Séance du
vendredi 27 janvier 2017 à
16h
1re
législature -
3e
année -
12e
session -
67e
séance
IN 162 et objet(s) lié(s)
Débat
Le président. Voici le point suivant de notre ordre du jour: l'initiative 162 et le rapport IN 162-A. Nous sommes en catégorie II, trente minutes, et la parole revient à M. le député François Lefort.
M. François Lefort (Ve). Merci, Monsieur le président. Quel est le titre de cette initiative ? «Construisons des logements pour toutes et tous - une priorité en période de pénurie !» Voilà un programme, Mesdames et Messieurs les députés, sur lequel nous devrions tous être d'accord dans le but de faire face à une situation de pénurie héritée de décennies d'occultation du problème et qui a vu 70 000 Suisses déménager chez nos voisins français, lesquels ont en fait construit pour nous ce que nous aurions dû construire.
Que vise cette initiative ? Elle demande qu'en période de pénurie, période dans laquelle nous nous trouvons justement, quand le taux de logements vacants est inférieur à 2%, ne soient proposées que des modifications de zones en zones de développement - cela, bien sûr, uniquement pour les secteurs destinés au logement. Il s'agit donc d'une proposition très raisonnable, limitée à un cadre précis et qui cessera de s'appliquer dès que le taux de vacance dépassera les 2%, c'est-à-dire dès que l'effort de construction aura permis d'en finir avec la pénurie. Les zones de développement sont, on le sait, vouées à la construction de logements surtout à caractère social, des logements locatifs ou en PPE à loyers ou à prix contrôlés, et c'est ce type de logements qui sont nécessaires - le conseiller d'Etat en parlait dans son intervention précédente - pour satisfaire les besoins de la classe moyenne qui ne peut ni être subventionnée ni... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...devenir propriétaire. Pour nous, les zones de développement constituent aussi une façon de densifier l'habitat et d'économiser le sol agricole.
Le Conseil d'Etat nous dit dans sa réponse qu'il met déjà en pratique ce que propose l'initiative et que celle-ci n'apporte rien de nouveau. Or le cas d'école du périmètre des Corbillettes que nous allons traiter en urgence tout à l'heure, à savoir la motion 2350, est l'exemple même du contraire, c'est-à-dire qu'une majorité de ce Grand Conseil peut ou veut imposer de la zone ordinaire à prix libres à la place d'une zone de développement ! Et cela, Mesdames et Messieurs les députés, vous le savez, est permis par la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire. Cette initiative, Mesdames et Messieurs, empêchera ce genre de manipulations tant que le taux de vacance se situera en dessous de 2%, c'est-à-dire tant que la pénurie durera, et cela nous semble à nous, les Verts, tout à fait nécessaire. C'est la raison pour laquelle nous soutenons bien sûr le renvoi de cette initiative à la commission du logement.
M. Bernhard Riedweg (UDC). Cette initiative concerne la période où sévit une pénurie de logements, soit lorsque le taux de logements vacants est inférieur à 2%. Selon les initiants, on devrait favoriser la construction de logements répondant aux besoins de la population en privilégiant obligatoirement la zone de développement au détriment de la zone ordinaire dans le but de mettre sur le marché du logement à caractère social, mais aussi des logements locatifs et en PPE à loyers ou à prix contrôlés. Or, à l'heure actuelle, environ 80% de la construction de logements dans le canton s'effectue déjà dans les zones de développement. L'initiative 162 ne fait que reprendre les pratiques appliquées par le Conseil d'Etat et n'apporte de ce fait ni valeur ajoutée ni nouvelle solution en matière de construction. Au contraire, elle ajoute plutôt une contrainte supplémentaire ainsi qu'une couche législative inutile. L'objectif de cette initiative correspondant à la politique du logement telle qu'elle est déjà menée dans le canton, l'UDC la rejettera mais propose tout de même son renvoi à la commission du logement. Merci, Monsieur le président.
M. Eric Stauffer (HP). Comme cette initiative va partir en commission, il ne s'agit pas de faire le débat de fond. Mais je me dois quand même de réagir aux propos de mon préopinant, M. Lefort, qui vient dire, dans un cri d'alarme, qu'on ne construit pas assez de logements dans le canton de Genève. J'aimerais pour ma part rappeler, Monsieur le président, surtout pour la population qui nous écoute, que les Verts et les socialistes sont justement ceux qui, chaque fois, bloquent les projets de construction avec des recours ! Alors c'est quand même incroyable qu'ils nous disent aujourd'hui qu'il faut construire davantage. Comme l'a indiqué mon collègue de l'UDC, ce que demande l'initiative fait déjà partie des pratiques actuelles du département.
Il faut savoir à quel jeu on joue. Vous faites des initiatives juste pour faire des initiatives et dire qu'il n'y a pas assez de logements ! Evidemment que les gens vont signer, c'est vrai qu'il n'y a pas assez de logements. M. Lefort avance que 70 000 Genevois sont partis habiter en France; mais qu'il précise aussi combien de recours son parti a déposés, combien de constructions il a bloquées ! Je me souviens, lors d'un débat sur les Cherpines, des fameux chardons - vous savez, les chardons, ce légume...
Une voix. Les cardons !
M. Eric Stauffer. Les cardons, oui, excusez-moi ! (Exclamations.) Voilà, vous voyez... Les cardons, donc, ce légume purement genevois ! Combien de mois de retard à cause des cardons ? Je me rappelle encore plusieurs mois de retard pour une histoire... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...de traversée de grenouilles ! Voilà, concernant la construction, la réalité des Verts, ces adoubés de la gauche qui sont devenus, je l'ai dit avant, des socialistes caviar vivant dans des logements dont ils sont pour la plupart propriétaires; ils prétendent défendre la population qui, elle, cherche des logements bon marché, mais tout ça est d'une énorme hypocrisie ! Je voudrais bien savoir combien de recours l'ASLOCA a déposés en 2016...
Une voix. Très peu !
M. Eric Stauffer. Très peu, bien sûr ! Mais la conception socialiste de «très peu», c'est quelques centaines, Monsieur le député !
Une voix. C'est moins que les Verts !
M. Eric Stauffer. Moi, je vous le dis, Mesdames et Messieurs: soit le canton de Genève prend conscience qu'il doit construire parce qu'il crée des emplois et représente un pôle économique pour toute la région - et je dis bien toute la région, notamment en Suisse - soit il faut arrêter d'être hypocrite et dire aux gens qui souhaitent s'installer à Genève ou à ceux qui cherchent un appartement parce que leurs enfants grandissent: «Allez habiter en France ou dans le canton de Vaud; là-bas, ils construisent !» J'en ai terminé.
Mme Caroline Marti (S). Mesdames et Messieurs les députés, en préambule, il est important de rappeler que la zone de développement constitue l'un des piliers fondamentaux pour mener une politique sociale du logement à Genève parce qu'elle permet d'abord de construire des logements qui répondent réellement aux besoins de la population, c'est-à-dire des logements sociaux, des loyers libres et quelques PPE, de contrôler le prix des loyers et celui de vente des appartements construits, d'assurer un financement pour les infrastructures qui bénéficie largement aux communes, et enfin d'utiliser rationnellement le sol de notre canton. Or ce qu'on constate dans ce parlement ces dernières années... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...et surtout ces derniers mois, c'est que la zone de développement est très sévèrement attaquée et remise en question par une droite décomplexée qui n'a cure des intérêts de la population - le cas des Corbillettes en est l'exemple le plus évident.
J'aimerais à présent revenir sur le positionnement du Conseil d'Etat sur cette initiative, puisqu'on discute aussi de cela: eh bien le Conseil d'Etat a décidé de ne pas prendre position, ce qui nous semble relativement surprenant eu égard à ce qu'il disait lors du discours de Saint-Pierre, l'engagement fondateur du gouvernement genevois: «Une place pour chacun, c'est aussi construire des quartiers durables et des quartiers pour tous, dans le souci de la mixité: des logements d'utilité publique pour les plus modestes, mais aussi des coopératives et, pour ceux qui le peuvent, l'accession à la propriété du logement, à condition d'y habiter.»
Avec ces deux initiatives et en particulier celle dont nous parlons maintenant, les initiants offrent au Conseil d'Etat sur un plateau d'argent l'opportunité de tenir les engagements pris dans ce discours de Saint-Pierre. Etant donné que garantir un pourcentage de construction de logements d'utilité publique ne peut se faire qu'en zone de développement, que la construction de logements par le biais de coopératives est encouragée par notre première initiative...
Le président. Il vous reste trente secondes.
Mme Caroline Marti. Je vous remercie. ...et le fait que les logements vendus doivent être habités par leur acquéreur et non pas utilisés à des fins spéculatives - c'est la loi Longchamp, qui ne déploie ses effets qu'en zone de développement - j'invite le Conseil d'Etat, dans une étape ultérieure, à rallier les initiants et à soutenir ces deux initiatives. Je vous remercie. (Quelques applaudissements.)
Le président. Merci, Madame la députée. Monsieur Dandrès, je suis désolé mais vous n'avez plus de temps de parole...
Une voix. Si, il lui reste six secondes.
Le président. Il vous reste six secondes. Cela en vaut-il la peine, franchement ? (Remarque.) Bon, allez-y.
M. Christian Dandrès (S). Six secondes, Monsieur le président, pour répondre à la question du député indépendant Stauffer, qui demandait combien de recours contre la construction de logements l'ASLOCA avait déposés en 2016. Eh bien il n'y en a eu aucun ! S'il veut venir vérifier cela chez nous, je l'invite très volontiers comme j'ai déjà pu le faire à l'occasion d'autres critiques émanant notamment de la Chambre genevoise immobilière.
Le président. Je vous remercie de votre concision, Monsieur le député.
Une voix. C'était parfait ! (Quelques applaudissements.)
Le président. La parole est à M. le député Ronald Zacharias.
M. Ronald Zacharias. C'est une erreur, Monsieur le président.
Le président. Très bien, alors elle revient à M. Olivier Cerutti.
M. Olivier Cerutti (PDC). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs, chers collègues, avec ce genre d'initiatives, il faut malgré tout rester attentif, surtout quand elles sont trop contraignantes. Bien souvent, l'aménagement du territoire détermine l'assiette fiscale. Faut-il rappeler ce qu'est l'assiette fiscale ? Ce sont aussi des gens qui viendront habiter ici et seront des contribuables. Réaliser du logement social, c'est bien, c'est une vocation que nous avons tous, Mesdames et Messieurs; mais, pour concrétiser cette vocation, nous devons donner des moyens. Or, quand je vois les déclassements qui vont se faire par exemple à Bernex, je ne suis pas sûr qu'on donne à cette commune de véritables moyens pour se développer et créer des infrastructures comme des crèches ou des écoles. Cela représente de l'argent, des coûts, Mesdames et Messieurs, donc nous devons absolument rester attentifs et préconiser un développement harmonieux, qui permette à chacune de nos communes de générer les fonds nécessaires à ce développement. Voilà pourquoi, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs, dans une zone comme Bernex, il faudra peut-être quand même envisager de la zone ordinaire. Je vous remercie.
M. Jean-François Girardet (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, cette initiative sera largement discutée en commission, mais je voulais quand même profiter de l'opportunité qui m'est donnée de m'exprimer pour vous signaler que le département cherche à déclasser dans des zones qui sont déjà occupées par des propriétaires, notamment dans les zones villas, alors que 4 millions de mètres carrés seraient disponibles immédiatement pour la zone de développement, pour construire du logement. Oui, 4 millions ! J'ai obtenu cette information de source très sûre, je vous donnerai le contact qui m'a renseigné à ce propos.
A Cointrin, par exemple, on veut déclasser des terrains qui sont déjà occupés par des propriétaires, alors on va fortement les indemniser pour qu'ils quittent leur maison et puissent, avec cet argent, s'acheter une propriété de valeur à peu près équivalente en France ou dans le canton de Vaud... Il est bien malheureux de voir ces propriétaires, qui sont des contribuables de la commune de Meyrin, quitter leur domicile. A cet égard, je rappelle au Grand Conseil qu'une récolte de signatures se fait actuellement au sein de la population de Meyrin en vue de déposer un référendum contre ce déclassement. Cette commune a déjà énormément contribué à la construction de logements à Genève puisqu'on est en voie de finition de la zone des Vergers, qui mettra à disposition 1300 logements sociaux.
Alors construisez, Monsieur le conseiller d'Etat, mais construisez dans des zones déjà déclassées ! Je pense que, lors des travaux de la commission qui sera chargée de ce dossier, il sera aussi question de remettre en valeur les zones déjà déclassées et immédiatement disponibles à la construction. Je vous remercie.
M. Marc Falquet (UDC). Mesdames et Messieurs, je construis, tu construis, il construit, nous construisons, vous construisez, ils construisent... On ne pense qu'à construire ! Mais il faudrait peut-être aussi penser à la qualité de vie à Genève. Si vous voulez acheter du terrain, il faut aller en France, il n'y a déjà plus de terrains disponibles à Genève. Et que va devenir notre qualité de vie dans trente ans ? La pollution est énorme, nous sommes dans une cuvette qui concentre toute la pollution, on va faire quoi ? Que vont construire les générations futures dans cinquante ans ? Il n'y a déjà plus de terrains aujourd'hui, on va bouffer la terre agricole ? Je crois qu'il faut réfléchir à ce qu'on veut vraiment pour Genève: est-ce qu'on veut un canton avec une certaine qualité de vie ou alors on veut construire pour attirer le monde entier chez nous ? Parce qu'on ne construit pas pour les Genevois, on ne construit pas pour nos enfants, on construit pour le monde entier qui vient ici ! Les logements actuellement sur le marché sont suffisants pour notre population, ce qui signifie qu'on construit pour les autres, et je me demande vraiment ce que vont faire les générations suivantes à Genève.
Le président. Merci, Monsieur le député. Mesdames et Messieurs, il n'y a plus de demande de parole.
L'initiative 162 et le rapport du Conseil d'Etat IN 162-A sont renvoyés à la commission du logement.