Séance du
jeudi 22 septembre 2016 à
17h
1re
législature -
3e
année -
7e
session -
38e
séance
RD 1158
Débat
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous passons à notre première urgence, en catégorie II, quarante minutes. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Je donne la parole à la rapporteure, Mme Nicole Valiquer Grecuccio.
Mme Nicole Valiquer Grecuccio (S), rapporteuse. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, ce rapport a déjà fait l'objet d'une conférence de presse et de comptes rendus nombreux et divers, comme vous le savez; je voudrais insister sur certains points. Tout d'abord, j'aimerais remercier l'ensemble des personnes que nous avons auditionnées... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...et souligner la possibilité qui a été donnée à la sous-commission de la commission de contrôle de gestion d'avoir accès à l'ensemble des documents qu'elle a demandés. J'aimerais souligner aussi le sérieux et l'engagement avec lesquels mes collègues et moi-même... (Brouhaha.)
Le président. Un instant, Madame la députée.
Des voix. Chut ! (Le silence se rétablit.)
Le président. Merci. Poursuivez, Madame la députée.
Mme Nicole Valiquer Grecuccio. Merci, Monsieur le président. Je le disais, j'aimerais souligner le sérieux et l'engagement avec lesquels mes collègues et moi-même avons travaillé pour donner une réponse claire et lisible aux citoyennes et aux citoyens de ce canton qui avaient le droit d'avoir des réponses quant aux événements dits du 19 décembre 2015. La transparence de ces travaux nous a conduits à de très longs développements sur différents aspects dans ce rapport, que vous pouvez lire pas à pas. Il nous a été donné de comprendre avant tout - c'était notre mandat - les processus en cours et la possibilité de les améliorer. Le travail effectué nous permet très clairement de dire que la police - et particulièrement le chef d'engagement et les hommes qui étaient présents sur le terrain le soir du 19 décembre 2015 - a fait son travail. Nous devons dire aussi que la brigade dite BRIC, faisant partie du renseignement, a également fait son travail.
La commission de contrôle de gestion - et sa sous-commission plus particulièrement - a pu finalement émettre des recommandations qui concernent notamment le renseignement. Elle recommande d'avoir une meilleure traçabilité de ce renseignement, de façon que chacun et chacune, au niveau de responsabilité qui est le sien, puisse prendre les décisions d'engagement et adopter un mode opératoire adéquat sur le terrain. De la même façon, il est recommandé d'assurer une meilleure transversalité entre les services de la police, notamment entre les personnes qui sont sur le terrain et leur évaluation, et les personnes de quelque niveau hiérarchique que ce soit qui doivent prendre des décisions.
Nous avons aussi eu l'occasion d'interroger le thème du maintien de l'ordre: encore une fois, nous devons répéter et recommander de conserver la doctrine latine d'engagement; nous devons dire que les hommes sur le terrain ce soir-là ont clairement respecté ladite doctrine. Par contre, il nous semble important d'avoir, en matière de maintien de l'ordre, une meilleure formation pour l'ensemble des policiers engagés sur le terrain, car c'est une tâche extrêmement spécifique. Au fond, il faudrait avoir plus de policiers sur le terrain formés au maintien de l'ordre. De la même façon, nous demandons que les officiers de police de service qui aujourd'hui ont le titre de commissaire, présents lors d'événements importants, puissent apporter un meilleur concours aux personnes sur le terrain; nous demandons que lorsqu'elles doivent prendre des décisions en cas d'appui au chef d'engagement sur le terrain, ces mêmes personnes puissent bénéficier d'une formation claire en matière de maintien de l'ordre.
Nous avons également eu l'occasion de comprendre le travail de la centrale d'engagement, travail conséquent. La Cour des comptes a publié récemment un rapport que la commission de contrôle de gestion entend examiner pour prendre toute la mesure du travail de ces personnes et aussi assurer qu'elles évoluent dans de très bonnes conditions de travail.
La commission recommande aussi que le rattachement actuel du renseignement à la commandante de la police soit temporaire afin de garantir la totale indépendance de ce service de renseignement ainsi qu'une latitude de commandement pour la cheffe de la police. Il nous a été également mentionné dans le cadre de ces événements l'importance des heures supplémentaires. Un sentiment prédomine à la base comme chez de nombreux cadres: la question des heures supplémentaires empêche de mettre des effectifs suffisants sur le terrain, alors même que la cheffe de la police nous a déclaré qu'elle n'hésiterait pas à prendre toutes les mesures, y compris en termes d'heures supplémentaires, pour garantir le maintien de l'ordre dans le canton. Il nous semble donc important...
Le président. Il vous reste trente secondes, Madame la députée.
Mme Nicole Valiquer Grecuccio. ...qu'une clarification soit apportée sur cette question.
Le président. Ou vous prenez sur le temps de votre groupe !
Mme Nicole Valiquer Grecuccio. Je prendrai sur le temps du groupe. Nous pouvons dire également - et nous devons le dire à la population - que la police a fait son travail et que le département, ensuite, a fait le sien auprès des commerçants. Il nous semble important que le département fasse connaître qu'il a pris toutes les mesures envers les commerçants, puisque cette question a été posée.
Nous recommandons également que des mesures soient prises par rapport au phénomène du Black Bloc, que nous connaissons, et nous préconisons une forme de concordat, ou toute autre forme qu'il sera loisible de discuter avec le département, pour prendre des mesures contre les phénomènes de violence collective. Enfin, nous devons dire que lorsque nous avons... Nous sommes intervenus plusieurs fois auprès des collaborateurs, qui, encore une fois, ont donné tout leur temps aux membres de la sous-commission. Nous devons dire que nous avons senti, quand même, un climat qui s'était tendu: ces personnes ont dû répondre à des enquêtes internes du département, aux travaux de la sous-commission, aux enquêtes administratives. Ils ont répondu à de nombreuses sollicitations: il nous semble donc important d'avoir un message clair pour une pleine confiance des collaborateurs et collaboratrices de la police envers le département et l'Etat également.
Pour toutes ces raisons, la majorité de la commission de contrôle de gestion vous recommande d'accepter ses recommandations et de les suivre. Je finirai en disant que la lisibilité que nous avons essayé de donner à nos travaux permettra, nous l'espérons, à tout un chacun ici de formuler d'autres recommandations, car nous ne prétendons pas, au niveau de la sous-commission, avoir fait toutes les recommandations de manière exhaustive. En tout cas, nous pensons avoir effectué un travail assez large et sérieux qui permettra à chacun, au niveau où il se trouve, de proposer des solutions ou des manières de renforcer le processus pour, au fond, faire le travail qui doit être fait à la police et au département de la sécurité. Je vous remercie.
M. Bertrand Buchs (PDC). J'aimerais d'abord remercier Mme Nicole Valiquer, qui a présidé cette sous-commission d'enquête, dont je faisais partie, avec énormément de conscience et de volonté, et qui a abattu un travail énorme. Je dois dire que c'est grâce à elle que nous sommes arrivés à produire ce rapport. Nous avons fait ce rapport dans les temps impartis après avoir mené toutes les investigations que nous pouvions, nous avons pu interroger qui nous voulions, et nous remercions l'Etat de nous avoir permis de rencontrer toutes ces personnes sans aucune contrainte. J'aimerais remercier aussi Mme la commandante de la police, qui a toujours été d'une très grande écoute à nos recommandations et qui a déjà mis en pratique beaucoup des recommandations qui figurent dans ce rapport. Je remercie aussi M. le conseiller d'Etat Pierre Maudet, à qui nous avons rapporté souvent ce que nous étions en train de faire.
Ce n'est pas un rapport à charge contre la police; c'est un rapport qui nous a permis de comprendre ce qui s'était passé cette nuit du 19. Tous les gens qui se sont réveillés le lendemain ont été horrifiés et scandalisés par ce qu'ils ont vu dans la rue. Nous avons voulu comprendre. C'est un rapport visant à la compréhension et non à charge, «contre». C'est un rapport pour la police, parce qu'à la fin de ces auditions, nous nous sommes rendu compte que nous éprouvions un énorme respect pour les gens qui travaillent à la police, qui ont fait leur travail. Mais ce que nous avons remarqué - c'est écrit dans ce rapport, vous le lirez - c'est qu'il y a un manque de coordination et de transmission des renseignements; c'est là le premier point. En fin de compte, le travail sur le terrain a été fait, et bien fait, malheureusement les renseignements qui sont remontés à la hiérarchie ont été mal interprétés. Il y a une excuse à cela: on était en pleine alerte terrorisme, et à ce moment-là, peut-être que la hiérarchie de la police avait d'autres soucis qu'une simple manifestation à l'Ilot 13. Mais clairement, il y a eu une mauvaise interprétation de toute la hiérarchie de la police sur les moyens à engager pour protéger la population genevoise. Une fois que cette manifestation est partie, elle a été bien gérée par le premier lieutenant qui devait la surveiller: il a fait ce qu'il pouvait avec les moyens qu'on lui a donnés, et il l'a bien fait. L'autre remarque que nous voulions faire, c'est qu'à ce moment-là, il avait besoin d'aide. Ce premier lieutenant était seul sur le terrain à gérer une manifestation qui dégénérait; alors qu'il avait besoin d'aide, il n'en a pas eu. Les deux officiers de police de garde à ce moment-là n'ont pas donné l'aide nécessaire, parce que, théoriquement, ce n'était pas dans leur cahier des charges. C'était à eux d'alerter la hiérarchie pour que celle-ci augmente éventuellement le personnel sur place, sachant que, lorsque la manifestation est partie, on s'est rapidement rendu compte qu'elle allait mal tourner. C'est donc ça qu'il faut aussi changer.
Maintenant, nous avons aussi remarqué que la transmission des notes de service et des notes confidentielles ne se faisait pas correctement: on n'a jamais pu savoir ce qui avait été transmis à la hiérarchie quant aux renseignements récoltés sur le terrain. Mais - et je finirai par là - notre rapport se termine le 20 au matin: il ne va pas plus loin. Il s'intéresse à ce qui s'est passé dans la semaine qui a précédé le 19 et va jusqu'au 20 au matin. Concernant ce qui s'est passé après, une enquête administrative a été effectuée. Nous ne sommes jamais entrés dans ces détails-là. On nous a reproché d'avoir mis les pieds là où il ne fallait pas les mettre: ce n'est pas vrai, nous nous sommes arrêtés le 20 au matin, et le 20 au matin, on peut dire clairement que la hiérarchie n'était pas au courant de la deuxième note, qui était très précise, et qu'on ne sait pas comment ces renseignements ont été transmis.
Je vous propose d'accepter ce rapport, parce qu'il est important que les recommandations que nous proposons soient mises en pratique à la police. Je répète, c'est un rapport pour la police et non pas contre.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Christo Ivanov. (Le président rit.)
M. Christo Ivanov (UDC). Merci, Monsieur le président. (L'orateur rit.) Je vois que vous rigolez, vous savez pourquoi ! Comme je suis un peu... comment dire ? un peu volubile, de temps en temps, j'appuie sur le micro ! En tant que président de la commission de contrôle de gestion, j'aimerais remercier la sous-commission, extrêmement bien présidée par Mme Nicole Valiquer Grecuccio et comprenant nos collègues Bertrand Buchs et Daniel Sormanni, pour le travail excellent qui a été fait dans des délais records, y compris le rapport, rendu avec une semaine d'avance. La commission de contrôle de gestion s'est saisie de ces événements immédiatement après qu'ils se sont passés, soit dès le lundi 21 décembre 2015, avec d'ailleurs un changement de l'ordre du jour, et l'audition du magistrat, que l'on peut remercier pour sa collaboration dans tout ce dossier. La commission de contrôle de gestion a émis onze recommandations. Je demanderai, Monsieur le président, un renvoi au Conseil d'Etat afin qu'il applique ces recommandations. Certainement, plusieurs d'entre elles ont déjà été mises en application par le département de notre magistrat, M. Pierre Maudet; c'était bien l'objectif de la commission et de la sous-commission que nous puissions avancer et apporter des réponses à la population. Comme il a été dit, nous avons travaillé sur ce qui s'est passé du samedi soir 18h, disons, au dimanche à 3h du matin; nous ne sommes pas intervenus sur ce qui s'est passé avant la manifestation ni après. Les membres de la commission de contrôle de gestion ne sont pas des justiciers: nous sommes uniquement là pour travailler sur les faits et sur les auditions, puisque lors des auditions, vous le savez, il y a levée du secret de fonction. Je remercie encore mes collègues pour l'excellence du travail et demande, Monsieur le président, un renvoi de ce rapport au Conseil d'Etat.
Mme Sophie Forster Carbonnier (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, laissez-moi tout d'abord remercier nos collègues, et en particulier Mme Valiquer Grecuccio, qui a été la présidente de cette sous-commission. Nos trois collègues ont en effet extrêmement bien travaillé, dans les temps impartis, et avec le plus grand sérieux. Ce travail ne fut pas facile, d'autant plus que, comme vous le savez tous, de nombreuses fuites et activités de certains ex-parlementaires ont parfois un peu brouillé les cartes. Je tiens à exprimer formellement mon regret quant à la manière dont ces fuites se sont produites. Ces fuites entachent le travail du parlement; elles tendent à briser le lien de confiance qui peut exister entre des personnes que nous entendons sur des sujets aussi délicats et nous, en suscitant une crainte à venir témoigner devant nous s'il existe la possibilité que le lendemain on retrouve leurs paroles dans la presse.
Les Verts accueillent favorablement ce rapport et vous demandent, Mesdames et Messieurs les députés, d'en faire de même. Nous prenons acte de toutes les recommandations qui sont émises et que nous faisons nôtres, notamment, bien sûr, ce qui concerne la transversalité, le besoin de travailler moins par silos mais de manière plus transversale, ainsi que de mettre en oeuvre une meilleure implication des officiers de police de service en cas d'événement majeur.
Je voulais juste revenir sur une des recommandations, celle qui concerne les heures supplémentaires: rien dans ce rapport n'indique... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...que c'est en raison de consignes données aux policiers à cause d'heures supplémentaires souvent jugées trop nombreuses par notre parlement que des effectifs qu'on peut rétrospectivement estimer insuffisants ont été envoyés sur le terrain. Il faut couper court à cette rumeur-là: ce ne sont pas les ordres qui ont été donnés. Pour les Verts, il est très important de souligner que cela fait de nombreuses années que le Grand Conseil travaille sur la question des heures supplémentaires à la police, que la commission des finances a commencé ce travail, que la commission de contrôle de gestion le poursuit actuellement avec l'aide de la Cour des comptes, que c'est une problématique importante, que nous estimons qu'une meilleure maîtrise de ces heures est toujours possible. C'est bien ainsi que nous lisons la recommandation de ce rapport. En résumé, je vous remercie de faire bon accueil à ce rapport, et je remercie vivement ses trois auteurs. Merci, Monsieur le président.
M. Jean Batou (EAG). Chers collègues, ce rapport appelle un certain nombre de remarques du groupe Ensemble à Gauche. Tout d'abord, il nous semble que dans toute cette affaire, le Conseil d'Etat a fait preuve d'un certain autisme, et en particulier, le responsable du département de la sécurité et de l'économie s'est cantonné dans une attitude de retrait et de dérobade par rapport à ses responsabilités. Il nous semble qu'il y a un problème d'organisation de la police, relevé d'ailleurs dans le rapport. Nous l'avions soulevé au moment où nous nous opposions à la LPol: c'est cette organisation en filières séparées, qui ne communiquent pas entre elles. Le sort des deux notes dont il a été amplement question montre qu'effectivement, il y a un problème de coopération et de communication entre les différents services. Ensuite, il y a aussi un problème de gestion des moyens. Ces points-là ont été dénoncés à de nombreuses reprises par les syndicats de la police et aussi par le syndicat des services publics: il s'agit de la question récurrente des horaires, des heures supplémentaires, des moyens de la centrale d'engagement, de coordination et d'alarme, et tous ces problèmes soulignés à de nombreuses reprises n'ont reçu aucune réponse et aucune solution de la part du responsable du département. Enfin, il y a un problème de confusion de prérogatives: nous avons l'impression que le chef du département s'immisce constamment dans des points qui relèvent de l'opérationnel, alors qu'il hésite à prendre des positions claires sur ceux qui relèvent du politique. Quand il déclare: «Nous allons réviser la doctrine d'engagement de la police», qu'il nous dise dans quel sens il veut la réviser, mais je prends note du fait que la sous-commission soutient la doctrine d'engagement de la police et s'oppose à une modification sur ce point. Enfin, le plus lamentable de l'attitude du chef du département, c'est la manière dont il s'est défaussé de ses responsabilités sur le chef des opérations, Christian Cudré-Mauroux, qui durant toute une période n'a pas pu être entendu par la sous-commission parce qu'il faisait l'objet d'une enquête administrative, et qui, entendu tardivement, nous fait penser à un fusible pour un dysfonctionnement dont le président du département aurait dû prendre toutes les responsabilités.
Laissez-moi, pour être un peu plus léger, citer deux petits passages du rapport de la sous-commission qui m'ont fait sourire. Le premier est un témoignage de la cheffe de la police, qui dit que «la méthode adoptée a pu éviter que les manifestant-e-s ne se dispersent dans toute la ville et ne la détruisent». Il n'était donc même pas question d'une émeute, mais d'une destruction de la ville, d'un déferlement de Mongols ! Une deuxième remarque assez amusante, à propos des Black Blocs; je me pose beaucoup de questions sur les Black Blocs, eh bien vous allez trouver la réponse... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...dans le rapport de la sous-commission.
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député.
M. Jean Batou. Je conclus, c'est juste un sourire ! «Les militants ne se connaissent pas personnellement», et trois mots plus loin: «Si une personne ne faisant pas partie du Black Bloc y entre, elle se fera exclure, car ils se reconnaissent entre eux.» (Remarque.) Ils ne se connaissent pas, mais ils se reconnaissent entre eux.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Eric Stauffer pour deux minutes.
M. Eric Stauffer (HP). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, j'ai lu avec attention ce rapport sur les événements, sur les émeutes du 19 décembre. Comme vous le savez tous, j'ai été impliqué malgré moi dans ces événements, puisque le magasin de cigarettes électroniques à la rue des Rois a été pris pour cible par ces manifestants. J'ai liquidé cette activité, le magasin a été fermé, l'arcade remise; il n'y aura plus de magasin de cigarettes électroniques. J'ai décidé de prendre la parole ce soir pour vous donner la suite à laquelle vous n'avez pas accès: la procédure pénale à l'endroit des gens incarcérés suite au 19 décembre. (Remarque.) Laissez-moi vous dire, Mesdames et Messieurs...
Une voix. Il n'a pas le droit d'en parler !
M. Eric Stauffer. Oui, j'ai le droit d'en parler, puisque je suis partie civile et que je ne suis soumis à aucun secret par rapport à ça; si j'ai envie de vous donner des détails, je vais vous les donner. J'ai rencontré dans le bureau du procureur tous ceux qui ont brisé la vitrine à la rue des Rois et qui s'en sont aussi pris au Grand Théâtre. J'ai pu identifier les gens qui ont essayé de mettre le feu à l'arcade et qui auraient pu embraser l'immeuble et ses locataires. J'ai vu tous ces gens; j'ai espéré, lors de cette audition, l'ombre d'un regret, parce que nous avons dû mettre des gens au chômage et que nous avons fermé une activité.
Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur le député.
M. Eric Stauffer. Je conclus. Rien, Mesdames et Messieurs ! J'ai constaté de l'arrogance, une suffisance et une mentalité que je dénonce ce soir; et j'invite les représentants de la gauche qui soutiennent ces milieux à remettre de l'ordre dans les rangs, car les citoyens de Genève n'acceptent plus ces déprédations faites par une gauche qui n'a plus de raison d'être. (Commentaires.)
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Alberto Velasco pour une minute cinquante.
M. Alberto Velasco (S). Eh ben dis donc ! Merci, Monsieur le président.
Une voix. Tu nous la fais à l'envers !
M. Alberto Velasco. Puisqu'il me reste une minute cinquante, je dois dire à M. Stauffer, Monsieur le président, que c'est nous, la gauche, qui, disons, regrettons le plus ces événements, parce que c'est nous qui les payons cher. (Remarque.) Ce n'est pas vous ! Vous, vous avez une assurance pour votre magasin.
M. Eric Stauffer. Non ! Non ! Non !
Une voix. Chut ! (Commentaires.)
M. Alberto Velasco. Mesdames et Messieurs, Monsieur le président, je dois dire que les éléments qui ressortent du rapport, on peut vraiment les étendre à tout l'Etat: ce problème de manque de communication, de manque d'interface, c'est en effet un problème récurrent à l'Etat, on le constate partout. Et ça, c'est gravissime: avoir un état-major, un staff, et que les gens ne se parlent pas et en arrivent là, c'est quand même grave. De même pour le manque d'effectifs, ou des effectifs qui ne sont pas utilisés à bon escient. Mais un élément ressort quand même du rapport, et vous me répondrez à ce propos, Monsieur le conseiller d'Etat: le chef de cabinet, depuis 19h, était averti constamment de la situation; vous avez dû être averti, je ne sais pas, à 20h, 21h, ou 22h, et il y avait les moyens de prendre tout de suite des mesures. Pourquoi après 19h, au moment où votre chef de cabinet reçoit ces informations, rien ne se passe, et en arrive-t-on à ce qui est arrivé ? Moi, je m'interroge...
Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur le député.
M. Alberto Velasco. Est-ce qu'on a voulu peut-être laisser la chose aller comme ça jusqu'au bout ? Ou est-ce qu'on n'avait pas les moyens ? Ou alors est-ce qu'on a une police à la limite de ses possibilités d'engagement ? Il est important qu'on résolve ce problème.
M. Daniel Sormanni (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais tout d'abord, bien sûr, remercier les deux autres membres de la sous-commission, notamment la présidente, qui a fait un excellent travail et a permis d'avoir ce rapport qui vous est soumis ce soir; ainsi, bien sûr, que tous les services de l'Etat, et la cheffe de la police, qui nous ont permis d'avoir accès à tous les documents que nous souhaitions, à tous les enregistrements. Je les en remercie encore.
Je crois, Mesdames et Messieurs, qu'une chose est certaine: des manifestations qui dégénèrent comme celle du 19 décembre, c'est inadmissible ! (Exclamations.) Je suis désolé ! On doit premièrement tout mettre en oeuvre pour essayer d'éviter que ça se reproduise. La police, dans une certaine mesure, a fait son travail avec les informations qui lui ont été transmises, je ne vais pas redire ce qui a été dit; il y a eu des problèmes de transmission d'informations, et nous avons acquis la certitude que ces fameuses notes dont tout le monde parle n'ont finalement pas été transmises physiquement, ce qui a entraîné ce défaut d'information qui a fait que le soir de cette manifestation, il y avait un dispositif notoirement insuffisant pour la contrôler. Mais le problème, ça commence par la manifestation ! Chacun a le droit de manifester, mais personne n'a le droit de casser la ville; ça, c'est inadmissible. Je crois que c'est finalement ça qu'il faut retenir de cette situation. Les choses vont être corrigées, on l'espère - une partie a déjà commencé de l'être, elles vont continuer de l'être; on va essayer d'améliorer les procédures de façon qu'on ne se retrouve pas face à cette situation avec un dispositif policier qui serait insuffisant. Mais ce qu'il faut aussi intégrer, c'est de faire en sorte que désormais, ce type de manifestations, qui s'en prennent aux magasins, qui s'en prennent aux biens culturels de cette ville... (Remarque.) C'est inadmissible, c'est ça qui doit être corrigé, et ça, vous en portez, vous, l'Alternative, une part de responsabilité, parce que ça vient de vos milieux.
On a parlé aussi de la doctrine d'engagement: nous avons acquis la conviction, à la sous-commission, qu'il n'était pas nécessaire de la modifier, parce qu'il faut simplement l'appliquer. Il faut avoir, les soirs de manifestations, si celles-ci sont décrétées dangereuses ou comportant un certain nombre de manifestants, ou si l'on a des informations qui amènent à penser qu'il y aura des déprédations, un dispositif policier suffisant pour y faire face. Voilà, Mesdames et Messieurs, ce qu'on peut dire, et je ne crois pas que le fait qu'un certain nombre de commerçants aient une assurance est une raison pour casser leur magasin. D'abord, un certain nombre n'avait pas d'assurance, tout simplement parce qu'après s'être fait casser son magasin une fois, deux fois, trois fois... Et vous le savez aussi, vous: si vous avez trois cambriolages dans votre appartement, votre responsabilité civile sera résiliée. C'est ce qui arrive à ces commerçants, qui, à force de se faire vandaliser, n'ont plus d'assurance, tout simplement parce que plus aucune ne veut assurer ce genre de casse. On n'a pas le droit de dire: ah, ils ont une assurance, alors finalement ce n'est pas si grave ! Eh bien si, c'est grave, c'est inadmissible ! Oui, on a le droit de manifester, mais non, on n'a pas le droit de casser. Je vous invite à adopter les recommandations de la sous-commission, ou plutôt de la commission de contrôle de gestion, parce que finalement ce sont les siennes, et j'invite fermement le gouvernement à les mettre en oeuvre le plus rapidement possible. (Quelques applaudissements.)
Une voix. Bravo !
M. Jean Romain (PLR). Chers collègues, le PLR va s'abstenir sur ce rapport. Je ne reviens pas sur ce qui a été dit, mais j'aimerais préciser deux points fondamentaux. Premièrement, le rapport nous dit qu'au fond, dans cette histoire, tout le monde a fait le travail qu'il devait faire. Si l'on pratique un découpage selon les parties des gens impliqués dans le processus qui a abouti à la catastrophe qu'on a découverte le dimanche matin, tous ces gens-là, sectoriellement, ont fait ce qu'ils avaient à faire, on ne peut pas leur reprocher grand-chose. La question à laquelle le rapport ne répond pas, c'est: au final, pourquoi ça n'a pas marché ? Qu'est-ce qui n'a pas joué dans cette affaire ? La réponse, Mesdames et Messieurs, nous ne l'avons pas, ni un petit peu, ni beaucoup, ni passionnément, ni à la folie. Evidemment, c'est là la question qui se pose; et entendre la diatribe de Jean Batou contre l'organisation de la police - il fallait qu'il en rajoute, évidemment - qui lie cela à la LPol, c'est simplement surréaliste ! Parce qu'en définitive, c'est la LPol d'alors - et non la nouvelle - qui fonde justement cette sorte de silence entre les services. On comprend mal la diatribe d'Ensemble à Gauche contre le magistrat responsable. Il lui semble beaucoup de choses, à M. Batou ! Mais tout cela est du vent ! Ce même vent qui minimise l'ampleur des dégâts, ce même vent qui minimise ce qui ressortit manifestement à des casseurs soutenus par certains groupes alternatifs. Vous comprenez que dès lors, nous n'ayons pas de réponse à notre question, à cette question essentielle: qu'est-ce qui n'a pas marché ? Nous ne pouvons donc pas soutenir ce rapport.
Deuxième chose: les recommandations. Vous avez lu très doctement les recommandations qui figurent à la page 49. Il y en a onze, vous avez eu le temps d'y réfléchir. Eh bien tel n'a pas été le cas de la commission: nous avons eu sept minutes en tout et pour tout pour nous prononcer, ou plutôt pour ne pas nous prononcer du tout: on nous a simplement lu ces recommandations. Ce n'est la faute de personne, parce que juste après, une conférence de presse était annoncée et il fallait y aller. Moi, ce que je voudrais tout simplement, en tant qu'élu du peuple, et ce que le PLR aimerait, c'est qu'on puisse discuter ces recommandations, peut-être même les amender - allons, soyons fous, en supprimer ! Tel n'a pas été le cas. Il fallait les prendre comme elles étaient, parce qu'il y avait une conférence de presse.
Etant donné le premier élément que j'ai évoqué, sur le fond, et le deuxième, sur la forme, le PLR s'abstiendra sur ce rapport, conçu il est vrai selon les règles de l'art. (Applaudissements.)
Une voix. Bravo !
Le président. Merci, Monsieur le député. Monsieur le député Bertrand Buchs, je suis désolé, vous n'avez plus de temps de parole. Je passe la parole à M. le député Daniel Sormanni pour vingt-cinq secondes.
M. Daniel Sormanni (MCG). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, je ne peux pas laisser dire ce que vient de déclarer M. Jean Romain ! Il a quand même pu prendre le temps, depuis le temps - c'est le cas de le dire ! - de lire ce rapport. Il y a des conclusions, il y a des recommandations, et il y a un cheminement que nous avons suivi, qui nous a amenés à faire ces réflexions. Incontestablement - le député Buchs l'a aussi dit - il y a un problème de communication des informations...
Le président. C'est terminé, Monsieur le député.
M. Daniel Sormanni. ...à l'intérieur de la police qui a amené finalement à un dispositif insuffisant le soir de cette manifestation, et ça, vous ne pouvez pas le nier, Monsieur le député Romain.
Le président. C'est terminé, Monsieur le député, merci. Madame Valiquer Grecuccio, vous n'avez plus de temps de parole, je suis désolé. La parole est à M. le député Eric Leyvraz.
M. Eric Leyvraz (UDC). Merci, Monsieur le président. Pour les membres de la commission de contrôle de gestion, nous avons reçu les recommandations le samedi, donc nous avions deux jours pour les lire. Si M. Jean Romain n'a eu que sept minutes, c'est peut-être qu'il était à moto sur la route 66. (Rires.) Je trouve quand même que cette défense... Parce qu'on voit très bien que leur conseiller d'Etat est en mauvaise posture dans cette histoire. (Remarque.) Le conseiller d'Etat en question déteste ne pas avoir la maîtrise de toutes les informations. Je trouve que la position du PLR dans ce cas-là est assez lamentable. Je vous remercie.
Une voix. Bravo !
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Jean Romain pour une minute.
M. Jean Romain (PLR). Merci, Monsieur le président, c'est largement suffisant pour répondre à mon excellent collègue, M. Leyvraz: au fond, il ne s'agissait pas d'avoir soixante-six minutes - si seulement nous avions eu soixante-six minutes pour en discuter ! Il me semble que le rôle d'une commission parlementaire aussi intéressante que la commission de contrôle de gestion lorsqu'une sous-commission lui propose des recommandations est au minimum d'en prendre connaissance, même rapidement, mais aussi d'en discuter. Je veux bien croire que l'UDC ne discute pas beaucoup, mais c'est dommage, c'est dommage, et ce n'est pas la nature du PLR. Je vous remercie. (Rire.)
M. Pierre Maudet, conseiller d'Etat. Le Conseil d'Etat a pris acte avec intérêt de ce rapport qui donne un éclairage supplémentaire sur l'événement du 19 décembre; un éclairage parmi d'autres: un député a évoqué tout à l'heure une procédure pénale, cette procédure est en cours, on n'est donc pas censé la commenter ici, mais nul doute qu'elle débouchera d'ici quelques semaines sur des condamnations peut-être, à tout le moins sur un nouvel éclairage. J'aimerais donc m'associer aux remerciements prodigués par les députés à l'endroit de la commission, parce que c'est un éclairage qui, à certains égards - et là, il faut en faire une lecture honnête, Monsieur Batou - met en exergue un certain nombre de maladies bien connues à la police, auxquelles nous tentons de remédier, grâce notamment à la nouvelle loi: l'absence de transversalité, la dimension des silos, c'était sous l'empire de l'ancienne loi, Monsieur le député, c'était en décembre 2015, et précisément, c'est là-contre qu'il faut lutter; parce que oui, le député Sormanni l'a dit à juste titre, l'information ne circulait - et ne circule sans doute toujours - pas assez bien. Nous devons en effet nous améliorer sur ce point, mais c'est un constat que nous avons fait ensemble, et je rappelle ici qu'une majorité de ce parlement a voté cette nouvelle loi sur la police qui doit précisément nous remettre sur les bons rails.
Le rapport a identifié - vous avez eu raison de le souligner, Madame la présidente de la sous-commission - un défaut de traçabilité dans le domaine du renseignement. Nous votons dimanche sur une nouvelle loi sur le renseignement; c'est un élément essentiel, et la police doit s'améliorer dans ce domaine. La capacité de faire arriver la bonne information au bon moment au bon endroit, plusieurs d'entre vous l'ont dit, c'est aujourd'hui ce qui doit nous permettre de relever les défis nouveaux, des formes de criminalité, d'agressions, de violence particulièrement sournoises. Cela me permet de vous dire, à l'instar de quelques députés - malheureusement pas tous, et c'est dommage - que la véritable cible que nous devons poursuivre, ce n'est pas la police mise en accusation, ou, que sais-je, peut-être les commerçants qui ne se seraient pas suffisamment prémunis. Ce sont les casseurs qu'il faut cibler, c'est eux vers qui véritablement il faut diriger nos intentions d'éviter qu'ils ne nuisent de nouveau. C'est là-dessus, Mesdames et Messieurs, que j'ai pris un engagement devant la commission de contrôle de gestion, parce que, Monsieur Leyvraz, oui, je m'intéresse dans le détail à ce qui se dit, et non, vous ne pouvez pas d'un côté me faire le reproche de ne pas être au courant, de ne pas m'être renseigné suffisamment, et de l'autre dire que je m'immisce par trop dans l'opérationnel; oui, Monsieur le député, je vais continuer de m'en mêler, et de près, parce que c'est ce que vous me demandez, parce que c'est ce qui nous permet d'avoir aujourd'hui des résultats en amélioration du côté de la police. Ne nous trompons donc pas de cible: les cibles, ici, ce sont les casseurs; ceux-là, ils seront au rendez-vous d'ici quelques semaines sous l'angle de la justice pénale.
L'autre objectif - le rapport nous y conduit - est d'améliorer le fonctionnement de la police. Le Conseil d'Etat, par ma bouche, prend avec humilité les remarques que vous faites. Il répondra aux recommandations. J'ai déjà eu l'occasion d'en relever certaines, certaines sont sans doute plus intéressantes que d'autres, mais nous répondrons à l'ensemble des recommandations; et nous veillerons surtout - parce que c'est ce que la population veut entendre - à éviter que ces situations ne se reproduisent. Mais pour ça, Mesdames et Messieurs, il faudra de la confiance, à tous points de vue, et je finirai à ce propos sur un élément de forme qui m'a fortement déplu dans cette affaire. D'aucuns se sont amusés à user de la métaphore électrique; pour ma part, je retiendrai une métaphore relative à la plomberie: ce sont davantage les fuites que les fusibles, Monsieur le député, qui ont émaillé cette affaire. C'est regrettable, parce que si l'on veut pouvoir avancer ensemble dans l'intérêt de la population, il faut pouvoir le faire dans un rapport de confiance. Malheureusement, il n'était pas toujours au rendez-vous dans ce dossier. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je soumets à votre approbation les recommandations de ce rapport.
Mis aux voix, le rapport divers 1158 est approuvé et ses recommandations sont renvoyées au Conseil d'Etat par 56 oui et 25 abstentions.