Séance du vendredi 27 janvier 2017 à 16h
1re législature - 3e année - 12e session - 67e séance

M 2332-A
Rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur la motion de MM. Romain de Sainte Marie, Georges Vuillod, Jacques Béné, Boris Calame, Thierry Cerutti, Jean-Marc Guinchard, Thomas Wenger, Roger Deneys, Serge Hiltpold, Patrick Lussi, André Pfeffer, Sandro Pistis pour une étude détaillée du chômage à Genève
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session XII des 26 et 27 janvier 2017.

Débat

Le président. Nous abordons maintenant la M 2332-A dont le débat est classé en catégorie II, trente minutes. (Un instant s'écoule.) La parole n'est pas demandée...

M. Romain de Sainte Marie. Si, si, si !

Le président. Allez-y, Monsieur de Sainte Marie.

M. Romain de Sainte Marie (S). Merci, Monsieur le président. Je serai bref, je ne savais pas s'il fallait demander formellement le renvoi en commission ou si vous alliez le faire voter automatiquement, c'est pour ça que j'ai finalement appuyé sur le bouton pour prendre la parole - je vois que M. Béné souhaite la prendre aussi. Je voudrais juste exprimer notre mécontentement - et je crois que les socialistes ne sont pas les seuls à le ressentir - quant à la réponse du Conseil d'Etat à la motion 2332. Je vous invite à la lire - puisque les éléments sont là, factuels - afin que vous puissiez bien comprendre notre déception.

Citons tout d'abord l'invite de cette motion émanant de la quasi-unanimité de la commission de l'économie, qui demande au Conseil d'Etat de «réaliser une étude détaillée du profil des personnes en recherche d'emploi, par secteur et par formation, ainsi que des besoins des employeurs par activité et par branche». Nous estimons que ce serait la moindre des choses, pour mener une politique d'insertion professionnelle efficace dans notre canton, d'avoir en notre possession des éléments détaillés à ce sujet afin de pouvoir faire les bons choix à la commission de l'économie et dans ce Grand Conseil.

Dès lors, nous sommes particulièrement déçus par la réponse du Conseil d'Etat qui nous indique la chose suivante - je vais quand même en lire un passage parce que ça en vaut la peine, on pourrait presque dire que cette réponse ne mange pas de pain: «La demande de main-d'oeuvre est susceptible d'évoluer rapidement alors que les processus d'orientation et de formation déploient leurs effets à moyen et long termes. Il existe des doutes quant au fait que pareille enquête permette de remplir les objectifs posés par les auteurs de la motion avec une réelle efficacité.» Ce serait pourtant la moindre des choses de connaître la situation de notre canton en matière de chômage ! Je continue: «Même sans référence à la libre circulation des personnes instaurée par les accords bilatéraux, la mobilité de la main-d'oeuvre [...] fragilise grandement un raisonnement opéré uniquement à l'échelon cantonal.»

Bref, le Conseil d'Etat nous répond par la négative et estime qu'il est impossible de fournir... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...des éléments statistiques concernant le chômage à Genève, et c'est navrant car on aurait aimé avoir un peu plus de lumière pour prendre des décisions éclairées. Par conséquent - peut-être que M. Béné le demandera aussi - la commission de l'économie sollicite le renvoi de ce rapport en commission.

M. Jacques Béné (PLR). Je confirme... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...les propos de M. de Sainte Marie: je trouve en effet inacceptable la réponse du Conseil d'Etat. Si on suit le raisonnement de celui-ci, les choses changent tellement vite qu'on ne peut pas faire d'analyse, que ça coûterait de toute façon trop cher. Alors que l'Etat arrête de s'occuper de l'emploi et de la formation, qu'il laisse faire les organismes patronaux et syndicaux ! Si c'est ça, la réponse du Conseil d'Etat, j'aimerais qu'il vienne nous le dire en commission, ça nous permettra cas échéant de savoir ce qu'on fait de cette motion. Je vous remercie.

M. Boris Calame (Ve). J'aimerais dire que je rejoins pleinement les propos de mes préopinants. Quelle déception à la lecture de ce rapport ! Ce serait bien que l'on puisse auditionner le Conseil d'Etat et trouver le moyen, au travers d'une discussion de commission, d'avoir des réponses à nos questionnements, qui sont récurrents au sein de la commission de l'économie. Je vous remercie, Mesdames et Messieurs les députés, de soutenir la demande de renvoi en commission.

M. Jean-Luc Forni (PDC). Le parti démocrate-chrétien s'associe au cortège de doléances qui viennent d'être exprimées. Nous sommes en effet très déçus par ce rapport en demi-teinte - soyons polis - du Conseil d'Etat. Nous sommes d'autant plus surpris que les chiffres du chômage tels qu'on nous les a annoncés cette année étaient en diminution, ce qui constituait une belle performance par rapport à la situation économique genevoise. Cela dit, il serait quand même intéressant de savoir où sont les chômeurs.

Dire que la situation du monde professionnel évolue plus rapidement que les moyens de changer les formations nous paraît certes juste, mais si on ne prend pas le taureau par les cornes, on n'arrivera jamais à rien, et laisser le chômage de côté signifie aussi, à terme, augmenter la fracture sociale. Je vous rappelle que les coûts de l'aide sociale ont augmenté de 100 millions cette année, donc il faut assurer la cohésion des citoyens et s'occuper convenablement de ce problème. Aussi, nous comptons sur la commission de l'économie... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...pour trouver de bonnes solutions à cette problématique. Je vous remercie.

Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à M. le conseiller d'Etat Mauro Poggia pour une brève intervention.

M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. Merci pour cette précision, Monsieur le président ! Mesdames et Messieurs les députés, je trouve particulièrement singulier d'entendre tous les partis réunis nous dire qu'ils sont inquiets quant au peu de préoccupation que semble manifester le Conseil d'Etat pour le chômage, alors qu'il suffit d'observer les actions menées sur le terrain pour se convaincre du contraire.

Je serais le responsable de l'emploi le plus heureux non pas de Suisse mais du monde si je pouvais effectivement connaître, en temps réel, non seulement le profil des personnes en situation de chômage par secteur et par formation - autant d'informations auxquelles je peux tout de même avoir accès via l'office régional de placement et le service de réinsertion professionnelle de l'Hospice général - mais en plus, pour reprendre les termes de l'invite de la motion, les besoins des employeurs par activité et par branche ! On me demande de disposer d'une photographie de la situation des personnes en recherche d'emploi et de la comparer à un film. En effet, les besoins des employeurs sont ceux qu'ils expriment aujourd'hui, mais ce qui nous intéresse surtout, c'est d'avoir un peu d'anticipation et donc une vision prospective ne serait-ce qu'à une année pour faire en sorte que l'adéquation se fasse.

Du côté de la droite, si au moins on entrait volontairement dans le processus d'annonce spontanée des postes vacants, on pourrait, puisque cela ne tient qu'à vous, connaître en temps réel le profil des travailleurs recherchés par nos entreprises. Vous signez un texte comme celui-ci, qui nous demande une étude dans ce sens, mais par ailleurs, vous ne collaborez pas en nous communiquant les postes que vous ouvrez. Je ne parle même pas de la gauche qui, elle, considère que cela ne sert de toute façon à rien - les syndicats nous disent et nous répètent que la priorité à l'embauche pour nos résidents ne sert à rien et, par voie de conséquence, que l'annonce des postes vacants ne sert à rien non plus.

Alors renvoyons ce texte en commission pour que nous puissions en parler et déterminer s'il existe un moyen de réaliser son invite à coût raisonnable. Personne ne l'a jamais fait, pas même à l'échelle fédérale; le SECO a bien effectué une enquête qui parle d'informaticiens, d'analystes, mais nous sommes tous conscients qu'il faut une granularité plus fine, car il n'y a pas plus différent d'un informaticien qu'un autre informaticien. Nous serions donc les seuls de Suisse à entreprendre ce travail qui, de l'avis des spécialistes, est tout simplement impossible à faire en temps réel. Mais il est vrai que je serais l'homme le plus heureux dans cette république si je pouvais disposer d'un tel outil pour mener une politique efficace en matière de lutte contre le chômage. Je vous remercie.

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, nous avons été saisis d'une demande de renvoi à la commission de l'économie, que je soumets à votre approbation.

Mis aux voix, le renvoi du rapport du Conseil d'Etat sur la motion 2332 à la commission de l'économie est adopté par 80 oui (unanimité des votants).