invite qui va dans le sens du service public. Merci.

La présidente. Merci, Monsieur le rapporteur de minorité. Je propose que l'on commence par voter l'amendement du groupe Ensemble à Gauche modifiant la première invite, puis que nous passions aux amendements de M. Bläsi visant à ajouter de nouvelles invites. Je vais donc mettre aux voix le premier amendement, qui émane du groupe Ensemble à Gauche, à moins que vous ne vouliez vous exprimer à son sujet, Monsieur Conne. (Remarque. Brouhaha.) Bien, s'il n'y a plus de demande de parole, je vais le soumettre à vos votes. Je vous rappelle qu'il vise donc - je le relis - à modifier la première invite comme suit: «à créer un service pharmaceutique d'urgence aux HUG, géré par une fondation de droit public, ouvert aussi en dehors des heures d'ouverture des pharmacies de quartier;» Celles et ceux qui acceptent... (Commentaires.) Monsieur le conseiller d'Etat, vous aviez demandé la parole en dernier ?! (Brouhaha.) Très bien. Monsieur Mauro Poggia, je vous cède la parole. (Exclamations.)

M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. Merci ! Je crois qu'il y a eu un malentendu, Madame la présidente de séance: j'ai bien évidemment accepté de parler en dernier pour pouvoir m'exprimer une fois pour toutes et ainsi éviter de multiplier mes interventions sur chaque amendement, mais si vous décidez de saucissonner - pardonnez-moi l'expression - le vote sur les amendements, il faut alors bien entendu que je puisse me prononcer sur chacun d'eux. Et en tout cas, préalablement, de manière générale, sur la motion qui vous est proposée. Alors si vous êtes d'accord, je m'exprimerai...

La présidente. Bien sûr, allez-y !

M. Mauro Poggia. Merci, Madame la présidente. Ce débat, nous l'avons déjà eu, et cela à plusieurs reprises. J'ai le sentiment d'assister à un combat d'arrière-garde de certains perdants revanchards, qui relèvent du lobby des pharmaciens et qui sont assistés par des députés de totale bonne foi d'Ensemble à Gauche et des Verts, qui considèrent que les propos qu'ils tiennent ici sont dans l'intérêt public. Je vais leur démontrer, je l'espère, qu'ils ont tort. Par ailleurs, en ce qui concerne les amendements déposés par le député Bläsi, pharmacien de son état, j'ai définitivement renoncé à espérer obtenir de sa part une évolution de la réflexion, puisque manifestement il s'agit d'une prise de position dogmatique défendant des intérêts qui ne sont pas ceux qui devraient présider aux décisions dans le cadre de ce parlement. (Brouhaha.)

Une pharmacie aux HUG, Mesdames et Messieurs les députés - et je me demande dans quel canton vous vivez pour ne pas demander à la population autour de vous ce qu'elle en pense - répond à un réel besoin d'intérêt public. En effet, aujourd'hui, lorsque vous voulez savoir quelles sont les pharmacies de garde la nuit ou le week-end, vous devez chercher l'information sur un site internet - si vous êtes équipé de ce type de moyens, ce qui n'est pas le cas de nos plus âgés - et ensuite vous rendre à cet endroit. Cela change donc régulièrement, toutes les semaines en tout cas, et vous arrivez dans des pharmacies qui, il faut le dire - et cela ressortait d'ailleurs de la presse récemment - ne sont pas particulièrement heureuses de faire ce travail. Il y a effectivement des quartiers qui sont considérés comme dangereux, le personnel est souvent constitué de femmes, qui craignent de rester seules dans la pharmacie, et finalement ce n'est pas un travail rentable. (Brouhaha. La présidente agite la cloche.) Il s'agit donc d'un travail de pharmacie de nuit qui est indispensable mais qui est fait à contrecoeur par les pharmacies actuelles. Le but est d'avoir 24 heures sur 24, 365 jours par année, une pharmacie qui est ouverte et qui répond aux besoins de la population. Car aujourd'hui que fait un père ou une mère qui sort des urgences pédiatriques à 2 heures du matin et qui doit aller chercher des médicaments pour son enfant ? Il cherche la pharmacie de garde et s'y rend. Le but est donc véritablement d'offrir à notre population un service de qualité, et je remercie celles et ceux dans ce parlement qui ont saisi l'importance de la démarche.

J'en viens maintenant aux différents amendements qui ont été déposés. Commençons par celui d'Ensemble à Gauche, puisque c'est le premier qui vous est soumis. Vous voudriez que ce soit une fondation. Eh bien, d'abord, je ne sais pas d'où vous tirez que le but est de réaliser un profit par cette pharmacie... (Brouhaha.) ...puisque la demande d'amendement qui figure dans la motion telle que sortie de commission - que le Conseil d'Etat a acceptée - vise précisément à vous donner une totale transparence quant aux conditions auxquelles ces locaux seront mis à disposition. L'une des craintes était précisément que ces locaux soient mis à disposition à un loyer trop bas - trop bas ! - pour fausser la concurrence. Or aujourd'hui vous nous dites que le loyer serait trop haut pour réaliser des revenus dans la poche des HUG. Mettez-vous d'accord, Monsieur Bläsi et vous, parce que ce ne peut pas être les deux à la fois ! (Commentaires.) Bien. Cette pharmacie est donc là pour répondre à un besoin de la population, cela sera fait en totale transparence, et lorsqu'il s'est agi de savoir à qui allait être confiée la gestion de cette pharmacie... Soit dit en passant, celle-ci pourrait être ouverte exactement en face de l'entrée du nouveau bâtiment des lits 2 qui sera inauguré la semaine prochaine par un grand groupe pharmaceutique helvétique, sans que nous ne puissions rien dire et sans même que je puisse exiger de leur part une ouverture à des horaires particuliers. Cette pharmacie sera précisément là pour répondre à ce besoin, à des conditions que vous pourrez parfaitement contrôler, et nous avons donc cherché à savoir à qui nous pouvions attribuer ce travail pour que l'on ne nous accuse pas de favoriser un groupe pharmaceutique ou un pharmacien particulier. Nous avons alors demandé à pharmaGenève de constituer une entité à laquelle tous les pharmaciens genevois pourraient participer, afin que personne ne soit exclu. Monsieur Bläsi, vous avez décidé de votre propre chef de quitter pharmaGenève pour entrer en opposition: c'est votre droit le plus strict, mais alors ne venez pas ici vous plaindre de ne pas faire partie des exploitants de cette future pharmacie, puisque vous avez précisément décidé vous-même de vous en exclure ! Cette pharmacie sera donc exploitée par l'ensemble des pharmaciens du canton, tous les pharmaciens de bonne volonté qui sont prêts à contribuer non pas seulement à ce service à la population, mais également à la formation de la relève de la pharmacie dans le canton de Genève. Cela se fera dans un lieu de qualité, où l'on disposera des formateurs nécessaires pour que nos jeunes qui s'intéressent à ces filières puissent bénéficier de formations dignes de ce nom.

Je disais tout à l'heure que vous voudriez que ce soit une fondation de droit public. Eh bien cela ne peut pas être une fondation de droit public, parce que dans votre esprit cette fondation doit mettre son bénéfice au service de la collectivité, et vous auriez précisément vos alliés objectifs d'aujourd'hui qui vous attaqueraient demain en vous disant: «Mais quelle concurrence déloyale vous nous faites en mettant une fondation de droit public privilégiée dans les locaux des HUG !» Précisément, nous ne pouvons pas le faire, je suis désolé, mais au moins nous avons une société, une association, soit pharmaGenève, à laquelle nous pouvons imposer des règles, des règles que vous verrez entre autres en termes d'ouverture, de formation, de recherche et de collaboration avec l'ensemble du réseau de soins, car je vous rappelle - cela a été dit en commission - qu'il s'agit aussi de travailler la préparation de la sortie des patients des HUG, notamment d'une population vieillissante, en collaboration avec l'IMAD.

Je poursuis avec l'amendement proposé par Mme Klopmann. Chaque groupe de ce parlement dispose d'un assistant parlementaire, il serait donc souhaitable que vous le mettiez à profit, car cela éviterait une perte de temps à l'ensemble de ce Grand Conseil. En effet, vous nous dites qu'il ne faut pas qu'il y ait de propharmacie. Or si vous lisiez l'article 114, alinéa 3, de la loi sur la santé, vous verriez que la propharmacie est interdite sur tout le territoire du canton de Genève, de sorte que vous n'avez pas besoin de mettre cette indication dans la loi. Ensuite, vous ne voulez pas que les ordonnances soient directement envoyées par fax ou par ordinateur entre les HUG et la pharmacie en question. Là aussi, si vous regardez l'article 83 de la loi sur la santé, vous verrez qu'il interdit précisément ce type de collusions. Par ailleurs, l'article 64, alinéa 1, du règlement sur les institutions de santé indique que des médicaments ne peuvent être remis que sur présentation par le patient de l'ordonnance médicale originale. Cela signifie que si aujourd'hui certains médecins envoient par anticipation une ordonnance à une pharmacie, c'est uniquement pour que celle-ci puisse préparer les médicaments, mais ensuite le patient doit s'y rendre lui-même pour les retirer. A ce propos, l'article 43 de la loi sur la santé garantit le libre choix par le patient de son fournisseur de soins. En conclusion, vous avez déposé un amendement alors que vos préoccupations - certes légitimes, puisqu'un législateur avant vous y avait pensé - sont déjà réglées dans notre législation actuelle.

Venons-en maintenant aux amendements déposés par M. Bläsi. On nous dit tout d'abord - c'est la première invite ajoutée - que cette pharmacie ne doit délivrer des médicaments que sur présentation d'une ordonnance de médecin. Cela veut dire que si, en pleine nuit, vous avez mal à la tête ou que votre enfant tousse et que vous devez aller acheter un sirop antitussif ou une boîte d'analgésiques, vous ne pouvez pas le faire directement: vous devez préalablement - et tout cela est évidemment très judicieux au niveau de la maîtrise des coûts de la santé - vous rendre chez un médecin afin qu'il vous fasse une ordonnance pour que vous puissiez obtenir ces médicaments à la pharmacie. C'est bien entendu aberrant, et je pense qu'il est inutile que j'aille au-delà dans mes explications.

Le deuxième amendement consiste à garantir que les propriétaires soient exclusivement des personnes physiques. Vous êtes d'accord, Monsieur le rapporteur de minorité, vous qui voulez que ce soit une fondation de droit public ? Pourquoi veut-on que ce soient uniquement des personnes physiques ? C'est clairement contraire à la liberté économique garantie par notre Constitution fédérale: nous avons dans ce domaine une égalité de traitement entre personnes physiques et personnes morales, et on ne voit pas pourquoi il faudrait que ce soit une personne physique, sinon pour que ce soit peut-être M. Bläsi personnellement, personne physique certainement intéressée à prendre le relais.

Quant au troisième amendement, il invite à ouvrir une souscription aux mêmes conditions à tous les pharmaciens genevois et non aux seuls pharmaciens membres de pharmaGenève. Là aussi, excusez-moi, je l'ai dit et je le répète: pharmaGenève est une association ouverte à l'ensemble des pharmaciens, et si l'Etat de Genève a décidé de travailler avec cette association, c'est précisément pour ne donner le privilège à personne. Je ne vois donc pas pourquoi nous devrions faire, au niveau des HUG qui sont un simple bailleur, mais qui participeront aussi, dans le cadre du réseau de soins, au travail en commun qui sera réalisé dans les réseaux, un appel public s'agissant de l'ensemble des souscriptions auprès des pharmaciens qui, pour la très grande majorité - plus de 80% - sont membres de pharmaGenève et attendent une seule chose, de pouvoir enfin mettre leurs compétences au service de la population.

Enfin, vous nous demandez, Monsieur le député Bläsi, de garantir que la pharmacie des HUG payera un loyer correspondant aux loyers du marché et s'approvisionnera aux mêmes conditions d'achat que celles accordées aux pharmaciens indépendants. C'est ce que je disais tout à l'heure: vous voyez que la préoccupation de M. Bläsi est inversement dirigée par rapport à vos propres préoccupations. M. Bläsi craint que le loyer soit trop bon marché et que l'on distorde la concurrence, mais vous verrez quels sont les loyers pratiqués. D'ailleurs, vous avez entendu lors de l'audition des personnes en commission qu'il s'agira des loyers qui sont effectivement pratiqués. Il ne s'agit pas de tordre le bras à ceux qui vont louer ces locaux, mais simplement de faire en sorte qu'il n'y ait pas de favoritisme, comme on le dit vulgairement, dans ce domaine.

En ce qui concerne l'approvisionnement de la pharmacie, il faut savoir que les HUG ne peuvent commander des médicaments que pour les patients hospitalisés, selon l'article 102, alinéa 2, de la loi sur la santé. Vous n'avez donc aucune préoccupation à avoir quant au fait que les HUG commandent des médicaments pour eux-mêmes, puis ensuite les revendent à des prix favorables à cette pharmacie. Ce serait clairement contraire à la loi. Cette pharmacie s'approvisionnera comme l'ensemble des pharmacies de ce canton, et dans des règles normales de concurrence.

Voilà, Mesdames et Messieurs, je ne serai pas plus long, je l'ai sans doute été assez, Madame la présidente... (Commentaires.) Non, je peux continuer ? Mon collègue me dit que je peux encore en rajouter une couche... (Rires.)

La présidente. Monsieur le conseiller d'Etat, nous allons de toute façon traiter les amendements...

M. Mauro Poggia. Mesdames et Messieurs les députés, tout cela pour vous dire qu'il ne faut pas faire capoter ce projet. Je ne pense pas que cette motion soit de nature à le faire, mais j'aimerais néanmoins avoir une caution morale de ce Conseil pour ce beau projet. Les HUG inaugureront la semaine prochaine le bâtiment des lits 2, que je vous encourage à venir visiter le week-end prochain, pour celles et ceux qui ne l'ont pas encore fait; vous verrez à quel point Genève s'investit dans le domaine de la santé ! Ne faites donc pas en sorte que ce beau projet ne puisse pas se réaliser, car notre population l'attend. Je vous remercie. (Applaudissements.)

La présidente. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Nous allons commencer par voter sur l'amendement d'Ensemble à Gauche qui consiste à modifier la première invite. Je vous l'ai énoncé tout à l'heure, souhaitez-vous que je vous le relise, Mesdames et Messieurs ?

Des voix. Non !

La présidente. Très bien, dans ce cas nous sommes en procédure de vote.

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 70 non contre 17 oui et 1 abstention.

La présidente. Nous passons maintenant aux différents amendements déposés par M. Thomas Bläsi, qui visent à ajouter de nouvelles invites. Voici la teneur du premier de ces amendements, qui propose donc une troisième invite: «à garantir que la pharmacie des HUG ne délivrera que des médicaments prescrits par un médecin, pour assurer un service de qualité aux patients sortant des HUG ainsi qu'aux patients en urgences;»

Monsieur Bläsi, il vous reste trente secondes si vous voulez vous exprimer sur cet amendement. (Remarque.) Vous ne le souhaitez pas. Monsieur Conne ?

M. Pierre Conne (PLR). Oui, merci, Madame la présidente. Je voudrais signaler que le groupe PLR votera ce projet avec un certain nombre de précisions supplémentaires. S'agissant des amendements, nous accepterons celui qui sera proposé par les Verts et nous adopterons seulement une partie de ceux qui seront présentés par l'UDC. Plus précisément, nous ne voterons pas ses deux premiers amendements. Je vous remercie, Madame la présidente.

La présidente. Merci, Monsieur le député. Monsieur le conseiller d'Etat Mauro Poggia, vous vous êtes déjà exprimé, je pense !

M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. Madame la présidente, je constate que je n'avais pas retourné la feuille sur laquelle figurent les amendements de M. le député Bläsi... (Protestations. Commentaires.) J'avais donc sous-estimé sa faculté à en déposer. Par conséquent, si vous le permettez, je ne m'exprimerai que quelques secondes sur le cinquième et le sixième amendement...

La présidente. Quand on y arrivera !

M. Mauro Poggia. ...qui n'a rien à voir avec la Constitution des Etats-Unis !

La présidente. Très bien. Nous allons donc maintenant nous prononcer sur l'amendement de M. Bläsi visant à ajouter une troisième invite, dont je viens de vous énoncer la teneur.

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 70 non contre 16 oui.

La présidente. Nous passons au prochain amendement de M. Bläsi, qui consiste à ajouter la quatrième invite suivante: «à garantir que les propriétaires (pharmacien privé) de la pharmacie des HUG soient exclusivement des personnes physiques;»

Monsieur le député Bläsi, souhaitez-vous vous exprimer ? (Remarque.) Vous le ferez après, d'accord. La parole n'étant pas demandée, je mets aux voix cet amendement.

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 61 non contre 20 oui et 6 abstentions.

La présidente. Nous abordons à présent le troisième amendement de M. Bläsi. Ce dernier propose d'ajouter une cinquième invite qui s'énonce comme suit: «à ouvrir une souscription aux mêmes conditions à tous les pharmaciens genevois et non aux seuls pharmaciens membres de PharmaGenève afin d'éviter une inégalité de traitement;»

Monsieur le député Thomas Bläsi, vous avez trente secondes pour vous exprimer.

M. Thomas Bläsi (UDC). Merci, Madame la présidente. Je voudrais juste signaler au Bureau que je trouve que M. le conseiller d'Etat oublie sa fonction, ce que moi je ne ferai pas: je resterai donc courtois lors de la présentation de mes amendements. (Commentaires.)

Concernant le troisième amendement que nous avons proposé et qui a été décrit, disons, d'une manière totalement fallacieuse par le conseiller d'Etat, eh bien il s'agit du texte du conseiller d'Etat et de la proposition du conseiller d'Etat: c'est une garantie qu'a offerte le conseiller d'Etat, et par voie de presse, et à la commission, je suis donc surpris qu'aujourd'hui il revienne sur cet engagement. Merci.

La présidente. Merci, Monsieur le député. Je vais maintenant soumettre aux votes de l'assemblée l'amendement de M. Bläsi visant à ajouter une cinquième invite.

Mis aux voix, cet amendement est adopté par 47 oui contre 40 non et 1 abstention.

La présidente. M. Bläsi a ensuite déposé un amendement afin d'ajouter une sixième invite, que je vous lis: «à garantir que la pharmacie des HUG payera un loyer correspondant aux loyers du marché et s'approvisionnera aux mêmes conditions d'achat que celles accordées aux pharmaciens indépendants;»

Monsieur Bläsi, vous avez la parole pour trente secondes.

M. Thomas Bläsi (UDC). Merci, Madame la présidente. S'agissant de cet amendement - et c'est à priori le dernier sur lequel je m'exprimerai, sauf si le conseiller d'Etat reprend la parole - je voudrais juste préciser que, à nouveau, celui-ci a été décrit d'une manière totalement fallacieuse par le Conseil d'Etat, puisqu'en fait c'est lui-même qui a expliqué très clairement à la commission qu'il ferait profiter cette pharmacie d'un «loyer de complaisance», et je le cite. A partir de là, c'est une distorsion des lois du marché, que M. le conseiller d'Etat s'est pourtant démené à défendre contre moi, semble-t-il. C'est une proposition du Conseil d'Etat, mais cela crée une inégalité de traitement qui est inacceptable et qui déséquilibre le projet. Merci, Madame la présidente. (Commentaires.)

La présidente. Merci, Monsieur le député. Monsieur le conseiller d'Etat, sur cet amendement ?

M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. J'aimerais simplement que M. le député Bläsi me dise où et quand j'aurais affirmé que la pharmacie bénéficierait d'un loyer de complaisance.

La présidente. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. S'il n'y a plus de prise de parole, j'ouvre le vote sur cette sixième invite proposée par M. Bläsi.

Mis aux voix, cet amendement est adopté par 46 oui contre 41 non et 1 abstention.

La présidente. Nous sommes maintenant saisis d'un amendement de M. Bläsi visant à ajouter une septième invite, que voici: «à garantir que des contrôles rigoureux seront réalisés annuellement par le département pour que la pharmacie des HUG reste une exception d'implantation de pharmacies dans les établissements médicaux à Genève et que la propharmacie ne se développe pas à Genève;»

Personne ne souhaite s'exprimer ? Nous passons donc au vote.

Mis aux voix, cet amendement est adopté par 44 oui contre 41 non et 2 abstentions.

La présidente. Nous passons au dernier amendement de M. Bläsi, qui propose d'ajouter la huitième invite suivante: «à garantir que le travail de nuit des collaborateurs soit majoré conformément au code du travail;» (Brouhaha.)

Une voix. Vote nominal !

La présidente. Etes-vous soutenu ? (Plusieurs mains se lèvent.) Très bien. (Chahut. La présidente agite la cloche.) Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes en procédure de vote; je vous demande un peu de tenue, s'il vous plaît !

Mis aux voix, cet amendement est adopté par 66 oui contre 12 non et 7 abstentions (vote nominal). (Exclamations pendant la procédure de vote.)

Vote nominal

La présidente. Nous avons maintenant un dernier amendement à traiter. Il s'agit d'une proposition de Mme Klopmann, qui consiste à ajouter une nouvelle invite dont voici la teneur: «à s'assurer qu'il n'y aura pas de propharmacie, ni envoi direct des ordonnances des services des HUG à cette pharmacie.»

Madame Klopmann, vous disposez de trente secondes pour le présenter.

Mme Sarah Klopmann (Ve). Merci, Madame la présidente. Je sais que la loi interdit la propharmacie, et je l'ai déjà dit. Seulement, ce n'est pas toujours très clair. En effet, la justice a déjà mis des plombes à déterminer si oui ou non une pharmacie pouvait ouvrir dans le centre médical d'Onex, et d'autre part il y a déjà eu des problèmes aux HUG lors d'une précédente législature, si bien que le magistrat en charge a dû intervenir.

Ensuite, je sais également que la loi garantit le libre choix du prestataire de soins, raison pour laquelle je pense que les ordonnances ne doivent pas être envoyées dans une pharmacie que le patient n'a pas choisie, et je ne vois vraiment pas en quoi il est problématique de le préciser ! Je commence donc à me méfier du magistrat, qui se bat tant contre une invite qu'il dit pourtant n'être que la simple demande du respect de la loi... Or, pour moi, si une invite demande simplement de respecter la loi, afin de s'assurer qu'il n'y aura pas de possibilité de la contourner, le magistrat doit la plébisciter s'il souhaite aussi le respect de la loi ! (Applaudissements.)

La présidente. Merci, Madame la députée. Sur cet amendement, je passe la parole à M. le conseiller d'Etat Mauro Poggia.

M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. Merci, Madame la présidente. Concernant les décisions judiciaires, Madame la députée, vous lirez avec intérêt l'arrêt du 2 août 2016, considérant 3.6.2 - consistant précisément à se prononcer sur l'ouverture d'une pharmacie, vous le savez, dans un centre médical à Onex - dans lequel le Tribunal fédéral a dit que la situation était légale. Pour le surplus, c'est une question de technique législative. Je m'étonne qu'aucun député de ce parlement n'ait déposé un amendement pour demander que le département vérifie que les règles d'hygiène soient bien respectées au sein de cette future pharmacie... On peut évidemment reprendre textuellement toutes les dispositions de notre législation et demander que l'on veille à ce qu'elles soient respectées, mais en principe le gouvernement fait respecter la loi partout où elle doit s'appliquer, il n'est donc pas utile que nous soyons saisis de motions de ce genre lorsqu'on a un pareil retard dans le traitement des objets de ce parlement. Merci.

La présidente. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Nous allons passer au vote sur l'amendement de Mme Klopmann que je vous ai lu précédemment.

Mis aux voix, cet amendement est adopté par 46 oui contre 37 non et 2 abstentions.

La présidente. Avant de mettre aux voix cette motion telle qu'amendée, je vais donner la parole à M. le rapporteur de majorité, à qui il reste trente secondes.

M. Guy Mettan (PDC), rapporteur de majorité. Merci, Madame la présidente. Ça suffira ! Je voudrais juste dire que je regrette que nous ayons assisté maintenant au triomphe du corporatisme le plus étroit... (Protestations. Commentaires. La présidente agite la cloche.) S'il vous plaît ! ...et au bafouement... (Exclamations. Chahut.) ...de l'intérêt général...

La présidente. Monsieur le député, attendez un instant ! Mesdames et Messieurs, nous avons presque fini notre session. Merci de respecter encore les orateurs !

M. Guy Mettan. ...de la population genevoise. Dès lors, comme ce projet est devenu totalement «wishy-washy», comme on dit en bon français, et qu'il ressemble maintenant à une espèce de pudding indigeste, nous refuserons cette motion. (Commentaires.)

La présidente. Merci, Monsieur le député. Monsieur le rapporteur de minorité, il vous reste également trente secondes. (Exclamations. La présidente agite la cloche.)

M. Jean Batou (EAG), rapporteur de minorité. Merci, Madame la présidente. J'aimerais simplement dire qu'évidemment nous ne sommes pas satisfaits de cette motion, mais que nous la voterons telle qu'amendée parce qu'un certain nombre d'éléments vont tout de même dans le bon sens. Merci. (Brouhaha.)

La présidente. Merci, Monsieur le député. La parole n'étant plus demandée, nous allons maintenant nous prononcer sur cette proposition de motion telle qu'amendée, qui contient désormais sept invites.

Mise aux voix, la motion 2254 ainsi amendée est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 48 oui contre 38 non. (Applaudissements à l'annonce du résultat. Quelques huées.)

Motion 2254