Séance du
vendredi 22 avril 2016 à
18h
1re
législature -
3e
année -
3e
session -
15e
séance
PL 11504-A
Premier débat
Le président. Mesdames et Messieurs, nous traitons le PL 11504-A en catégorie II, cinquante minutes. Je vous informe que le rapporteur de première minorité, M. Stéphane Florey, est remplacé par M. Christo Ivanov. Je cède la parole au rapporteur de majorité, M. Vincent Maitre.
M. Vincent Maitre (PDC), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Ce sujet a déjà été traité de nombreuses fois ainsi que voté par le peuple. Ce nouveau projet de loi méconnaît un principe fondamental qui est tout simplement celui de l'intérêt public, tant on sait que les déjections canines génèrent un coût qu'il convient d'assumer notamment par le biais de l'impôt. On voit bien l'intérêt plutôt privé que défend le premier signataire de ce projet de loi. Il est finalement à son image: inutile et absurde. (Rires. Commentaires.)
Le président. Merci, Monsieur le député. Un peu de silence, s'il vous plaît ! La parole est au rapporteur de première minorité ad interim, M. Christo Ivanov.
M. Christo Ivanov (UDC), rapporteur de première minorité ad interim. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, une fois de plus, les opposants à l'abrogation de l'impôt sur les chiens nient l'importance de la place du chien dans notre société. En effet... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Merci, Monsieur le président. ...posséder un chien permet à certaines personnes de conserver un lien social et une ouverture vers l'extérieur; sans animal de compagnie, elles ne sortiraient tout simplement plus de chez elles. C'est pourquoi la minorité que je représente vous demande d'accepter ce projet de loi. Merci, Monsieur le président.
M. Thierry Cerutti (MCG), rapporteur de deuxième minorité. J'entends bien que lorsqu'une personne utilise la voie publique ou obtient des prestations de l'Etat, elle devrait être soumise à un impôt particulier. On a parlé de déjections canines... Je rappelle tout de même que, dans notre société, un nombre considérable de personnes dont les besoins ne sont pas fondamentaux et d'activités qui ne représentent pas des priorités étatiques perçoivent des prestations de manière directe ou indirecte de l'Etat - je pense notamment aux cyclistes et à toutes les infrastructures développées pour eux: bandes cyclables, parkings pour vélos, etc. Etonnamment, les cyclistes ne paient pas d'impôt pour pratiquer leur activité. Partant, il est assez indécent de constater qu'un propriétaire de chien, qui lui est un contribuable dans la mesure où il verse un impôt, n'a pas le droit de bénéficier d'une prestation en contrepartie.
Un propriétaire de chien participe à la vie économique de notre canton de par l'acquisition de l'animal, pour commencer, de par la nourriture qu'il achète et les soins qu'il lui prodigue. Je rappelle aussi que lorsqu'on parle d'un chien, on ne parle pas d'un objet; d'ailleurs, ce sujet est régi par la loi fédérale, qui stipule que les animaux ont des droits. Je souligne également que le chien est le seul animal à être soumis à une contribution fiscale aujourd'hui, contrairement au chat, au cheval, à la vache ou à tout autre animal. Enfin, être propriétaire de chien signifie aussi être responsable, notamment dans le cadre de la vie sociale, le chien apportant un bien-être à des gens vivant seuls, par exemple certaines personnes âgées. Il y a donc un intérêt public voire médical suivant les cas - on pourrait citer un nombre important d'études qui expliquent le rôle prépondérant que joue le chien au sein de la société. Dès lors, il n'y a pas de raison d'être prétérité si on fait le choix d'en adopter un. Je ne me rabaisserai pas aux insultes du rapporteur de majorité car je pense que lorsqu'il parle de déjections canines, il fait allusion à sa propre image.
M. Yvan Zweifel (PLR). Quelle ambiance, Monsieur le président !
Une voix. Quelle ambiance, oui !
M. Yvan Zweifel. Ce point de l'ordre du jour nous permet, Mesdames et Messieurs les députés, de traiter de la troisième réforme de l'imposition canine... (Rires.) ...et c'est très bien ainsi !
Une voix. Bravo !
M. Yvan Zweifel. J'essaie de détendre un peu l'atmosphère... (L'orateur rit.) ...vous ne m'en voudrez pas ! (Commentaires.)
Plus sérieusement, le groupe PLR rejoint évidemment les considérations de l'auteur de ce projet de loi et du rapporteur de première minorité quant à l'importance sociale que peut revêtir un chien pour les uns, voire à la nécessité pour les autres d'en posséder un, ne serait-ce que pour leur sécurité ou d'autres raisons encore. Néanmoins, Mesdames et Messieurs, faisons un peu de sémantique: il convient de se demander si, quand on parle d'impôt sur les chiens, on parle vraiment d'un impôt. A titre personnel, je ne le pense pas, et c'est la différence entre un impôt et une taxe. Un impôt, comme vous le savez, Mesdames et Messieurs, est prélevé chez à peu près tout le monde et redistribué aux plus démunis ou utilisé pour des prestations générales offertes par l'Etat à sa population; une taxe, quant à elle, est perçue sur une substance fiscale particulière - enfin, j'ignore si on peut parler de substance fiscale s'agissant d'un chien, mais disons en tout cas sur un élément fiscal particulier - afin de donner des moyens à l'Etat ou aux communes pour couvrir les frais engendrés par ce même élément.
D'ailleurs, le MCG avait déjà proposé cette abolition de l'impôt sur les chiens, c'est-à-dire du centime additionnel communal, dans différentes communes dont la mienne, Onex. Nous avons donc déjà eu ce débat, et il a été intéressant de poser la question suivante: combien coûtent, en termes de voirie, de sécurité ou d'autres aspects encore, les dégâts ou les déjections canines sur l'espace public ? On a calculé que le coût engendré équivalait exactement à la taxe qu'on appelle impôt sur les chiens. Aussi ne s'agit-il pas réellement ici d'un impôt mais bel et bien d'une taxe, prélevée pour couvrir les frais engendrés par l'élément en question, à savoir le chien.
Le PLR vous propose de rejeter ce projet et de suivre le rapporteur de majorité, non pas que nous soyons contre les baisses d'impôts, vous savez que c'est l'inverse, mais parce que nous considérons qu'il s'agit ici d'une taxe. Quant à ceux qui, par hypothèse, viendraient me parler de la TVA, soit la taxe sur la valeur ajoutée, sachez qu'il ne s'agit dans ce cas-là justement pas d'une taxe mais d'un impôt. C'est un problème de sémantique car d'un point de vue juridique et fiscal, nous ne parlons pas ici d'un impôt mais bel et bien d'une taxe, et je crois qu'il faut la conserver car elle permet au canton et aux communes de répondre exactement aux frais engendrés par les chiens. Je vous remercie.
M. Romain de Sainte Marie (S). C'est vrai qu'il ne faut pas sous-estimer l'importance... (Commentaires.) Merci, Monsieur Zacharias. Il ne faut pas sous-estimer l'importance des chiens pour beaucoup de personnes, comme cela a été rappelé, ni négliger la dimension sociale que peuvent apporter ces animaux de compagnie. Par contre, et je pense qu'il faut le souligner dans ce débat, les chiens reconnus d'utilité publique ou ceux d'assistance, par exemple pour les personnes handicapées, sont déjà exonérés de l'impôt. Par conséquent, le fait de posséder un chien relève du choix et de la liberté individuels, comme pour toute autre chose: avoir une télévision, payer la redevance Billag, autant d'éléments qui relèvent du choix personnel. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Il a également été mentionné, et il me semble très important de le répéter, que les chiens génèrent un certain coût pour la collectivité, notamment leurs déjections: il s'agit d'un véritable problème dans nos villes, qui coûte cher en termes de nettoyage et d'infrastructures.
Il est tout de même assez piquant de relever - même si je reconnais le rôle social que peut jouer un animal de compagnie tel le chien - que le MCG, premier signataire de ce projet de loi, vise d'un côté à exonérer les propriétaires de chien et donc à effectuer une baisse de 3 millions de francs dans les recettes fiscales du canton et, de l'autre, sous prétexte de manque à gagner pour l'Etat, coupe dans les prestations sociales pour les personnes les plus faibles - je pense notamment au subside d'assurance-maladie ou au complément d'intégration à l'aide sociale. Il est donc très surprenant de constater que, d'un côté, pour des raisons sociales, on supprime des recettes et, de l'autre, pour des raisons économiques, on supprime des prestations.
Vous me permettrez enfin, Monsieur le président, de faire la remarque suivante: débattre pendant cinquante minutes sur l'imposition des chiens, dans un contexte financier relativement délicat - même si, c'est vrai, cela concerne beaucoup de personnes et que les sommes en jeu ne sont pas négligeables, il en va de 50 F à 100 F - alors qu'hier, nous n'avions que trente minutes pour discuter de la progressivité de l'impôt et du bouclier fiscal, qui ont tout de même des impacts beaucoup plus importants sur les finances et l'économie de notre canton, je trouve que c'est déséquilibré: il y a une certaine disproportion dans ce Grand Conseil en matière de débat.
Une voix. C'est vrai !
M. Patrick Lussi (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, nous avons tous des notions d'importance différente: primordiale, non primordiale, essentielle, non essentielle... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Il n'en demeure pas moins, et je réponds ici à mon préopinant, que l'une des grandeurs de la démocratie consiste peut-être justement à s'occuper des petites gens, ceux qui n'ont pas vraiment voix au chapitre, et je pense que les propriétaires d'un animal de compagnie en font partie. Je me sens à l'aise pour en parler parce que je n'en possède pas, je fais partie de ceux qui, parfois, pestent parce qu'ils marchent dans un excrément sur un trottoir, même s'il y en a de moins en moins.
Mais j'aimerais attirer votre attention sur un autre sujet, qu'on essaie timidement d'aborder mais à propos duquel personne n'ose y aller frontalement: parmi les personnes qui ont un chien, et ça devrait davantage toucher la gauche que nos bancs, beaucoup vivent dans une certaine précarité sociale. En effet, je vois peu de nantis promener leur chien en Mercedes, Rolls-Royce ou autre véhicule de luxe, ou alors c'est une espèce de petit truc qui est tout juste bon à être mangé ! Je peux le dire, même si je suis de l'UDC - puisqu'on m'étiquette quelquefois uniquement ainsi - car j'habite dans le quartier populaire des Palettes, où résident beaucoup de petites gens, et je remarque le nombre de personnes âgées qui possèdent un chien, le sortent, s'en occupent le soir.
J'ai apprécié le discours de mon préopinant PLR tout à l'heure, qui nous a fait toute une digression sémantique sur les moyens plus ou moins honnêtes que déploie l'Etat pour nous faucher de l'argent; en définitive, qu'il s'agisse d'une taxe, de la TVA ou d'un impôt, le but est quand même de prélever un supplément. Pour conclure, Mesdames et Messieurs les députés, face à ce genre de projet de loi - certes peu important, comme le disait mon préopinant socialiste - on devrait plutôt s'intéresser à un phénomène extraordinaire propre au XXIe siècle: l'Etat, quel qu'il soit, c'est-à-dire sans doute nous puisque nous en sommes les auteurs, s'amuse à séquencer notre vie, à l'analyser, à la diviser pour déterminer si, sur chacun des minuscules brins de notre liberté, il n'y aurait pas une taxe, un impôt ou une redevance à prélever - je pense que là, on a affaire à de l'émotionnel. En ce qui nous concerne, le groupe UDC soutiendra ce projet de loi et vous demande de faire de même. Je vous remercie.
M. Ronald Zacharias (MCG). Contrairement à ce qu'on a pu entendre, Mesdames et Messieurs les députés, le sujet est grave et le débat se doit d'être fondamental. On ne peut pas vraiment être d'accord avec la qualification qu'a faite M. Zweifel de cet impôt en disant qu'il s'agit d'une taxe sous prétexte qu'il est équivalent au montant des perceptions. Il y a une différence entre ces deux contributions publiques: la taxe est affectée à 100% au coût social tandis que l'impôt fonctionne différemment, il peut être utilisé de diverses manières voire d'une manière non définie au départ. Mais surtout, ce qui en fait l'énorme différence d'avec la taxe - raison pour laquelle la gauche, dans son intégralité, va évidemment soutenir ce projet de loi - c'est qu'un impôt dépend de la capacité contributive. C'est ça, la justice sociale; c'est ça, la justice fiscale. Dès lors qu'il s'agit bel et bien d'un impôt, le principe de la capacité contributive doit s'appliquer, faute de quoi il serait tout simplement injuste. C'est pour cette raison de principe uniquement qu'il convient de donner une suite favorable à ce projet de loi, et je vous en remercie.
Des voix. Bravo ! (Quelques applaudissements.)
Mme Sophie Forster Carbonnier (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, j'ai craint un instant que M. Zacharias ne nous propose un bouclier fiscal s'agissant de l'impôt sur les chiens; heureusement, il n'en est rien ! (Commentaires.) Plus sérieusement, je vous rappelle que ce parlement a travaillé pendant de nombreuses heures d'abord sur la création de l'impôt sur les chiens, puis sur une loi sur les chiens, notamment à la commission de l'environnement, et que ces deux projets sont ensuite passés devant la population genevoise qui, à une majorité extrêmement confortable, a accepté la création de cet impôt. Je trouve donc un peu fort de café de revenir sur le sujet quelques années après - on a voté il n'y a pas très longtemps - pour annuler une décision populaire. C'est la raison pour laquelle le groupe des Verts refusera l'entrée en matière sur ce projet de loi. Je vous remercie, Monsieur le président.
Mme Geneviève Arnold (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, le groupe PDC ne remet nullement en question le rôle que joue l'animal de compagnie pour l'humain. En effet, que l'on soit enfant, adulte ou aîné, sain ou malade, l'animal constitue un appui indispensable dans de nombreux cas de figure et pour beaucoup de familles. Cependant, on ne doit pas oublier le coût que représentent les déjections canines pour les collectivités publiques, qui se doivent d'être attentives aux normes de sécurité, de prévention et de nettoyage, notamment dans les parcs ou à proximité des écoles et des institutions de la petite enfance. Tout ceci a un coût, également lié à la présence d'APM sur le territoire.
Je prendrai l'exemple de la commune de Plan-les-Ouates, que je connais bien: une campagne avait été lancée il y a une dizaine d'années par le service de l'environnement et des espaces verts, qui consistait à déposer des fanions dotés d'un logo sympathique - une petite taupe - sur les déjections canines. Cela aurait dû être une campagne unique pour que la population se montre par la suite davantage respectueuse de l'espace public; eh bien non, cette campagne est réitérée régulièrement, au minimum tous les deux ans, et on constate que ce n'est pas une question de personnes à faible, moyen ou haut revenu, c'est la population tout entière qui est concernée. L'impôt sur les chiens correspond à une responsabilité que tout détenteur doit assumer, donc nous souhaitons conserver cet impôt et nous refuserons évidemment de le supprimer.
Le président. Merci, Madame la députée. Je passe la parole à Mme Danièle Magnin pour trois minutes quarante et une secondes.
Mme Danièle Magnin (MCG). Je vous remercie, Monsieur le président, je ne serai pas longue. D'abord, Mesdames et Messieurs, je voudrais tous vous informer que j'ai réussi mes examens: je suis éducatrice canine diplômée aux niveaux fédéral et cantonal... (Applaudissements.) ...en plus de toutes mes autres casquettes ! Par conséquent, j'ai évidemment eu le temps d'étudier la loi fédérale sur la protection des animaux ainsi que la loi genevoise sur les chiens, et j'aimerais vous dire que ce n'est pas un impôt qui va couvrir les frais liés aux déjections. On croise bien des gens dans la rue qu'on regarde de façon réprobatrice lorsqu'ils ne ramassent pas les crottes de leur chien, et ceux-ci répondent: «Ah, mais je paie un impôt, donc j'ai le droit de salir !» De la même manière, ceux qui possèdent une grosse cylindrée bien polluante vous diront: «Je paie beaucoup d'impôts, donc j'ai le droit de polluer !» Ceci même s'ils font crever leurs voisins !
Non, l'impôt ne sert pas à empêcher les gens de salir; ce qui les contraint à ramasser les déjections, ce sont des amendes salées, et je suis pour les contraventions lorsque les propriétaires de chien détériorent le domaine public, ce qu'ils n'ont absolument pas le droit de faire. Cependant, le simple fait de posséder un chien ne doit pas engendrer un impôt, tout comme le fait d'en avoir deux, trois ou quatre ne doit pas faire augmenter cet impôt, c'est une sottise. La manière dont on a présenté les choses, en particulier vers 2004-2005, a mené à la diabolisation des chiens alors que ce sont certains maîtres qu'il convient de diaboliser. Frapper l'ensemble des détenteurs de chien d'un impôt est parfaitement injuste, je dirais même immoral. Je vous remercie.
Mme Lydia Schneider Hausser (S). Mesdames et Messieurs les députés, je ne vais pas répéter tout ce qui s'est dit mais juste rappeler que cette loi sur les chiens ainsi que la taxe qui a été instaurée découlaient de toute une réflexion menée par le parlement quant aux événements catastrophiques qui ont eu lieu en Suisse et à Genève - je pense aux agressions - et à la difficulté à gérer le parc canin en général. Je crois qu'on ne doit pas l'oublier parce que cet impôt non seulement permet d'obtenir une médaille, un suivi des vaccins et des cours de sensibilisation ou d'éducation canine pour les propriétaires, mais introduit également une progressivité de l'impôt s'agissant des grands chiens ou du nombre qu'on en détient.
Cette progressivité a été mise en place dans le but de ne pas créer de meutes, ainsi qu'on a pu en voir à certains moments, qui ont conduit à des problèmes assez graves comme des agressions d'enfants et autres incidents. Pour toutes ces raisons, je pense qu'il est un peu expéditif de vouloir simplement abolir l'impôt sans se poser les questions qui ont été évoquées dans notre parlement, et cela n'empêche pas toute personne d'adopter un chien et de bien s'en occuper, tout en laissant ceux qui n'en ont pas bien vivre à Genève. L'impôt permet cette cohabitation de même que la sécurité et la propreté au sein de notre république, ce qui fonctionne assez bien pour l'instant. Merci beaucoup. (Applaudissements.)
M. Patrick Dimier (MCG), député suppléant. Merci à M. Zweifel de nous avoir rappelé tout l'intérêt du débat sur la race canine, ce qui lui a permis de proférer des phrases incisives ! Malheureusement, elles ne sont pas tout à fait décisives dans notre discussion. Le second intérêt de ce débat est qu'il oppose un rapporteur à son maître, histoire de nous rappeler quelques belles scènes de chasse parlementaire !
Pour ce qui est de la taxe, n'oublions pas que celle-ci a été soigneusement planquée au milieu d'un vote de panique sur un vrai problème, à savoir le danger que représentaient les molosses. Le peuple, dans sa grande sagesse, a voulu contrer ce risque et a fait un choix en préférant interdire les molosses et réglementer leur détention, et tant pis pour la taxe. Mais dans cette majorité, les petits n'ont peut-être pas eu la voix qu'ils méritaient. Quant aux dépenses qu'occasionnent les chiens et qui justifieraient un impôt, c'est un peu comme le prince Jean: la taxe justifie tout, même le départ à la guerre. Or on ne nous dit pas qu'en parallèle, on fait rouler des vélos sans aucune taxe et que les frais que ceux-ci occasionnent sont autrement plus élevés.
Des voix. Bravo ! (Applaudissements.)
Le président. Je vous remercie, Monsieur le député, et donne la parole à M. Francisco Valentin, qui dispose encore d'une minute.
M. Francisco Valentin (MCG). Merci, Monsieur le président. Je ne vais pas répéter tout ce qui a déjà été dit. J'aimerais revenir sur la commune de Plan-les-Ouates, dont l'exemple a été évoqué et que je connais particulièrement bien également: celle-ci dispose d'un budget annuel de 57 millions de francs avec, en moyenne, 9 à 10 millions de boni, soit de résultat excédentaire, chaque année. Il s'agit de l'une des dernières collectivités à pratiquer l'imposition maximale sur les chiens, c'est-à-dire que la taxe, qui est en fait libellée comme un impôt, est doublée et rapporte 22 000 F par année. A mon avis, c'est simplement une moquerie absolue, et les gens que je croise dans cette commune me disent tous la même chose: «On verse des impôts pour la voirie, on paie de tous les côtés et, en plus de ça, on doit encore s'acquitter d'une taxe sur les chiens et ramasser les excréments !» Mon préopinant m'a volé la conclusion s'agissant des vélos; je voudrais en effet bien savoir combien paient les cyclistes pour l'élimination de leur bécane quand celle-ci est pourrie.
Le président. Merci, Monsieur le député. Je suis navré, Madame Magnin, mais le temps de parole de votre groupe est épuisé. La parole revient au rapporteur de deuxième minorité, M. Thierry Cerutti.
M. Thierry Cerutti (MCG), rapporteur de deuxième minorité. Merci, Monsieur le président. On a parlé de la fameuse nouvelle loi votée par le peuple il y a quelques années; je vous rappelle quand même qu'on n'a pas instauré de taxe particulière puisque cette taxe a toujours existé, on a simplement réajusté les tarifs et rendu l'impôt progressif en fonction du nombre de chiens. Le peuple n'a donc pas voté de taxe spécifique mais a décidé de légiférer sur les chiens dits dangereux, ceux qui sont admissibles et ceux qui ne le sont pas. Mais surtout, il a voté une loi permettant de réglementer l'acquisition d'un chien grâce à des cours et à des formations aux futurs propriétaires suivant les races, ce qui permet également de sociabiliser les chiens. C'est donc un mensonge de dire qu'on a voté sur une taxe puisqu'elle a toujours existé.
Maintenant, à vous entendre lorsque vous parlez de déjections canines, j'ai l'impression que les voiries, qu'elles soient cantonales ou communales, sont créées uniquement pour nettoyer les crottes de chien. C'est une absurdité totale: la voirie travaille pour maintenir nos chemins, nos rues et notre environnement propres, que les déprédations soient causées par un chien ou par l'humain - et c'est bien plus souvent ce dernier qui crée des problèmes. Alors venir prétendre que cette taxe permet de payer la voirie constitue un deuxième énorme mensonge puisque la voirie, qu'il y ait des chiens ou pas, serait là de toute façon et aurait exactement le même coût, elle ne coûterait ni plus ni moins avec ou sans les chiens. Il s'agit là d'une deuxième hérésie qui a été prononcée au sein de cet hémicycle.
La troisième chose que j'aimerais rappeler à nos collègues PLR, c'est qu'on a eu un débat sur la mobilité il n'y a pas si longtemps, qui a d'ailleurs été fort long et fort houleux, dans le cadre duquel tout le PLR s'est offusqué d'apprendre qu'on allait taxer les motocyclistes...
Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur le député.
M. Thierry Cerutti. Oui ! Vous trouviez scandaleux qu'on crée une taxe pour les motocyclistes et qu'ils doivent participer financièrement aux infrastructures que l'Etat réalise pour eux, notamment les places de parking et des accès à divers endroits, vous avez été offusqués par cette taxe et on l'a donc supprimée. Dès lors, je ne comprends pas cette incohérence: si vous avez une théorie sur la taxe des parkings et que vous êtes contre, vous devriez suivre la même réflexion concernant l'impôt ou la taxe sur les chiens.
Le président. Merci, Monsieur le député. Monsieur Saudan, c'est à vous pour une minute vingt-quatre.
M. Patrick Saudan (PLR). Ce sera amplement suffisant, Monsieur le président, merci. Excusez-moi de m'immiscer dans ce débat, je ne voulais pas du tout intervenir mais la hargne de mes préopinants du MCG contre les vélos m'a un petit peu interpellé. J'aimerais simplement dire à M. Patrick Dimier que les chiens représentent un intérêt pour la santé publique et que je suis pour qu'on propage l'usage des animaux de compagnie parmi les personnes âgées parce que cela permet d'augmenter leur mobilité et que c'est un très bon moyen de lutter contre la sédentarité. Quand on prend en charge les coûts induits, que ce soit par les chiens ou par les vélos, il faut penser aux bénéfices en termes de santé publique: il y en a certes pour les chiens, mais ceux générés par la pratique du vélo sont énormes, et je peux vous dire que la société aurait tout à gagner à ce que les gens fassent davantage de vélo. Je vous remercie. (Applaudissements.)
Mme Béatrice Hirsch (PDC). Je voudrais juste clarifier un élément qui a été mentionné mais qui n'est pas tout à fait correct. On nous a dit que le peuple avait voté conjointement l'interdiction des chiens dangereux et la taxe, ce n'est pas juste: on a accepté la taxe et la loi sur les chiens en décembre 2007, et l'initiative sur les chiens dangereux est venue par la suite, en février 2008, donc ça n'a rien à voir. Je vous remercie, Monsieur le président.
Une voix. Exactement !
M. Christo Ivanov (UDC), rapporteur de première minorité ad interim. J'aimerais juste répondre à quelques commentaires de collègues députés, tout d'abord à M. Patrick Saudan - vous transmettrez, Monsieur le président: aujourd'hui, il y a des vélos électriques, donc les efforts physiques sont bien moindres, et on voit que même l'élite utilise des trucages électriques... (Exclamations.) ...donc on peut argumenter longtemps sur la question. Une préopinante du groupe des Verts a fait un reproche aux signataires de ce projet de loi en indiquant que le peuple avait déjà voté sur ce sujet; dont acte. Mais alors tous les projets de lois déposés par la gauche élargie sur la fiscalité, le bouclier fiscal, les baisses d'impôts, les 12% et j'en passe, ça ne gêne personne ! Je trouve qu'on se moque de la députation, il faudrait arrêter de se payer notre tête.
Pour revenir à ce projet de loi, je rappelle qu'il existe déjà un certain nombre d'exonérations s'agissant des chiens pour aveugles et handicapés et de ceux employés par la police ou pour le sauvetage en cas de catastrophe. Ces exonérations existent déjà, et ce projet de loi vise simplement à les étendre à toutes et tous. C'est pourquoi la minorité de la commission vous demande d'accepter ce projet de loi. Je vous remercie.
M. Serge Dal Busco, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, pardonnez-moi de prolonger encore ce débat, je serai extrêmement bref. Le Conseil d'Etat reconnaît évidemment le rôle éminemment social d'un animal de compagnie, mais le fait de détenir un chien a un coût avéré, et il est parfaitement normal d'exiger une contribution de la part des propriétaires. Au demeurant, cette contribution est modeste, même très modeste en regard des frais engendrés par l'animal... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...pour sa détention - je pense notamment à la nourriture, à l'entretien, etc. Finalement, Mesdames et Messieurs, le peuple considère - a considéré - qu'il s'agit d'un dispositif parfaitement équilibré puisqu'il l'a approuvé à une écrasante majorité. Je m'arrêterai là, Mesdames et Messieurs, en vous précisant qu'il faut bien entendu, selon le Conseil d'Etat, refuser ce projet de loi. Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. J'ai le plaisir de saluer à la tribune un groupe de l'Université ouvrière de Genève accompagné de M. Claude Gerber, responsable de formation, qui vient nous rendre visite dans le cadre d'un cours sur le système politique. Bienvenue ! (Applaudissements.)
Mesdames et Messieurs les députés, la parole n'étant plus demandée, je vous prie de bien vouloir voter sur l'entrée en matière.
Mis aux voix, le projet de loi 11504 est rejeté en premier débat par 57 non contre 34 oui et 1 abstention.