Séance du
jeudi 23 février 2017 à
20h30
1re
législature -
3e
année -
13e
session -
70e
séance
PL 11932-A
Premier débat
Le président. Nous passons au PL 11932-A, en catégorie II, trente minutes. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Je prie les rapporteurs de prendre place à la table, et je passe la parole à M. le rapporteur de majorité.
M. Jean-Luc Forni (PDC), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, le présent projet de loi vise à permettre à l'Etat... (Brouhaha.) ...soit pour lui l'Hospice général... (Brouhaha.) ...l'Hospice général... l'Hospice général... (Brouhaha persistant. L'orateur rit.) Je vois que j'intéresse tout le monde !
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, je vous demande un peu de calme, s'il vous plaît ! Monsieur de Sainte Marie, merci ! Vous pouvez poursuivre, Monsieur le député.
M. Jean-Luc Forni. Merci, Monsieur le président. Je disais que le présent projet de loi vise à permettre à l'Etat, soit pour lui l'Hospice général, en cas d'urgence en matière d'asile, d'utiliser des bâtiments ou des terrains dont il n'est pas propriétaire pour l'hébergement des personnes attribuées par la Confédération à notre canton en application de la loi fédérale sur l'asile. Il est nécessaire et urgent de créer les bases juridiques qui permettent au canton de prendre, le cas échéant, les mesures nécessaires afin que l'hébergement et la prise en charge de tous les nouveaux arrivants soient assurés conformément aux exigences de l'article 12 de la Constitution fédérale et aux obligations qui incombent aux cantons sur la base de la loi fédérale sur l'asile. (Brouhaha persistant. L'orateur rit. Le président agite la cloche.)
Les dispositions proposées ne peuvent s'appliquer qu'à des immeubles en mains publiques, à savoir des bâtiments ou des terrains dont sont propriétaires une commune, une personne morale de droit public ou encore une personne morale de droit privé sur laquelle l'Etat ou une commune exerce une maîtrise effective par le biais d'une participation majoritaire à son capital social ou par le biais de la délégation en son sein de représentants en position d'exercer un rôle décisif sur la formation de sa volonté ou sur la marche de ses affaires. Les ouvrages de protection civile sont également visés par ce projet. (Brouhaha.) Les maisons d'habitation... (Brouhaha persistant.) Les maisons d'habitation... Les maisons d'habitation sont expressément exclues du champ d'application du projet de loi.
Concernant la discussion en commission, notons que les commissaires UDC ont déclaré que l'UDC s'oppose à ce projet de loi - je pense que mon collègue rapporteur de minorité le confirmera - arguant qu'une partie de la population n'arrive pas à se loger, raison pour laquelle il faut favoriser, en gros, le logement des résidents au lieu de privilégier les migrants. Un commissaire MCG a indiqué que le MCG est aussi partagé sur ce projet de loi: s'il y a une vraie crise de l'asile et que Genève doit accueillir un certain nombre de migrants envoyés par la Confédération, le MCG regrette que certaines constructions pour les requérants aient été détruites, mais il se réjouit de voir que de nouveaux logements vont être construits, ce qui permettra finalement de ne pas avoir à appliquer ce texte. En outre, le fait de ne pas trouver des solutions hors des lieux habités est un problème. Par conséquent, le MCG nous a dit devoir s'abstenir sur ce texte. Les autres commissaires ont largement accepté ce projet de loi, à l'instar d'une commissaire des Verts qui a indiqué que son parti entrerait en matière sur ce projet de loi, car il donne un cadre précis sur les conditions d'accueil sur le territoire genevois, et que si ce texte a pour but d'anticiper et de planifier l'urgence, le groupe des Verts souhaite que cela ne se fasse pas au détriment d'une anticipation de solutions d'hébergement plus durables et modulables, comme cela a été évoqué.
Mesdames et Messieurs les députés, la commission des affaires sociales a accepté à une large majorité ce projet de loi modifiant la loi d'application de la loi fédérale sur l'asile et vous invite à en faire de même. Il donne en effet au canton, comme je l'ai dit tout à l'heure, la possibilité d'appliquer la politique fédérale en matière d'accueil et de logement des migrants. Il a également pour but d'anticiper et de planifier les situations d'urgence en fonction de l'intensité des flux migratoires, qui heureusement se sont un peu calmés actuellement, et il a également reçu l'appui des communes genevoises. Je vous remercie de votre attention.
M. Marc Falquet (UDC), rapporteur de minorité. Il est vrai que la loi fédérale sur l'asile a été acceptée. Le but de cette loi était de raccourcir les procédures. L'UDC, à l'époque, avait dénoncé le fait que dans la loi figuraient quelques lignes sur les possibilités d'expropriation, et aussi le business colossal lié à l'asile. Aujourd'hui, on voit le Conseil d'Etat, qui a même anticipé les résultats, se ruer sur cette loi pour l'appliquer, alors qu'en plus, la Constitution, suite à l'initiative sur l'immigration de masse, prévoit des restrictions aussi dans l'asile. Ce qui est drôle, c'est qu'aujourd'hui, on peut constater une synchronicité intéressante avec le fonctionnement en boucle du système de l'asile: la droite vient de voter un centre de rétention pour renvoyer les demandeurs d'asile; la gauche, peut-être aidée du PLR, va voter la possibilité de réquisitionner des logements pour y mettre des demandeurs d'asile. On voit qu'il y a un fonctionnement très bien organisé. Je prendrai la parole par la suite pour donner plus d'arguments.
M. Patrick Saudan (PLR). Mesdames et Messieurs les députés, le PLR va accepter ce projet de loi du Conseil d'Etat principalement pour deux raisons. La première est que gouverner, c'est prévoir; il nous semble normal que le Conseil d'Etat anticipe un nouvel afflux massif de réfugiés, comme cela s'était passé en 2015, en ayant la possibilité d'utiliser rapidement, si nécessaire, des habitations pour l'hébergement de ces réfugiés. La deuxième raison est encore plus prosaïque: le canton de Genève doit faire face à ses obligations fédérales et doit remplir sa part dans l'accueil des réfugiés, décidée par Berne, aussi dans un esprit de solidarité confédérale et d'obligation légale.
Quant aux objections du rapporteur de minorité, que j'ai lues dans son rapport, prétexter la crise du logement nous paraît relever d'une problématique tout autre. Il faut savoir que les logements qui seraient utilisés sont principalement des abris de la protection civile; je ne pense pas qu'on va régler la crise du logement en utilisant des abris de la protection civile pour les Genevois en recherche de logements plus abordables. Deuxièmement, les fantasmes imprégnés de théorie du complot qui ressortent du texte du rapporteur de minorité nous semblent très éloignés de la réalité. En fait, l'afflux de réfugiés est très lié à des problèmes géopolitiques, et non pas à l'idée d'instaurer une prétendue cinquième colonne qui saperait les fondements de la civilisation européenne. C'est pourquoi le PLR acceptera ce projet de loi. Je vous remercie.
M. Christian Frey (S). Mesdames et Messieurs les députés, le groupe socialiste vous invite à accepter ce projet de loi qui donne au canton, en cas d'urgence, et en cas d'urgence seulement, les moyens d'appliquer la politique fédérale en matière d'accueil et de logement des migrants, autrement dit d'accueillir les 5,9% de demandeurs d'asile attribués au canton de Genève. Par rapport à cet accueil, il ne saurait y avoir de passe-droit. Toutes les communes se doivent de faire leur part. Ce projet de loi donne au canton la base légale pour agir dans ce sens. Mentionnons encore que le comité de l'Association des communes genevoises approuve ce texte à l'unanimité, que le dialogue avec les communes reste ouvert, qu'un droit de recours existe, que des indemnités sont prévues, bref, tout est prévu, tout est en place pour que les choses se passent le mieux possible. Nous vous recommandons d'accepter ce projet de loi.
M. Patrick Lussi (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, évidemment, nous sommes en plein dans la polémique; nous venons d'entendre un député nous affligeant de tous les maux de la création parce que nous osons dire qu'il n'est peut-être pas sain qu'on commence à réquisitionner, malgré les pourcentages attribués au canton de Genève. Quand on regarde la densité d'habitation, les gens qui habitent à Genève et dans des parties d'autres cantons où on pourrait aussi réquisitionner des chambres, réquisitionner plein de choses pour y construire des abris et autres, il s'agit d'abord de rappeler l'exiguïté du canton de Genève et le nombre de personnes qui y résident. Et puis, même si ça vous dérange, même si ça vous ennuie qu'on le dise, on a quand même une crise du logement. J'en parle d'autant plus que beaucoup de nos enfants ont de la peine à se loger, surtout quand ils se marient et qu'ils veulent fonder une famille. Vous me direz que ce n'est pas à cause des réfugiés, mais à cause de notre société qui crée plus de familles monoparentales que de mariages: d'accord, on peut en parler, mais c'est quand même une des conséquences.
La deuxième chose qui nous a dérangés - vous auriez pu le dire, ça figure dans le rapport, Monsieur Saudan - c'est que la loi fédérale fixe des éléments. Gouverner, c'est prévoir; précéder, c'est du dirigisme ! La loi fédérale donne un délai de deux ans pour la mise en vigueur de ceci. C'est d'ailleurs un amendement que nous avions déposé, qui a été refusé en commission, je suis d'accord. Mais la base de notre argumentation repose quand même là-dessus. Donc, Mesdames et Messieurs les députés, l'UDC ne prendra pas acte de ce texte et refusera des dispositions qui permettent de se diriger vers des réquisitions dans les communes. D'ailleurs, si vous regardez l'audition du président de l'Association des communes genevoises - je ne donnerai pas son nom, parce qu'on ne parle pas de noms - qui est pourtant socialiste, il a dit que les communes genevoises ne sont pas enthousiastes avec ceci, mais que bon... (Remarque.) Oui, c'est dans le PV, c'est écrit, hein !
L'UDC maintiendra donc sa position, Monsieur le président, elle vous demande de refuser ce projet de loi, parce que malgré tout, notre démocratie fonctionne d'abord par les communes, ensuite par le canton, ensuite par Berne. Je sais que la tendance actuelle - on vient de le voir avec notre initiative sur l'immigration de masse - est de faire le contraire; jusqu'à quand cela durera, je ne sais pas. Profitez, pour le moment vous bénéficiez d'un trend. Mais nous n'entrerons pas dans ce trend, et l'UDC vous recommande de refuser ce projet de loi. Je vous remercie.
Mme Jocelyne Haller (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, de quoi est-il question ? Permettez-moi de vous relire l'alinéa 1 de l'article 9: «En cas de situation d'urgence en matière d'asile, si aucune autre possibilité d'hébergement n'est disponible immédiatement ou à court terme, l'Etat peut réquisitionner, à titre temporaire, des bâtiments ou des terrains aux fins de leur mise à disposition de l'Hospice général pour l'hébergement de personnes migrantes attribuées au canton par la Confédération en application de la loi fédérale sur l'asile [...]» Il ne s'agit même pas d'aller au-devant d'un besoin, il s'agit juste d'appliquer la loi. Vous savez très bien, de plus, que des quotas sont fixés pour le canton et que nous devons répondre à cet impératif. Ceci pour la question de l'application de la loi. Cela étant, au-delà des questions d'obligation légale, notre devoir d'humanité et d'hospitalité nous amène au devoir de proposer des conditions d'accueil dignes aux requérants d'asile. Il ne s'agit de rien de moins que de donner au département les moyens d'assurer des conditions de vie qui soient pour le moins correctes, ce que nous avons eu beaucoup de peine à assurer jusqu'à maintenant.
Enfin, en ce qui concerne cette espèce d'argument qui consiste à dire qu'on fournirait des solutions de logement aux requérants d'asile au détriment de la population locale, mais de qui se moque-t-on ? M. Saudan l'a relevé tout à l'heure, il ne s'agit en aucun cas des mêmes types de logements ! J'aimerais bien voir la population genevoise accepter de vivre dans les conditions qu'on offre aujourd'hui aux migrants. Soyons donc cohérents. Nous avons une obligation légale, mais nous avons aussi une obligation morale de ménager des conditions correctes d'hébergement aux requérants d'asile. Donnons les moyens au Conseil d'Etat de répondre à cet impératif. C'est pour toutes ces raisons que nous accepterons ce projet de loi. Je vous remercie de votre attention.
M. Bertrand Buchs (PDC). Le groupe démocrate-chrétien va voter ce projet de loi, parce que c'est un texte bienvenu, qui arrive au bon moment. Quand est survenue la crise en Syrie - qui perdure - et qu'il y a eu des milliers de migrants sur les routes, on avait peur de ne pas pouvoir les accueillir s'ils arrivaient à Genève ou en Suisse en grand nombre; rien n'était prévu. Plusieurs propositions de motions et de résolutions avaient été déposées, on va en discuter ce soir ou demain dans ce Grand Conseil. Un réfugié n'est pas quelqu'un qui s'annonce deux mois ou deux semaines à l'avance, en réservant sa chambre ! C'est quelqu'un qui va toujours arriver au mauvais moment, on n'aura pas prévu sa venue. Il faut qu'on ait les instruments légaux pour qu'en cas d'urgence, on puisse loger ces gens, parce qu'on a le devoir de le faire et qu'on n'a pas le choix de dire non. C'est comme ça, ces gens ont besoin qu'on les aide, on doit les aider, un point c'est tout. Je vous remercie.
Mme Frédérique Perler (Ve). Comme l'a rappelé le rapporteur de majorité, on ne donne ici rien de moins qu'une base légale à une pratique déjà en vigueur de par l'adoption d'un règlement urgent du Conseil d'Etat. C'est donc une base légale qui est donnée, et en cela, c'est bien plus clair vis-à-vis des communes: même si le dialogue sera privilégié - le président de l'Association des communes genevoises en a parlé - il est tout de même important d'avoir une base légale en cas d'urgence, et comme on l'a dit, ça reste temporaire. Cette intendance est ainsi réglée par la loi. C'est aussi une manière de pallier le manque d'anticipation et de planification qu'on a souvent regretté de la part du Conseil d'Etat lors de l'afflux massif de réfugiés, et d'offrir des conditions d'accueil dignes pour les migrants qui nous arrivent. On a aussi rappelé que les quotas définis par la Confédération sont une obligation légale: on n'a pas le choix. Il sied donc vraiment d'anticiper sur ce point-là.
S'agissant de la sensibilité de la minorité, les Verts regrettent que d'une manière récurrente, cette minorité oppose les populations. Certes, il y a une crise du logement à Genève, mais elle n'est pas imputable aux réfugiés qui nous arrivent; elle est imputable à bien d'autres causes que je n'énumérerai pas ici, parce que je ne souhaite pas qu'on se fâche à ce stade. Les Verts voteront ce projet de loi. Je vous remercie.
Le président. Merci, Madame la députée. Je passe la parole à M. le député Eric Stauffer pour une minute trente.
M. Eric Stauffer (HP). Merci, Monsieur le président, de votre générosité. Ces nonante secondes seront utilisées à bon escient. Mesdames et Messieurs, chers collègues, vous le savez, je suis député indépendant, et donc parfaitement libre de m'exprimer sur tous les sujets. Or, je me refuse, en tant qu'élu du peuple genevois, à entrer dans la spirale des décisions qui échappent totalement au canton de Genève. Les phénomènes migratoires sont dus à l'incohérence, à la lâcheté de l'Europe, sont dus - et je suis désolé de le dire - à la mollesse de la diplomatie suisse, car on ne règle pas le problème à l'arrivée, on le règle au départ, Mesdames et Messieurs ! (Commentaires.) Et aujourd'hui, on vient nous dire que nous devons autoriser le Conseil d'Etat à réquisitionner n'importe quel bien sous le prétexte de l'urgence !
Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur le député.
M. Eric Stauffer. Parce que vous pensez que la situation va s'améliorer dans les mois ou les années qui viennent ?
Une voix. Non !
M. Eric Stauffer. Non ! C'est à Berne de trouver les solutions face à son incompétence à régler au niveau diplomatique les problèmes créés par les crises migratoires ! Et je me refuse, en tant que garant d'une partie de la population genevoise, de céder à ce chantage ignoble que font les gouvernements des pays européens !
Le président. C'est terminé, Monsieur le député.
M. Eric Stauffer. Je conclus. Rappelez-vous qu'une chaîne se mesure au maillon le plus faible; et en l'occurrence, le maillon le plus faible, c'est l'Europe ! (Vifs commentaires.)
Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole au rapporteur de minorité pour une minute quarante.
M. Marc Falquet (UDC), rapporteur de minorité. Merci, Monsieur le président. Pour l'UDC, cette loi est une nouvelle attaque frontale contre les libertés, notre souveraineté et notre libre arbitre. Chacun parle du devoir d'humanité, d'obligations morales, etc. Oui, pour notre propre population ! Pour des raisons politiques, l'association des communes a accepté le projet de loi, mais six communes sur neuf qui sont concernées ont refusé d'accueillir des demandeurs d'asile ou de placer des migrants sur leur territoire.
On nous parle d'urgence; mais faut pas rêver ! Ce sera une situation d'urgence durant les trente prochaines années ! Des dizaines de millions de jeunes veulent venir en Europe. On va faire comment pour les loger ? A un moment donné, on doit dire stop ! On doit dire stop ! (L'orateur se tourne vers le banc du Conseil d'Etat.) Vous devez gouverner, aller à Berne et dire stop ! Toutes les structures à Genève sont saturées. Il y a dix mille personnes qui sont mal logées. Vous dites que ça n'a rien à voir avec les demandeurs d'asile. Combien ça coûte, tout ce qu'on met pour les demandeurs d'asile ? Ce n'est pas rien du tout. (L'orateur se tourne vers la salle.) Est-ce qu'on leur rend vraiment service, à ces demandeurs d'asile qui viennent ? Quel avenir ont-ils à Genève ? Pour la plupart, ils sont inemployables, on ne peut pas les employer; ils sont inintégrables, on ne peut pas les intégrer. Finalement, la plupart deviendront des criminels, ils seront à l'assistance sociale à vie... (Exclamations, vifs commentaires. Le président agite la cloche.) Ce sont des réalités ! Ils seront à l'assistance sociale à vie et ils vont nourrir les salles d'attente des psychiatres. C'est ça qu'on va faire ! En fait, on détruit leur vie, car ils seront totalement désillusionnés d'être en Suisse où ils pensaient que la situation était mirobolante, alors que ce sera une déception totale. On ne leur rend pas du tout service non plus du point de vue économique: ils se sont endettés pour venir en Suisse, ils devront rembourser, faire du trafic de drogue. Ce n'est pas une solution, Mesdames et Messieurs, c'est une erreur colossale de faire ça ! On doit favoriser notre propre population qui souffre, nom d'une pipe ! La moitié de la population est sous antidépresseurs, à Genève ! On a ici le nombre de psychiatres le plus élevé par habitant, le nombre de déprimés le plus élevé et carrément le nombre de suicides le plus élevé quasiment au monde, avec presque deux suicides par semaine.
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député.
M. Marc Falquet. Tout ça n'a rien à voir, on doit prioriser l'intérêt des Genevois et pas essayer, sous un prétexte humanitaire, de sauver le monde ! (Quelques applaudissements. Quelques huées. Le président agite la cloche.)
Des voix. Bravo !
Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à M. le rapporteur de majorité. Monsieur Forni, il vous reste trente secondes, plus deux minutes sur le temps de votre groupe.
M. Jean-Luc Forni (PDC), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Je voudrais tout d'abord corriger une imprécision: j'ai oublié de mentionner dans mon rapport que les travaux de la commission avaient été effectués sous l'appréciée présidence de Mme Frédérique Perler. Pour revenir sur les propos de mon collègue rapporteur de minorité, j'aimerais rappeler que les réfugiés mineurs non accompagnés ont fait l'objet d'un rapport d'Amnesty International, qui se plaint des méthodes des gardes-frontière, qui les refoulent sur le territoire italien. Ces réfugiés mineurs non accompagnés sont bien souvent les citoyens de demain, et nous devons leur prêter la meilleure attention pour les intégrer de manière convenable, en déployant tous les moyens à notre disposition. Par le biais des mesures prises, nous pouvons essayer de les accompagner le mieux possible, dans les meilleures structures, et cela pour le bien de notre population et pour la meilleure intégration possible, afin qu'ils deviennent, dans une harmonie parfaite, les citoyens suisses de demain. (Quelques applaudissements.)
Une voix. Bravo !
M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, après les quelques envolées auxquelles nous avons assisté - envolées qui n'ont rien de lyrique - je pense qu'il est souhaitable de revenir au propos qui nous occupe aujourd'hui. Nous ne sommes pas ici pour délibérer de la politique d'asile fédérale, nous sommes ici pour répondre à une question simple, qui est celle de savoir ce que doit faire Genève lorsqu'elle reçoit 6,1% des réfugiés qui s'annoncent entrants dans notre pays, part qui lui est attribuée par la Confédération. Lorsqu'il n'y a plus de locaux pour les accueillir, que doit faire le canton ? Il peut penser, bien sûr, à la caserne des Vernets: malheureusement, un conseiller fédéral qui porte les couleurs des détracteurs du texte qui vous est proposé considère que ce bâtiment doit rester vide la moitié de l'année plutôt que de permettre à Genève de trouver des solutions provisoires lors de situations de crise. (Commentaires.) Bien sûr, bien sûr, nous souhaiterions que la situation soit différente, pas seulement quant à la répartition intercantonale, mais différente au niveau européen, au niveau international. Il n'en demeure pas moins qu'une fois que ces personnes sont sur le territoire genevois, il est de notre responsabilité, Mesdames et Messieurs, de leur trouver des lieux pour un hébergement digne. Quand je dis digne, je ne parle pas d'abris: vous le savez, le Conseil d'Etat considère qu'il s'agit de solutions provisoires, de fortune, qui ne doivent pas durer et qui doivent à terme être remplacées. Nous y avons travaillé dès le mois de juin 2015; le Conseil d'Etat a mis sur pied une task-force pour répondre, avec une rapidité jamais vue, à cette préoccupation. Et cela se fait non pas au détriment de logements pour la population genevoise: je pense qu'il faut le dire et le marteler, contrairement à ce qu'on affirme, il s'agit de logements dans lesquels nous ne pourrions évidemment pas placer des résidents genevois. Il s'agit de solutions provisoires, d'habitations modulaires, mais qui sont évidemment préférables, d'abord humainement, mais aussi financièrement, aux abris qui ont servi de première réponse à cette vague massive d'arrivées en Suisse et dans notre canton.
Le Conseil d'Etat aurait parfaitement pu fonctionner avec le règlement qu'il a adopté sur la base de la clause générale de police, qui lui permet, déjà aujourd'hui, quand il s'agit de répondre à un état de nécessité, de réquisitionner des biens publics, appartenant aux collectivités publiques, même si celles-ci refusent de les mettre à disposition. Le Conseil d'Etat considère que ce n'est pas une façon de gouverner, qu'il faut utiliser la voie législative, que le débat doit avoir lieu dans ce parlement, raison pour laquelle ce projet de loi vous est soumis. Celles et ceux qui l'ont lu - et je doute que ce soit le cas de certains qui se sont élevés contre son contenu - verront parfaitement qu'il s'agit de solutions tout à fait exceptionnelles, que nous devons mettre en place en situation d'urgence, dans des délais extrêmement brefs et pour une période courte. L'article 9 est clair; la pesée des intérêts est mentionnée ainsi que, bien sûr, le droit d'être entendu pour la collectivité ou l'institution propriétaires des biens - car il faut qu'il y ait une relation avec le droit public, il n'est pas question de réquisitionner des biens privés, faut-il le rappeler. S'il est malgré tout décidé d'aller de l'avant, il y a une responsabilité, bien sûr, pour le dommage qui peut être causé à l'ouvrage; une indemnité est versée au propriétaire; et surtout, l'article 17 mentionne l'obligation de libérer les lieux aussitôt que l'Etat a trouvé une alternative.
Nous avons besoin de cette loi. C'est en période d'accalmie - puisque nous vivons en ce moment une telle période, par rapport à ce que nous avons connu depuis le milieu de l'année 2015 - qu'il faut préparer les bases d'une possible - regrettable sans doute, mais possible - nouvelle arrivée massive de réfugiés dans notre pays. En tout cas, l'histoire récente de celui-ci nous apprend qu'il y a eu des vagues successives, et il faudrait être excessivement optimiste pour penser que nous sommes définitivement à l'abri - pour autant qu'il faille utiliser ce terme - de ce genre d'arrivées dans notre pays.
Voilà, Mesdames et Messieurs, pourquoi le Conseil d'Etat vous propose en toute transparence une loi qui doit nous permettre tout cela, bien sûr après avoir privilégié la concertation - et de fait, nous n'avons aujourd'hui, malgré les moyens réglementaires à disposition, jamais eu besoin de les mettre en application car nous avons toujours privilégié la concertation. Mais vous ne m'en voudrez pas de vous dire qu'il est toujours plus simple de faire appel à la solidarité quand on a une alternative en main, pour, le cas échéant, obtenir néanmoins ce dont nous avons besoin dans des situations tout à fait exceptionnelles. Je vous encourage dès lors vivement à soutenir le Conseil d'Etat et à approuver ce texte, merci.
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je vais vous faire voter sur l'entrée en matière. (Remarque.) Nous sommes en procédure de vote, Monsieur le député !
M. Eric Stauffer. Mais non, Monsieur le président, j'ai appuyé bien avant ! (Commentaires.)
Le président. Je suis désolé, c'est trop tard, je ne donne plus la parole après le conseiller d'Etat.
M. Eric Stauffer. Monsieur le président, j'ai demandé en temps et heure... (Protestations. Commentaires.)
Le président. Je suis désolé, Monsieur le député, c'est non ! (Commentaires.) Mesdames et Messieurs, je vous fais voter...
M. Eric Stauffer. Article 82 de la LRGC ! J'ai demandé la parole pour le renvoi en commission ! Alors je vous prie de bien vouloir accepter ma... (Commentaires. Protestations.)
Une voix. C'est pas vrai ! (Commentaires.)
Une autre voix. Ça commence !
M. Eric Stauffer. Attitude inadmissible, Monsieur le président ! (Exclamations.)
Une autre voix. Bravo, Monsieur le président !
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, je vous fais voter sur l'entrée en matière.
Mis aux voix, le projet de loi 11932 est adopté en premier débat par 68 oui contre 17 non et 4 abstentions.
La loi 11932 est adoptée article par article en deuxième débat et en troisième débat.
Mise aux voix, la loi 11932 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 66 oui contre 14 non et 10 abstentions.