Séance du
jeudi 17 mars 2016 à
17h
1re
législature -
3e
année -
2e
session -
6e
séance
La séance est ouverte à 17h, sous la présidence de M. Jean-Marc Guinchard, président.
Assistent à la séance: MM. François Longchamp, président du Conseil d'Etat, Serge Dal Busco, Pierre Maudet, Mauro Poggia et Luc Barthassat, conseillers d'Etat.
Exhortation
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.
Personnes excusées
Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mme Anne Emery-Torracinta et M. Antonio Hodgers, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Emilie Flamand-Lew, Lionel Halpérin, Béatrice Hirsch, Philippe Morel, Sandro Pistis, Pierre Ronget, Eric Stauffer et Francisco Valentin, députés.
Députés suppléants présents: Mmes et MM. Delphine Bachmann, Christian Decorvet, Jean Rossiaud, Françoise Sapin, Charles Selleger et Alexandre de Senarclens.
Procès-verbal des précédentes séances
Le procès-verbal de la session des 25 et 26 février 2016 est adopté.
Discussion et approbation de l'ordre du jour
Le président. La liste des projets de lois renvoyés sans débat a été déposée sur vos places. Je vais vous l'énoncer. Il vous est proposé de renvoyer ces projets de lois dans les commissions suivantes:
Le président. La discussion immédiate sur l'un de ces points n'étant pas demandée, ces projets de lois sont renvoyés dans les commissions précitées.
Par ailleurs, je vous informe que les points suivants seront traités ensemble: les points 33 et 34 en catégorie II, cinquante minutes, les points 37 et 38 en catégorie II, cinquante minutes, les points 65 et 66 en catégorie II, trente minutes, et les points 67 et 68 en catégorie II, trente minutes.
Nous passons aux demandes d'ajout et d'urgence. Le Conseil d'Etat sollicite l'urgence sur le PL 11775-A relatif à la loi sur l'organisation de la direction générale de la nature et du paysage.
Mis aux voix, le traitement en urgence du rapport PL 11775-A est adopté par 50 oui contre 28 non et 1 abstention.
Le président. Cet objet sera traité à notre séance de 20h30. Le Conseil d'Etat nous demande également l'urgence s'agissant du PL 11761-A, qui a trait à la répartition des tâches entre les communes et le canton.
Mis aux voix, le traitement en urgence du rapport PL 11761-A est adopté par 71 oui contre 6 non et 1 abstention.
Le président. Ce point sera lui aussi débattu ce soir à 20h30. Nous passons aux requêtes des députés, et je donne la parole à M. Stéphane Florey.
M. Stéphane Florey (UDC). Merci, Monsieur le président. Le groupe UDC demande l'urgence sur la motion 2319 intitulée comme suit: «Fuite des cerveaux aux HUG: arrêtons l'hémorragie !» Merci.
Le président. Je vous remercie, Monsieur, et soumets cette proposition aux votes de l'assemblée.
Mis aux voix, le traitement en urgence de la proposition de motion 2319 est rejeté par 53 non contre 29 oui et 2 abstentions.
Le président. La parole est à Mme la députée Nathalie Fontanet.
Mme Nathalie Fontanet (PLR). Merci, Monsieur le président. Le PLR sollicite l'ajout de la proposition de motion 2323 pour la concentration de la médecine universitaire hautement spécialisée et la répartition de services de médecine générale, de réadaptation et de psychiatrie dans le canton de Genève. Je vous remercie.
Le président. Merci, Madame la députée. J'ouvre le scrutin sur cette demande.
Mis aux voix, l'ajout à l'ordre du jour de la proposition de motion 2323 est rejeté par 47 non contre 40 oui et 2 abstentions.
Le président. Madame Sarah Klopmann, vous avez la parole.
Mme Sarah Klopmann (Ve). Merci, Monsieur le président. Les Verts demandent l'ajout à l'ordre du jour de la M 2322 pour réaliser la Maison de l'environnement. Merci.
Le président. Merci, Madame. J'appelle les députés à s'exprimer sur votre requête.
Mis aux voix, l'ajout à l'ordre du jour de la proposition de motion 2322 est adopté par 47 oui contre 42 non. (Commentaires.)
Mis aux voix, le traitement en urgence de la proposition de motion 2322 est adopté par 46 oui contre 41 non.
Le président. Je cède le micro à Mme Sophie Forster Carbonnier.
Mme Sophie Forster Carbonnier (Ve). Merci, Monsieur le président. Je voulais demander, après l'ajout à l'ordre du jour, l'urgence sur la motion 2322, mais vous venez de la faire voter, donc je vous rends la parole ! (Remarque.)
Le président. Merci, Madame la députée. Nous examinerons ce texte lors de notre séance de 20h30. Je passe la parole à M. Pascal Spuhler.
M. Pascal Spuhler (MCG). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, le groupe MCG souhaite l'ajout et l'urgence, pour un renvoi immédiat à la commission de l'énergie, sur la motion 2320: «Stop à l'énergie fossile, sauvetage du patrimoine suisse en énergie hydroélectrique !»
Le président. Je vous remercie, Monsieur Spuhler. Le vote est lancé.
Mis aux voix, l'ajout à l'ordre du jour de la proposition de motion 2320 est adopté par 66 oui contre 21 non.
Mis aux voix, le traitement en urgence de la proposition de motion 2320 est adopté par 67 oui contre 20 non.
Le président. Cette urgence sera traitée à 20h30. La parole va à M. le député Pierre Vanek.
M. Pierre Vanek (EAG). Merci, Monsieur le président. Au nom du groupe Ensemble à Gauche, je demande l'urgence sur la proposition de motion 2317, dont voici le titre: «Intensifier la lutte contre la fraude fiscale pour accroître les recettes de l'Etat et maintenir les prestations à la population».
Le président. Merci, Monsieur le député. Je mets cette demande aux voix.
Mis aux voix, le traitement en urgence de la proposition de motion 2317 est rejeté par 58 non contre 34 oui.
Le président. Je donne la parole à Mme la députée Magali Orsini.
Mme Magali Orsini. C'est une erreur, Monsieur le président.
Le président. D'accord, alors elle revient à Mme Nathalie Fontanet.
Mme Nathalie Fontanet (PLR). Merci, Monsieur le président. Le PLR sollicite l'ajout du projet de loi 11855 modifiant la loi instituant la caisse de prévoyance de l'Etat de Genève avec, s'il est accepté, un renvoi direct à la commission des finances.
Le président. Merci, Madame. Mesdames et Messieurs les députés, je vous prie de bien vouloir voter.
Mis aux voix, l'ajout à l'ordre du jour du projet de loi 11855 est rejeté par 47 non contre 45 oui.
Communications de la présidence
Le président. Nous souhaitons, en votre nom à tous et à toutes, un prompt rétablissement à notre collègue et cheffe de groupe Béatrice Hirsch, qui a dû être réopérée cet après-midi. (Commentaires.)
Correspondance
Le président. Vous avez trouvé sur vos places l'énoncé de la correspondance reçue par le Grand Conseil. Cet énoncé figurera au Mémorial.
Ordonnance de classement de M. JORNOT Olivier, Procureur général, de la plainte pénale déposée le 23 décembre 2015 pour violation du secret de fonction (voir correspondance C 3523) (Copie adressée à la Commission de contrôle de gestion) (C-3532)
Duplique du Grand Conseil, du 10 mars 2016, dans le recours déposé par l'Association genevoise des maîtres d'éducation physique de MM. CATTANI Daniel et VELZ Jean-Daniel et Mme COSTA ANDRES Carolina (A/4363/2015 m) contre l'article 49 de la Loi 11470 du 17 septembre 2015 remplaçant la loi sur l'instruction publique de 1940 (LIP) et contre l'absence de législation par le Grand Conseil sur l'exigence fédérale d'assurer à l'école obligatoire "au moins trois périodes hebdomadaires d'éducation physique" (art.12 al. 4 LESp) (voir correspondance C 3522 et C 3529) (Copie transmise à la Commission de l'enseignement, de l'éducation, de la culture et du sport) (C-3533)
Lettre du 7 mars 2016 de M. FLOREY Stéphane, Chef du groupe UDC, à M. GUINCHARD Jean-Marc, Président du Grand Conseil, relative à l'exclusion de Mme Christina MEISSNER du groupe parlementaire UDC (C-3534)
Transmission au Grand Conseil de la copie de la lettre du 14 mars 2016 de Mme AMAUDRUZ Céline, Présidente de l'UDC Genève à Mme MEISSNER Christina, députée, à propos de son exclusion de l'UDC Genève (C-3535)
Lettre du 14 mars 2016 de la Présidence du Grand Conseil à M. FLOREY Stéphane, Chef du groupe UDC, à propos de sa lettre du 7 mars et de son message électronique du 4 mars 2016 relatifs à l'exclusion de Mme MEISSNER Christina du groupe UDC (voir correspondance C 3534) (C-3536)
Lettre du 14 mars 2016 de la Présidence du Grand Conseil à Mme AMAUDRUZ Céline, Présidente de l'UDC Genève, à propos de sa lettre du 14 mars 2016 au sujet de l'exclusion de Mme Christina MEISSNER de l'UDC Genève (voir correspondance C 3535) (C-3537)
Le président. Monsieur Stéphane Florey, vous avez la parole.
M. Stéphane Florey (UDC). Merci, Monsieur le président. Je demande la lecture du courrier 3535.
Le président. Etes-vous soutenu ? (Plusieurs mains se lèvent.) Très bien, alors je prie Mme Orsini de bien vouloir donner lecture de cette correspondance.
Annonces et dépôts
Le président. Les pétitions suivantes, parvenues à la présidence, sont renvoyées à la commission des pétitions:
Pétition : Carouge-Moraines : préservons un site naturel et de loisirs menacé (P-1968)
Pétition : Ne plaçons pas 50 hommes requérants d'asile dans l'abri sous l'école primaire de Bellavista à Meyrin ! (P-1969)
Pétition contre les nuisances et le bruit causés par les établissements publics et leurs terrasses, rue Sismondi (P-1970)
Pétition : NON à 50 jeunes hommes migrants sous l'école Bellavista ! (P-1971)
Le président. Est parvenue à la présidence la candidature de M. Frédéric Hensler (PDC), avec un préavis favorable du Conseil supérieur de la magistrature.
Etant seul candidat, M. Hensler est élu tacitement et prêtera serment ce soir à 20h30.
S'agissant du point 11, soit l'E 2322, la candidature étant parvenue hors délai, cette élection est reportée à la session des 21 et 22 avril prochains.
Le président. Est parvenue à la présidence la candidature de M. Clément Emery (Ve), avec un préavis favorable du Conseil supérieur de la magistrature.
Etant seul candidat, M. Emery est élu tacitement et prêtera serment ce soir à 20h30.
Premier débat
Le président. Nous entamons notre ordre du jour avec le PL 11506-A. Monsieur le rapporteur de majorité, vous avez la parole.
M. Jean-Luc Forni (PDC), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, il n'y a pas de loi fédérale sur l'aide sociale. La Confédération ne définit donc pas un montant minimal d'aide sociale. La loi cantonale ne le fait pas non plus. Le canton de Genève applique dans une large mesure les normes CSIAS, la Conférence suisse des institutions d'action sociale. Ainsi, le forfait de base de l'aide sociale a été scindé en deux, à savoir le forfait de base et le supplément d'intégration. A la base de ce projet de loi, on trouve la décision du Conseil d'Etat de diminuer le supplément d'intégration de moitié et la volonté de créer un fonds avec l'argent économisé pour soutenir ceux qui ont les moyens et la volonté de revenir sur le marché du travail. Le but de ce texte n'est donc pas d'ouvrir le débat sur tous les éléments de l'aide sociale mais de faire en sorte que les montants de celle-ci ne puissent plus être modifiés par le Conseil d'Etat par voie réglementaire; il s'agit donc de les inscrire dans la loi. L'indexation des prestations sociales au coût de la vie ainsi que l'indexation des loyers sont aussi prévues dans ce projet de loi qui a généré des discussions nourries au sein de la commission et avec le conseiller d'Etat chargé du DEAS.
Les auteurs de ce projet de loi indiquent avoir profité de ce projet de loi pour rappeler un élément essentiel: la nécessité d'indexer les prestations d'aide sociale qui ne l'ont été qu'une seule fois depuis l'entrée en vigueur de la LASI, avant qu'elle ne devienne par la suite la LIASI. Ainsi, les prestations n'ont augmenté pour le forfait de base que de 17 F - soit de 1,8%, selon les auteurs du projet de loi - alors que l'indice du coût de la vie a quant à lui augmenté de 4%.
Les auteurs du texte précisent aussi qu'au niveau des loyers et des montants des maxima pris en compte dans le calcul des prestations d'aide sociale, il n'y a pas eu d'augmentation depuis 2001, alors même que depuis lors les loyers ont augmenté sensiblement. Ce projet de loi consistant principalement en un transfert du contenu du règlement d'application dans la loi, la majorité des commissaires ont déclaré que tout en entendant les arguments de la gauche, ils ne pouvaient pas accepter que le Conseil d'Etat ne puisse pas se prononcer par voie réglementaire, et qu'ils tenaient à ce que le Conseil d'Etat puisse toujours disposer d'une certaine marge de manoeuvre. La majorité des commissaires ont aussi souhaité que l'on ne fige pas la LIASI de la sorte, afin que le Conseil d'Etat puisse être réactif et agir si cela lui semble nécessaire. Sans la voie réglementaire, il ne lui sera pas possible de le faire.
A une large majorité, la commission des affaires sociales a donc décidé de refuser l'entrée en matière sur ce projet de loi 11506. Il a paru en effet téméraire à une grande majorité des commissaires de retirer au gouvernement ses prérogatives et ses outils de travail lorsqu'une de ses décisions n'est pas acceptée par une partie du parlement. Rappelons-le encore une fois, ce texte ne voulait pas ouvrir le débat sur toutes les composantes de l'aide sociale, mais souhaitait éviter qu'à l'avenir le Conseil d'Etat puisse continuer de modifier par voie réglementaire les différents montants des composantes de l'aide sociale en fonction de la situation du moment. Retirer au gouvernement son outil de travail, c'est l'empêcher de gouverner. Le budget de l'action sociale a augmenté de 30 millions ces dernières années; on assiste à 62% d'augmentation des dossiers d'aide sociale depuis cinq ans. L'aide sociale augmente car le nombre de bénéficiaires augmente. La question est avant tout de savoir comment répondre à cette situation en contenant les hausses. La période est difficile, il convient de prendre des décisions responsables. Genève reste malgré tout parmi les cantons les plus généreux dans l'application des normes CSIAS, malgré la réduction acceptée par le Grand Conseil du supplément d'intégration de 300 F à 225 F et même s'il est plus strict en ce qui concerne le barème jeunes ou celui des sanctions.
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député.
M. Jean-Luc Forni. Je termine, Monsieur le président. Même si les commissaires ont entendu les arguments des signataires de ce projet de loi, il est apparu à la grande majorité d'entre eux qu'il ne constituait pas une bonne réponse à la problématique ainsi posée, et ils vous demandent de les suivre dans le refus d'entrer en matière. Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur le député. Vous avez entamé quelque peu le temps de votre groupe. Je passe la parole à Mme la rapporteure de minorité.
Mme Jocelyne Haller (EAG), rapporteuse de minorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, il s'agit, avec ce projet de loi, de considérer que le minimum vital est un concept particulièrement clair et qu'il ne peut ni ne doit en aucun cas devenir une variable d'adaptation budgétaire ou un élément de régulation de l'augmentation des coûts d'assistance. Pour nous, très clairement, il apparaît que la marge de manoeuvre dont dispose le Conseil d'Etat sur toute une série d'objets ne peut, en ce qui concerne le minimum vital, s'appliquer de la même manière. Je dirais que le minimum vital est une chose trop importante pour qu'on la laisse à l'ombre des officines du Conseil d'Etat. Si ce minimum doit être modifié, cela doit faire l'objet d'un débat démocratique; ce changement doit pouvoir être saisi d'un droit de référendum, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui, par le fait que les montants de l'aide sociale figurent uniquement dans un règlement d'application. Il faut encore peut-être amener une précision sur un sujet souvent évoqué: Genève serait l'un des cantons les plus généreux en matière d'aide sociale. On nous a assené cette pseudo-vérité à de multiples reprises; or, aujourd'hui, il est avéré que ce n'est pas le cas. En ce qui concerne le barème jeunes ou même le barème des sanctions... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...Genève est un des cantons les plus sévères.
La proposition contenue dans ce projet de loi vous invite à inscrire les montants de l'aide sociale dans la loi sur l'aide sociale, de sorte que ce parlement puisse, à chaque fois que le Conseil d'Etat voudra diminuer les prestations aux usagers, mener un réel débat sur ce qu'est la pauvreté à Genève, combien il faut pour vivre correctement, conformément aux dispositions contenues dans la constitution genevoise. Pour terminer, je dirais, pour reprendre le rapport de minorité, que prises à l'ombre d'un règlement d'application, les décisions du Conseil d'Etat en matière d'aide sociale, énoncées dans ce rapport ou le projet de loi, n'ont pu faire l'objet de débats, pas plus d'experts que démocratiques. Ce n'est de loin pas leur moindre défaut. Ce mode de faire en sourdine exclut de l'espace public la gestation et l'élaboration de la politique sociale. Elle l'acquitte subrepticement de l'épreuve de la vérification et de la mesure de son opportunité, de son adéquation à l'usage auquel elle est destinée. Aussi, parce que, comme l'indiquait l'un des titres du projet de loi, «un règlement d'application, c'est pratique, mais une loi, c'est démocratique», la minorité vous invite à accepter l'entrée en matière.
M. Christian Frey (S). Le groupe socialiste vous invite à entrer en matière sur ce projet de loi, tout simplement parce que depuis le début de cette législature, à petites touches, doucement... (Brouhaha.) ...le responsable du DEAS nous amène des économies supplémentaires. Il y en a eu six, à ma connaissance. Souvent, avec ces propositions d'économies, on recule un petit peu, on avance un petit peu... Non, on n'avance jamais, excusez-moi ! On recule systématiquement. Par rapport à cela, il s'est instauré une méfiance vis-à-vis du président du DEAS. Est-ce que les personnes qui sont au minimum vital sont les seules qui vont devoir compenser les économies qu'il faut faire pour sauver Genève ? Encore que «sauver Genève», c'est un grand terme.
Les questions posées au magistrat au cours de ces longues discussions à la commission des affaires sociales sont les suivantes: comment allez-vous continuer ? Quelle est la suite ? Qu'est-ce que vous allez faire avec les discussions autour des nouvelles normes de la CSIAS ? Allez-vous continuer à grignoter tout ce qui est attribué à l'aide et aux prestations sociales ? La réponse a été, à l'époque: on va voir ce que donneront les votations de février, et ensuite on verra. Lors des votations de février, deux référendums ont été refusés, un a abouti; nous ne savons pas ce qui va se faire. A ce moment-là s'installe, pour notre groupe, une méfiance très claire par rapport au DEAS; on se dit: jusqu'où va-t-on aller à petites touches, en grignotant ? C'est la raison pour laquelle nous vous incitons à accepter d'entrer en matière sur ce projet de loi, parce qu'effectivement, il garantit un débat démocratique ici et des possibilités de référendum auprès de la population, et que dans ce sens-là, tout le monde va pouvoir assumer la responsabilité de grignoter dans ce domaine.
Je ne vais pas développer à nouveau l'argument déjà mentionné par la rapporteuse de minorité qui consiste à dire qu'il faut absolument mettre fin à ce mythe selon quoi le canton de Genève est beaucoup plus généreux que les normes de la CSIAS. C'est tout simplement faux ! Si l'on prend par exemple le barème jeunes, la somme attribuée aux 18-25 ans est carrément de 50% inférieure à ce que recommande la CSIAS. Où est la générosité ? En ce qui concerne les sanctions, elles aussi représentent pratiquement le double en durée et en diminution des prestations de ce que propose la CSIAS. Alors arrêtons de grignoter, de démanteler les prestations sociales que Genève accorde aux personnes qui en ont le plus besoin. C'est pourquoi, Mesdames et Messieurs les députés, avec courage et détermination, il s'agit d'entrer en matière sur ce projet de loi. Je vous remercie. (Applaudissements.)
M. François Baertschi (MCG). Genève fait actuellement un effort considérable pour l'aide sociale. Il y a des hausses de budget qui sont elles aussi considérables, des dizaines de millions supplémentaires payés par le contribuable, et on a raison de les payer, il est bien qu'on les paie, il est bien que nous fassions preuve de générosité. Le problème actuel de notre système est qu'il est déjà trop rigide: il y a des normes, mais comme ce système ne marche pas, on a laissé aux communes le soin de donner des aides ponctuelles quand quelqu'un a un petit problème, qu'il ne peut pas payer sa caisse maladie ou a un pépin de la vie comme cela arrive. Cette rigidité est le gros problème. La commune travaille de manière subsidiaire, bouche un peu les trous, et a raison de le faire, quoiqu'il n'y ait aucune obligation pour les communes, ce qui est un gros problème actuel du système. On se retrouve finalement face à quelque chose de très rigide. Cette rigidité, avec de bonnes intentions, certes... Nous n'allons pas mettre en cause les intentions des auteurs de ce projet de loi, il y a même peut-être trop de bonnes intentions, quelque part; on arrive à quelque chose de très rigide. Nous pensons donc que ce n'est pas une bonne chose que d'inscrire dans la loi des éléments qui doivent être réglementaires. C'est quelque chose qui à notre sens ne doit pas y entrer, d'autant plus que nous avons d'autres moyens d'agir, ne serait-ce que par des motions ou des résolutions, voire par la voie budgétaire, pour augmenter des montants en cas de pingrerie du Conseil d'Etat qui s'exprimerait sur un élément ou un autre. Je vois M. Longchamp qui dément - vous transmettrez, Monsieur le président - cette pingrerie du Conseil d'Etat; après, c'est vrai qu'il y a aussi un budget à boucler, c'est aussi une réalité qu'il ne faut pas oublier. C'est certain qu'il y a un élément contradictoire dans ces deux aspects; il est certain qu'on doit essayer de trouver des solutions. C'est ce que, j'imagine, chacun essaie de faire. Mais je pense que l'idée de la rigidité est mauvaise, et c'est pour cela que le groupe MCG vous demandera de refuser ce projet de loi.
Mme Frédérique Perler (Ve). Les Verts vous invitent, Mesdames et Messieurs les députés, à soutenir ce projet de loi et à le voter, et donc à soutenir le rapport de minorité. En effet, comme cela a déjà été expliqué ces dernières minutes, le minimum vital est une base à préserver, le minimum vital est intangible. A cet égard, la marge de manoeuvre accordée au Conseil d'Etat par voie réglementaire ne peut pas s'appliquer dans le cadre de la loi sur l'aide sociale et l'insertion. Pourquoi ? En raison, comme il a été expliqué, des baisses successives qui ont eu lieu depuis l'année 2006 et grignotent au fil du temps le minimum vital des personnes à l'aide sociale. Dans cet esprit-là, c'est une rupture du contrat social, et nous estimons qu'à cet égard, il s'agit de ne rien modifier sans ouvrir un débat démocratique au sein de ce Grand Conseil. Ça, c'est une première chose. Deuxième chose, il s'agit aussi, tout en préservant la politique sociale menée jusqu'ici, de prendre nos responsabilités, chers collègues, par une proposition de modification de décisions qui nous viendraient du Conseil d'Etat.
Enfin, on a évoqué le fait que l'aide sociale augmentant parce que les demandeurs augmentent, comme cela a été expliqué dans le rapport de minorité, il faudrait peut-être aussi interroger notre société, notre rapport à l'emploi, le développement de l'économie, ces personnes qui sont exclues, et surtout, Mesdames et Messieurs les députés, les reports de charge successivement imposés soit par la loi sur le chômage, soit par l'assurance-invalidité, et j'en passe. Toutes ces mesures d'économies sur le plan fédéral ont amené les cantons à devoir assumer encore plus de personnes qui sont exclues du marché du travail, exclues des assurances sociales et se retrouvent à l'aide sociale. Il ne s'agit pas, et il n'est pas question pour les Verts de leur faire porter le poids de l'augmentation de leur nombre et le poids de ces décisions prises par les Chambres fédérales en diminuant le minimum d'aide sociale dont ils ont pu bénéficier jusqu'ici, et nous tenons à ce que soit ouvert un débat démocratique sur ces questions à chaque fois que cela sera nécessaire, ce qui permettra également à la population de se prononcer par voie référendaire. Je vous remercie donc de soutenir ce projet de loi.
M. Marc Falquet (UDC). Le rapporteur de majorité a parlé des bonnes questions à poser. Effectivement, il s'agit déjà de voir la situation sociale, la situation de l'emploi à Genève: 22 000 personnes à l'Hospice général, chaque jour de nouvelles personnes perdent leur emploi, chaque jour de nouvelles personnes doivent être assistées, doivent être prises en charge; 16 500 demandeurs d'emploi, plus au moins 15 000 personnes qui vivent chez leurs parents parce qu'elles ne savent pas quoi faire. Il y a au moins 50 000 personnes à Genève qui ne travaillent pas. (Remarque.) 100 000, me dit-on à droite; au moins 50 000, ça, c'est clair. La question n'est pas d'être pingre ou généreux; si le nombre de personnes assistées augmente, à un moment donné, il faudra bien décider soit de diminuer les prestations, soit d'aller chercher de l'argent ailleurs au niveau de l'Etat. Il faudra donc de toute façon prendre de l'argent quelque part. La question, ce n'est pas tellement ça; la question, c'est: comment faire pour que chacun puisse trouver une place dans la société ? Ma collègue a parlé de personnes exclues du marché du travail. Mais il faut savoir que personne n'est exclu du marché du travail: elles sont exclues simplement parce que quelqu'un les exclut, parce qu'on les exclut ! Et qui les exclut ? La plupart du temps, ce sont les employeurs, évidemment... (Commentaires.) Non, je n'ai pas dit ces salauds d'employeurs ! Non, il y a des employeurs qui prennent leurs responsabilités. Mais à un moment donné, on devra effectivement demander aux employeurs qu'ils prennent leurs responsabilités... (Remarque.) ...et au lieu de débaucher les Suisses pour employer des Français à moitié prix, qu'ils favorisent quand même l'emploi local, et surtout qu'ils arrêtent de licencier des Suisses - encore cette semaine, deux personnes m'ont dit qu'elles se sont fait débaucher et remplacer par des Français. C'est inadmissible !
Il y a également la responsabilité de l'Etat. On voit que l'Etat fait quand même, maintenant, des efforts pour engager en priorité des Genevois, et nous en remercions le Conseil d'Etat. Si on veut que le chômage diminue, évidemment qu'il faut considérer en premier les gens qui sont à l'Hospice général et ceux qui cherchent des emplois, les employés en priorité. Ça ne sert donc à rien de brider le Conseil d'Etat, les véritables questions sont: comment faire pour insérer ces gens ? Comment faire en sorte qu'ils retrouvent un travail ? Et c'est surtout, je le répète, la responsabilité des employeurs. Pitié, parce qu'un jour ou l'autre, on va devoir sévir envers les employeurs ou les taxer, puisque chaque fois qu'ils emploient un Français, ils chargent la barque de l'Etat, et c'est le contribuable qui subit les conséquences ainsi que les Genevois. Merci, donc, de refuser évidemment ce projet de loi, dont l'intention et les soucis qu'il reflète sont justes, mais qui ne propose pas les bonnes réponses.
M. Serge Hiltpold (PLR). Mesdames et Messieurs les députés, je vous demanderai bien évidemment, au nom du PLR, de ne pas entrer en matière sur ce projet de loi et de suivre le rapport de majorité très fourni de M. Forni, notamment pour les raisons suivantes: d'abord, ce débat est assez récurrent. Au sein de ce parlement, lorsque des éléments ne nous plaisent pas, on se prémunit contre des compétences qui appartiennent au Conseil d'Etat, et je ne crois pas que ce soit une politique très institutionnelle. Il faut veiller avec équité à l'équilibre des trois pouvoirs - je pourrais presque parler des quatre pouvoirs, parce qu'on observe avec le temps la Cour des comptes devenir presque un quatrième pouvoir, notamment si on prend en considération qu'elle revoit les comptes de l'Etat, mais c'est un autre débat. Ensuite, pourquoi la voie réglementaire ? Pour que le Conseil d'Etat fasse son travail d'exécutif et ait la marge de manoeuvre de gestion de ce budget. Je citerai notamment des propos tenus par le magistrat Mauro Poggia en commission, à la page 21 du rapport de M. Forni: «M. Poggia rappelle que les normes CSIAS prévoient un montant entre 100 F et 300 F pour le supplément d'intégration. La variation se fait en fonction de ceux qui s'engagent de manière volontaire et active pour un retour vers l'emploi.» Cette marge d'appréciation permet notamment la mise en place de programmes CAP Formations pour des jeunes pour cibler davantage...
Une voix. Ben voilà !
M. Serge Hiltpold. ...dans certaines prestations, et je pense que c'est un choix juste et légitime. Lorsqu'on procède à des comparaisons intercantonales, pour mon collègue Barrillier, ou à du «benchmarking»...
Une voix. Euh là là !
M. Serge Hiltpold. ...pour mon collègue Patrick Saudan...
La même voix. Euh là là !
M. Serge Hiltpold. ...on voit que Genève est tout à fait dans la cible, puisqu'elle accorde 225 F dans le cadre d'une fourchette allant de 100 F à 300 F. La problématique ne consiste absolument pas à dénigrer ces prestations, mais on se pose toujours les mêmes questions notamment dans le débat qu'on aura sur RIE III: qu'est-ce qu'on peut donner de plus ? On voit systématiquement qu'à Genève, on donne toujours plus que dans les autres cantons suisses. Lorsqu'on en vient à des débats de fond, comme RIE III, les allocations familiales sont déjà données; les suppléments d'intégration sont déjà donnés. Qu'est-ce qu'on peut donner de plus ? Je vous demande de rester dans la politique de la raison, une politique équitable, de soutenir le rapport de majorité et de refuser d'entrer en matière sur ce projet de loi.
M. Bertrand Buchs (PDC). Le groupe démocrate-chrétien n'entrera pas en matière, non pour évacuer le débat de fond, nous sommes tout à fait d'accord qu'il y a un débat à mener sur les aides sociales; mais je pense que ce débat a déjà lieu chaque année lors du budget. Nous pourrions entrer en matière sur ce projet de loi s'il n'y avait pas de discussion possible, si le Conseil d'Etat rendait des oukases sans aucun débat au parlement. Mais chaque année, nous avons un débat sur des propositions du gouvernement, que nous acceptons ou refusons. Il n'y a donc pas besoin d'inscrire cela dans une loi: vous pouvez refuser, faire un référendum, vous y opposer; toutes les voies légales, démocratiques, restent tout à fait ouvertes. Mais je soutiens ce qu'a dit M. Hiltpold: il ne faut pas mélanger les pouvoirs; on recommence à vouloir prendre la place du Conseil d'Etat, à vouloir prendre son pouvoir d'instance décisionnaire sur la prérogative d'établir un budget. Si on n'est pas d'accord avec le budget, on le vote ou non, on peut faire un référendum, décider des tas de choses; mais laissons au Conseil d'Etat cette possibilité de travailler, ne le remplaçons pas. Je vous remercie.
M. Olivier Baud (EAG). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, c'est toujours un peu la même histoire qui se joue, et cette scénette se joue souvent ici: les pauvres, les personnes qui sont dans le besoin ont l'immense défaut d'être trop nombreux, et quand il s'agit de leur accorder une aide, elle coûte toujours trop cher; quand il s'agit de les ponctionner, là, il n'y a aucune retenue pour la majorité de ce Grand Conseil, bien entendu. Ensemble à Gauche soutient ce projet de loi, rappelle que s'il existe, c'est parce que les prestations n'ont pas cessé de diminuer, contrairement aux propos de M. Hiltpold - vous transmettrez, Monsieur le président: on ne donne pas toujours plus, non, on donne toujours moins ! Je vais m'arrêter là pour laisser du temps à notre excellente rapporteuse de minorité, et je vous remercie d'entrer en matière sur ce projet de loi.
Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à M. le député François Baertschi pour une minute trente-sept.
M. François Baertschi (MCG). Merci, Monsieur le président. Pourquoi une telle pauvreté, pourquoi une telle précarité à Genève ? Ce n'est pas un hasard, il suffit de voir le forum transfrontalier de recrutement qui a lieu aujourd'hui à Archamps, où l'on va piquer le travail des Genevois. 250 postes sont réservés aux frontaliers de l'autre côté de la frontière. Le délégué aux affaires internationales va là-bas pour favoriser ce recrutement hors de nos frontières; l'IFAGE, également - subventionné par Genève - est présent. (L'orateur montre un document publié par l'IFAGE.) On va former des frontaliers à Genève directement parce qu'on ne veut pas former les personnes qui se trouvent ici dans la précarité. La HES-SO est aussi présente, donne ce genre de documentation... (L'orateur montre un document publié par la HES-SO.) ...«Programme romand HES-SO de formation à l'insertion professionnelle». En fait, Genève participe à l'insertion professionnelle des frontaliers. C'est délirant ! En plus de ça, il y a certains journaux transfrontaliers, avec le visage de Mme Emery-Torracinta... (L'orateur montre un journal avec la photo de Mme Anne Emery-Torracinta sur la couverture.)
Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur le député.
M. François Baertschi. ...et une publicité pour la Fondation des parkings. La pauvreté que nous avons à Genève a aussi des causes très précises, et je crois qu'il faut s'attaquer à la cause du problème et ne surtout pas tolérer... J'espère que le Conseil d'Etat va lui-même réagir et s'opposer à ce genre de pratiques vraiment intolérables à Genève, parce qu'on ne peut pas continuer à se laisser dépouiller entièrement de nos places de travail comme on est en train de le faire. Il y avait sur le parking d'Archamps des centaines de voitures ! C'est vraiment une situation où l'on veut détruire notre société. Je vous remercie, Monsieur le président. (Quelques applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à M. le député Marc Falquet pour une minute et sept secondes.
M. Marc Falquet (UDC). Merci, Monsieur le président. Si l'Etat veut vraiment développer une politique de l'emploi et de solidarité, c'est assez simple - là, on parle bien de solidarité - il faut partager le travail, c'est-à-dire qu'il doit développer le travail à temps partiel pour la majorité des gens. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Vu les salaires très élevés à l'Etat, ça ne posera pas de problème et ça fera gagner énormément d'emplois. Donc, développer le temps partiel à l'Etat, le favoriser au maximum. Merci beaucoup.
Mme Jocelyne Haller (EAG), rapporteuse de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, j'ai l'impression qu'on s'éloigne du sujet. Il s'agissait simplement de garantir qu'un débat démocratique puisse avoir lieu lorsque sont déterminées des choses aussi importantes que la définition du minimum vital, de ce qu'il faut pour vivre à Genève pour les plus pauvres. Cela étant, je ne pense pas qu'on puisse imputer la dégradation de la situation économique et sociale dans notre canton aux frontaliers: les causes sont multifactorielles, il faudrait peut-être un peu réfléchir avant de proférer un certain nombre d'âneries.
Je constate que les pauvres augmentent dans notre canton, c'est une vérité: 62% d'augmentation en cinq ans, il y a de quoi s'alarmer. La véritable question, c'est non pas de savoir comment on pourrait leur donner moins pour maîtriser les coûts, mais comment on pourrait supprimer les causes de la précarité et travailler sur l'insertion. Mais c'est là un autre débat, et j'aimerais bien qu'on y vienne une fois sérieusement, parce qu'à chaque fois qu'on en parle, des lieux communs sont assenés, et chacun croit détenir la vérité, alors qu'en fait, il n'a qu'une connaissance très approximative de ce thème.
J'aimerais insister sur un aspect piquant, tout de même, du débat que nous avons aujourd'hui. Certains dans ce Grand Conseil viennent nous dire qu'avec ce projet de loi, on muselle le Conseil d'Etat, on lui enlève des compétences. Je remarque simplement qu'une partie de ceux-là, une bonne trentaine, n'ont pas hésité à signer un projet de loi qui demandait l'instauration d'un droit de veto, notamment sur la question des règlements d'application. Alors je demande à ces personnes de se montrer conséquentes, parce qu'il s'agit là non pas d'instituer un droit de veto, mais d'instaurer un débat démocratique qui permette de faire toute la lumière sur des préoccupations telles que la définition du minimum vital.
Par ailleurs, il faudrait préciser un point. Tout le monde dit que la préoccupation est pertinente, mais que l'outil n'est pas le bon; on nous dit qu'il existe toute sorte d'autres lieux où ces questions pourraient être débattues, notamment la commission des finances. Mais que je sache, les décisions relevant d'un règlement d'application ne sont pas discutées dans cette commission. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Ce sont les budgets affectés à telle ou telle ligne qui le sont, mais pas les décisions relevant des règlements d'application. Je pense donc que les personnes qui estiment qu'il y a peut-être un moyen de toucher cette problématique par ce biais se trompent, et elles feraient mieux, notamment sur un sujet comme celui-là, d'entrer en matière sur ce que nous demandons, à savoir de fixer les chiffres du minimum vital dans la loi. Je vous remercie de votre attention. (Quelques applaudissements.)
M. Jean-Luc Forni (PDC), rapporteur de majorité. Sans vouloir entrer dans le débat de fond sur l'aide sociale, le problème prédominant, on l'a dit à plusieurs reprises, est la séparation des pouvoirs. On ne peut pas essayer d'enlever au Conseil d'Etat son pouvoir chaque fois qu'il prend une décision, si celle-ci ne plaît pas à la majorité du parlement. Notre gouvernement a une moyenne d'âge basse, ce serait une erreur de le mettre en retraite anticipée en lui enlevant ses outils de travail, et cela n'arrangerait d'ailleurs pas la caisse de pension du personnel de l'Etat. Je vous remercie.
M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, ce qui vient d'être dit est frappé au coin du bon sens: en effet, vous ne voudriez pas nous envoyer en retraite anticipée pour faire notre travail à notre place ! Trêve de plaisanterie, nous avons ici une technique législative un peu particulière. Il va de soi que pendant toute législature, vous êtes confrontés à des modifications réglementaires qui ne satisfont pas l'un ou l'autre groupe politique. Si la conséquence de cette contestation est le dépôt automatique d'une loi qui vise à intégrer dans la loi le règlement dont la modification ne vous satisfait pas, vous imaginez que nous aurons alors un arsenal législatif surdimensionné, avec un pouvoir de manoeuvre du Conseil d'Etat qui sera celui de hauts fonctionnaires, personnes pour qui j'ai le plus grand respect, mais qui ne sont pas élues par la population pour gouverner notre république. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Je pense donc qu'il y a déjà largement à redire sur le moyen que vous mettez en oeuvre.
Parlons maintenant du fond. A vous entendre, Mesdames et Messieurs qui soutenez ce texte, on a l'impression que Genève est en train de dépecer les prestations sociales et que nous en sommes finalement à réduire nos plus démunis à la portion congrue. Je vous rappelle tout de même que si l'on prend l'évolution des sommes investies pour l'aide sociale, entre 2010 et 2014 - une petite fourchette, donc - on observe qu'en 2010, nous avions 186 millions pour 8000 dossiers en moyenne. En 2014, il s'agit de 271 millions - donc un passage de 186 à 271 millions - pour 11 000 dossiers au lieu de 8000 en 2010. Vous le voyez, nous avons à répondre à des demandes de plus en plus importantes, qui prouvent - oui, vous avez raison - qu'il y a une paupérisation d'une partie de notre population... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...à laquelle nous devons bien évidemment répondre; mais vous devez être conscients que nous ne pouvons pas sans cesse augmenter de plusieurs dizaines de millions les sommes attribuées à l'aide sociale, parce que nous devons aussi faire preuve de réalisme, et que nous sommes contraints d'obliger aussi les bénéficiaires de faire un effort supplémentaire en vue de leur réintégration. Je rappelle que nous parlons ici du supplément d'intégration, qui, comme son nom l'indique, est un supplément qui doit être accordé à une personne qui fait l'effort de tenter de se réintégrer, et qui en a aussi les moyens, parce que bien souvent, vouloir n'est évidemment pas suffisant dans ce genre de domaine, malheureusement. Nous donnions le maximum à tout le monde, c'est-à-dire 300 F, alors que les normes CSIAS prévoient la possibilité de passer de 100 F à 300 F. Nous avions proposé de donner à tout le monde 150 F, et d'attribuer les 150 F retirés, d'une part à cette hausse constante des prestations sociales - pour 100 F - et d'autre part - pour 50 F - à un fonds spécial pour des actions ponctuelles, comme celles qui ont été indiquées, que ce soit pour les chômeurs en fin de droit de plus de cinquante ans ou pour les jeunes. Vous n'avez pas voulu de cela, et au lieu de 300 F, nous en sommes aujourd'hui à 225 F. Que je sache, cela ne pose pas de problème majeur: Genève reste l'un des cantons les plus généreux de Suisse, il faut le savoir. Ainsi, Mesdames et Messieurs, pour cette question de forme et cette question de fond, je vous demande de ne pas entrer en matière sur ce projet de loi. Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, j'ouvre le scrutin pour l'entrée en matière.
Mis aux voix, le projet de loi 11506 est rejeté en premier débat par 62 non contre 33 oui.
Débat
Le président. Nous poursuivons avec la M 2157-A en catégorie II, quarante minutes, et je passe la parole à la rapporteure de majorité, Mme Danièle Magnin.
Mme Danièle Magnin (MCG), rapporteuse de majorité. Je vous remercie, Monsieur le président. Cette motion vise à offrir des soins dentaires à toute la population au travers d'une assurance. Elle revêt une importance particulière dans la mesure où, contrairement à ce que dit la Société suisse d'odontologie - ce sont les professeurs chargés de la médecine dentaire à Genève qui nous l'ont appris - la carie est une maladie transmissible touchant une bonne partie de la population - quasiment toute la population - et qu'il n'est pas possible de prévenir simplement en se brossant correctement les dents. L'hygiène et notre comportement n'ont pas d'influence sur le fait d'avoir des dents en bon ou en mauvais état, c'est une question de bactéries, de génétique, pas du tout de soins personnels à sa dentition.
Ainsi, on s'aperçoit que certains quartiers révèlent une prévalence de mauvaises dentitions très importante et que cela correspond à une partie de la population défavorisée, qui n'a pas les moyens de faire face aux soins dentaires. Les conséquences d'une bouche en mauvais état peuvent être la difficulté à obtenir un travail et, souvent aussi, des complications de santé - je ne suis pas médecin, je ne peux pas vous donner beaucoup de détails là-dessus mais c'est un fait connu, ça peut même avoir des répercussions sur le plan cardiaque, si je suis bien informée. Voilà pourquoi nous avons soutenu cette motion qui a été signée notamment par le PDC, mais pas seulement. Le MCG vous demande de faire bon accueil à cette motion qui charge le Conseil d'Etat d'étudier la question. Je vous remercie.
M. Pierre Conne (PLR), rapporteur de minorité. Chers collègues, je représente une minorité de la commission de la santé qui s'oppose à cette motion. En effet, s'il existe un vrai problème de santé publique lié à la carie et à la parodontite, qui sont des maladies infectieuses et chroniques, nous savons aujourd'hui que seul un plan d'hygiène dentaire individuel, débuté dans la petite enfance et poursuivi à vie, est en mesure de limiter la progression et la transmission interindividuelle des maladies bucco-dentaires infectieuses que sont la carie et la parodontite. Cela signifie que si l'on veut répondre à ce problème de santé publique, on doit vraiment mettre l'accent sur le dépistage, la formation, l'éducation et, comme le disent les professionnels, le coaching des individus de notre société pour faire en sorte que leur état dentaire ne se dégrade pas.
Si on se limite à mettre en place une assurance de soins... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...sans action de prévention, il va se passer la chose suivante: les personnes vont voir cette maladie qu'est la carie évoluer progressivement. Cela commence, comme chacun le sait, par une première obturation, suivie par la pose d'une couronne, puis une dévitalisation de la dent, une deuxième couronne et, pour finir, une extraction de la dent avec une pose d'implant, ce qui veut dire une détérioration de l'état dentaire, des souffrances et des coûts démesurés. Une assurance qui couvrirait les soins passerait ainsi à côté de ce qui est aujourd'hui nécessaire, à savoir la prévention et l'éducation à l'hygiène bucco-dentaire.
C'est pour cette raison que nous vous invitons formellement à vous opposer à cette motion, à laquelle nous aurions pu adhérer si elle avait été limitée à la deuxième invite, qui vise justement à mettre en oeuvre des contrôles dentaires annuels, et avait fait l'impasse sur cette assurance dentaire, qui est une fausse bonne idée, une fausse solution. D'ailleurs, la France et l'Allemagne, qui ont instauré une assurance de frais dentaires, ont parfaitement démontré que cela avait dans le fond un mauvais incitatif, que les gens négligeaient leur hygiène sachant que le moment venu, lorsque des problèmes dentaires surviendraient, ils pourraient se rendre chez le dentiste et se faire traiter, mais malheureusement trop tard. Je vous remercie.
M. Jean Batou (EAG). Chers collègues, le groupe Ensemble à Gauche appuie évidemment cette motion de bon sens. J'ajoute même qu'un projet de loi a été déposé, qui est actuellement pendant devant la commission de la santé, et qu'une initiative sur ce thème a été lancée par le parti du Travail, donc vous voyez que beaucoup de gens se préoccupent aujourd'hui du problème des soins dentaires dans ce canton. Il s'agit tout d'abord d'un mandat constitutionnel, qui nous amène à garantir les soins médicaux essentiels à la population... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...et surtout l'accès équitable à ces soins et à des soins de qualité.
Il faut souligner que si, en Suisse, la population fréquente moins les dentistes que dans les pays voisins, d'après les enquêtes dont on peut disposer, c'est parce que les soins dentaires y sont particulièrement coûteux, et donc la discrimination sociale par rapport à la santé bucco-dentaire est particulièrement importante ici. En 2012, le Bus Santé a révélé qu'une personne sur cinq renonce à se faire soigner pour des raisons financières - voire une personne sur trois dans les ménages les plus pauvres - et que cette situation est particulièrement dramatique en ce qui concerne les soins dentaires. Dans le canton de Vaud, le conseiller d'Etat Pierre-Yves Maillard parle même, s'agissant des catégories les plus défavorisées, d'un niveau de soins dentaires correspondant à celui des habitants des pays en voie de développement. Veut-on, comme le disait un président des pays voisins, que les pauvres en Suisse soient traités de sans-dents ou veut-on au contraire prévenir et guérir les affections bucco-dentaires ? Il est d'autant plus important que cette question soit prise au sérieux aujourd'hui que ce sont les enfants qui sont le plus directement touchés par ces maladies, leur santé dentaire se dégradant depuis 1994, ce qui est un reflet de la croissance des inégalités en Suisse et dans notre canton.
Je ne comprends pas le point de vue de notre collègue Pierre Conne, qui sépare la prévention des soins; il aurait pu tenir ce même discours au XIXe siècle afin de s'opposer à l'introduction de l'assurance-maladie en nous recommandant à tous de prendre soin de notre santé et en nous expliquant qu'une assurance-maladie nous amènerait à nous déresponsabiliser ! C'est le même discours que celui qu'il nous tient sur les soins dentaires qui, pour des raisons inexplicables, sont exclus de la couverture de l'assurance-maladie. C'est la raison pour laquelle le groupe Ensemble à Gauche appelle à voter oui à cette motion et continuera à se mobiliser pour l'obtention d'une assurance digne de ce nom s'agissant des soins dentaires dans le canton de Genève, comme des batailles du même genre sont menées aujourd'hui dans les cantons de Vaud...
Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur le député.
M. Jean Batou. ...et de Neuchâtel. Merci.
M. Thomas Bläsi (UDC). Messieurs les conseillers d'Etat, chers collègues, il ne viendrait pas à l'idée du groupe UDC de remettre en cause la bienveillance de ce projet, mais les faits sont têtus et il est important de pouvoir analyser les impacts négatifs qu'il pourrait avoir. Tout d'abord, il ne faut pas oublier, et le conseiller d'Etat en charge ne me contredira pas, que les frais administratifs des caisses maladie sont insérés dans les frais de la santé, ce qui rend leur facture illisible. En augmentant la charge des assurances-maladie, on augmentera l'opacité du système, et cela n'améliorera clairement pas les choses. Les coûts en matière dentaire sont en effet énormes, et on peut s'attendre à une hausse des primes d'environ un tiers pour la population, ce qui appauvrira à la fois les familles et le canton.
De plus, il est très difficile, en ce qui concerne les soins dentaires, de faire une distinction franche entre ce qui relève du soin et ce qui relève de l'esthétique; la mise en place d'un catalogue de prestations serait extrêmement difficile, sans doute coûteuse et fort probablement injuste à l'arrivée. La CMU qui a été instaurée en France tout comme le système allemand ont montré que, suite à l'introduction d'une gratuité totale, la facture globale des frais dentaires avait drastiquement augmenté dans ces pays - la déresponsabilisation des adultes a évidemment été pointée du doigt.
Si on veut faire un pas en avant et véritablement réussir à avancer s'agissant des soins dentaires, il conviendrait de se rapprocher d'une gratuité mais qu'on puisse s'offrir en ce qui concerne la tranche d'âge des 6-13 ans. En effet, la prévention actuellement menée à l'école, aussi bienveillante soit-elle, est - vous l'avez dit, Monsieur Batou - assez médiévale, et il conviendrait d'introduire l'hygiéniste dentaire, la détermination des terrains à prédominance de caries ainsi que la prise en charge des soins. S'associerait à cette mesure la continuité de la prise en charge des soins pour les plus démunis; parce que je ne vous ai pas entendu le dire dans votre discours tout à l'heure, Monsieur Batou, et c'était pourtant important: à l'heure actuelle, les frais dentaires pour les plus démunis sont pris en charge à Genève.
Si on voulait vraiment améliorer les choses, on focaliserait l'effort sur la tranche d'âge des 6-13 ans. En effet, si vous vous donnez la peine de vous entretenir avec les professionnels de la branche, ils vont confirmeront que, par des habitudes retrouvées, les résultats seraient probants après une ou deux générations, et nous préparerions nos jeunes adultes à des terrains dentaires moins disposés aux caries tout en faisant diminuer les factures des frais dentaires de manière globale. Nous aurions pu soutenir ce genre de proposition, mais elle ne se présente malheureusement pas sous cette forme; la prise en charge de cette tranche d'âge, qui serait un compromis entre solidarité et responsabilité individuelle, pourrait convenir à l'UDC mais pas le projet actuel, que nous ne pouvons soutenir. Merci, Monsieur le président.
Mme Sarah Klopmann (Ve). La constitution consacre le droit aux soins - je comprends par là tous les soins et pour tout le monde - mais la LAMal ne semble malheureusement pas vraiment liée à cette obligation. Il revient ainsi au canton de pallier ces manquements, et la motion demande d'ailleurs d'étudier la mise en place d'une caisse cantonale, donc ça n'a rien à voir avec la LAMal et ça ne changera pas les primes actuelles des autres assurances. Beaucoup de personnes, et pas forcément les moins aisées, renoncent actuellement aux soins dentaires, surtout les soins préventifs car ils sont très coûteux; pourtant, des contrôles dentaires réguliers sont essentiels pour la santé, c'est la meilleure manière de préserver sa dentition sur le long terme et pour toute sa vie, on l'espère.
En commission, on nous a largement expliqué à quel point la prévention et les soins d'hygiène étaient essentiels pour éviter la prolifération des caries et de la parodontite, qui sont des maladies transmissibles et entraînent en outre des traitements dentaires très lourds et coûteux si elles ne sont pas traitées précocement, comme nous le savons tous ici. Les contrôles permettent de voir où on en est avec sa dentition mais aussi de rappeler et d'enseigner à chaque fois les principes du plan d'hygiène à suivre, de le réajuster si besoin. Refuser cette motion au prétexte que les gens n'ont qu'à respecter une bonne hygiène dentaire, c'est faux ! C'est justement avec une assurance dentaire et donc la mise en place de contrôles réguliers pour tout le monde qu'on s'assurera que les gens suivent un bon traitement d'hygiène dentaire, et c'est essentiel.
Toutefois, je souligne l'importance de voir cette assurance, si jamais elle venait à exister, rendue obligatoire, faute de quoi on retomberait dans le travers actuel, à savoir que certaines personnes ont la chance de bénéficier d'une assurance dentaire et d'autres malheureusement pas, et ces derniers continueront à avoir des problèmes avec leur dentition. Cette assurance serait évidemment très difficile à mettre en place, mais nous aimerions vraiment voir des efforts être déployés dans ce sens et nous accepterons donc cette motion. Néanmoins, les Verts regrettent qu'elle ait été légèrement adoucie - si je puis dire - en commission. Merci.
M. Bertrand Buchs (PDC). Le groupe démocrate-chrétien votera cette motion, même s'il n'est pas pleinement d'accord avec ce qui est demandé, parce qu'il veut que le Conseil d'Etat prenne position sur ce sujet et nous revienne avec un rapport. Mesdames et Messieurs, les maladies dentaires représentent un problème majeur de santé publique, peut-être le premier problème de santé publique actuellement à Genève, devant même l'obésité. Je ne suis pas dentiste mais, dans ma consultation, je vois des gens à l'état dentaire déplorable, ce qui n'était pas le cas il y a vingt ans, et ce ne sont pas des pauvres, ce sont des personnes de la classe moyenne. Quand on a des primes d'assurance-maladie très élevées, qu'on hésite à aller chez le médecin à cause de sa franchise ou pour ne pas devoir payer les 10%, on va encore moins chez le dentiste en priant pour ne pas avoir de problèmes dentaires et en remettant à demain ce qu'on devrait faire le jour même.
Il ne s'agit pas seulement de maladies dentaires car on sait bien qu'en cas de mauvais état des dents, on peut développer de graves pathologies cardiaques et d'autres maladies de système. Cela représente des coûts de santé énormes qu'on ne compte pas, et il nous faut une réponse. Dire qu'on ne veut pas d'assurance parce que les gens doivent faire de la prévention, ça ne marche pas. La plupart du temps, les gens qui font attention à leurs dents ont pensé très tôt à contracter une assurance dentaire et vont régulièrement chez le dentiste effectuer des contrôles; à l'inverse, ceux qui n'ont pas d'assurance dentaire attendent la catastrophe pour se rendre chez le dentiste, et là ça coûte extrêmement cher. Alors que va-t-il se passer ? Ces personnes ne vont pas se faire soigner en Suisse, elles vont aller soit en France voisine, soit dans certains pays de l'Est, soit en Turquie. On se trouve dans ce système, il s'agit d'un problème de santé gravissime, et il faut réagir ! Nous voulons que le Conseil d'Etat réagisse et donne des pistes dans un rapport pour régler ce problème, parce que ce n'est pas en fermant les yeux que les choses vont s'arranger. Je vous remercie.
Des voix. Bravo !
M. Charles Selleger (PLR), député suppléant. Lorsqu'on lit les invites de cette motion, force est de constater qu'elle est soit inutile, soit contre-productive. La première invite demande «à étudier la mise en place d'une assurance dentaire cantonale, dans l'attente d'un changement de la législation fédérale». Mais je vous rappelle que les assurances dentaires existent déjà, elles font partie des complémentaires proposées par pratiquement toutes les caisses maladie, il n'y a qu'à les contracter ! Il est d'ailleurs curieux de constater que peu de personnes les choisissent tandis que beaucoup d'autres contractent des complémentaires pour les médecines douces, par exemple. Cette motion est peu précise: elle vise à étudier la mise en place d'une assurance dentaire cantonale sans demander que celle-ci soit obligatoire ni préciser qui va la payer. En fait, on sous-entend que ce sera au canton de prendre en charge cette nouvelle assurance, et ce n'est pas vraiment dans la ligne de notre groupe que d'augmenter encore les dépenses de l'Etat, lui qui cherche plutôt à les réduire. S'agissant de la deuxième invite, qui propose l'organisation de soins dentaires immédiats pour les personnes à bas revenu, je vous rappelle que ça existe déjà. En effet, tous les bénéficiaires des prestations complémentaires ont des soins dentaires gratuits ou financés.
On évoque ensuite les contrôles dentaires, donc la prévention. Alors là, je ne suis pas du tout d'accord avec la rapporteure de majorité, qui nous a cité les propos du professeur de la faculté venu en commission expliquer ce qu'était une carie, à savoir une maladie infectieuse, certes. Mais la conclusion de ce professeur n'était pas de dire que puisqu'elle est infectieuse, c'est comme une pneumonie ou une grippe et il faut qu'elle soit prise en charge par les assurances. Non, ce même professeur nous a dit: «Une étude étendue sur trente ans démontre que la prévention est plus efficace que les soins [...]» - tiens, tiens ! Il a ensuite indiqué: «La prévention est si efficace que la création d'une assurance dentaire n'est pas la meilleure solution.» Quand on cite quelqu'un, il faut le citer dans son ensemble, pas juste en tirer quelques éléments allant dans le sens de la thèse qu'on veut défendre. Pour nous, l'aspect préventif est extrêmement important, et on pourrait imaginer une motion qui demanderait de l'améliorer, si tant est que cela puisse se faire puisque Genève est déjà exemplaire dans ce domaine; mais notre parti ne soutiendra pas cette motion. Voilà ce que j'avais à dire.
M. Christian Frey (S). Je trouve un tout petit peu indécent ce que mon préopinant vient de dire, à savoir que l'assurance dentaire existe déjà sous forme d'assurances complémentaires et que peu de gens les contractent; mais pourquoi est-ce que peu de gens les contractent ? Parce qu'on investit déjà en moyenne 20% à 25% de son revenu pour payer l'assurance de base aux caisses maladie ! Alors ne venez pas dire qu'une solution consisterait à prendre des assurances complémentaires qui augmenteraient encore la part du revenu à consacrer à la caisse maladie.
Pour revenir à la motion, elle date d'un certain temps, et je trouve quand même utile de relever qu'elle a malheureusement traîné d'avril 2014 à janvier 2016 parce que le rapport de majorité n'a pas été fait. Si je souligne ce point, c'est parce que le problème est urgent, ce n'est pas pour critiquer qui que ce soit. Quand on sait qu'une personne sur sept renonce à se faire soigner, comme l'a signalé le député Buchs, qui est médecin, on voit toute l'urgence de la question. S'agissant du rapport de minorité, je trouve un peu facile de dire que cela relève de la responsabilité individuelle, qu'il n'y a qu'à - «y a qu'à», «y a qu'à» ! - avoir une bonne hygiène dentaire et que ce n'est pas en instituant une assurance qui coûtera des centaines de millions de francs qu'on arrangera quoi que ce soit. Ce «y a qu'à» ne tient pas, la prévention ne peut pas être séparée des soins, il faut des contrôles réguliers pour savoir s'il y a quelque chose à faire ou non. Ce n'est pas parce que ces deux principales maladies infectieuses se transmettent par le lait voire la salive maternels qu'on peut dire que, ma foi, ça se développe comme ça, il n'y a rien à faire. Non, ce n'est pas qu'une question de responsabilité individuelle, c'est vraiment une mission de la société de faire en sorte que l'accès aux soins dentaires, y compris la prévention, soit possible.
Il n'a pas été mentionné - nous en avions pourtant discuté en commission - tout l'aspect stigmatisant d'une dentition en train de pourrir, de problèmes d'haleine. En tant qu'ancien employeur, j'ai souvent été confronté à des personnes qui se présentaient à moi et eu envie de prendre une distance, m'éloigner de trois mètres pour ne pas faire face à ce que je voyais ou sentais. Manifestement, cette stigmatisation sociale, cette impossibilité de se présenter de façon avantageuse est un problème qu'il s'agit aussi de résoudre, ce qui contribuera certainement à diminuer les difficultés des personnes qui cherchent un emploi. Enfin, par rapport à tout ce qui a été dit, nous ne sommes pas en train de dicter une manière de faire précise. La motion est ouverte, elle demande au Conseil d'Etat d'étudier la question, elle n'enjoint pas de faire ceci ou cela. Nous ne sommes pas des naïfs, nous savons très bien que le fait d'instaurer une assurance obligatoire poserait un certain nombre de problèmes et coûterait de l'argent mais nous, le groupe socialiste, sommes favorables à renvoyer ce texte au Conseil d'Etat pour les raisons que mon collègue Jean Batou vient de dire...
Le président. Il vous reste trente secondes.
M. Christian Frey. Vu l'urgence du problème, il faut agir. Si vous renvoyez cette motion au Conseil d'Etat, il pourra pour une fois se préparer à répondre au projet de loi qui vient d'être déposé ainsi qu'à l'initiative populaire qui est en train de se faire. Alors, Mesdames et Messieurs, renvoyons cette motion au Conseil d'Etat; pour une fois, il sera prêt quand il sera confronté à d'autres éléments. Merci.
M. François Baertschi (MCG). Il est certain qu'il y a des problèmes graves s'agissant des soins dentaires pour la population, notamment parmi certaines catégories sociales comme celle des working poors, des personnes qui ont peu de moyens, qui font face à des difficultés financières. Certes, il y a peut-être des négligences, mais c'est malgré tout quelque chose de très douloureux, de très coûteux, et nous devons nous pencher sur la question car, contrairement à d'autres pays comme la France, les soins dentaires ne sont pas du tout pris en charge par l'assurance-maladie ici. Gardons le modèle suisse, mais étudions cette question. C'est pour ça que nous avons suivi et voté cette motion, afin d'en savoir un petit peu plus sur ce problème grave des soins dentaires qui nous concerne tous, ou en tout cas une bonne partie de la société. Actuellement, certaines choses ne sont plus tolérables, et nous devons trouver des solutions pour les personnes qui se retrouvent avec une dentition en mauvais état, des problèmes sociaux voire des maladies graves. Pour toutes ces raisons, nous avons soutenu cette motion.
Entre-temps, le projet de loi 11812 a été déposé, qui demande formellement une assurance dentaire. On va donc refaire des débats sur la question, et je pense que... Je dois dire que j'ai été un petit peu déçu par les discussions menées en commission parce que nous n'avions pas en notre possession un certain nombre d'éléments. C'était d'ailleurs la raison d'être de la motion, à savoir solliciter des informations plus précises: combien ça coûte, est-ce que c'est intéressant, est-ce que ça sera efficace ou pas, est-ce que seuls les soins graves doivent être assurés, est-ce que les contrôles doivent l'être aussi ? Bref, il y a un certain nombre d'aspects qui doivent être beaucoup mieux éclaircis que ce qu'on a pu faire lors du travail en commission, donc le groupe MCG a pris la décision de demander un renvoi en commission afin que l'on puisse examiner cette motion conjointement avec le PL 11812 et déterminer de manière claire et précise ce que peut représenter une assurance dentaire. C'est la demande que nous allons faire, c'est-à-dire un renvoi à la commission de la santé.
Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à M. Jean Batou pour vingt secondes.
M. Jean Batou (EAG). Merci, Monsieur le président. Deux chiffres: le canton de Genève alloue 5,90 F de subvention par habitant pour les soins dentaires des enfants de la naissance à 18 ans, alors que le canton du Valais en alloue 19 F. Genève est donc vraiment la lanterne rouge, et ce chiffre devrait déjà...
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député.
M. Jean Batou. ...nous préoccuper.
Le président. Merci.
M. Jean Batou. C'est fait !
Mme Anne Marie von Arx-Vernon (PDC). Pour le parti démocrate-chrétien, il n'est pas nécessaire de renvoyer cette motion en commission, et je vais surtout me permettre d'ajouter une couche à ce qu'a dit brillamment mon éminent collègue médecin, en étant tout simplement pragmatique et économique. Il est quand même facile, Monsieur le président, de comprendre pourquoi le financement de la prévention et des soins dentaires est un véritable retour sur investissement garanti quand on connaît les coûts de toutes les maladies induites par de mauvais traitements ou l'absence de traitements dentaires; c'est absolument faramineux, c'est colossal, c'est monstrueux ! Soyons juste pleins de bon sens: en permettant une prévention et des soins dans les meilleures conditions, on va faire faire des économies énormes à la santé publique. Je vous remercie.
M. Pierre Conne (PLR), rapporteur de minorité. Juste pour vous dire que nous soutiendrons la demande de renvoi à la commission de la santé. Il nous semble effectivement cohérent de traiter cette motion avec le projet de loi visant la création d'une assurance dentaire de manière que tous les éléments qui manquent encore à l'heure actuelle pour bien comprendre le problème soient traités en même temps. Aussi soutenons-nous la demande de renvoi à la commission de la santé.
Mme Danièle Magnin (MCG), rapporteuse de majorité. De combien de temps est-ce que je dispose, Monsieur le président ?
Le président. Une minute et cinquante et une secondes.
Mme Danièle Magnin. Merci beaucoup. Pour ma part, je voudrais répéter ce qu'a dit l'un des professeurs auditionnés, à savoir que chaque dent, de la première carie jusqu'à la pose d'un implant, nous coûte 8000 F; comme nous possédons 28 dents sans compter les dents de sagesse, ça fait un budget de 224 000 F pour soigner une bouche sur la durée d'une vie.
C'est vrai, les gens font des voyages à l'étranger, soit en tram jusqu'à Ferney-Voltaire ou Annemasse, soit en avion jusqu'à Budapest ou d'autres endroits - il s'agit donc d'un gros problème. On discutera des modalités à fixer en commission parce que, effectivement, je demande le renvoi. Je vous signale enfin que c'est tout avantage pour les membres de la Société suisse d'odontologie qu'il n'y ait pas d'assurance sociale de soins dentaires parce qu'ils peuvent ainsi fixer leurs honoraires comme bon leur semble, c'est eux qui décident de la valeur du point et pas l'ensemble de la société à travers ses mécanismes habituels en ce qui concerne la santé. Je vous remercie.
Le président. Merci, Madame la rapporteure. M. le conseiller d'Etat Mauro Poggia ne souhaitant pas s'exprimer, je prie l'assemblée de bien vouloir se prononcer sur la demande de renvoi en commission... (Commentaires.) J'ai sonné ! Je patiente un tout petit moment... (Un instant s'écoule.) Ça y est, le vote est lancé.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur la proposition de motion 2157 à la commission de la santé est adopté par 64 oui contre 19 non et 1 abstention.
Débat
Le président. Nous passons à la proposition de motion 2286. Le débat est classé en catégorie II, trente minutes, et la parole revient à la première signataire, Mme Sophie Forster Carbonnier.
Mme Sophie Forster Carbonnier (Ve). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, l'entrée en vigueur de la directive dite de préférence cantonale a créé passablement de controverse à Genève. Comme vous le savez, les Verts sont très attachés au principe de libre circulation des personnes, convaincus qu'avec des mesures d'accompagnement adéquates cette ouverture est bénéfique au pays. Il faut cependant constater qu'en l'absence de mesures d'accompagnement efficaces une partie de la population rencontre de plus en plus de difficultés à s'insérer dans le marché de l'emploi. Ainsi, pour les Verts, les premières mesures à prendre pour répondre à cette problématique en matière d'accès au travail sont d'insister sur la formation et de lutter contre le dumping social et salarial. C'est la raison pour laquelle cette directive nous a laissés fort dubitatifs.
L'une des invites et donc l'un des objectifs de cette motion est de demander qu'un rapport sur l'efficacité de la mesure soit rendu au Grand Conseil. Dans l'attente de ce rapport qui nous permettra de nous prononcer sur la pertinence de cette directive, les Verts vous proposent d'en améliorer l'application. La première chose qui nous est apparue est la nécessité d'étendre le cercle des bénéficiaires aux personnes en recherche d'emploi inscrites à l'aide sociale et prises en charge par l'Hospice général. Il est en effet regrettable que la directive les exclue et ne les considère pas au même titre que les demandeurs d'emploi de l'OCE. Cette motion demande également de réduire le champ d'application de la directive pour qu'elle ne concerne plus que les entités subventionnées à plus de 200 000 F, qui est la limite pour les contrats de prestations, car il ne nous semble pas opportun d'exiger l'application de cette directive à des entités dont le financement cantonal représente moins de 20% des ressources financières. Les Verts estiment en effet inapproprié que cette directive s'applique à des postes dont le financement n'est pas assuré par le canton.
Sachant que des amendements ont été déposés, les Verts vous invitent à renvoyer cette motion à la commission de l'économie pour qu'elle puisse être étudiée de manière plus approfondie. Je vous remercie.
Le président. Merci, Madame la députée. Je donne la parole à Mme la députée Jocelyne Haller. (Un instant s'écoule.) Madame Haller, c'est à vous !
Mme Jocelyne Haller (EAG). Excusez-moi, Monsieur le président, et merci. Mesdames et Messieurs, notre groupe est bien évidemment favorable à l'intention de favoriser autant que possible la réinsertion professionnelle des demandeurs d'emploi. Toutefois, un tel projet ne peut s'associer à des concepts qui prêchent par ailleurs l'exclusion plutôt que l'inclusion, et c'est pourquoi nous estimons que cette notion de préférence sociale n'est pas opportune. Cela étant, elle ne constitue pas un obstacle tel que nous ne puissions entrer en matière sur cette motion.
Vous l'avez vu, nous avons proposé deux amendements consistant tout d'abord à faire en sorte que cette directive s'adresse à toutes les personnes prises en charge par l'Hospice général, et non exclusivement à celles qui le sont par le service de réinsertion professionnelle parce que c'est un fait avéré que des projets d'insertion professionnelle se développent depuis les centres d'action sociale et non uniquement via le SRP. Il nous semble également nécessaire d'ouvrir cette opportunité aux personnes qui bénéficient des prestations complémentaires familiales qui, je vous le rappelle, sont des prestations destinées aux familles de travailleurs pauvres, des personnes qui, travaillant à temps partiel, ne réalisent pas un gain suffisant pour subvenir à leurs besoins et doivent précisément, elles aussi, augmenter leur taux de travail ou trouver une autre activité mieux rémunérée qui leur permette d'être indépendantes financièrement. Les exclure du bénéfice de cette directive n'est pas opportun et va même à l'encontre de l'intention de cette motion.
Ensuite, il ne nous paraît pas utile ni judicieux d'exclure tous les organismes et associations qui bénéficient d'une subvention inférieure à 200 000 F ou à moins de 80% de subventionnement parce que cela revient finalement à réduire la portée de cette motion. En revanche, nous sommes sensibles à l'argument du poids que représentent les charges administratives générées par l'application de cette directive et nous préconisons donc de réduire les contraintes induites par cette motion. Voilà pourquoi nous avons présenté ces deux amendements. Pour conclure, il ne nous paraît pas nécessaire de renvoyer cette motion en commission car nous pourrions tout à fait nous déterminer maintenant sur ces principes, qui sont des principes de fond sur lesquels nous avons déjà tous une opinion. Renvoyer cette question...
Le président. Il vous reste trente secondes, Madame la députée.
Mme Jocelyne Haller. Merci ! ...en commission ne ferait que retarder son application. Merci.
M. Georges Vuillod (PLR). Mesdames et Messieurs les députés, nous partageons également la volonté d'obtenir des renseignements quant à l'efficacité de la mesure mise en place. Cette motion propose d'élargir le cercle des bénéficiaires de la directive à toutes les personnes en recherche d'emploi inscrites à l'aide sociale ainsi que de restreindre le nombre des établissements subventionnés qui devraient appliquer la directive à ceux qui touchent plus de 200 000 F de subvention. A la lecture de l'exposé des motifs, ces propositions méritent un examen approfondi, pour vérifier tant l'implication nécessaire en termes de temps et de francs à l'application de la directive que le profil des personnes inscrites à l'aide sociale, afin qu'il corresponde aux attentes des organismes subventionnés. Dans les deux cas, nous devrons nous assurer que l'élargissement de l'application de la directive ne détourne pas le but premier des subventions accordées. Au vu de ces éléments, nous soutenons le renvoi de ce texte à la commission de l'économie pour examen. Merci beaucoup.
Une voix. Très bien !
M. Stéphane Florey (UDC). Quand l'Etat de Genève avait édicté cette directive, nous l'avions accueillie favorablement car il nous semblait logique que l'Etat prenne conscience de la situation concernant le chômage et l'emploi à Genève, et nous restons favorables à ce type de mesure. Maintenant, s'agissant du fond de la motion, si nous n'y sommes pas directement opposés, nous ne sommes en tout cas pas favorables à certaines de ses invites. En effet, nous préférons laisser une marge de manoeuvre au Conseil d'Etat: s'il souhaite modifier ou étendre le champ de cette mesure, libre à lui de le faire. Mais le lui imposer en voulant élargir le champ des bénéficiaires à absolument tout le monde ne sera juste pas possible, et je ne pense pas que l'Etat dispose des ressources et des moyens suffisants.
En fait, la seule invite qui nous satisfasse vraiment est celle demandant au Conseil d'Etat de rendre un rapport au Grand Conseil quant à l'efficacité de cette mesure; pour le reste, nous sommes assez partagés et pas vraiment convaincus. Quant au renvoi en commission, nous pouvons éventuellement l'accepter, oui, mais nous ne voterons en tout cas pas cette motion telle quelle. Elle mérite effectivement une étude approfondie pour déterminer si elle a vraiment du sens, et c'est pour ça que nous voterons pour le renvoi en commission mais, à ce stade, nous n'irons pas plus loin. Je vous remercie.
Mme Anne Marie von Arx-Vernon (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, si le parti démocrate-chrétien était cosignataire de cette motion, c'est tout simplement parce que nous souhaitions réajuster une proportionnalité dans la directive sur cette préférence sociale en matière d'emploi. Il nous semble évident que le fait de mettre dans le même panier les HUG, l'Hospice général et des petites structures - institutions, associations et autres partenaires modestes mais efficaces, au bénéfice de subventions de moins de 200 000 F - est un non-sens. Nous voulons penser que la commission de l'économie fera un travail approprié et proportionnel, Monsieur le président, à n'en pas douter, et c'est cette motion que nous vous proposons de lui renvoyer. Je vous remercie.
M. Marc Falquet (UDC). Combien de temps me reste-t-il, Monsieur le président ?
Une voix. Une minute.
M. Marc Falquet. Merci. J'avoue que nous avons été assez étonnés d'apprendre que la directive de préférence sociale ne concernait pas les gens à l'Hospice général, il est vrai que c'est tout de même un peu bizarre ! Je voulais relever l'amendement de Mme Haller, qui est vraiment excellent puisqu'il améliore encore la première invite, dont la modification nous semblait déjà bonne.
S'agissant de la deuxième invite, je suis d'accord: il ne faut pas exagérer. Les structures qui bénéficient de l'argent de l'Etat doivent profiter tout d'abord à nos résidents, pas forcément aux gens qui viennent de l'extérieur. L'amendement de Mme Haller est donc excellent, et aussi suggérons-nous un renvoi de ce texte en commission.
M. François Baertschi (MCG). Voici un texte qui, d'une certaine manière, est un peu dangereux parce qu'on s'oppose de manière sournoise à la directive de préférence nationale, qui avait été lancée discrètement à une certaine époque par M. Longchamp puis reprise par Mauro Poggia. Cette directive a permis à de nombreux résidents genevois de retrouver un travail dans un certain nombre d'institutions ainsi que de freiner l'afflux des travailleurs frontaliers qui se réunissent à Archamps ou ailleurs et font l'impossible pour nous piquer les postes de travail. Je sais que ça dérange une certaine classe politique bien-pensante, qui cherche par tous les moyens à détruire cette directive.
On parle de préférence sociale alors qu'il est certain que les gens endurant des problèmes sociaux passent aussi par l'office cantonal de l'emploi car la réinsertion doit passer prioritairement par l'OCE. Si ça ne fonctionne pas encore suffisamment bien, alors il faut améliorer les rouages, mais pas créer une confusion qui serait grave et réduirait à néant tous les efforts qui sont mis en oeuvre pour structurer le marché de l'emploi à Genève. Arrêtez de chercher à causer ce genre de désastres que nous connaissons bien et contre lesquels nous essayons d'agir. On a énormément de travail à faire à ce niveau-là, et je pense qu'on va véritablement dans une très mauvaise direction avec ça, on essaie de détruire ce qui a été mis en place. Nous vous demandons donc de refuser cette motion.
M. Daniel Sormanni (MCG). Mesdames et Messieurs les députés...
Le président. Il vous reste une minute trente.
M. Daniel Sormanni. Merci, Monsieur le président. ...je vous invite, moi aussi, à refuser cette motion qui n'a pas de sens. Le Conseil d'Etat essaie, par la voix de M. Poggia - mais il s'agit tout de même du Conseil d'Etat in corpore - de mettre en place une nouvelle politique de façon à favoriser les sans-emploi de Genève. Et puis là, on vient en disant que ça ne va pas, qu'il faut aménager ces dispositions ! Au final, c'est un coup de pied dans la fourmilière que vous donnez, mais pour favoriser quoi et surtout qui ? On se le demande - je crois que ça a été dit et je ne pense pas que ce soit l'objectif. Il ne faudrait pas qu'on en soit à cet objectif-là ! La priorité, c'est quoi ?
Le président. Trente secondes, Monsieur le député.
M. Daniel Sormanni. Arrêtez de me couper sans arrêt parce que plus vous me coupez, plus je perds de temps ! Ce que nous voulons, c'est que les chômeurs de Genève retrouvent un travail, qu'ils ne soient plus à la charge de la collectivité et que, de fait, le budget des aides sociales diminue, non pas parce qu'on baisse les prestations mais parce qu'il y a moins de bénéficiaires. Or vous faites tout pour saboter cette politique, et ceci n'est pas correct. Je vous invite donc, Mesdames et Messieurs, à rejeter cette motion qui n'a aucun sens.
Une voix. Bravo !
M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je suis très heureux de constater que tout le monde se réunit autour du bon sens. Certains l'appellent la directive sur la préférence cantonale pour nos demandeurs d'emploi, d'autres, ne voulant pas adopter une rhétorique qu'ils ont raillée durant des années, préfèrent parler de préférence sociale - il n'en demeure pas moins qu'il faut appeler un chat un chat. La directive dont on parle ici a été mise en oeuvre par le précédent Conseil d'Etat pour le petit Etat dans un premier temps et, durant cette législature, a été élargie au grand Etat, donc à l'ensemble des institutions subventionnées.
On veut ici améliorer le système, ce que je ne peux que saluer tout en relevant qu'en voulant l'améliorer, on exprime des propos qui démontrent qu'on le méconnaît. Il vous est d'abord proposé d'élargir le cercle des bénéficiaires aux demandeurs d'emploi inscrits à l'aide sociale et pris en charge par le service de réinsertion professionnelle de l'Hospice général; eh bien, c'est déjà le cas ! Le SRP de l'Hospice général est précisément en lien avec les offices de réinsertion professionnelle de l'office cantonal de l'emploi, et nous avons négocié durant cette législature avec le Secrétariat d'Etat à l'économie l'utilisation d'instruments informatiques justement utilisés par les offices régionaux de placement pour les personnes au bénéfice d'indemnités journalières du chômage. Il est donc inutile, Mesdames et Messieurs, de venir me demander de faire ce que je fais déjà depuis longtemps.
Le second point, qui est exprimé de manière différente dans l'invite et dans l'amendement proposé, vise à exclure de l'assujettissement à cette directive les entités qui perçoivent moins de 200 000 F par année. Ecoutez, je vais vous dire ceci: celui qui reçoit ne serait-ce que 500 F, s'il n'en a pas besoin, peut m'écrire et je trouverai une autre institution à qui cette somme pourrait être versée. J'estime que lorsqu'un organisme quel qu'il soit reçoit un soutien financier de l'Etat, il lui appartient de rendre la monnaie de sa pièce à l'Etat en l'aidant à réinsérer ses candidats à l'emploi, qu'ils soient inscrits au chômage ou au service de réinsertion professionnelle. Il n'est pas admis d'exclure qui que ce soit de cette directive, et les 200 000 F que vous proposez, sous des formulations différentes, représentent un plafond qui n'a pas lieu d'être.
En ce qui concerne l'amendement d'Ensemble à Gauche qui vous a été présenté et vise à ajouter les bénéficiaires des prestations complémentaires familiales, j'estime, là encore, que cela n'a pas lieu d'être. En effet, ceux qui perçoivent ce qu'on appelle les PCFam ne sont en principe pas demandeurs d'emploi ou alors, si c'est le cas, ils le sont par d'autres biais. Vous voulez ainsi envoyer de force leur candidature chez des employeurs en les faisant bénéficier d'une directive qu'ils ne demandent pas ?! Bien entendu, s'ils en expriment le souhait, la situation est différente.
Voilà, Mesdames et Messieurs, je voulais simplement relever in fine que je suis très heureux de constater qu'un parti au niveau fédéral, le PLR, propose maintenant lui aussi - sans bien sûr rendre à César ce qui lui revient, mais cela est habituel... Que l'on rende à Genève ce que Genève fait et propose ! - afin de trouver des solutions au vote du 9 février 2014, une préférence nationale...
Une voix. Le PS aussi !
M. Mauro Poggia. ...et j'ai également entendu ce matin à la radio M. Levrat du parti socialiste dire qu'il était en pourparlers avec le parti libéral...
Une voix. Le PLR !
M. Mauro Poggia. ...pour trouver une solution dans ce sens. Nous aurions sans doute apprécié que l'on reconnaisse que Genève avait simplement un peu d'avance en ayant vu il y a quelques années déjà ce que tout le monde se résout à voir aujourd'hui. Je vous remercie de rejeter cette proposition de motion. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Nous sommes saisis d'une demande de renvoi à la commission de l'économie, que je mets aux voix.
Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 2286 à la commission de l'économie est adopté par 49 oui contre 40 non et 1 abstention.
Débat
Le président. Examinons à présent la M 2289 en catégorie II, trente minutes - quitte à terminer à 19h10, mais ce temps ne vous sera pas décompté de votre pause ! Je cède la parole à M. le député Jean-François Girardet... (Remarque.) C'est une erreur, d'accord, alors elle va à Mme Frédérique Perler.
Mme Frédérique Perler (Ve). Merci, Monsieur le président. En l'absence ou plutôt depuis le départ de notre collègue Mme Lisa Mazzone, il me revient l'honneur de vous présenter cette motion assez claire et très complète, mais que je vais tout de même vous résumer en quelques mots. Suite à diverses discussions que nous avons eu l'occasion d'avoir dans cette enceinte s'agissant de l'hébergement des requérants d'asile dans les abris de protection civile qui sont chers et donc peu recommandés, le groupe des Verts s'est penché sur la situation de l'engorgement des structures mises à disposition de l'AMIG, c'est-à-dire le service de l'Hospice général qui s'occupe de l'hébergement des demandeurs d'asile. Cette motion demande trois choses.
Ce qui a tout d'abord été constaté, c'est que séjournent dans ces structures d'hébergement des personnes qui sont soit suisses, soit au bénéfice d'un permis de séjour B ou C et qui devraient donc quitter ces structures pour laisser la place à des requérants qui n'ont pas d'autre possibilité de se loger. La difficulté pour ces personnes, c'est qu'elles sont livrées à elles-mêmes pour trouver un logement, généralement parce qu'elles ne disposent pas des informations ou des compétences pour le faire. Certes, des assistants sociaux les accompagnent, mais ce n'est pas systématique. En outre, le dispositif mis en place par l'Hospice général, à travers son unité logement, reste d'un accès assez difficile puisqu'il faut d'une part que les personnes en connaissent l'existence et, d'autre part, qu'elles demandent à leur assistant social de bien vouloir les y inscrire pour pouvoir bénéficier de ses services.
A travers cette motion, nous proposons quelque chose pour les personnes à l'aide sociale et qui subissent des difficultés en raison de la limite de fortune. Si nous ne reprochons pas cette limite de fortune, il faut cependant savoir que si elles trouvent un logement non subventionné, elles devront verser une caution de loyer, dont elles ne disposent souvent pas, ce qui fait qu'elles doivent renoncer à ces appartements. Si l'Hospice général pouvait mettre en place un système de cautionnement qui permette de verser cette caution dans un premier temps et se la faire rembourser par la suite, cela pourrait permettre à certaines personnes de s'en sortir. De plus, les personnes qui sont à l'aide sociale bénéficient, lorsqu'elles trouvent un nouveau logement, d'une aide au déménagement, ce qui n'est pas prévu pour les bénéficiaires de l'AMIG. Enfin, il y aurait encore une troisième possibilité à explorer, Mesdames et Messieurs, à savoir le programme pilote mis en place par l'OSAR et consistant à faire appel aux citoyens qui pourraient...
Le président. Il vous reste trente secondes.
Mme Frédérique Perler. ...héberger des requérants d'asile chez eux; pour les Verts, ce volet devrait être examiné. Pour toutes ces raisons, je vous remercie, Mesdames et Messieurs les députés, de bien vouloir renvoyer cette motion à la commission des affaires sociales. Merci.
Mme Jocelyne Haller (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, notre groupe soutiendra évidemment cette motion, qui pose le problème lancinant du nombre de requérants d'asile et de son augmentation constante, tout en pointant du doigt la problématique de l'hébergement de ceux-ci. Mais avant que certains ne lèvent les bras au ciel en invoquant la pénurie de logements à Genève ou que d'autres ne brandissent le poing face à ce qu'ils considèrent comme l'arrivée d'intrus, il convient de rappeler que le canton a drastiquement diminué les ressources en matière d'accueil de requérants d'asile il y a quelques années et qu'il a ainsi lui-même créé cette pénurie de logements.
Aujourd'hui, il fait des efforts conséquents pour loger les requérants d'asile, ce qu'il faut saluer; mais les solutions actuellement en vigueur sont extrêmement coûteuses et peu satisfaisantes au regard de la dignité humaine: elles font la part belle au sécuritaire et à la contention, et négligent l'accompagnement à l'intégration. Pourtant, on nous dit bien que plus de 70% des nouvelles personnes qui requièrent l'asile aujourd'hui resteront en Suisse et obtiendront le droit d'y rester, et il est donc évident qu'il faut mettre l'accent sur les mesures d'intégration. Pour cela, il faut revoir l'organisation et faire en sorte que le personnel d'accompagnement soit présent en suffisance, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui puisque l'option qui a été prise est celle de commis et autres assistants administratifs, et non de travailleurs sociaux qui accompagnent les personnes. Nous pensons que les invites contenues dans cette motion méritent un examen plus approfondi, et c'est pourquoi nous soutiendrons non seulement cette motion mais également son renvoi en commission.
Enfin, concernant la dernière invite, nous aimerions juste rappeler que les membres du mouvement «No Bunkers», qui a eu lieu l'été dernier, avaient eux-mêmes lancé un appel à la population, qu'un bon nombre d'habitants s'étaient révélés prêts à héberger des requérants d'asile mais que cette solution n'avait pas été retenue par le département. Il y a donc lieu de compter sur la solidarité de la population et d'en finir avec les discours de haine et d'exclusion prônés par certains. Je vous remercie de votre attention.
M. François Baertschi (MCG). Actuellement, un certain nombre de personnes cherchent un logement à Genève, des gens qui se trouvent dans la précarité et font face à de grandes difficultés, et c'est à ceux-là qu'il faut donner la priorité. On ne peut pas se permettre de mener une politique agressive de développement excessif de l'asile à Genève, à la Angela Merkel, en ouvrant au maximum des possibilités dont nous ne disposons pas parce que notre territoire est petit et que nous subissons déjà la crise du logement et tous les problèmes qui s'ensuivent. Cette motion est très dangereuse car elle crée un appel d'air, elle risque de donner des espoirs à beaucoup de personnes qui seront déçues.
Je pense que l'Hospice général devrait plutôt adopter une politique d'austérité parce qu'actuellement une politique beaucoup trop luxueuse est menée s'agissant de certains appartements ou de certains immeubles de l'Hospice. Au MCG, nous sommes tout à fait d'accord de loger les réfugiés, de faire notre part du travail, mais pas d'en faire plus, ce qui est pourtant fait actuellement au niveau fédéral, notamment par Mme Sommaruga. Cela ne doit pas être le cas à Genève; ce que nous devons faire ici, c'est accueillir les réfugiés dans une austérité calviniste qui correspond tout à fait à la tradition de notre pays, mais pas d'en faire davantage et surtout d'arrêter avec ces motions qui sont de véritables excès de zèle. Voilà pourquoi nous vous demandons de refuser celle-ci immédiatement.
Une voix. Très bien !
M. Patrick Saudan (PLR). Mesdames et Messieurs les députés, le parti libéral-radical est d'accord de renvoyer cette proposition de motion à la commission des affaires sociales, même s'il tient à souligner qu'il est assez dubitatif quant à ses invites. En effet, l'engorgement des structures sociales est davantage lié au manque de logements qu'à l'absence d'une politique volontariste du Conseil d'Etat, mais nous laisserons celui-ci nous l'expliquer beaucoup mieux que moi en commission.
En ce qui concerne la deuxième invite, nous ne voyons pas l'Hospice général devenir l'organisme de cautionnement de toutes les personnes qui bénéficient de prestations sociales pour acquérir un logement; je crois qu'il faut garder une certaine proportionnalité quant à ce que doit effectuer l'Hospice général. Enfin, s'agissant de la troisième invite, elle est selon nous caduque. En effet, si vous vous rendez sur le site web de l'Hospice général, vous constaterez qu'il y a déjà une campagne d'appel envers la population genevoise pour loger des migrants. Néanmoins, et c'est un peu de guerre lasse mais comme il s'agit d'une problématique qui va nous occuper pendant de nombreuses années, nous ne sommes pas opposés au renvoi de ce texte en commission. Je vous remercie.
M. Jean-Luc Forni (PDC). Le groupe démocrate-chrétien va accepter le renvoi de cette motion à la commission des affaires sociales, dans le cadre de laquelle nous sommes d'ailleurs régulièrement informés des efforts déployés par l'Hospice général pour trouver des solutions satisfaisantes s'agissant du logement des réfugiés qui arrivent en nombre - et je crois que ce n'est que la pointe de l'iceberg puisqu'on nous annonce, vous l'avez tous lu comme moi, un afflux encore plus massif. Cela veut dire qu'il faut augmenter l'efficience de l'Hospice général, même si cet institut nous a déjà passablement rassurés au sein de la commission en nous disant qu'il avait modifié son fonctionnement afin d'éviter le trop grand cloisonnement des services et augmenter son efficacité. Si nous sommes persuadés qu'il est possible de l'augmenter encore, il faut toutefois savoir que, au vu du nombre important de réfugiés, il ne s'agit pas d'un exercice facile.
Au groupe démocrate-chrétien, nous allons encore plus loin, et c'est la raison pour laquelle nous avons interpellé le Conseil d'Etat par le biais d'une question écrite qui met en avant plusieurs interrogations, notamment celle de savoir comment nous allons mener l'intégration. En effet, il ne suffit pas de loger ces réfugiés, il faut aussi les intégrer. Or vous connaissez tous les problèmes que cela peut poser, notamment dans les communes. Aussi faut-il absolument que l'Hospice général, le Conseil d'Etat et les communes prennent des décisions ensemble pour déterminer comment procéder, tout en informant correctement la population afin d'éviter que des gestes ou des propos racistes ne soient tenus. Dans ce contexte-là, on pourrait effectivement améliorer l'intégration des requérants d'asile auprès de la population voire même en accueillir certains dans des foyers qui en auraient la possibilité. C'est donc une réflexion globale qu'il faut mener, réflexion qui est en cours mais qui doit encore s'accélérer vu l'acuité de la problématique. Pour cette raison, le groupe démocrate-chrétien, comme je l'ai dit tout à l'heure, acceptera que cette motion soit renvoyée en commission.
Mme Caroline Marti (S). Mesdames et Messieurs les députés, cette motion a le mérite de mettre le doigt sur un problème extrêmement grave et préoccupant, à savoir le manque criant de places d'accueil pour les requérants d'asile actuellement à Genève, qui est notamment dû à un terrible défaut d'anticipation du DEAS en la matière. Il en résulte ainsi, ça a été rappelé par plusieurs de mes préopinants, une saturation des foyers d'accueil, ce qui a amené le département et le Conseil d'Etat à loger des migrants et des requérants d'asile dans des abris de protection civile de manière durable ces derniers mois. Or, et j'insiste avec vigueur sur ce point, cette solution n'en est pas une ! Certes, le débat a déjà été mené plusieurs fois dans ce Grand Conseil, mais je voudrais rappeler que faire vivre des hommes, des femmes et des enfants sous terre... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...dans des conditions d'hygiène parfois déplorables et dans une forte proximité les uns des autres n'est pas conforme à la dignité humaine. De ce fait, je le répète, il ne s'agit pas là d'une solution à long terme.
Il y a urgence, Mesdames et Messieurs les députés, à trouver des solutions crédibles et pérennes, et les deux propositions formulées à travers cette motion permettent d'apporter une réponse au manque de places d'accueil pour les personnes migrantes. Je les évoque en deux mots: la première consiste en un programme d'accueil chez l'habitant, ce qui valorise un principe de solidarité universelle auquel le parti socialiste souscrit totalement, la seconde vise à aider les personnes titulaires d'un permis B ou C et qui vivent encore dans des foyers à trouver un logement pérenne, ce qui est évidemment un but tout à fait louable. Cela étant dit, l'accueil des requérants d'asile chez l'habitant ne doit pas être un prétexte pour que l'Etat se déleste de ses responsabilités en la matière. Le parti socialiste souhaite également souligner que trouver un logement à Genève est extrêmement compliqué, d'autant plus pour des personnes au permis B ou C qui ne vivent pas depuis de très nombreuses années ici et, de ce fait, un suivi au plus proche doit pouvoir être mis en place...
Le président. Il vous reste trente secondes.
Mme Caroline Marti. ...en plus d'un sérieux effort en matière de construction de logements et notamment de logements sociaux. Je conclus en disant que ce type de politique nécessite des moyens financiers. Actuellement, l'Hospice général porte le lourd poids du logement des requérants d'asile et des migrants avec des moyens financiers et de personnel qui stagnent...
Le président. Il vous faut conclure.
Mme Caroline Marti. ...et, en ce sens, il est impératif de donner à l'Hospice général les moyens nécessaires pour la mise en place de ces dispositifs. Je vous remercie.
M. Marc Falquet (UDC). Mesdames et Messieurs, il est vrai que faire appel à la population est une bonne idée; on pourrait notamment faire appel à toutes les personnes qui travaillent dans le domaine social et qui gagnent leur vie grâce à ces requérants afin qu'elles montrent l'exemple en hébergeant ces gens et démontrent leur vraie solidarité, ce serait excellent !
En ce qui concerne la construction de logements pour requérants d'asile, il faut savoir que quand vous accueillez un réfugié, il fait venir le reste des membres de sa famille, ses cousins, son oncle, sa tante, il en fait venir au moins dix ! Alors imaginez quand vous en faites venir cent: au bout de cinq ans, il y en a mille ! Plus on construit de logements, plus on aggrave la crise du logement. Genève est une ville déjà saturée, c'est d'ailleurs l'une des villes les plus denses au monde, donc je ne vois pas comment on va résoudre ce problème.
A un moment donné, il faut trouver d'autres solutions, par exemple l'aide dans le pays d'origine, le retour au pays. Il ne faut surtout pas accepter que ces gens viennent s'installer ici en pension complète à vie, parce que c'est ce qui se passe maintenant ! Il faut bien le dire, un Suisse avec un nom à consonance arabe a déjà toutes les difficultés du monde à trouver un emploi, même s'il est Suisse et né ici, alors pour tous ces gens, c'est quasiment zéro, aucun d'eux ne va réussir à trouver du travail ! La vraie intégration, c'est de leur trouver un travail, pas de leur apprendre à prendre le bus et de les mettre en pension complète à vie. Ceci dit, nous allons quand même accepter le renvoi de cette motion en commission pour discuter de ce sujet. Merci.
Mme Frédérique Perler (Ve). J'écoute les uns et les autres, et j'aimerais bien que ce soit très clair dans l'esprit de chacun: il ne s'agit pas ici d'intégrer des candidats à l'asile et de leur trouver du travail, on s'éloigne de la demande de la motion. Non, il s'agit de libérer des structures d'accueil aujourd'hui occupées par plus de mille personnes de nationalité suisse ou avec un permis B ou C, bref qui répondent aux conditions pour se loger en dehors des structures d'accueil asile. Ce n'est pas plus compliqué que cela, il ne s'agit pas de parler de la politique actuellement menée en Europe quant à l'accueil des réfugiés, il s'agit de faire sortir des personnes qui se trouvent dans des structures d'accueil et qui n'ont plus lieu d'y être et de les aider à trouver un logement. Merci.
M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, j'ai entendu que vous souhaitiez renvoyer cette motion en commission; si c'est le cas, je ne peux évidemment qu'en prendre acte mais, pour ma part, je considère qu'elle devrait plutôt être rejetée. Je lis la première invite, qui me paraît particulièrement surprenante: «à mettre en place, dans les six mois - vous avez bien entendu, dans les six mois ! - une réelle politique d'accompagnement - sous-entendu que ce ne serait pas le cas - dans la recherche de logement et d'aide à l'installation des personnes issues de l'asile titulaires de la nationalité suisse ou d'un permis B, C ou F - je précise que le permis F concerne les réfugiés ! - encore logées dans les structures de l'Hospice général;» Généralement, les réfugiés se trouvent encore dans les structures de l'Hospice général, parfois même dans des abris comme c'est le cas actuellement puisque nous recevons des personnes qui ont déjà le statut de réfugié mais que nous ne savons pas où mettre ailleurs. On nous donne donc six mois pour trouver des solutions, bien.
Viennent ensuite un florilège de requêtes merveilleuses comme la remise systématique d'une garantie financière de prise en charge du loyer ainsi que d'une attestation de logement, la proposition systématique aux bénéficiaires de participation aux séances d'information sur la recherche de logement proposées par l'Hospice général et son encouragement - nous allons donc donner des cours de recherche au logement ! - ainsi que la proposition systématique par l'Hospice général d'un cautionnement solidaire ou d'une caution bancaire pour les bénéficiaires qui perçoivent des prestations d'aide sociale. J'aimerais bien qu'on revienne quelques instants à la réalité, Mesdames et Messieurs: actuellement, près de 7000 demandeurs d'asile ou de réfugiés reconnus vivent dans des structures, 10% d'entre eux, soit 700, dans des abris, ce qui n'est évidemment pas une solution acceptable, nous le savons; l'Hospice général se démène pour trouver des solutions, ce n'est pas simple, et les communes ont une attitude variable face au problème: certaines d'entre elles viennent volontairement vers nous pour trouver des solutions - parfois même les populations concernées s'organisent pour prendre en charge ces personnes et faciliter leur intégration, et je salue les démarches qui sont faites, je vous invite d'ailleurs à aller à Anières samedi prochain en fin d'après-midi - et d'autres considèrent que c'est chacun pour soi et les réfugiés pour les autres.
Venir nous mettre sous le nez une motion comme celle-là, je dirais que c'est presque une insulte pour le travail réalisé quotidiennement par l'Hospice général dans le but de trouver des solutions, c'est comme si on lui disait: «Allez, debout, c'est le moment de se réveiller, on vous donne six mois pour trouver des solutions !» Non, Mesdames et Messieurs, soyons sérieux. Si vous voulez en discuter, on peut le faire, mais sachez que les discussions coûtent de l'argent et qu'il s'agit tout de même de l'argent des contribuables que nous mettons à contribution lorsque nous débattons en commission, aussi intéressantes puissent être les discussions en question. Je pense quant à moi que nous avons largement mieux à faire et d'autres textes à examiner qu'une motion comme celle-là. Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, j'ouvre la procédure de vote sur la demande de renvoi en commission.
Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 2289 à la commission des affaires sociales est adopté par 48 oui contre 27 non et 11 abstentions.
Ce projet de loi est renvoyé sans débat à la commission des finances.
Ce projet de loi est renvoyé sans débat à la commission des finances.
Ce projet de loi est renvoyé sans débat à la commission des finances.
Ce projet de loi est renvoyé sans débat à la commission de l'économie.
Ce projet de loi est renvoyé sans débat à la commission fiscale.
Ce projet de loi est renvoyé sans débat à la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil.
Ce projet de loi est renvoyé sans débat à la commission des affaires communales, régionales et internationales.
Ce projet de loi est renvoyé sans débat à la commission des affaires communales, régionales et internationales.
Ce projet de loi est renvoyé sans débat à la commission des travaux.
Ce projet de loi est renvoyé sans débat à la commission des travaux.
Ce projet de loi est renvoyé sans débat à la commission d'aménagement du canton.
Ce projet de loi est renvoyé sans débat à la commission d'aménagement du canton.
Le président. Mesdames et Messieurs, je lève la séance et vous souhaite un bon appétit. Nous reprendrons nos travaux à 20h35.
La séance est levée à 19h05.