Séance du
jeudi 4 février 2016 à
8h
1re
législature -
2e
année -
13e
session -
86e
séance
La séance est ouverte à 8h, sous la présidence de M. Antoine Barde, président.
Assistent à la séance: MM. François Longchamp, président du Conseil d'Etat, et Mauro Poggia, conseiller d'Etat.
Exhortation
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.
Personnes excusées
Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mme et MM. Anne Emery-Torracinta, Pierre Maudet, Serge Dal Busco, Luc Barthassat et Antonio Hodgers, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Olivier Baud, Beatriz de Candolle, Olivier Cerutti, Edouard Cuendet, Jean-Louis Fazio, Christian Grobet, Béatrice Hirsch, Frédéric Hohl, François Lefort, Patrick Saudan, Salika Wenger et Daniel Zaugg, députés.
Députés suppléants présents: Mmes et MM. Maria Casares, Jean-Charles Lathion, Claire Martenot, Jean Rossiaud, Charles Selleger et Alexandre de Senarclens.
Discussion et approbation de l'ordre du jour
Le président. Le Conseil d'Etat nous demande l'urgence sur le PL 11622-A modifiant la loi sur les établissements publics médicaux. La majorité des deux tiers est nécessaire pour que cette demande soit adoptée.
Mis aux voix, le traitement en urgence du rapport PL 11622-A est adopté par 56 oui contre 6 non.
Le président. Cette urgence sera traitée à 14h.
Communications de la présidence
Le président. Je salue à la tribune une classe d'apprentis du CEC Emilie-Gourd qui vient assister à notre session dans le cadre de son cours de civisme. (Applaudissements.) Ils sont accompagnés par leur enseignant, M. David Pillonel.
Annonces et dépôts
Le président. La pétition suivante est retirée par ses auteurs:
Pétition pour L'Usine - centre culturel autogéré (P-1965)
Il en est pris acte.
Premier débat
Le président. Nous passons au PL 10105-A. Nous sommes en catégorie II, quarante minutes. Monsieur le rapporteur de majorité, vous avez la parole.
M. Marc Falquet (UDC), rapporteur de majorité. Ah, c'est dur de parler le matin ! Bonjour, Monsieur le président, bonjour à tous, bonjour, chers collègues ! (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Ah là là, c'est dur de commencer comme ça ! Alors... (Brouhaha. Un instant s'écoule.) Je parlerai quand il n'y aura plus de bruit !
Le président. Monsieur le rapporteur de majorité, vous...
M. Marc Falquet. J'attends le silence, mais je pense que... (L'orateur rit.)
Le président. Vous attendez le silence ? Je crains que vous n'attendiez longtemps ! (Rires.)
M. Marc Falquet. C'est pas possible ? Bon. C'est une blague ! (L'orateur rit.) Qui a rigolé ? (Le président agite la cloche.) Il s'agit donc d'un projet des Verts déposé en 2007, qui propose la création d'une nouvelle prestation sociale avec un financement paritaire pour l'instauration d'un congé paternité rémunéré de quatorze jours au moment de la naissance de l'enfant... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...et d'un congé parental rémunéré correspondant à vingt-quatre semaines dont quatre seraient intransmissibles et vingt pourraient être prises par l'un ou l'autre des parents. La commission des affaires sociales a étudié ce projet durant cinq séances en 2007 et 2008; le projet a été gelé jusqu'en 2014... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...et la commission s'est réunie ensuite durant six séances.
Concernant le congé paternité, les signataires nous ont expliqué qu'il permettrait aux pères d'accueillir sereinement la mère et l'enfant à sa naissance. Concernant le congé parental, un congé de près de six mois, il pourrait être divisé entre les conjoints jusqu'à l'entrée de l'enfant à l'école; et le financement serait réparti paritairement à raison de 0,25% pour l'employé et de 0,25% pour le patron. La commission a procédé à de nombreuses auditions: associations patronales, un professeur de démographie historique, le recteur actuel de l'Université, qui est professeur d'économie, les milieux syndicaux, interprofessionnels, la présidente de la task force pour la loi sur l'assurance-maternité, les responsables du Fonds cantonal de compensation de l'assurance-maternité, le Bureau de la promotion de l'égalité entre femmes et hommes, etc., etc. Sur le fond, tout le monde est d'accord pour ce congé maternité parental: c'est une excellente idée, qui permettrait de tisser des liens forts entre toute la famille dès les premières années de l'enfant, ce qui est très favorable - tout le monde en convient - à la santé globale des parents et de l'enfant et à l'harmonie de la famille. De plus, cela soulagerait les crèches. Apparemment, c'est un projet dans l'air du temps, si on veut. Les auteurs se sont inspirés de grandes entreprises telles Migros ou Coop, qui offrent déjà des congés, mais surtout non payés, il faut le préciser. Il faut aussi préciser que la majorité des entreprises sont des PME et pas forcément des multinationales; les PME ne peuvent pas offrir de telles prestations. Tout cela est bien sympathique, mais il y a un petit problème: c'est la position des entreprises, qui est claire sur le sujet. Elles préfèrent privilégier les crèches, elles indiquent que ce n'est pas trop le moment d'augmenter les charges en alourdissant le coût du travail. Ce projet aurait en effet un coût de 130 millions de francs pour Genève. On ne parle pas des autres problèmes. Ce projet accorde un droit et implique également l'accord de l'employeur. Cela pourrait poser quelques soucis juridiques. Un financement cantonal serait par contre possible. Pour l'instant, je m'arrête là.
Mme Frédérique Perler (Ve), rapporteuse de minorité. Brièvement, puisque je vais peut-être me réserver du temps de parole pour plus tard, j'entends M. Falquet nous dire: «Sur le fond, tout le monde est d'accord sur le congé paternité, sur le congé parental.» Eh bien puisque tout le monde est d'accord, et comme je l'écris dans mon rapport de minorité, pourquoi ce Grand Conseil ne donnerait-il pas une chance à ce projet de loi malgré les écueils auxquels il est confronté, en disant simplement: «Oui, nous voulons délivrer un message sur le fond, une adhésion de principe qui aura une portée symbolique à Berne pour notre Conseil d'Etat», puisque toutes et tous, Mesdames et Messieurs les députés, vous le savez bien... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...ces congés sont actuellement en débat à Berne ? A cet égard, la minorité a regretté que la commission n'ait pas souhaité suspendre ses travaux jusqu'à l'issue de l'initiative dite Candinas. Mais peu importe, nous savons que nous sommes confrontés à l'écueil du droit fédéral. Il faut donner une chance à ce projet en l'acceptant et en disant à Berne: «Nous voulons, sur le principe, ces congés paternité et parental», parce que cela fait partie de l'évolution de notre société et permettra d'améliorer le taux de natalité, et que cela participe d'une politique familiale dynamique et ouverte sur la société et l'avenir, car vous savez toutes et tous que la politique familiale suisse souffre d'un vide majeur. Je terminerai, Monsieur le président, en remarquant qu'il est tout de même particulier que ce soit une minorité de ce Grand Conseil qui doive soutenir la majorité de la population qui appelle de ses voeux et plébiscite ce type de congé, et en relevant qu'une initiative sera lancée ce printemps en faveur du congé paternité. Je vous invite donc toutes et tous à voter ce projet de loi avec enthousiasme afin que notre Conseil d'Etat puisse soutenir et la population et ce Grand Conseil à Berne. Je vous remercie. (Applaudissements.)
Une voix. Bravo !
M. François Baertschi (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, même si nous voulions aller dans ce sens, même si nous avions l'argent pour financer ce congé paternité, même si cela était dans nos intentions, même si nous avions tous les moyens et que toutes les conditions soient réunies, ce serait complètement absurde de voter ce projet de loi. Pour quelle raison ? Parce qu'il s'agit d'une compétence fédérale et non pas cantonale. Admettons que la loi passe, qu'est-ce qui arriverait ? On pourrait financer des personnes pour un congé paternité, mais l'employeur pourrait tout simplement leur dire: «Je ne vous donne pas les jours de congé.» Il pourrait ne pas accorder cet élément-là. On peut donc se retrouver face à quelque chose de tout à fait absurde. Il faut faire un travail au niveau fédéral et non cantonal; il y a un certain nombre de bornes. Dans certains cas, il a été possible de prendre un peu d'avance par rapport à la loi fédérale, de manière parfois un peu limite - on l'a vu historiquement avec les conventions collectives et dans d'autres domaines où Genève était en avance, certes, mais là, ce n'est pas le cas. C'est la raison qui devrait nous pousser à ne pas voter ce projet de loi, parce qu'on va se retrouver dans une situation un peu absurde. Il faut agir au niveau fédéral, c'est le système qui le veut; malheureusement, nous devons agir à ce niveau-là, même si c'est peut-être un peu frustrant pour nous autres députés de ne pas nous prononcer.
Je mentionnerai un autre problème plus général: nous avons actuellement de grandes difficultés de financement du secteur social, qu'il s'agisse de tout ce qui concerne la prévoyance vieillesse ou l'assurance-maladie où existent aussi des problèmes importants. Je pense - mais c'est un discours plus politique - qu'il faut d'abord solidifier cela pour ensuite passer à une extension du domaine actuel. A mon sens, la sagesse doit nous inciter à aller plutôt dans cette direction. Bien évidemment, dans cinq, dix ou vingt ans, j'espère le plus tôt possible, nous nous dirigerons vers ce congé parental, et ce congé pour les pères également, tel que proposé par les auteurs de ce projet de loi. Nous irons probablement dans cette direction, mais on est peut-être parti un peu trop tôt avec ce texte, pour diverses raisons, parce que Genève, malheureusement, n'est pas seule au monde.
M. Jean-Luc Forni (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, la démarche initiée par ce texte vise à développer la politique familiale du canton et s'inscrit dans l'évolution du congé maternité. C'est un objectif prioritaire du parti démocrate-chrétien dans sa politique dynamique et ouverte, comme on l'a entendu tout à l'heure, de soutien à la famille. Certes, l'application de ce projet de loi nécessite une adaptation des lois fédérales, celle sur les allocations pour perte de gain, le code des obligations et la loi sur travail. D'ailleurs, plusieurs initiatives ont été déposées dans ce sens aux Chambres fédérales. La dernière, celle du PDC Martin Candinas, jeune père de famille qui milite pour un congé paternité de quinze jours, a malheureusement été balayée dans les deux commissions des Chambres, autant celle du Conseil des Etats que celle du Conseil national, mais il reste encore un espoir de la sauver en plénière du Conseil national. Il est vrai aussi qu'en cette période de franc fort et de ralentissement économique, il est difficile de demander des efforts supplémentaires aux entreprises, surtout que ces prestations ne sont pas reconnues par le droit fédéral. Existe toujours la piste des conventions collectives, qui représente actuellement la seule possibilité d'accorder ce congé paternité, sans obligation toutefois pour les employeurs de s'y plier, on l'a entendu, puisque le droit fédéral ne le reconnaît pas.
Il faut aussi toutefois mettre cet aspect économique en balance avec le coût de formation des femmes engagées dans le monde du travail, coût que l'on oublie trop souvent; quel gaspillage de compétences cela représente, quand une femme sur quatre doit s'arrêter de travailler pour élever son enfant. A cela s'ajoute une politique de défiscalisation négative des crèches qui fait que finalement, le salaire des femmes qui travaillent est souvent mobilisé pour payer la crèche. D'après une étude de l'Université de Saint-Gall faite dans le secteur tertiaire, il est malheureusement dissuasif pour une femme de continuer de travailler. Je pourrais aussi ajouter l'incertitude liée à la votation du 9 février 2014: si les mesures qui en découlent venaient à être appliquées, il est clair que nous aurions un précieux besoin de cette main-d'oeuvre expérimentée féminine.
Mesdames et Messieurs les députés, nous allons accepter ce projet de loi pour montrer notre attachement à la politique de pionnier dont Genève a toujours fait preuve dans le domaine du congé maternité. C'est un signal fort que nous voulons envoyer au Conseil d'Etat, mais aussi aux Chambres fédérales, et nous voulons montrer par là même que le Grand Conseil est à l'écoute d'une majorité de la population. Ce texte progressiste est certes prématuré, nous aurons d'ailleurs l'occasion d'y revenir s'agissant de la motion non moins courageuse que nous avons déposée, nous, le parti démocrate-chrétien, pour un congé parental, qui se trouve au point 33 de l'ordre du jour. Mais rappelons-nous notre politique avant-gardiste à Genève: en 2001, établissement de l'assurance-maternité, puis, en 2005, après un long combat, établissement de l'assurance-maternité fédérale. L'Etat de Genève accorde aussi déjà le congé paternité, et certaines communes comme Carouge, je pense, octroient vingt jours de congé aux nouveaux pères.
Je finirai par cette citation du professeur Schultheis, de l'Université de Saint-Gall, sur cet objet: «Ce projet de loi est pertinent et à la hauteur d'une évolution générale caractéristique de nos sociétés contemporaines dont les individus, femmes et hommes, semblent être de plus en plus à la recherche d'un partage plus juste des tâches et des droits en matière de vie familiale.» Pour toutes ces raisons, Mesdames et Messieurs les députés, le parti démocrate-chrétien vous invite à accepter ce projet de loi avec enthousiasme, permettant ainsi de transformer ce qui n'est aujourd'hui encore qu'un rêve en réalité. Je vous remercie. (Applaudissements.)
Des voix. Bravo !
M. Mathias Buschbeck (Ve). Chères et chers collègues, Messieurs ! Oui, je vais surtout m'adresser aux messieurs, aux mâles de cette assemblée, non pas à vos attributs virils, mais à votre instinct de pères, pères que la plupart d'entre vous êtes déjà, depuis peu ou depuis longtemps. Rappelez-vous ce moment magique où pour la première fois on a glissé votre enfant dans vos bras alors que quelques heures ou un ou deux jours plus tard, vous deviez retourner travailler. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) N'avez-vous pas souhaité à ce moment-là pouvoir bénéficier de quelques jours de congé, de quelques jours magiques en plus auprès de votre conjointe, et de votre ou de vos enfants ? Je vous appelle donc à faire preuve d'un peu d'audace ce matin, comme Genève l'avait fait en 2000, lors de la création de l'assurance-maternité cantonale entrée en vigueur l'année d'après. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Le peuple suisse avait refusé en 1999 d'instaurer ce congé maternité, mais la population genevoise l'avait, elle, plébiscité; suite à cela, le Grand Conseil avait voté en 2000 ce congé maternité qui quatre ans plus tard, en 2005, a été repris au niveau fédéral. Aujourd'hui, personne ne se demande si ce congé maternité devrait être supprimé ou maintenu, puisque tout le monde convient qu'il s'agit d'une excellente idée. Je vous invite aussi à soutenir ce projet de loi puisque dans un premier temps, en 2008, la commission était entrée en matière, comme le rappelle le rapport, et ce Grand Conseil avait même voté une résolution à l'adresse des Chambres fédérales, avec un titre sans équivoque: «Pour un congé parental à Genève !»
Je pense qu'on peut essayer de passer outre aux deux principales objections que j'entends aujourd'hui. La première, c'est le financement. Je vous rappelle que quand le congé maternité a été instauré à Genève, le pourcentage de retenue salariale était de 0,048%. On se trouve à mon avis dans le même ordre d'idée aujourd'hui, peut-être un peu plus puisqu'il s'agit de six mois, mais de nouveau, ce sont des pourcentages totalement négligeables par rapport au bien-être sociétal que peut amener ce projet. La deuxième objection est celle de la non-conformité au droit supérieur: il me semble que Genève a souvent fait preuve de créativité et d'imagination pour trouver des solutions qui puissent entrer plus ou moins dans le cadre, qu'on arrive en tout cas à faire entrer dans le cadre. Je ne voudrais en tout cas pas que cela serve aujourd'hui d'excuse pour refuser ce projet de loi. Pour toutes ces raisons, Messieurs, et bien sûr aussi Mesdames, je vous invite à l'accepter. Je vous remercie. (Applaudissements.)
M. Christian Frey (S). Comme la rapporteuse de minorité l'a dit, il s'agit d'accepter ce projet de loi avec enthousiasme. Pourquoi ? Parce que tous les partenaires et toutes les nombreuses instances que nous avons auditionnées sont d'accord. Encore une fois, de la FER aux syndicats en passant par toutes les autres instances, tout le monde est d'accord: c'est une bonne chose, cela place le père dans une situation importante dans la famille. Le psychologue que je suis vous dirait aussi que la présence du père dans la famille, surtout à ce moment crucial de la naissance, revêt une très grande importance: cela diminue la violence, cela donne un cadre aux enfants à venir. Je pense donc qu'il est inutile d'argumenter à ce sujet. Maintenant, pourquoi faut-il... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...accepter avec enthousiasme ce projet de loi précisément maintenant ? La commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil national est dans un premier temps entrée en matière sur l'initiative de Martin Candinas; ensuite, ce texte a passé à la commission similaire des Etats, où il a été refusé, ce qui fait qu'il revient maintenant à la commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil national dans sa nouvelle composition, certes, après les élections fédérales, pour être traité dans un avenir proche, probablement lors d'une des prochaines séances du Conseil national. Raison pour laquelle c'est vraiment le moment crucial, c'est maintenant que Genève doit donner un signal aux autorités fédérales, et aussi bien sûr au PDC, qui porte ce projet au niveau fédéral, en acceptant cet objet si possible à une large majorité, et dire que Genève est pour, veut un congé paternité. C'est vraiment le moment crucial pour accepter ce projet de loi, parce qu'après, quand le Conseil national se sera prononcé sur le sujet, cela redeviendra beaucoup plus difficile. Encore une fois, donc, acceptons ce texte, Mesdames et Messieurs, avec enthousiasme. Je vous remercie. (Applaudissements.)
M. André Pfeffer (UDC). Un congé paternité de deux semaines et un congé parental de vingt-quatre semaines seraient éventuellement gérables pour les grandes sociétés, mais ce n'est pas acceptable et réalisable pour les PME. Ce projet représente vraiment un coût excessif pour les petites et moyennes sociétés. Il s'agit d'un sujet fédéral, réglé par la loi fédérale. Ce PL a un coût de 130 millions, largement excessif. Surtout, la bonne réponse doit venir des partenaires sociaux, qui connaissent le terrain, connaissent l'environnement des branches d'activité. Le groupe UDC rejettera ce PLR... ce projet de loi. (Commentaires.)
Une voix. Lapsus révélateur ! (Brouhaha.)
Le président. Je vous remercie, Monsieur le député. Je demande à l'assemblée un peu de silence et de respect pour les orateurs qui s'expriment. La parole est à M. Serge Hiltpold.
M. Serge Hiltpold (PLR). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, le PLR refusera ce projet de loi, non par manque d'ouverture d'esprit en faveur de la paternité: je crois que chaque individu fait le libre choix d'avoir des enfants, et surtout, engage sa responsabilité de par son éducation et son équilibre familial; finalement, ce n'est pas à l'Etat et à la collectivité de pourvoir à vos choix. Il faut aussi penser que certaines personnes n'ont pas envie d'avoir d'enfants. Ensuite, la vraie problématique - et je crois que c'est au coeur des préoccupations que nous devons avoir dans le pays, au-delà de Genève - est celle des coûts du travail. C'est sympathique d'augmenter chaque fois ce coût; mais dans le même état d'esprit, on essaie de développer des emplois, et avant d'en développer, il faudrait déjà maintenir ceux qui existent. Lorsqu'on fait des comparaisons entre cantons, le coût du travail à Genève est déjà le plus élevé de Suisse. Ce même débat a lieu dans les marchés publics, les adjudications, où systématiquement, le coût du travail à Genève est plus cher que dans les autres cantons, ce qui crée des distorsions de concurrence. Premier élément.
Deuxième élément: 0,25% d'augmentation des charges, à la charge de l'employeur. Rien n'empêche de créer un congé paternité établi par les partenaires sociaux, s'ils en ont envie ! Ce n'est pas le rôle du parlement que d'intervenir dans une négociation propre à une convention collective. Si les employés ou les syndicats désirent avoir un congé paternité, par exemple dans le domaine de la vente ou de la construction, dans le domaine financier ou bancaire, que les partenaires sociaux se mettent à table, discutent, trouvent une solution. Ce n'est pas le rôle du parlement que de le faire. Ensuite, on l'a dit, M. Pfeffer l'a rappelé, c'est une compétence fédérale. Arrêtons de créer des systèmes comme pour les allocations familiales, qui à nouveau sont plus chères à Genève que dans les autres cantons, ce qui cause un déplacement des caisses, par exemple à Zurich. Ensuite, à propos de l'emploi, je pense que nous avons tous notre responsabilité, et c'est clair qu'il est sympathique de voter un congé paternité, mais le défi est de maintenir l'emploi à Genève. En créant systématiquement des hausses de charges, ce ne sera simplement plus possible. Qu'allez-vous faire ? Vous allez prendre des indépendants, des gens qui eux, assument leurs choix - j'en sais quelque chose, je suis patron, ma femme l'est aussi, j'ai eu des enfants: en tant qu'indépendante, zéro jour de congé, chiffre d'affaire dans sa bijouterie: zéro; un choix partagé, complètement assumé, à mes frais et non pas à ceux de la collectivité. (Applaudissements.)
Une voix. Très bien !
Une autre voix. Bravo !
Mme Jocelyne Haller (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, nul besoin de faire l'apologie du congé parental et du congé paternité: apparemment, dans ce parlement, tout le monde est d'accord, à la simple nuance que tout le monde n'est pas prêt à y mettre le prix. On vient de nous parler du coût du travail: j'aimerais que lorsqu'on nous parle de cela, on évoque aussi le revenu du travail, parce que celui-ci n'est pas négligeable. Je suppose que les entrepreneurs ne se lanceraient pas dans ce genre d'activité s'ils n'en tiraient pas un bénéfice, et un bénéfice substantiel.
Avec le discours que nous entendons aujourd'hui, dire que la question d'avoir des enfants relève du libre choix revient à dire que ce libre choix revient à ceux qui auront les moyens de se le payer; parce que sans cela, ce ne sera pas possible pour toute une série de personnes de faire le choix de la paternité ou de la maternité. En effet, ce texte peut présenter certaines imperfections; mais il est dommage, véritablement dommage que la commission n'ait pas saisi cette opportunité d'ouvrir une brèche et de consacrer un droit à un congé paternité en amendant ce projet de loi pour le réactualiser et faire en sorte que nous puissions le soutenir. Mais évidemment, là n'était pas la préoccupation, puisque, on l'a entendu largement, la question est celle du coût, que les entreprises ne veulent pas assumer. Notre groupe condamne cette attitude et nous estimons véritablement dommageable le fait que la majorité n'ait pas voulu entrer en matière sur cet objet. En ce qui concerne le groupe Ensemble à Gauche, nous le soutiendrons. Je vous remercie de votre attention. (Applaudissements.)
Mme Marie-Thérèse Engelberts (HP). Pour un tel projet de loi, ce n'est jamais le moment, c'est trop tôt, en général, on l'a vu aussi pour le congé maternité; mais de fait, dans quelques années, cela deviendra une évidence, comme l'ensemble des mesures sociales et d'accompagnement, telles les allocations familiales, le sont devenues. On ne peut pas véritablement refuser la progression de la société dans laquelle nous nous trouvons; un tel projet s'inscrit dans un processus d'actualisation, finalement, de faits sociaux déjà existants. On n'est donc pas tellement en avance, mais il s'agit d'une reconnaissance d'une société qui évolue d'une certaine manière, qui a envie de partager les choses aussi d'une certaine manière, spécialement s'agissant de la famille. Personnellement, je suis pour le principe de l'égalité hommes-femmes; or, c'est là une occasion quand même assez roborative de manifester ce besoin de reconnaissance d'égalité hommes-femmes. Pas que je nous sente terriblement privilégiées, mais dans le domaine de la maternité et de l'accompagnement de la petite enfance, probablement que nous le sommes, nous, les femmes. Maintenant, si l'on regarde la place de l'enfant du Moyen Age jusqu'à aujourd'hui - même si je ne veux pas relater toute l'Histoire - cette place a beaucoup évolué. Ce qu'on demande aujourd'hui à l'enfant, le type d'autonomie, d'indépendance, la relation aux autres, la relation à son père et à sa mère, tous ces rapports-là ont changé, ils sont radicalement différents. Et il faut accompagner ces changements aussi par une autre manière de faire et d'être. C'est vrai que cela a un coût: mais si l'on souhaite partager ce coût...
Le président. Il vous faut conclure.
Mme Marie-Thérèse Engelberts. Oui, Monsieur le président. ...il ne faut peut-être pas rater ce qu'à un moment donné nous avions l'impression d'anticiper, mais qui deviendra une évidence demain matin. Alors autant faire le choix aujourd'hui. Je vous remercie. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Madame la députée. Je passe la parole à M. le député Jean-Luc Forni... qui n'a plus de temps de parole.
Une voix. Ah bon !
Le président. Je suis navré ! (Le président rit. Commentaires.) Votre groupe a déjà épuisé tout son temps. Je passe donc la parole à Mme la députée Emilie Flamand-Lew pour cinquante-six secondes.
Mme Emilie Flamand-Lew (Ve). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, le congé paternité et le congé parental ne sont pas une mesure d'égalité seulement pour la sphère domestique. Il y a évidemment un côté sympathique, pour reprendre le terme utilisé par M. Hiltpold, à ce que le papa puisse donner le bain, changer les couches, mais je crois que le projet de société ne réside pas là: c'est aussi une mesure d'égalité par rapport au monde du travail. Aujourd'hui, il est souvent difficile, voire mal vu, pour un homme, de travailler à temps partiel ou de prendre un congé pour s'occuper de ses enfants, même si de plus en plus d'hommes souhaitent le faire et le font. Les femmes sont désavantagées par rapport aux hommes dans le monde du travail, car certains employeurs hésitent à engager des femmes, ouvrez les guillemets, «en âge de procréer», fermez les guillemets, sachant qu'elles auront peut-être à prendre un congé maternité si elles décident d'avoir des enfants, alors que les hommes sont engagés, parce qu'on sait que dans le pire des cas, ils manqueront deux jours de travail, et ensuite, ils reviendront, peut-être un peu fatigués parce qu'ils auront mal dormi pendant la nuit; mais enfin, ce n'est pas un inconvénient majeur pour l'employeur. En Scandinavie, avec le congé parental, on a supprimé...
Le président. Il vous faut conclure.
Mme Emilie Flamand-Lew. ...cette discrimination entre hommes et femmes dans le monde du travail, et c'est aussi ce que nous proposons de faire aujourd'hui. (Applaudissements.)
Le président. Je vous remercie, Madame la députée. Je passe la parole à M. le député François Baertschi pour une minute et dix-sept secondes.
M. François Baertschi (MCG). Merci, Monsieur le président. Je voulais reprendre un élément du rapport qui est intéressant et mérite d'être lu ou relu avec attention, je crois: il s'agit de ce qu'a indiqué Mme Despland, professeure de droit à l'Université de Neuchâtel et qui a même été juriste à l'Union syndicale suisse, une personnalité indépendante, pas partisane, une juriste à 100%. On lit dans le rapport: «Mme Despland répond que, dans sa teneur actuelle, le PL viole le droit fédéral car il lie les allocations de parentalité et de paternité aux allocations de maternité. Cependant, elle indique que si la loi entrait en vigueur, les organisations patronales iraient au Tribunal fédéral et y gagneraient. Elle préconise donc de ciseler le PL.»
Le président. Il vous reste trente secondes.
M. François Baertschi. Ce qui veut dire qu'il y a déjà un problème de fond à ce niveau, qui mériterait en tout cas un réexamen du projet de loi, voire le dépôt d'un nouveau texte similaire qui corresponde au droit fédéral, ne puisse pas faire l'objet de recours et ne nous amène pas dans une impasse. Je pense qu'il y a quand même une réflexion supplémentaire à mener. C'est vrai que ce projet a été déposé depuis longtemps, mais c'est vrai aussi que tout ne dépend pas de Genève. Merci, Monsieur le président.
Le président. Je vous remercie, Monsieur le député. Je passe la parole à M. le député Romain de Sainte Marie pour une minute quarante-cinq.
M. Romain de Sainte Marie (S). Merci, Monsieur le président. Je serai même plus bref. Je souhaite simplement rappeler à cette assemblée que le canton de Genève a osé par le passé se montrer précurseur; cela a porté des fruits, je pense notamment à l'assurance-maternité: à l'époque, en effet, la question de savoir si nous étions en conformité avec le droit supérieur, avec le droit fédéral, s'est posée, mais Genève a osé et a porté, quelque part, cette initiative auprès de la Confédération. Aujourd'hui, nous serions dans le même timing, si je peux dire ainsi: nous pourrions nous montrer précurseurs une fois encore avec le congé paternité et inciter par ce projet de loi les Chambres à adopter ensuite quelque chose au niveau fédéral. Enfin, il serait quand même bon qu'on s'inspire... J'entends le discours de M. Hiltpold sur les entrepreneurs; mais beaucoup de pays, quand même, adoptent des politiques sociales en matière de congé paternité, tels que les pays scandinaves qui y arrivent très bien avec leur entrepreneuriat, avec une économie également qui se porte bien. Je ne mettrais donc absolument pas dans la balance ce qui a trait à l'entrepreneuriat et le congé paternité, une politique sociale qui permet à chacun de pouvoir profiter de ces instants. (Applaudissements.)
Mme Frédérique Perler (Ve), rapporteuse de minorité. J'aimerais rappeler deux ou trois choses. L'Union européenne contraint tous les pays à un minimum de quatre mois de congé. La Suisse, beaucoup plus riche que les pays qui nous entourent, n'a toujours pas de congé paternité et de congé parental. J'aimerais aussi dire à l'adresse du parti libéral - mais M. de Sainte Marie vient de le rappeler - qu'après le vote du 9 février, nous aurons une pénurie de main-d'oeuvre et qu'il faudra bien que les employeurs trouvent un moyen de retenir leurs employés. Enfin, la responsabilité individuelle d'avoir des enfants est un concept totalement dépassé: l'enfant n'est pas une affaire privée, l'enfant est une affaire de société. Il faut bien vous dire et intégrer qu'une société vieillissante ne se renouvelle pas, et que par la force de la nature, c'est une société qui va mourir. Est-ce bien cela que nous voulons ? (Applaudissements.)
M. Marc Falquet (UDC), rapporteur de majorité. Je ne suis pas sûr que les parents ou les gens ne fassent plus d'enfants en raison du manque de prestations ou d'un manque économique. (Commentaires.) Le coût du travail en Suisse est une réalité qu'il faut vraiment prendre en compte: c'est quasiment le plus élevé au monde, les charges sont les plus élevées au monde. On risque de mettre en danger des emplois, on met en danger les entreprises, il faut arrêter ! Tous ceux qui font des théories n'ont jamais eu d'entreprise ! Il faut quand même écouter ceux qui ont travaillé, qui ont été indépendants, qui souffrent tous les jours. Peut-être qu'ils gagnent de l'argent, mais ils travaillent deux fois plus que la moyenne, il ne faut pas l'oublier. Si on veut proposer une nouvelle prestation, il ne faut pas qu'elle nous coûte trop cher. Je vous précise qu'au point 33 de l'ordre du jour on trouve une proposition de motion concernant un congé parental cantonal qui prévoit pour les papas de partager une partie du congé maternité. Cette disposition ne coûtera presque rien - c'est bizarre, la gauche ne la soutient pas. C'est vraiment une avancée sociale qui ne chargera pas les entreprises. La majorité de la commission des affaires sociales vous invite donc à refuser ce projet de loi qui n'est vraiment pas raisonnable actuellement.
M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, le Conseil d'Etat vous demande de refuser l'entrée en matière sur ce projet de loi. Ce n'est pas de la frilosité, comme certains pourraient le penser, c'est l'expression du réalisme; c'est aussi l'expression d'un sens des responsabilités. Je vous ai entendus dire que Genève doit donner un signal fort. D'abord, je doute que le canton de Genève et le signal qu'il donnerait à Berne soient perçus par l'ensemble de la députation nationale comme un signal qui doive être le précurseur d'une action novatrice dans ce domaine. Ensuite, donne-t-on un signal fort en adoptant un projet de loi ficelé comme celui qui vous est présenté, dont on sait d'avance qu'il ne pourra pas être mis en application ? On ne fait pas des lois avec un instinct de père, comme j'en ai aussi entendu certains le dire - d'ailleurs, dans ce cas, avec quoi voteraient les dames de ce parlement ? Sans doute une solidarité avec cet instinct de père auquel on fait appel. Il ne suffit pas d'enthousiasme, bien sûr. Je sais que cela nous ferait plaisir à tous de voir que Genève est une fois de plus à la tête du progrès social. Mais encore une fois, on ne fait pas des lois avec de bonnes intentions, il faut en faire lorsqu'elles sont applicables et nous devons examiner avec intelligence en amont si elles sont conformes au droit fédéral.
Celle-ci ne l'est pas. D'abord, elle ne pourra pas être mise en oeuvre quant à son mode de financement, puisque l'article 16 de la loi fédérale sur les allocations pour perte de gain en cas de service et de maternité, la LAPG, ne pourrait pas servir de base au prélèvement de la cotisation. Je rappelle ensuite que nous avons des dispositions de droit fédéral, en matière de droit du travail, qui sont contenues dans le code des obligations. Fixer un congé paternité, c'est évidemment, pour qu'il soit efficace, obliger l'employeur à libérer le père durant la période pendant laquelle il pourra bénéficier de ce congé. Or, le fait d'obliger un employeur à libérer un employé doit avoir une base légale au moins d'un niveau équivalent à celui qui fixe les obligations réciproques de l'employeur et du travailleur, c'est-à-dire une base légale fédérale. Nous risquons donc d'avoir des travailleurs dans ce canton qui cotiseraient à une assurance-paternité sans pouvoir en bénéficier, faute de pouvoir imposer aux employeurs la libération le moment venu. Je ne parle même pas de l'impact financier, sur lequel certains passent comme chat sur braise: 130 millions de francs, selon la présidente du Fonds cantonal de compensation de l'assurance-maternité, à savoir 14 millions pour le congé paternité de quatorze jours et 116 millions pour le congé parental de vingt-quatre semaines dans l'hypothèse d'un taux de recours de 100%; cela s'ajoutera au 1% supplémentaire à charge des employeurs pour les allocations familiales, puisque, vous le savez, la mise en oeuvre de l'initiative 145 a fait passer le taux de cotisation de 1,4% à 2,4%.
C'est décidément une question fédérale, qui doit être examinée à Berne, et si Genève entend la soutenir, c'est par l'intermédiaire de sa députation genevoise qu'il doit le faire. L'initiative parlementaire 14.415 Candinas qu'on a rappelée ici a été acceptée dans un premier temps par la commission santé-social du Conseil national le 15 avril 2015, puis refusée par la commission similaire du Conseil des Etats le 3 novembre 2015. Il va y avoir un débat à Berne, bien sûr; c'est à ce niveau-là que nous devons intervenir, et certainement pas par l'adoption d'une loi que le Conseil d'Etat ne pourra tout simplement pas appliquer et qui entraînera, nous pouvons d'ores et déjà le supposer, des recours et des procédures judiciaires qu'il va falloir assumer, que nous savons d'avance devoir perdre, et qui vont grever davantage les coûts de fonctionnement de l'Etat. Soyons donc raisonnables; malgré l'enthousiasme que nous pouvons tous avoir à l'égard des intentions exprimées par ce projet de loi, le réalisme doit nous contraindre à la prudence et à la modération. Je vous remercie. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. J'invite l'assemblée à s'exprimer sur l'entrée en matière.
Une voix. Vote nominal !
Le président. Etes-vous soutenu ? (Plusieurs mains se lèvent.) Vous l'êtes, nous passons donc au vote nominal.
Mis aux voix, le projet de loi 10105 est rejeté en premier débat par 48 non contre 41 oui (vote nominal).
Premier débat
Le président. Nous passons au point suivant de l'ordre du jour. Nous sommes en catégorie II, quarante minutes. Je donne la parole au rapporteur de majorité, M. Jean-Luc Forni.
M. Jean-Luc Forni (PDC), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi a eu le mérite de mettre en lumière un problème important dans l'octroi des prestations d'aide sociale aux bénéficiaires de rentes AI et AVS. En effet, le service des prestations complémentaires, chargé d'octroyer celles-ci pour cette catégorie de bénéficiaires, prenait souvent de longs mois avant de rendre une décision, suite à la complexité des dossiers, ou parce qu'il était complètement immergé dans sa tâche première, à savoir de servir les prestations complémentaires. Cette attente laissait les plus démunis dans une situation précaire, l'aide sociale parfois nécessaire étant subsidiaire aux décisions de prestations complémentaires rendues. Un groupe de travail réunissant tous les partenaires intéressés a donc été créé à l'initiative de Mme la conseillère d'Etat Isabel Rochat à la fin de la première partie des travaux de la commission et a abouti en 2012 à la conclusion d'une convention entre l'Hospice général et le service des prestations complémentaires. A la reprise des travaux, en 2014, la commission a pu constater, rapport à l'appui, que cette convention réglait quasi l'ensemble des préoccupations soulevées par le projet de loi. Dès lors, pour le département et pour la majorité des commissaires, la situation est satisfaisante. Ainsi, depuis que cette convention existe, quelque 150 dossiers ont été traités par cette antenne, dont 8 ont fait l'objet d'avances d'aide sociale par l'Hospice général pour une période supérieure à trois mois, avant que le service des prestations complémentaires cantonales ne reprenne cette prestation une fois la décision rendue.
Les commissaires se sont ensuite penchés sur l'adéquation de l'organisation du système voulu par la LIASI et la loi sur les prestations complémentaires cantonales, afin de voir s'il y avait matière à revoir, justement, les compétences attribuées à l'Hospice général et au service des prestations complémentaires pour l'aide sociale et lesdites prestations. Un amendement socialiste proposait que toute avance au titre de prestation d'aide sociale soit distribuée par l'Hospice général et que le service des prestations complémentaires ne s'occupe justement que de celles-ci. Dans l'esprit de l'auteur de l'amendement, il s'agissait de redonner à chacun son métier, à savoir que l'Hospice s'occupe de l'accompagnement à l'aide sociale et le service des prestations complémentaires des prestations administratives. Il est cependant vite apparu que cet amendement retirait au SPC - le service des prestations complémentaires - l'intégralité de sa compétence en matière d'aide sociale AVS-AI à domicile et en EMS, ainsi que l'aide sociale en lien avec les prestations complémentaires familiales. Ce serait un changement important de compétences en matière d'aide sociale en faveur de l'Hospice général, qui impliquerait le transfert d'environ 800 dossiers du service des prestations complémentaires à l'Hospice, avec des coûts non négligeables en termes de postes de travail supplémentaires. L'Hospice général aurait ainsi une charge porte-monnaie sans réelle plus-value dans l'accompagnement social et la réinsertion, vu le profil des bénéficiaires. Les commissaires ont conclu qu'il ne fallait pas changer toute la colonne vertébrale du système mis en place par la LIASI et le déstabiliser en opérant des changements de fonctionnement importants qui en diminueraient les performances. Ainsi, Mesdames et Messieurs les députés, la commission des affaires sociales a décidé à une confortable majorité de ne pas entrer en matière sur ce projet de loi, et elle vous invite à la suivre.
Mme Jocelyne Haller (EAG), rapporteuse de minorité. Au travers de ce projet de loi, c'est finalement une situation incongrue qu'on cherchait à corriger. Pendant près de quatre ans a eu lieu dans notre canton un déni de droit au nom d'une notion du principe de subsidiarité totalement mal comprise, puisqu'on opposait le besoin du minimum vital à celui de la subsidiarité. Avec la convention signée entre l'Hospice général et le SPC, comme l'a dit M. Forni, cette inégalité de traitement a été partiellement corrigée, et cela représentait une avancée. Cela étant, le système qui demeure aujourd'hui n'est de loin pas satisfaisant. La première question qu'on pourrait se poser est la suivante: pourquoi a-t-on confié à un service qui n'en a ni la vocation, ni les compétences, ni les ressources, ne serait-ce qu'au niveau informatique, une mission qu'il n'est pas à même d'accomplir ? Parce que finalement, confier les avances sur les prestations AVS-AI ou sur les prestations SPC au service des prestations complémentaires, c'est confier des personnes qui sont en difficulté, qui sont dans une situation transitoire demandant un certain accompagnement, de l'aide pour des démarches, à un service qui n'est pas en mesure de le leur apporter et qui ne traite leur situation que sous un angle administratif et financier. On vous dira, puisque c'est ce qui nous a été dit en commission, que la convention a été évaluée, et positivement, et que les personnes qui ont mené cette évaluation en étaient tout à fait satisfaites. Cela aurait pu peut-être nous satisfaire également, si nous n'observions pas que les personnes qui ont fait cette évaluation sont précisément les protagonistes de cette convention et le département. En revanche, ceux qui n'ont pas été entendus, ce sont les autres services sociaux: privés, communaux, qui aujourd'hui voient reporter sur eux une importante part du travail qui n'est pas fait par le SPC à la fois en termes d'accompagnement social mais aussi en termes financiers, parce qu'une inégalité devant la loi demeure. Car il faut le savoir, aujourd'hui, la LIASI n'est pas appliquée de la même manière selon qu'elle l'est par le service des prestations complémentaires ou par l'Hospice général. C'est pourquoi nous vous proposons un amendement général, parce que le projet de loi tel que présenté à l'origine par ses signataires proposait de modifier la loi sur les SPC. Malheureusement, cette manière de faire n'était pas satisfaisante. L'amendement qui vous est proposé - il figure à la page 105 du rapport - vous propose donc, d'une part, de modifier la loi sur les prestations complémentaires, pour faire en sorte que lorsque les personnes qui se trouvent en attente de prestations complémentaires AVS-AI sont en difficulté et ne peuvent subvenir à leurs besoins vitaux, elles soient réorientées sur l'Hospice général qui, lui, appliquera la LIASI ainsi que le veut sa vocation. D'autre part, l'amendement propose une modification de la loi sur l'insertion et l'aide sociale individuelle pour faire en sorte que ce qui a été modifié en 2011 lors de vos travaux et qui donnait cette compétence au SPC soit corrigé et qu'on revienne à la version «ante», celle de 2006, qui dit clairement que le SPC est en charge de toutes les situations d'aide sociale pour les personnes en EMS ou celles au bénéfice d'une convention; mais qu'en ce qui concerne les personnes qui doivent recevoir une aide à domicile et qui sont dans l'attente de prestations complémentaires à l'AVS, elles soient suivies par l'Hospice général. En faisant cela, vous serez en conformité avec votre rôle de législateur pour qui une loi doit s'appliquer de la même manière pour tous. Je vous remercie de votre attention.
M. Christian Frey (S). Ce projet de loi a été déposé à un moment où les délais d'attente pour des personnes qui avaient besoin de prestations sociales ou d'avances, plutôt, sur les prestations du SPC, étaient tout simplement trop longs. A partir de là, comme il est bien décrit dans le rapport, un groupe de travail s'est créé, des solutions ont été trouvées pour remplacer cette action des services sociaux privés, qui n'étaient pas du tout prêts - enfin, ils l'étaient puisqu'ils le faisaient, de manière obligée, mais n'avaient pas les moyens de faire face pour systématiquement dépanner des gens puisque les services de l'Etat avaient des délais beaucoup trop longs. Ensuite, cette solution de l'antenne SPC a été mise en place, en effet. Elle a certainement amené une amélioration, et cela n'est pas contesté. Mais c'est un emplâtre sur une jambe de bois: au fond, on bricole. Concrètement, qu'est-ce que cela veut dire ? La plupart des demandes d'avances sur des prestations sociales - 65% - venaient en fait des centres sociaux de l'Hospice général. A ce moment-là, une personne s'adresse à l'Hospice général, qui est le service social prêt à délivrer ces avances, avec accompagnement social, au moment où elles sont nécessaires car correspondant à un besoin vital, mais ce service ne peut pas agir et est obligé de la renvoyer à une antenne spécialisée qui se trouvait, si je ne m'abuse, aux Eaux-Vives, et ensuite, une fois que ces prestations ont pu être données, on retourne la situation au SPC. Tout cela est très compliqué et ne correspond pas à la mission première de ces deux services, le SPC et l'Hospice général. C'est celui-ci qui a les moyens de faire un accompagnement social, de répondre à des besoins de première nécessité, ce n'est pas le SPC, et la direction du SPC le dit d'ailleurs très clairement. Le fait que le SPC ne fasse que des démarches administratives se reflète d'ailleurs aussi dans le prix moyen que coûtent les dossiers: on ne va pas entrer dans ces considérations-là, mais c'est vrai que si un accompagnement social par des assistants sociaux de l'Hospice général lié à ces avances coûte plus cher, il a aussi des effets immédiats et répond à des demandes claires.
Au cours de ces longs travaux - ils durent depuis 2012 - une clarification à travers l'amendement général que la rapporteuse de minorité a mentionné a pu être établie; tous ces aspects - on parle de x centaines de dossiers qui devraient aller d'un endroit à un autre, on parle de la colonne vertébrale qui serait remise en question - toutes ces choses qui empêchaient ou rendaient plus compliquée la répartition des tâches entre le SPC et l'Hospice général ont été clarifiées via cet amendement général que nous vous proposerons bien sûr d'accepter dans la mesure où vous entrez en matière sur ce projet de loi. Cet amendement général...
Le président. Il vous reste trente secondes.
M. Christian Frey. ...permet de rendre à chacun le sens de son travail: à un service social le sens de son propre travail, et au SPC, qui est un service administratif, le sien. C'est dans cet esprit que le groupe socialiste vous demande d'entrer en matière sur ce projet de loi et de tenir compte ensuite de l'amendement général proposé. Je vous remercie.
Mme Frédérique Perler (Ve). Je crois que les explications ont été données quant aux objectifs de ce projet de loi, qui en effet a été déposé en 2012, et est toujours d'une actualité brûlante. Malgré les efforts fournis dans l'intervalle par le Conseil d'Etat et l'Hospice général, on est toujours dans une situation compliquée, difficile pour la population genevoise qui doit bénéficier de ces prestations. Je ne vais pas rappeler les objectifs du projet de loi ni réexpliquer l'amendement général, mais simplement attirer votre attention, Mesdames et Messieurs les députés, sur deux ou trois éléments. Le système actuel n'est pas satisfaisant, loin de là: il y a à remédier à ses lacunes, et l'amendement général le propose d'une manière assez limitée, mais c'est quand même une proposition tout à fait valable et qui permettra à ce Grand Conseil de réfléchir à la question de manière plus approfondie. Deuxième élément: la loi sur l'insertion et l'aide sociale individuelle n'est pas appliquée. Ça, c'est beaucoup plus grave ! Surtout si on le fait de manière consciente. Refuser cet amendement général, c'est donc nier les difficultés qui prévalent au sein de la population genevoise, et je peux en témoigner, je peux vous dire que tout le monde n'arrive pas à avoir accès à ces prestations; c'est donc nier la problématique; et c'est délibérément limiter l'accès aux prestations d'aide sociale auxquelles, pourtant, un certain nombre de personnes ont droit en attendant des décisions du service des prestations complémentaires. Je vous invite donc, Mesdames et Messieurs, à voter l'amendement général, qui nous permettra d'amortir quelque peu les difficultés actuelles. Je vous remercie.
M. Serge Hiltpold (PLR). Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais tout d'abord saluer le travail fourni et complet qu'a établi le rapporteur de majorité Jean-Luc Forni. C'est en effet un dossier que nous avons traité sur plus de deux années, et deux législatures, à la commission des affaires sociales. Je remercie aussi les services de l'Etat - pour l'établissement de la convention entre le service des prestations complémentaires et l'Hospice général - qui ont fait leur travail sur ce point de manière très efficiente.
Je souhaite recadrer le débat. De quoi parlons-nous ? De 8 personnes qui ont bénéficié d'avances d'aide sociale, sur 150 dossiers. J'aimerais donc simplement amener un peu de bon sens dans ce parlement. On veut toujours faire mieux, faire différemment, valoriser plus, à Genève; mais je crois que les réponses sont assez parlantes: on parle de 8 dossiers. Je vais me concentrer sur l'amendement général, qui en fait émane des socialistes et avait été proposé en commission. Je vous cite un extrait du rapport de M. Forni, parce qu'il en a été débattu en commission: «Il est cependant vite apparu que cet amendement retirerait au SPC l'intégralité de sa compétence en matière d'aide sociale AVS/AI à domicile et en établissement - EMS - ainsi que l'aide sociale en lien avec les prestations complémentaires familiales. Ce serait un changement important de compétence en matière d'aide sociale en faveur de l'HG qui impliquerait le transfert d'environ 800 dossiers du SPC à l'HG avec des coûts non négligeables en termes de postes de travail supplémentaires. L'HG aurait aussi une charge porte-monnaie sans réelle plus-value dans l'accompagnement social et la réinsertion vu le profil des bénéficiaires.» Entendre cela, c'est répondre à la question de manière simple; il faut refuser l'amendement général.
M. François Baertschi (MCG). Soyons clairs, ce projet de loi pose de bonnes questions et a amené un débat intéressant, certaines modifications aussi, entre-temps. Certes, je comprends tout à fait les auteurs de ce texte: il y a eu de gros problèmes avec les prestations complémentaires pour aider les personnes en difficulté de manière concrète et précise. Leur intention était d'agir à travers une loi. C'est vrai qu'il y a un peu un sentiment de méfiance vis-à-vis de l'administration, d'ailleurs dû à des éléments objectifs, réels, qui se sont passés, comme certaines erreurs commises. Il nous semble néanmoins qu'une proposition de motion ou de résolution aurait été plus adéquate, parce que cela permet davantage de souplesse. On est actuellement dans une politique de répartition différente des tâches entre le canton et les communes; une partie de certaines tâches va éventuellement être attribuée aux communes, d'autres vont revenir aux cantons. Ce débat de fond a lieu en ce moment. Il est donc mauvais, même au sein des institutions, de geler une situation actuellement. Alors il y a diverses philosophies: certaines consistent à laisser beaucoup de poids à l'Hospice, d'autres à en laisser moins; il y a tout un jeu inter-institutionnel qui se trouve derrière toute cette réflexion, et je vous épargnerai tous ces détails, car ce n'est à mon avis pas le lieu d'en parler maintenant. Bien évidemment, nous sommes pour une amélioration du service rendu aux allocataires. Mais il est un peu dommage qu'on doive l'inscrire dans une loi; cela devrait presque être naturel - vous me direz, peut-être que je rêve, que je suis un peu optimiste sur ces éléments-là, je suis d'accord, mais d'une certaine manière, vouloir figer, si cela donne des garanties - et encore faut-il que l'allocataire fasse les recours suffisants, utilise les éléments de lois et de droit qui sont quand même assez lourds - je pense que ce n'est quand même pas la bonne méthode pour une amélioration. Un certain nombre d'améliorations ont tout de même été apportées ces derniers temps, peut-être pas suffisamment. C'est la raison pour laquelle nous ne voulons pas figer le système, nous ne suivrons pas ce projet de loi. Je vous remercie.
M. Marc Falquet (UDC). Il y a quelques années, il y avait en effet des délais entre le dépôt du dossier et le moment où les prestations étaient versées, mais ce problème a été réglé, je crois, depuis la signature de la nouvelle convention entre l'Hospice et le SPC. Je ne pense donc pas que ce soit le moment de créer une nouvelle usine à gaz pour rien. Pour l'Hospice général, le véritable problème est le nombre des assistés qui s'y retrouvent: 22 000 personnes à l'assistance publique ! Il faudrait que les assistants sociaux travaillent comme tels au lieu qu'on fasse de ceux-ci des comptables sociaux, qui ne font que verser de l'argent; il faudrait en faire plutôt des coachs pour essayer de réinsérer ces gens. C'est ça, le véritable problème, ce n'est pas de créer un nouveau truc qui ne sert à rien: il faut vraiment faire travailler à nouveau les gens qui sont à l'assistance publique.
Le président. Je vous remercie, Monsieur le député. Monsieur Frey, vous n'avez plus de temps de parole. Je passe la parole à Mme la rapporteure de minorité.
Mme Jocelyne Haller (EAG), rapporteuse de minorité. Je vous remercie, Monsieur le président. Je suis un peu étonnée: d'un côté, on nous dit qu'il ne faudrait pas de comptables sociaux, mais des coachs, et ce qu'on est en train d'entériner en refusant ce projet de loi, c'est précisément un traitement purement administratif et financier de dossiers relativement sensibles. Ensuite, on nous parle de 800 dossiers: c'est faux, d'après la convention, il s'agit de 8 dossiers par mois, pas de 8 dossiers en tout et pour tout. 8 dossiers par mois à l'époque où la convention a été établie: entre-temps, ce chiffre s'est sans doute modifié, mais il reste probablement dans cet ordre de grandeur.
Finalement, en refusant cet objet et son amendement général, que fait ce parlement ? Il entérine simplement une inégalité devant une même loi. Soyez conscients que c'est cela que vous voterez en refusant ce projet de loi et son amendement. Parce que, comme on l'a dit, la convention a amélioré une situation auparavant inacceptable et qui pourtant a été tolérée durant quatre ans. La convention pose encore un certain nombre de problèmes. On l'a vu: pas d'accompagnement social; des prestations circonstancielles auxquelles les gens devraient avoir droit mais qui ne sont pas octroyées; un CASI octroyé selon le quotient familial et non pas par personne et en fonction des projets de la personne. Une erreur; pourquoi ? nous a-t-on dit. Parce qu'ils n'ont pas le logiciel informatique correspondant. Une fois encore, le SPC est chargé d'une tâche qu'il n'a pas les moyens d'appliquer. On nous dit encore qu'un certain nombre de problèmes subsiste; oui. Et qui en atteste ? Simplement les gens des services sociaux qui en pâtissent quotidiennement. Et j'aimerais quand même relever cette incongruité: on nous sert un bilan satisfaisant de cette convention alors que le bilan a été fait par ceux qui sont directement concernés, il s'agit en fait d'une auto-évaluation, sur laquelle vous vous appuyez pour justifier une inégalité de traitement. C'est un scandale.
Nous avons entendu les services sociaux privés, qui disent à quel point ils sont submergés et par le nombre de demandes, et par l'aide financière qu'ils doivent octroyer à la place de la LIASI. Cela n'est pas acceptable, d'une part parce que la LIASI est violée, qu'elle ne remplit pas sa vocation, d'autre part parce qu'on surcharge les services sociaux privés qui ont, eux, d'autres vocations qu'ils ne sont plus en mesure d'assumer correctement, parce qu'une partie de leurs ressources sont détournées de leur destination première. Je vous appelle donc vraiment à voter cet amendement général; il ne s'agit pas d'une usine à gaz, contrairement à ce qui a été affirmé: il s'agit simplement de revenir à la situation qui prévalait avant 2008, date à laquelle on a soudain décidé que c'était le SPC qui devait procéder à ces avances sans aucune base légale - et il l'a fait de travers, non pas que les gens ne soient pas compétents au SPC, mais ils n'ont simplement ni les moyens ni la formation adéquate pour assumer cette fonction. Aussi, je vous appelle véritablement à voter ce projet de loi. Il n'est pas extrêmement coûteux, quoi que vous en pensiez, mais il rétablit l'égalité de traitement, et surtout, il redonne à ce parlement une certaine dignité au sens où les objets votés dans cette enceinte doivent respecter les autres lois et garantir l'égalité de tous devant la loi. (Applaudissements.)
M. Jean-Luc Forni (PDC), rapporteur de majorité. La majorité de ce parlement mentionnée dans mon rapport vous invite à refuser l'amendement général. Il modifierait profondément les compétences actuelles de l'Hospice général et du service des prestations complémentaires. Mon collègue Hiltpold l'a rappelé avec force: même si la situation actuelle, cette antenne SPC-Hospice général qu'on a créée, n'est pas totalement satisfaisante, elle résout la majeure partie des problèmes, et, on l'a aussi dit, cet amendement général ne formerait finalement qu'un rafistolage supplémentaire. Si on veut absolument revoir tout le système, il faut le faire dans le cadre d'un nouveau projet de loi qui reprenne à la fois la LIASI et les compétences du service des prestations complémentaires; mais ce n'est pas le cadre du débat d'aujourd'hui. Aussi, nous vous invitons à refuser d'entrer en matière sur ce projet de loi.
M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, le Conseil d'Etat vous demande de refuser l'entrée en matière sur ce projet de loi. Je rappelle que le 4 juin 2012, lorsque ce texte a été déposé, il visait dans sa formulation initiale à introduire une obligation pour le SPC de prendre des décisions d'aide sociale dans un délai de dix jours. La problématique visée par ce texte était celle du délai d'attente imposé aux personnes qui faisaient appel à ce service et devaient, pour pouvoir faire face à leurs besoins durant cette période intermédiaire, douloureuse, avoir recours à des institutions privées comme Pro Infirmis ou Pro Senectute. La problématique est devenue aiguë lorsque ces deux institutions, croulant sous les demandes, ont dû renoncer à intervenir, ce qui plaçait évidemment ces personnes en attente de prestations dans une situation particulièrement difficile. Après avoir procédé aux auditions nécessaires, la commission a suspendu ce projet de loi en invitant le département - c'était sous la législature précédente - à mettre en place un système pratique, praticable, pour permettre justement de pallier cet inconvénient. C'est ainsi qu'un groupe de travail a été mis sur pied, réunissant l'Hospice général, le service des prestations complémentaires ainsi que des partenaires externes comme Pro Infirmis et Pro Senectute. Finalement, en janvier 2013, une convention a été adoptée, valable jusqu'en juin 2014 - période d'essai d'un an et demi - liant le service des prestations complémentaires et l'Hospice général et faisant en sorte que celui-ci assume ces prestations transitoires le temps que le service des prestations complémentaires puisse rendre ses décisions. C'est ainsi que l'examen de ce projet de loi a été repris en mai 2014, et que la commission a pu se convaincre, par l'audition des divers partenaires, que le système fonctionne, raison pour laquelle cette convention a été pérennisée à partir du mois de juin 2014. Aujourd'hui, le système fonctionne.
Alors évidemment, il suffit d'entendre Mme le rapporteur de minorité pour se rendre compte que le débat mené ici dépasse largement l'objet qui vous est soumis; c'est un combat que je qualifierais de militant, respectable, bien sûr, mais qui évidemment n'a pas à conduire les réflexions au sein de ce parlement. Voyant que la situation est désormais réglée à la satisfaction de chacun, on a changé son fusil d'épaule en disant: «Il faut maintenant prendre en charge ces personnes - des personnes âgées, notamment - non pas seulement financièrement, il faut qu'il y ait un accompagnement social.» A quoi je réponds qu'il faut bien sûr qu'il y ait aussi un tel accompagnement; mais vous nous dites qu'il faut que celui-ci soit effectué par l'Hospice général sur la base de la LIASI, et du coup, il faut que l'Hospice général assume également les prestations financières. On est donc en train de déstructurer le système pour, au fond, enlever des prestations au SPC et les transmettre à l'Hospice général, Hospice général qui croule déjà sous le travail non seulement pour l'aide sociale, avec une hausse des bénéficiaires entre 2014 et 2015 - je vous le donne en primeur - de 8%; nous sommes en train d'examiner les causes de cette explosion du nombre de bénéficiaires. La hausse entre 2013 et 2014 était de 4%, ce qui était déjà énorme. Je ne parle même pas des tâches de l'Hospice général dans le domaine de l'asile, qui atteignent des sphères astronomiques; et on dit: «Il faut donner des tâches supplémentaires à l'Hospice général», ces tâches précisément que le canton veut transférer aux communes avec leur accord, ce qui fait partie du premier train de lois soumis à la commission des affaires communales, dans lequel il est prévu que l'accompagnement social de proximité pour les personnes âgées soit pris en charge par les communes.
Je vous en conjure, Mesdames et Messieurs les députés, ne construisons pas une usine à gaz, comme cela vient d'être dit, alors que nous avons un système qui fonctionne. Travaillons avec les éléments que nous avons; aujourd'hui, il n'y a personne qui ne reçoit pas de prestations pendant des périodes d'attente. Madame Haller, je sais que vous me trouverez toujours le cas particulier qui en effet a attendu dix jours de plus: eh bien, vous viendrez avec ce cas particulier jusqu'à mon bureau et je le réglerai dans les vingt-quatre heures; mais on ne change pas des lois pour des cas particuliers, nous avons aujourd'hui une loi qui fonctionne, je vous demande de la maintenir telle quelle.
Le président. Je vous remercie, Monsieur le conseiller d'Etat. J'invite l'assemblée à se prononcer sur l'entrée en matière.
Mis aux voix, le projet de loi 10985 est rejeté en premier débat par 56 non contre 32 oui.
Premier débat
Le président. Nous sommes en catégorie II, quarante minutes. Je passe la parole au rapporteur de majorité. Monsieur Forni, vous avez la parole.
M. Jean-Luc Forni (PDC), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, la commission de la santé a refusé à une courte majorité l'entrée en matière sur ce projet de loi 11285 modifiant la loi sur les établissements publics médicaux.
Ce projet de loi propose en effet d'ajouter au conseil d'administration des Hôpitaux universitaires de Genève «un représentant d'organisations se vouant statutairement à la défense des droits des patients depuis cinq ans au moins». Au cours des débats et lors des auditions, la discussion s'est davantage focalisée sur la relation médecin-patient que sur la véritable force de proposition que devrait apporter une représentation des patients au sein du conseil d'administration des HUG. En refusant d'entrer en matière sur ce projet de loi 11285, la majorité des commissaires a refusé que le conseil d'administration des Hôpitaux universitaires de Genève devienne une chambre d'enregistrement des plaintes des patients. Elle a aussi estimé qu'il était difficile pour un représentant des patients d'être à la fois à l'intérieur et à l'extérieur de l'institution, ce qui limitait sa marge de manoeuvre et réduisait finalement sa présence à une présence alibi.
Ces commissaires ont donc estimé que le meilleur moyen de rester critique et de sauvegarder le droit des patients était de rester à l'extérieur de cette institution et d'utiliser les différentes dispositions prévues à cet effet: l'espace médiation ou encore les organisations de patients présentes dans les couloirs des HUG... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) La majorité des commissaires a aussi relevé la difficulté de désigner au conseil d'administration des Hôpitaux universitaires de Genève un représentant des patients qui représenterait tous les patients et pas seulement ceux de son organisation, parce qu'il y a de nombreuses organisations de patients. Il serait difficile aussi que ce représentant obtienne la légitimité de toutes les organisations sans que cela génère des conflits. La majorité des commissaires est aussi d'avis que les partis politiques, en désignant des représentants au sein du conseil d'administration des HUG, choisissent des candidats qui ont les compétences de représenter les intérêts et les droits des patients, et les commissaires considèrent que le conseil d'administration des Hôpitaux universitaires de Genève n'est pas le lieu approprié pour le travail des organisations de patients.
Pour toutes ces raisons, Mesdames et Messieurs les députés, à une courte majorité des membres de la commission de la santé, nous vous invitons à ne pas entrer en matière sur ce projet de loi 11285.
Mme Sarah Klopmann (Ve), rapporteuse de minorité. Effectivement, ce projet a été refusé à une courte majorité qui, je l'espère, pourra changer aujourd'hui. Il est difficile pour les Verts de comprendre pourquoi les patients ne sont pas représentés dans les conseils d'administration des établissements publics médicaux - pour l'instant encore les HUG et les cliniques de Joli-Mont et Montana.
Il est vrai que les entités que je viens de citer doivent répondre à des critères d'efficience et d'efficacité, mais la santé ne peut pas uniquement être appréhendée selon le critère économique. Chacune des décisions qui sont prises dans ces conseils d'administration impacte le confort, la compréhension, le moral et le bien-être des patients et, évidemment, tous ces éléments participent à la guérison.
Certes, il est vrai que nous sommes tous des patients potentiels et les membres des conseils aussi, mais personne n'est là pour vraiment penser les décisions du point de vue des malades, des gens qu'on traite. Au conseil d'administration, on a des représentants du Conseil d'Etat, des autorités, des médecins et du personnel, mais, finalement, leur approche est gestionnaire: ils sont là pour gérer une énorme institution. Or, la qualité d'un hôpital ne peut être dissociée du soin qu'on donne à l'accueil et c'est justement sur ce point que nous aimerions changer les choses.
La stratégie adoptée par le conseil d'administration impacte forcément le niveau opérationnel et le service donné. Des décisions sont prises, par exemple sur la façon de gagner de l'espace dans les chambres en mettant plus de personnes par chambre, mais personne n'est là pour demander: jusqu'à combien de personnes est-ce admissible ? Comment faire pour que les gens soient d'accord d'être soignés correctement même sans intimité ? De la même façon, les postes sociaux sont parfois réduits simplement pour gagner de l'argent, parce que, quand on est gestionnaire, on essaie de faire la même chose avec moins, mais du coup on fait moins. Là aussi, personne n'est là pour demander: combien de patients ne vont pas être compris ? Quel risque cela engendre-t-il vraiment d'entendre des patients parler de leur santé alors qu'ils ne s'expriment pas avec suffisamment d'aisance en français et qu'ils risquent de ne pas être compris ? Donc il faut vraiment une personne qui oeuvre depuis longtemps dans la défense des droits des patients; il faut que cette personne connaisse les véritables enjeux, les points problématiques et les conséquences de chacune de ces actions.
Et, contrairement à ce qui a été dit tout à l'heure, le but n'est absolument pas de créer un bureau des plaintes ni de gérer une liste de doléances personnelles, parce que c'est le travail de la commission de surveillance des professions de la santé et des droits des patients. Le problème, nous avons été beaucoup à le relever en commission, c'est que cette commission ne semble pas tout à fait orientée sur le mieux-être des patients: c'est quelque chose qui nous a inquiétés en commission. D'ailleurs, cela devrait nous inciter à anticiper les éventuelles difficultés maintenant, en incluant une représentation des patients dans les conseils d'administration des établissements publics médicaux. Donc, justement, l'objectif de ce projet de loi était d'inclure dans les conseils d'administration une personne compétente, qui travaille vraiment sur ce sujet, pas seulement un potentiel patient là pour autre chose, mais quelqu'un de compétent sur les questions relatives aux intérêts des patients. Quelqu'un qui connaît les effets qu'un éventuel mal-être pourrait entraîner ou qui aurait les éléments nécessaires pour chaque décision. Ainsi, tous les autres membres du conseil pourraient décider de manière opportune ce qu'il convient vraiment de faire pour maintenir la mission des établissements publics médicaux qui, je le rappelle, est quand même et surtout de soigner les gens ! D'ailleurs, dans les EMS, les résidents sont représentés dans les instances décisionnelles et cela fonctionne très bien. Pourquoi ne pourrait-on pas le faire au conseil d'administration des HUG ? On nous explique que c'est un peu compliqué à organiser, qu'on ne sait pas quelle organisation représentera toutes les autres. En fait, on est juste en train de nous dire qu'on ne va pas améliorer la situation parce qu'on ne sait pas encore comment on va s'organiser après. Pourtant, quand on crée une représentation dans un conseil d'administration, on le fait par conviction et c'est après qu'on décide qui on met à cette place ! On ne va pas ne pas le faire juste parce qu'on a peur de ne pas trouver la personne adéquate ! Je pense que si on cherche, on trouvera cette personne ! Sinon, on la formera !
Il convient aussi de relever que le moment est assez bien choisi, parce que les HUG ont annoncé il y a quelques mois avec tambours et trompettes... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Merci, Monsieur le président ! Les HUG ont annoncé qu'ils voulaient mieux associer les patients aux réflexions stratégiques des HUG via une plateforme interactive: finalement, la consécration de cette annonce-là devrait justement être de donner un siège au conseil d'administration pour les représentants des patients ! Les Verts vous invitent donc, s'il vous plaît, à voter en faveur des patients et à accepter ce projet de loi.
Le président. Je vous remercie, Madame le rapporteur. Vous avez entamé le temps de votre groupe. Je passe la parole à M. le député Jean-Charles Rielle.
M. Jean-Charles Rielle (S). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, les socialistes regrettent aussi que l'entrée en matière ait été rejetée à une voix près. Pourquoi ? Parce qu'il aurait été fort de définir ce que signifie la notion de représentant de patients. Très rapidement, en effet, l'amalgame a été fait avec un représentant de patients qui ferait office de bureau des plaintes supplémentaire. Or, la volonté était tout autre; la volonté était de placer quelqu'un de compétent qui aurait notamment apporté un éclairage sur les conséquences d'un certain nombre de décisions prises en ces hauts lieux, pour connaître l'impact de ces décisions. La finalité d'un hôpital n'est pas de prendre des décisions seulement administratives ou de gestion, mais sa finalité est de fournir des soins, d'apporter de l'aide aux patients. Ça, on ne peut que le regretter, cet éclairage en fonction des patients devrait avoir lieu et, très souvent, pour des raisons qui en valent la peine.
On parle de faire des économies en enlevant des lits ou bien en en rajoutant dans certains endroits. Cela a un impact sur la qualité: il y a du travail 24 heures sur 24 dans des chambres à six, sept personnes ou plus. Il est évident qu'aujourd'hui l'évolution vers des chambres à deux est une bonne évolution. Je crois que l'éclairage tenant compte des patients devrait toujours être présent, dans toute décision qui est prise dans un tel lieu.
Personne ne remet en question que les autres «lobbies» - entre guillemets - y compris politiques, soient représentés, mais les principaux intéressés, ceux qui bénéficient ou doivent bénéficier de ces prestations, ne sont pas formellement représentés ! Il ne s'agit pas d'un représentant d'une association de patients, il s'agit de quelqu'un qui a des compétences dans ce domaine.
Forts de ce qui a été dit, les socialistes, comme les Verts, vous invitent à suivre l'excellent rapport de minorité et à accepter ce projet de loi pour le bien des patients.
M. Pierre Conne (PLR). Chers collègues, Mme le rapporteur de minorité nous parle des HUG comme si cet établissement ne se préoccupait pas du quotidien des patients. Alors je tiens à rassurer cet auditoire: c'est quotidiennement que l'ensemble de cette institution se préoccupe de l'intérêt des patients. D'abord, évidemment, les professionnels de la santé, au quotidien, mais également la direction générale dont le bureau est ouvert au quotidien pour recevoir les patients.
Ensuite, j'aimerais quand même rappeler que l'établissement s'est doté d'instances qui permettent d'interagir avec les patients de manière formelle. Il y a tout d'abord un espace médiation et je lis très brièvement comment cet espace se présente: «Votre séjour ou celui d'un proche ne vous a pas donné pleine et entière satisfaction ? Vous avez une doléance à formuler, une suggestion à faire ? N'hésitez pas à vous rendre à l'espace médiation situé dans l'entrée principale.» Cette interface existe et est en lien direct avec la direction générale des HUG.
Ensuite, pour la défense des droits des patients, il y a une vitrine et un espace au sein des HUG à disposition de l'organisation suisse des patients qui a pour but de protéger et de défendre les droits des patients et des assurés dans le domaine de la santé, auprès des soignants, des institutions de soins et des caisses maladie. Les HUG offrent cette interface pour les patients et les familles. Tout est donc fait au sein des HUG pour répondre aux préoccupations des patients. Finalement, vous avez encore la commission de surveillance des professions de la santé et des droits des patients qui, évidemment, peut être saisie en tout temps lorsqu'un problème majeur survient. Donc, oui, Mesdames et Messieurs les députés, les HUG répondent aux préoccupations des patients au quotidien et de manière formelle.
Alors maintenant, que pourrait apporter un représentant d'une association de patients au sein du conseil d'administration ? Mais rien, Mesdames et Messieurs ! Ce serait une position tout à fait déplacée: le conseil d'administration est chargé de décisions stratégiques, pas seulement du point de vue financier, mais aussi des priorités sanitaires auxquelles le canton doit faire face; le canton, d'une part, mais également les HUG qui ont un rayonnement national et international. Donc je pense qu'il ne faut pas se tromper de niveau d'intervention. La représentation des patients doit pouvoir exister au sein de l'établissement; en revanche, son conseil d'administration doit être entre les mains de personnes qui ont les compétences de gérer et de prendre les décisions stratégiques. Pour toutes ces raisons, le PLR s'opposera à l'entrée en matière de ce projet de loi.
Mme Jocelyne Haller (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, pourquoi un représentant des patients - désigné précisément en cette qualité - serait moins compétent qu'un commissaire lambda ? On entend ici que les patients n'ont pas à s'en préoccuper puisque les professionnels de la santé et le conseil d'administration - tout le monde - s'occupent de leurs intérêts. C'est quand même un brin paternaliste ! Pourquoi ne pas accorder aux patients le droit d'être reconnus comme interlocuteurs, pas simplement comme sujets d'une médiation lorsqu'ils ont un problème ? Comme interlocuteurs sur la politique et la gestion des HUG ? Il ne s'agit pas de leur en confier l'entière responsabilité, mais, selon l'échantillonnage que l'on prévoit généralement pour les conseils d'administration, un représentant des patients devrait trouver là sa place. C'est simplement une question de droit fondamental à pouvoir se faire entendre, mais surtout, je vous en prie, une manière respectueuse de considérer les patients: non pas une manière paternaliste comme on nous l'a proposé ! C'est pourquoi notre groupe soutiendra le rapport de minorité et espère que cette majorité qui s'est égarée voudra bien rejoindre la minorité.
M. Marc Falquet (UDC). Au niveau de l'UDC, on est un petit peu partagés, mais moi je pense que, si un représentant de l'intérêt des patients doit siéger quelque part, c'est bien à l'Hôpital cantonal. Je ne vois pas pourquoi un représentant des patients ne devrait pas siéger là-bas ! On se plaint qu'il va y avoir des plaintes mais, pour l'instant, les plaintes sont dirigées vers la commission de surveillance des droits des patients qui ne répond souvent jamais, du reste ! Il faut le dire et on les avait entendus une fois à ce sujet en commission.
Ensuite, les patients font quand même remonter beaucoup de problèmes. Les soignants s'occupent des patients, certes, mais quand on voit les médecins le nez dans le guidon toute la journée, derrière leurs ordinateurs ou leurs dossiers, il est clair qu'il y a un problème d'écoute à améliorer. Il y a encore beaucoup d'autres problèmes, notamment aux urgences. Les urgences de l'Hôpital cantonal sont une véritable honte: vous êtes reçu debout, il n'y a aucune intimité et tout le monde entend ce que vous dites, que ce soit le livreur de fleurs, l'électricien ou les employés. Ils sont au courant de vos problèmes ! Il y a là vraiment quelque chose à améliorer et je pense que le représentant des patients aurait un rôle à jouer, même si ce n'est pas rentable. A Genève, ce service des urgences est une honte !
M. Bertrand Buchs (PDC). Nous avons un problème. Il est clair que tout le monde aimerait qu'il y ait un représentant des patients au conseil d'administration de l'hôpital. Mais qu'est-ce que ça veut dire, le représentant des patients ? Je n'ai pas eu de réponses jusqu'à maintenant, notamment en lisant ce projet de loi. Qui va représenter les patients ? Qui va me représenter en tant que potentiel patient ? Je ne sais pas ! Et la seule réponse que j'ai est que c'est nous qui allons représenter les patients, c'est-à-dire nous, représentants des partis politiques. Et si nous, représentants des partis politiques, ne sommes pas foutus de défendre les gens qui ont adhéré à nos partis ou les gens qui viennent nous voir pour défendre les patients, alors nous ne servons strictement à rien ! A ce moment-là, mettons des représentants des patients et ne mettons plus de représentants des partis politiques. C'est à nous de prendre cette responsabilité, comme représentants des partis politiques. Il n'y a pas besoin d'avoir un représentant dont on ne sait rien: qui sera nommé et comment va-t-il nous représenter ?
M. François Baertschi (MCG). Dans un premier temps, le groupe MCG était assez favorable à ce projet de loi parce qu'il est vrai que ça peut paraître tout à fait intéressant d'avoir des représentants de patients à l'hôpital cantonal, à Joli-Mont et à Montana... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Toutefois, à la réflexion, il y a de quoi rester sceptique, quand on voit quelles associations de patients pures il y a à Genève. Il y a l'OSP qui n'est même pas une association genevoise ! C'est une association zurichoise qui a deux bureaux - un à Lausanne, un à Genève. Ce bureau se trouve à l'Hôpital cantonal, c'est-à-dire qu'il y a absence d'indépendance.
Imaginons que l'on défende trop bien les patients, qu'on leur dise de faire trop de recours en justice ou d'intervenir de manière un peu conflictuelle dans un cas ou dans un autre: il est certain que l'organisation en question risquerait de perdre ses bureaux. Je ne sais pas combien de membres l'association compte à Genève, cela ne figure malheureusement pas dans le rapport. Donc il y a aussi un problème de représentativité de l'association en question.
Autrement, je me demande ce que va faire un conseiller d'Etat. Il pourrait agir selon sa fantaisie: tiens, on va choisir telle association ou telle autre ! Si l'association a une certaine légitimité, cette légitimité est toutefois difficile à établir avec 400 000 patients: comment représenter la majorité de ces 400 000 patients ? C'est difficile et d'une praticabilité délicate. Actuellement, l'OSP a un bureau aux HUG et c'est quand même un cadeau assez royal: je le dis en étant actif dans une association qui rame tous les jours pour faire fonctionner son bureau et ses salariés. C'est quelque chose qui est très difficile, qui demande des efforts personnels et des efforts financiers des membres du comité également - un effort en temps et un engagement important. Là, je vois quand même une situation un peu hybride. Alors, même si on part d'une bonne intention, je ne vois pas trop ce que l'on peut faire à ce niveau-là.
La situation actuelle, c'est qu'on a des représentants de partis politiques qui doivent quand même représenter les patients, qui doivent représenter la population. S'ils ne le font pas, ce sont peut-être les partis politiques qui doivent aussi se poser des questions en se demandant s'ils ont fait le bon choix. C'est peut-être à ce niveau qu'il faut s'interroger. Il faudrait avoir quelqu'un de spécifique, en termes de patients; il faudrait qu'on ait des juristes spécialisés dans le domaine de la défense des patients. Malheureusement, c'est quelque chose qui n'existe pas ou pas encore: je vois une sorte d'ASLOCA de la médecine ou des patients.
C'était un projet que notre conseiller d'Etat Mauro Poggia avait voulu lancer en son temps, malheureusement sans un succès remarquable. Sa défense des assurés a mieux fonctionné: il a défendu beaucoup de patients en direct, mais il n'a à l'époque jamais disposé d'un cabinet alloué gratuitement au sein des HUG. Je pense qu'à l'époque on préférait le savoir dehors et le voir le moins possible. Maintenant, il est conseiller d'Etat, les temps ont un peu changé et il a une responsabilité autre que celle de l'avocat.
Même si on part d'une bonne idée, je pense qu'on est vraiment dans une situation un peu hybride.
Le président. Il vous reste vingt secondes.
M. François Baertschi. Alors on peut désigner une personne pour cette fonction, cela ne va pas bouleverser la république, mais j'ai peur que cela n'apporte pas grand-chose. Comme nous avons eu auparavant les représentants des caisses maladie qui devaient soi-disant représenter les assurés. Or on a vu comme ça n'allait pas ! Je suis désolé, Monsieur le président, de prendre sur votre temps et je vous remercie.
Le président. Je vous remercie, Monsieur le député. Je passe la parole à M. le député Jean-Charles Rielle pour deux minutes trente-quatre.
M. Jean-Charles Rielle (S). Merci, Monsieur le président. Je reprends brièvement la parole: toutes les interventions démontrent un état d'esprit qui se situe en aval, qui fait remonter les problèmes après un dysfonctionnement. Ce poste se placerait en amont, car c'est là qu'il faut apporter un éclairage en fonction des patients. Un préopinant a parlé de Mme Despland, par exemple: voilà une haute autorité qui est au-dessus, ne représente pas des associations de patients, mais c'est quelqu'un de compétent qui apporte un éclairage pour les prises de décision - y compris stratégiques - en amont. La démonstration est faite, il ne s'agit pas d'un bureau de plaintes supplémentaire et ça, ça manque ! On sait que c'est souvent une fois que les décisions ont été prises qu'on fait du rattrapage: on demande aux patients s'ils ont été contents ou pas. Je n'ai jamais dit que l'hôpital ne se préoccupait pas des patients, j'ai simplement dit qu'on pouvait améliorer les premières décisions et celles qui vont avoir des répercussions sur l'ensemble de l'hôpital avec l'apport d'une personne qui ne serait pas un représentant qui vient se plaindre, mais bien quelqu'un de compétent en matière de droits des patients qui se prononcerait sur la qualité des décisions prises et leurs impacts sur les patients.
Le président. Je vous remercie, Monsieur le député. Je passe la parole à Mme la députée Marie-Thérèse Engelberts pour deux minutes.
Mme Marie-Thérèse Engelberts (HP). Merci, Monsieur le président. Alors, pour une fois, je ne serai pas d'accord avec le représentant du parti démocrate-chrétien par rapport à ce projet de loi. (Brouhaha.) Je voudrais quand même signaler qu'il ne me semble pas très difficile de trouver un représentant des patients au sein des Hôpitaux universitaires de Genève, car nous avons dans notre canton énormément d'associations de patients.
Je vous rappelle que les Hôpitaux universitaires de Genève ont mis le patient au centre de leurs préoccupations et de leurs activités de soins - médicales, chirurgicales et autres. Or, le patient est le seul qui n'est pas représenté dans leur conseil d'administration ! L'université a des représentants d'étudiants. Il y a un représentant du personnel des HUG, par exemple. Cette personne représente qui ? Tout le personnel ! Elle est désignée, mais elle représente aussi bien les soins, la technique, l'informatique, le directeur médical, etc. C'est la même chose ! Les patients sont véritablement le coeur de l'hôpital et, donc, si c'est vraiment le cas, il y a lieu d'innover maintenant, de poser la question aux différentes associations de patients et de ne pas nommer n'importe qui dans la population pour représenter les patients.
Le président. Il vous reste trente secondes.
Mme Marie-Thérèse Engelberts. A ce moment-là, ces associations désigneront quelqu'un, suite à un accord, et cette personne consultera ces associations. Je suis d'accord que ce n'est pas tout simple et que ça ne se fera pas en une minute, mais ça me paraît suffisamment fondamental pour que les patients soient représentés au sein de ces institutions.
M. Patrick Lussi (UDC). J'essaierai d'être court. Mesdames et Messieurs les députés, vous comprendrez que l'UDC votera de manière partagée, étant donné que ce projet de loi mêle deux choses selon certains, c'est-à-dire la notion de stratégie et la notion d'aide. J'aimerais avoir le plaisir qu'on me nomme une société humaine qui fonctionne parfaitement: ça n'existe pas ! J'aimerais aussi qu'on me dise que, dans le cadre des HUG, les récriminations et plaintes des patients ne sont jamais prises en compte. Je citerai simplement M. Halpérin, alors président du conseil d'administration des HUG, qui disait qu'il n'était pas favorable à ce qu'un représentant des patients vienne au conseil d'administration, étant donné que la notion même de patient est provisoire. Est-ce à dire qu'on doit nommer un malade perpétuel ? Mesdames et Messieurs, ce n'est pas sérieux !
En ce qui me concerne, je ne voterai pas l'entrée en matière de ce projet de loi, et la liberté de vote est laissée à notre groupe.
Le président. Je vous remercie, Monsieur le député. Je passe la parole à Mme Frédérique Perler pour trois minutes trente-trois.
Mme Frédérique Perler. Je renonce, Monsieur le président.
Le président. Vous renoncez. Je passe la parole à la rapporteure de minorité, Mme Sarah Klopmann.
Mme Sarah Klopmann (Ve), rapporteuse de minorité. Merci, Monsieur le président. On nous explique donc que les HUG se préoccupent de l'intérêt des patients et qu'il y a d'ailleurs un bureau pour recevoir leurs plaintes et leurs doléances - l'espace de médiation. Or, justement, ce qu'on veut, c'est travailler en amont ! Comme ça a déjà été dit, travailler de façon que l'institution réfléchisse déjà dans son fonctionnement à l'intérêt des patients. S'il y a eu besoin de créer cet espace de médiation, c'est bien la preuve que tout n'est pas optimal pour les patients aux HUG !
Ensuite, on nous explique que ce sont les partis qui vont représenter les patients, que ce sont les partis qui sont là pour ça. Mais non ! Les représentants de partis doivent aussi être des gestionnaires et, surtout, les représentants de partis, aussi qualifiés soient-ils, ne sont pas forcément des experts dans la question du droit et des intérêts des patients. Là, on demande de mettre quelqu'un qui travaille dans ce domaine, qui est compétent dans ce domaine et dont c'est l'intérêt principal de défendre les patients. Même si les gens qui sont dans ce conseil d'administration sont pleins de bonne volonté et savent aussi ce que c'est que d'être patient, ils ne sont pas forcément formés pour ça.
Dans toutes les institutions, on a des représentants des usagers, que ce soit dans les EMS, dans les écoles ou à l'université. Il n'y a que dans les établissements publics médicaux que ce n'est pas le cas ! C'est un peu bizarre !
Donc, oui, nous aussi, nous avons voulu enlever le représentant des assurances-maladie, comme cela a été dit avant et, justement, parce qu'il ne défendait pas l'intérêt commun: il défend des intérêts privés, financiers notamment. Donc là, ce qu'on demande, c'est de mettre plutôt quelqu'un qui va défendre l'intérêt commun. D'ailleurs, ce serait même un assez joli pied de nez de remplacer l'ancien représentant des assurances qu'on a enlevé par un représentant des patients ! C'est quelque chose qui nous satisferait assez. L'Etat doit donc servir la population et la mission des établissements publics médicaux doit réellement être centrée sur les patients et c'est pour ça que nous vous demandons vraiment, s'il vous plaît, de réfléchir à l'opportunité de placer un représentant ou une représentante des patients, sachant qu'on décidera ensuite qui ce sera. Quand on décide de placer un représentant des médecins, on ne se demande pas d'abord qui ce sera et combien il y a de membres dans l'association des médecins: on se dit qu'il faut quelqu'un qui les représente et, ensuite, on trouve la personne adéquate; là, on pourra faire la même chose ! Donc, s'il vous plaît, centrons le travail des établissements publics médicaux sur l'intérêt du patient !
Le président. Je vous remercie, Madame la rapporteure. Je passe la parole au rapporteur de majorité, M. Jean-Luc Forni.
M. Jean-Luc Forni (PDC), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Je crois que mon ami le député Pierre Conne l'a très bien rappelé: on confond un peu le stratégique et l'opérationnel. Qu'on ait un représentant d'une organisation de patients, une sorte de représentant général: oui ! Mais pas à l'intérieur d'un conseil d'administration ! Pourquoi ? Parce que, dans un conseil d'administration, vous avez un devoir de loyauté. Donc, toutes les décisions prises par ce conseil d'administration devraient aussi être défendues par le représentant des patients et, là, je pense qu'il y a très nettement un conflit d'intérêts.
On l'a dit, au niveau opérationnel, les structures sont déjà présentes. Les préoccupations des patients sont prises en compte; les structures de médiation sont là aussi. Je pense que leur pouvoir est beaucoup plus grand, pour les droits des patients, à l'extérieur de l'établissement, à l'extérieur du conseil d'administration plutôt qu'à l'intérieur. Je vous invite donc une fois encore à refuser l'entrée en matière sur ce projet de loi.
Le président. Je vous remercie, Monsieur le rapporteur. Je passe la parole à M. le conseiller d'Etat Mauro Poggia.
M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. Je vous remercie, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, on dit que l'enfer est pavé de bonnes intentions: voilà une dalle supplémentaire dans la salle de l'inutile, voire du contre-productif, ce qui est pire. S'il y a bien une chose dont on ne m'accusera pas, c'est de n'être pas sensible à la cause des patients. Durant trente ans, en tant qu'avocat, j'ai défendu des patients contre le corps médical, contre les institutions médicales. Les seuls médecins que j'ai défendus, c'était contre des assureurs. Donc cela en dit long sur ma détermination à faire en sorte que celles et ceux qui, souvent, n'ont pas voix au chapitre puissent s'exprimer, puissent faire constater, le cas échéant, les violations de leurs droits.
Nous avons sorti les assureurs du conseil d'administration des HUG et c'était une bonne chose. Pour des raisons évidentes de confidentialité, il était logique que l'on puisse parler ouvertement dans un conseil d'administration de questions tarifaires sans qu'évidemment ces propos soient immédiatement rapportés aux organes faîtiers de nos chers assureurs - et, dans ma bouche, le mot «cher» a un sens bien particulier.
Faut-il pour autant y introduire des représentants des patients ? Il est vrai que l'on peut se poser des questions: quel est le représentant des patients ? Je ne dirais pas, comme l'a dit le regretté feu Michel Halpérin, qu'être patient est un état provisoire. Je pense que les représentants des patients ne représentent pas que les patients en cours de route, dirais-je, mais aussi les futurs et potentiels patients que nous sommes tous. Les psychiatres disent d'ailleurs que nous sommes tous des patients qui s'ignorent. Donc il y a effectivement possibilité de représenter les patients, même si l'on n'est pas soi-même patient, et je pars de l'idée que les représentants politiques au sein du conseil d'administration sont aussi sensibles aux droits des patients à l'égard du corps médical.
Alors, faut-il pour autant désigner une personne supplémentaire ? Quel sera le poids effectif de cette personne dans des discussions qui, potentiellement, pourraient toucher les patients ? Je vous dirai que, pour faire partie de ce conseil d'administration, je n'en ai pas encore vu, en un peu plus de deux ans. Ce sera une voix sur vingt et qui sera minorisée. Ce sera peut-être même un alibi pour celles et ceux qui voudraient porter atteinte aux droits des patients; ces personnes pourraient dire que les patients ont eu l'occasion de s'exprimer et qu'ils ont été minorisés, que les lois démocratiques s'imposent et qu'il faut accepter d'être minorisé, qu'il faut accepter la loi de la majorité.
Non, le droit des patients ne se défend pas dans un conseil d'administration ! Le droit des patients ne se décrète pas une fois pour toutes; il doit se défendre au quotidien, au cas par cas, auprès de chaque soignant, dans la manière qu'il a de recevoir le patient, de lui expliquer son diagnostic, de lui annoncer parfois des nouvelles douloureuses. Et c'est là que nous devons travailler, dans la formation quotidienne et continue de nos soignants, pour qu'ils soient conscients. C'est vrai, parfois, la surcharge de travail et la pression des horaires peuvent faire en sorte qu'on ne passe pas tout le temps nécessaire auprès de patients. Il faut toujours se souvenir que, derrière ce dossier que l'on examine dans un premier temps, derrière ce corps, il y a un être humain qui mérite toute notre attention. Et ce travail ne se fait pas dans un conseil d'administration, Mesdames et Messieurs, il se fait ailleurs, il se fait à côté, il se fait avec le dialogue. Le conseil d'administration a organisé cet espace médiation - qui doit encore être amélioré, j'en suis convaincu. Je serai attentif, et je le suis déjà en ayant demandé des rapports; j'en ai demandé aussi à l'Organisation suisse des patients qui bénéficie d'un lieu privilégié à l'entrée des Hôpitaux universitaires de Genève, pour savoir quel est le travail effectif et concret qui se fait. Je ne veux pas de médiateurs qui soient simplement institués pour venir convaincre les patients que tout va très bien dans le meilleur des mondes et que, finalement, ce n'est que leur vision des choses qui doit s'améliorer. Je sais que ce n'est pas le cas; je sais que cela risque d'être toujours le cas et il faut être attentif à ce que cela ne soit jamais le cas. Il s'agit d'une instance indépendante, qui doit être indépendante de la hiérarchie et capable d'imposer à celles et ceux qui à un moment donné commettent une erreur de le reconnaître.
Ce qu'attendent les patients avant toute chose, c'est la transparence, c'est la loyauté, c'est que la confiance ne soit pas rompue du simple fait que le patient a eu l'outrecuidance de mettre en évidence une petite et potentielle erreur commise. Il faut que cette relation de confiance aille au-delà de la remise en cause du professionnel de la santé, et c'est un travail qui ne se fait pas à l'occasion des sujets abordés dans un conseil d'administration. Je vous demande donc, Mesdames et Messieurs les députés, de bien vouloir refuser l'entrée en matière de ce projet de loi.
Le président. Je vous remercie, Monsieur le conseiller d'Etat. Je vais donc vous faire voter sur l'entrée en matière de ce projet de loi.
Mis aux voix, le projet de loi 11285 est rejeté en premier débat par 55 non contre 34 oui et 3 abstentions.
La pétition 1965 est retirée par ses auteurs.
Le président. Mesdames et Messieurs, nous reprendrons nos débats à 10h10. A tout à l'heure !
La séance est levée à 9h50.