Séance du
vendredi 4 décembre 2015 à
15h
1re
législature -
2e
année -
11e
session -
70e
séance
M 2188
Débat
Le président. Nous passons à la proposition de motion 2188, classée en catégorie II, trente minutes. Je passe la parole à l'auteur de la motion, M. Guinchard.
M. Jean-Marc Guinchard (PDC). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs, chers collègues, cette motion a pour origine un certain nombre de constats dans le domaine de la santé et en particulier dans le domaine de la santé privée, dans lequel exercent les médecins et d'autres professionnels de la santé. A l'heure actuelle, nous avons à disposition des lois fédérales ou cantonales qui imposent aux professionnels de la santé un devoir d'information vis-à-vis de leurs patients: sur le plan fédéral, il s'agit de la loi sur les professions médicales et, sur le plan cantonal, de la loi sur la santé et ses règlements d'application. Ces dispositions sont très claires quant à la responsabilité du médecin et des professionnels de la santé d'informer les patients sur l'organisation du système de santé, d'une part, par rapport à la prise en charge qu'ils préconisent et, d'autre part - c'est important - par rapport à la prise en charge du traitement par les assureurs. Or depuis un certain nombre d'années, on constate avec l'arrivée de médecins européens que ceux-ci connaissent mal l'organisation de notre système de santé et ont des problèmes pour orienter les patients vers les filières les plus adéquates. Ensuite, ils ne connaissent pas les mesures de prise en charge voulues par la loi sur l'assurance-maladie. Il y a quelques années, l'Office fédéral de la santé publique avait envisagé l'éventualité d'imposer des cours à ces médecins afin de leur permettre d'acquérir ces connaissances mais y a renoncé, estimant qu'il ne disposait pas de la base légale nécessaire et que ces dispositions pourraient être contraires aux accords européens. Ce n'est pas mon avis: je pense qu'à Genève nous avons les bases légales nécessaires et, malgré le fait que les médecins européens aient maintenant l'obligation de passer trois ans au minimum dans un établissement hospitalier, on constate que ce n'est pas dans ces établissements qu'ils acquièrent forcément les bonnes connaissances exigées lorsqu'ils s'installent en privé et lorsque l'obligation leur est faite d'informer leurs patients. Sur cette base-là, je vous remercie de réserver un bon accueil à cette motion et de la renvoyer à la commission de la santé.
M. Jean-Charles Rielle (S). Chères et chers collègues, je crois que nous ne pouvons que faire confiance à Jean-Marc Guinchard, notre premier vice-président, qui, je le rappelle, a été directeur général de la santé, donc le chef du service octroyant les autorisations de pratique et du médecin cantonal. Dans le cas présent, nous soutiendrons cette motion et demandons le renvoi direct au Conseil d'Etat, afin qu'il ne s'agisse pas simplement de formation des médecins... (Remarque.) ...mais aussi et surtout de protection des usagers, donc des patients. Je vous remercie.
M. Charles Selleger (PLR), député suppléant. Mesdames et Messieurs les députés, il est loin le temps où les médecins étrangers qui désiraient venir travailler en Suisse n'obtenaient pas le droit de pratique. Avant, ils ne l'obtenaient en effet jamais, sauf exception. Ils devaient travailler dans les hôpitaux, parfois durant de nombreuses années avant de pouvoir espérer, éventuellement, obtenir des équivalences. Pour ces équivalences, ils commençaient souvent par devoir repasser l'examen de maturité avant de repasser leur examen final de médecine, ou du moins une partie de cet examen. Cela laissait le temps à ces personnes de s'intégrer dans notre système de santé et de le connaître, comme tout médecin apprend à connaître peu ou prou par osmose le système de santé suisse. Je vous rappelle que les médecins qui s'installent après avoir suivi l'entier de leur formation en Suisse n'ont pas de cours particulier sur le système de santé, mais ils le perçoivent évidemment au fur et à mesure de leur formation. Cette motion est donc tout à fait opportune car actuellement les règles de libre circulation des personnes à travers l'Union européenne permettent à des médecins de s'installer sans être passés par cette étape préalable de travail à l'hôpital. Ils peuvent parfois même s'installer à temps partiel, gardant un cabinet de l'autre côté de la frontière et un deuxième cabinet sur le sol helvétique. Que demande cette motion ? Elle demande qu'on s'assure que les personnes concernées, à savoir les médecins étrangers, aient une bonne connaissance des bases du système de santé local. Je pense que le détail de la manière dont on va s'assurer qu'ils ont acquis ces connaissances mérite un détour par la commission de la santé. C'est pour cela, au nom du PLR, que je vous propose de renvoyer cette motion à la commission de la santé. Merci, Monsieur le président.
Mme Sarah Klopmann (Ve). (Un instant s'écoule.) Pardon, Monsieur le président. J'étais en train de faire en sorte que ce texte parte à la commission de la santé. Si on peut instinctivement penser que ce texte tombe sous le sens ou qu'il ne mange pas de pain, j'y vois pour ma part un certain nombre de risques, notamment s'agissant des thérapeutes naturels ainsi que d'autres professionnels de la santé. La motion demande de vérifier auprès des requérants d'autorisation de pratiquer qu'ils connaissent les bases du système de santé local et son organisation. Qu'est-ce que cela signifie concrètement ? Cela signifie premièrement qu'il faut passer un examen ou autre chose. Ensuite, quelles sont les bases du système de santé local qui devront être connues ? Evidemment, je me doute que ce seront celles du système allopathique, celui qui est majoritaire, qui est puissant, celui qu'on demande à tout le monde de connaître ici et celui qui est attendu par les gestionnaires. En somme, on va demander à des thérapeutes qui peut-être défendent une autre vision de la médecine et qui proposent une approche du système de santé différente d'apprendre ce discours-là, de s'en imprégner et de le recracher. Là encore, on va donc perdre une diversité et c'est assez dommage. Je ne saisis pas complètement le but de cette motion. Soit le but est effectivement celui qu'elle mentionne, soit il s'agit de discriminer les personnes qui pensent un petit peu différemment de la pensée allopathique majoritaire.
Je pense que «la nécessité pour Genève d'avoir recours à des professionnels européens et/ou étrangers» n'est pas vraiment un argument pertinent pour la demande exprimée dans cette motion, parce que ces personnes-là sont appelées à travailler dans de grandes structures, par exemple les HUG, et n'ont donc pas vraiment besoin d'apprendre le fonctionnement du système de santé étant donné qu'ils y sont déjà totalement intégrés. Par ailleurs, que ce soit ces mêmes personnes, c'est-à-dire des professionnels venus d'ailleurs sur sollicitation, ou non, de Genève, ou d'autres personnes ayant étudié ici, quand elles ouvrent un cabinet privé, elles n'ont finalement rien d'autre à connaître que le système des assurances et, de toute façon, elles devront le faire, parce que sinon elles ne seront pas remboursées - elles peuvent aussi décider de ne pas être remboursées d'ailleurs, cela peut être leur choix. En tout cas, je pense que faire apprendre le système de santé local, c'est simplement essayer de faire adhérer tout le monde à la même vision de la santé et c'est dommage. De plus, le remboursement des thérapeutes ou des médecins par les caisses maladie est complètement indépendant de l'autorisation de pratiquer. Ce n'est absolument pas le droit de pratiquer qui permet d'obtenir le remboursement: soit on est médecin ou physiothérapeute et on fait partie du régime LAMal et par conséquent on est remboursé, soit on pratique une thérapie plus naturelle... (Brouhaha.)
Le président. Il vous reste trente secondes.
Mme Sarah Klopmann. ...et ce sont les accords entre les caisses et les associations professionnelles qui règlent cela. Nous serions donc éventuellement d'accord que ce texte soit renvoyé à la commission de la santé pour en discuter, mais nous ne sommes en tout cas pas favorables à un renvoi au Conseil d'Etat pour tous les risques que je viens d'énoncer.
M. Thomas Bläsi (UDC). Chers collègues, malgré mon amitié pour Jean-Marc Guinchard, je ne sais pas si j'aurais la même confiance inconditionnelle en lui que M. Rielle, mais quand une idée est bonne, une idée est bonne. En l'occurrence, c'est effectivement une bonne idée, Monsieur Guinchard ! Je trouve ce qu'a dit M. Selleger très important, c'est-à-dire qu'effectivement la vérification entre autres des droits de pratique et du niveau scolaire par le biais d'un rattrapage par la maturité permettait auparavant de s'assurer que les professionnels de la santé venant de l'étranger travailler en Suisse pratiquaient la langue. Il s'agit d'une difficulté rencontrée dans la pratique quotidienne. Je prends un exemple: pendant les gardes, trois ou quatre femmes enceintes arrivent et le médecin de garde leur prescrit de l'aspirine, ce qui est évidemment complètement contre-indiqué dans le cas d'une grossesse. Quand vous appelez les HUG et que vous avez ce médecin au téléphone, il vous répond que c'est comme cela qu'il fait chez lui. Vous arrivez jusqu'au chef de clinique qui vous explique qu'il va régler le problème et va expliquer à son collègue qu'il ne faut plus qu'il prescrive d'ordonnance. Puis l'ordonnance suivante qui arrive prescrit à nouveau de l'aspirine pour une femme enceinte et il est écrit: «Essayez d'éviter à prendre à tout prix.» (Commentaires. L'orateur rit.) Vous comprenez donc que la culture de travail et la pratique d'un médecin ou d'un autre en fonction de son origine peuvent poser un certain nombre de problèmes. (Commentaires.)
Autre problème: il existe aussi des conditions spéciales pour les médecins étrangers qui viennent pratiquer pour des durées inférieures à nonante jours; par ailleurs, par exemple des médecins qui sont interdits de pratique dans leur propre pays peuvent passer entre les gouttes du système. A ce sujet-là, vous pouvez trouver un projet de loi qui sera à l'ordre du jour de la commission de la santé. Le groupe UDC vous recommande également de renvoyer cette motion à la commission de la santé afin de la travailler en parallèle du projet de loi proposé par le département justement pour réduire ce type de risques. Puisqu'un objet traitant déjà du domaine est à son ordre du jour, il y a véritablement un intérêt à renvoyer cette proposition de motion à la commission de la santé.
Concernant les propos de Mme Klopmann sur les médecines naturelles, je ne crois pas qu'elles soient visées du tout par cette motion ou par le projet de loi du département. Pour la rassurer, elle peut savoir que le groupe UDC, et en particulier Marc Falquet, est personnellement assez sensible aux thérapies naturelles et qu'il s'en fera le gardien. Voilà, le groupe UDC vous recommande donc de renvoyer cette motion à la commission de la santé et, dans la mesure du possible, de la lier au projet de loi du département pour les traiter en même temps par souci d'efficacité. Merci, Monsieur le président.
M. Bertrand Buchs (PDC). J'interviendrai rapidement pour dire que c'est déjà compliqué pour les médecins suisses et genevois, parce que les patients sont de plus en plus demandeurs et posent des questions sur le système de santé et les assurances sociales. Il est vrai que beaucoup de gens ne disposent pas de connaissances sur les assurances sociales ou d'une bonne formation en la matière. En tout cas, les études de médecine ne comprennent aucune formation de ce type. Un cours est donné par l'association des médecins du canton de Genève quand on s'installe, mais il est facultatif et pas tout le monde ne le suit. Pour ma part, j'ai eu la chance de suivre un cours à l'Université de Fribourg sur les assurances sociales; honnêtement, il existe des lacunes, parce que les gens demandent qu'on les aide, par exemple quand il faut remplir une demande de prestation d'assurance-invalidité. Cette proposition n'a rien à voir avec le fait d'avoir une pensée unique: il s'agit simplement d'expliquer aux patients quels sont leurs droits et beaucoup de médecins ne les connaissent pas. Les médecins venant de l'extérieur doivent donc au moins connaître un minimum le système de santé suisse. Je vous remercie.
M. François Baertschi (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, une fois de plus, on voit que les médecins défendent la préférence locale dans l'emploi uniquement pour les médecins. (Exclamation.) C'est fabuleux ! Quand on se trouve face à des salariés, au «vulgum pecus», aux gens un peu normaux, ordinaires, à Monsieur et Madame Tout le Monde, il n'y a aucun privilège, c'est l'ouverture la plus complète sur l'Europe, sur le monde, sur tout ce qu'on veut ! (Commentaires.) En revanche, la pratique médicale, qui est bien représentée dans ce parlement, elle, a droit à un statut à part, à un traitement de faveur ! (Remarque.) Bien évidemment que nous allons soutenir ce texte, parce qu'il va tout à fait dans notre sens. La seule chose que le groupe MCG voudrait, c'est que ces valeurs et cette manière de voir les choses soient aussi appliquées à d'autres secteurs et d'autres domaines, notamment au sein même du domaine de la santé. (Remarque.) Pensons par exemple à un secteur qui est complètement massacré à Genève, à savoir le secteur des techniciens dentaires. On sait qu'actuellement des matériaux, par exemple des prothèses de mauvaise qualité, sont achetés à l'étranger et sont revendus à des prix excessifs avec des conséquences très négatives sur la santé et sur l'emploi. J'ai d'ailleurs envoyé une question écrite au département pour qu'on nous renseigne sur ce point, parce qu'il y a un problème de santé publique qui est criant et il faudrait vraiment qu'on le résolve ! Mais je pense que c'est très bien, ce que font les médecins du Grand Conseil; bravo, vous savez bien vous défendre ! Vous êtes un lobby puissant - on voit que le lobby de la médecine naturelle est un peu moins puissant - donc bravo à ce lobby ! Mais il faudrait aussi peut-être penser au lobby des citoyens ou des gens ordinaires, dans le sens noble du terme, pas dans le sens péjoratif...
M. Jean-François Girardet. ...des travailleurs !
M. François Baertschi. ...au lobby des travailleurs de ce canton ou des petites entreprises qui, elles aussi, ont besoin de protection, et pas uniquement au lobby de la profession médicale ! (Commentaires.)
Nous allons demander que ce texte soit renvoyé à la commission de la santé pour qu'il soit examiné avec précision et intérêt et pour que nous arrivions à obtenir une progression dans ce domaine-là, parce que nous sommes nous aussi intéressés à ce que les médecins évoluent dans de bonnes conditions, sans concurrence négative, et à ce qu'on les favorise, mais cela ne doit pas les concerner eux uniquement.
Le président. Il vous reste trente secondes.
M. François Baertschi. Cela doit aussi concerner d'autres professions, d'autres secteurs économiques... (Remarque.) ...ou d'autres castes de notre société, des gens plus modestes. On a tous le droit d'avoir cette protection face à une mondialisation qui est de plus en plus inquiétante. Merci, Monsieur le président, et désolé d'avoir un petit peu dépassé mon temps de parole.
Mme Jocelyne Haller (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, j'ai l'impression qu'on fait dire à cette motion beaucoup de choses qu'elle n'avait pas l'intention de dire. Ce que je peux y lire, et ce que mon groupe y lit, c'est moins une démarche protectionniste, comme cela a été suggéré par le MCG, qu'une mesure visant à faire en sorte que les droits des patients soient garantis et que ces derniers puissent bénéficier des informations auxquelles ils sont en droit de prétendre. (Remarque.) Il s'agit donc de s'assurer que les médecins sont en mesure de les leur fournir. Cela étant, je pense aussi que ce n'est pas parce qu'un médecin travaille aux HUG qu'il est dispensé de connaître tout le réseau de santé, parce que là aussi, quand il est face au patient, il est seul et ce n'est pas l'organisation qui répond pour lui. Il est donc important qu'il puisse donner de bonnes réponses, au même titre que dans d'autres situations, les patients doivent pouvoir accéder à ces informations concernant leurs droits. Je le répète, il ne s'agit vraiment pas d'une mesure protectionniste; il s'agit bien de parfaire la formation de tous les professionnels de la santé, parce que c'est bien cela dont il est question. Je vous remercie de votre attention.
Le président. Je vous remercie, Madame la députée. Je passe la parole à Mme la députée Salika Wenger.
Mme Salika Wenger. Non, non, c'est une erreur, Monsieur le président !
Le président. C'est une erreur, très bien. Je passe donc la parole à M. le député Bertrand Buchs.
M. Bertrand Buchs (PDC). Merci, Monsieur le président. Je tiens à remercier Mme Haller pour ce qu'elle vient de relever. Ce n'est pas du tout une question de protectionnisme ou de lobby des médecins. Je le répète, il s'agit du travail sur le terrain. Les gens ont besoin qu'on les aide et qu'on leur donne des réponses. Cela devient de plus en plus complexe. Ce que j'ai appris quand j'ai fait mes études n'a rien à voir avec les questions qu'on me pose maintenant: on m'amène des courriers, parce que certains ont souvent de la peine à lire le français, et beaucoup de gens venant d'ailleurs ne savent même ni lire ni écrire - on en parle peu, ici à Genève. Il faut aider ces gens-là, il faut lire leurs courriers et les leur expliquer. (Remarque.) Il y a un minimum de connaissances à avoir. Il faut soutenir cette motion. Je vous remercie.
Une voix. Bravo !
M. Jean-Charles Rielle (S). Chers collègues, très brièvement, vous transmettrez à mon collègue Bläsi, Monsieur le président, que je n'ai pas une confiance «aveugle» en M. Guinchard: je me suis basé sur sa pratique de plusieurs années à la tête de la DGS. Par ailleurs, je me suis mis dans la culture de la séance des extraits et j'ai été certainement trop bref. Je remercie donc mon collègue Selleger d'avoir développé le sujet. Enfin, je remercie spécialement ma collègue Haller d'avoir souligné et développé mes propos concernant la protection des patients et des usagers. Je vous remercie. (Remarque.)
Le président. Je vous remercie, Monsieur le député. La parole est maintenant à M. le conseiller d'Etat Mauro Poggia. (Le président prononce le nom de M. Mauro Poggia avec l'accent italien. Rires.)
Des voix. Ah ! (Commentaires.)
M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. Eh ! (M. Mauro Poggia fait un geste des mains typiquement attribué aux Italiens. Rires. L'orateur rit.) Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, vous savez que je partage les préoccupations de cette motion, parce qu'il s'agit effectivement de protection des patients. Nous l'avons bien compris, il s'agit de donner aux patients qui consultent ces médecins installés chez nous avec une autorisation ad hoc la possibilité de recevoir des informations correctes. Je me demande toutefois si l'ensemble des médecins qui pratiquent sur notre territoire ont une connaissance suffisamment précise de ce que l'on nomme dans cette motion les «bases du système de santé local et son organisation». Je vous dirais que même moi, qui fais cela tous les jours, je me pose des questions sur l'organisation de notre système de santé: est-ce que ce que j'en comprends est ce qu'en comprennent également les autorités fédérales ? Mais passons ce point !
Je ne vois évidemment aucune objection à ce que cette motion soit renvoyée à la commission de la santé. Je souhaiterais néanmoins vous indiquer qu'en 2009 mon prédécesseur qui avait la même préoccupation que moi - préoccupation qui était notamment de nature économique et qui était liée à l'accroissement des coûts de la santé induit par l'installation de nouveaux cabinets médicaux dépassant les besoins de notre population - avait demandé un avis de droit au professeur Guillod de l'Institut de droit de la santé à Neuchâtel pour savoir quelle était la marge de manoeuvre d'un canton à l'égard du droit fédéral. Il est vrai qu'à ce moment-là il avait renoncé à imposer des conditions supplémentaires. Il s'était battu - Genève était d'ailleurs le fer de lance de ce combat - pour que l'on puisse réintroduire une clause du besoin, comme on l'a appelée, qui a été supprimée le 1er janvier 2012 jusqu'au 30 juin 2013. Au cours de ces dix-huit mois, le nombre d'installations de nouveaux cabinets médicaux a explosé pour la simple raison que le canton s'est fait retirer le pilotage des installations. Depuis, une clause a été adoptée par le parlement, vous le savez, il s'agit de l'article 55A de la LAMal, pour une durée limitée de trois ans et qui arrivera à échéance le 30 juin 2016. J'ai appris que cette semaine le Conseil des Etats avait suivi le Conseil national en plénum mais qu'il n'avait malheureusement pas retenu l'amendement proposé par Mme Maury Pasquier, un amendement préparé par le canton de Genève qui visait à donner davantage de pouvoir aux cantons lorsque le dépassement de la densité d'installations médicales du canton était de 20% au-dessus la moyenne des installations en Suisse pour les spécialités concernées. C'est la clause transitoire qui a été pérennisée par le Conseil des Etats et nous aurons donc une clause du besoin. On me dira, mieux vaut cela que rien du tout, puisque certains voulaient retirer toute possibilité de limiter l'installation de nouveaux cabinets médicaux, considérant que les assureurs étaient mieux à même de se charger de ce pilotage en choisissant pour leur part les médecins avec lesquels ils souhaitaient travailler. Je ne vous fais pas un dessin, cela aurait signifié la suppression du libre choix du médecin. Fort heureusement, une majorité de ce parlement n'a pas suivi cette proposition. Nous disposons donc d'une clause qui permet aujourd'hui aux cantons de s'opposer à l'installation d'un nouveau cabinet si celui qui en fait la demande n'a pas eu trois années de formation postgrade en Suisse. Ce n'est pas grand-chose, mais c'est mieux que rien: cela nous permet d'éviter l'installation d'aventuriers, comme on les appelle, c'est-à-dire des médecins qui considèrent qu'il est peut-être plus intéressant de travailler à charge de la LAMal qu'à charge de la sécurité sociale... (Commentaires.) ...mais au-delà de cela, les moyens du canton sont évidemment limités.
La question qui se pose est donc la suivante: peut-on faire davantage ? Peut-on fixer au niveau cantonal davantage de conditions que celles fixées par le droit fédéral ? Je rappelle qu'il existe une loi fédérale sur les professions médicales universitaires dont l'article 36 précise quelles conditions peuvent être posées pour l'octroi de l'autorisation de pratiquer. Là, cet avis de droit dont j'ai parlé il y a un instant nous dit qu'au-delà des conditions fixées par le droit fédéral, malheureusement, le droit cantonal ne peut pas faire grand-chose. Je conçois néanmoins que ce sujet soit suffisamment important pour que l'on ne puisse pas le régler dans le cadre d'une séance plénière et c'est bien volontiers que je l'aborderai plus en détail avec les membres de la commission de la santé. Je vous remercie.
Le président. Je vous remercie, Monsieur le conseiller d'Etat. Je fais donc voter l'hémicycle sur le renvoi de cette proposition de motion à la commission de la santé.
Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 2188 à la commission de la santé est adopté par 68 oui et 9 abstentions.