Séance du jeudi 12 novembre 2015 à 17h
1re législature - 2e année - 10e session - 63e séance

M 2233
Proposition de motion de Mmes et MM. Christina Meissner, Bernhard Riedweg, Simone de Montmollin, Martine Roset, Thomas Bläsi pour préserver les cultures, l'environnement et le patrimoine
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session XIII des 13 et 14 novembre 2014.

Débat

Le président. L'ordre du jour appelle la motion 2233. Nous sommes en catégorie II, trente minutes. Madame Meissner, vous avez la parole.

Mme Christina Meissner (UDC). Merci, Monsieur le président. La pression sur le territoire est toujours plus forte et s'accroîtra encore dans le futur. Les zones agricoles spéciales - ZAS - ont été créées pour accueillir les activités agricoles nécessitant des constructions telles que hangars, poulaillers, porcheries, cultures sous serre indépendantes du sol de surface supérieure à 5000 mètres carrés, etc. Les techniques maraîchères des principales cultures sous serre ont évolué et sont devenues indépendantes du sol: on utilise des substrats artificiels ou naturels posés sur le sol, et les plantes sont directement alimentées par des systèmes de goutte-à-goutte... (Brouhaha.)

Le président. Madame Meissner, je vous interromps deux petites secondes car personne ne vous écoute... (Un instant s'écoule.) Poursuivez.

Mme Christina Meissner. Merci, Monsieur le président. Je vais tâcher de faire court, et si tout le monde fait court, peut-être parviendrons-nous à aller manger à temps ! Le canton de Genève est le seul de Suisse à avoir opté pour le principe de planification positive en définissant dans le plan directeur cantonal des périmètres de zones agricoles spéciales destinés à accueillir ces serres et autres installations nécessaires à la production agricole. A l'époque, la détermination de leur positionnement avait été dictée en tenant compte des exploitations existantes; or, avec le recul, force est de constater que d'autres emplacements dans le canton pourraient répondre à ces besoins. Le chauffage des serres, par exemple, pourrait profiter de la proximité d'installations productrices de chaleur, de même que la production de déchets organiques pourrait venir alimenter des installations de production de chaleur.

Aujourd'hui, il faut de grandes surfaces pour pouvoir rentabiliser les cultures sous serre. Ainsi, sur les 300 hectares de zones agricoles spéciales, seule une infime surface est effectivement occupée par les activités auxquelles elles sont destinées. Il serait donc tout à fait possible de reconsidérer la pertinence de leur implantation sans les remettre en question, et c'est ce que demande cette motion: elle invite le Conseil d'Etat, en collaboration avec la Fondation pour les zones agricoles spéciales, à repenser ce positionnement de manière plus judicieuse. J'attendrai tout de même la position des autres partis pour déterminer si nous la renvoyons directement au Conseil d'Etat ou si nous profitons d'auditionner en commission la Fondation pour les zones agricoles spéciales qui, en ce moment même, est en train de mener des réflexions sur ces zones. Dans le premier cas, nous demanderons au Conseil d'Etat de nous informer en conséquence, et cette motion pourra agir comme un appui à la fondation pour le travail de réflexion qu'elle est en train de mener. Je vous remercie de votre soutien.

M. Christian Dandrès (S). Mesdames et Messieurs les députés, je serai bref également. A l'occasion du traitement d'une modification de zones dans le village d'Arare, nous avons constaté qu'il y avait effectivement quelques incohérences et qu'il était nécessaire de repenser le système des zones agricoles spéciales; de ce point de vue, cette motion doit être soutenue. Maintenant, il est vrai qu'elle n'explique pas la solution qu'elle préconise, et c'est la raison pour laquelle il m'apparaît intellectuellement douteux de la renvoyer telle quelle au Conseil d'Etat, il me semblerait plus opportun de la renvoyer en commission. Je pourrais proposer la commission d'aménagement du canton, mais si quelqu'un formule une proposition préférable, comme la commission de l'environnement et de l'agriculture, le groupe socialiste pourrait s'y rallier.

Le président. Je vous remercie, Monsieur le député. Vous n'avez pas fait de demande formelle pour l'instant... (Remarque.) Si ? Une demande formelle de renvoi à la commission d'aménagement ? Très bien. Je cède la parole à M. le député François Lefort.

M. François Lefort (Ve). Merci, Monsieur le président. Cette motion invite de façon très pertinente le Conseil d'Etat «à maintenir les zones agricoles spéciales aux surfaces initialement prévues tout en repensant cependant leur localisation de manière plus judicieuse». Que signifie cette formulation extrêmement polie et élégante ? Elle signifie que lorsque les conflits d'utilisateurs entre l'aménagement, l'agriculture et le patrimoine, comme M. Dandrès vient de le mentionner, font que les ZAS ne sont plus utilisables, il faut trouver une compensation afin que les surfaces qui leur sont dédiées ne disparaissent pas et que les maraîchers puissent encore planifier de futures installations. Ne pas traiter ce problème aurait pour conséquence très simple et à très court terme de mettre en danger plusieurs entreprises maraîchères à Genève, voire de les faire disparaître.

Au-delà des habituelles proclamations en faveur des maraîchers que nous avons connues ces dernières semaines de campagne électorale, au-delà des incantations en faveur du produire et du consommer durable et local, il faut un peu de pratique cohérente afin de développer les cultures sous abri à Genève, et c'est justement dans les zones agricoles spéciales que ça se passe. Il s'agit de les développer de façon à augmenter la production vivrière à Genève, elle-même pourvoyeuse d'emplois locaux économiquement et écologiquement durables. C'est ce que demande tout simplement cette motion et, au contraire de mon collègue Dandrès, je soutiendrai - les Verts soutiendront ! - son renvoi direct au Conseil d'Etat car ses invites sont extrêmement claires et laissent suffisamment de latitude au Conseil d'Etat pour trouver une solution rapide à ce problème.

Mme Simone de Montmollin (PLR). Quand l'Etat s'occupe de planifier l'économie, ce n'est pas toujours pour le meilleur, et cette motion en est la conséquence: elle illustre l'inadéquation qui existe entre le système mis en place pour ces zones agricoles spéciales et la réalité à laquelle sont confrontés les exploitants de ces zones, et ce pour au moins deux raisons. Tout d'abord, une raison générale qui a trait à la planification imposée par la révision de la LAT de 1998. En effet, les critères instaurés sont loin de la réalité actuelle des zones agricoles spéciales. La planification d'alors était essentiellement fondée sur des critères agricoles et de paysage mais certainement pas de rentabilité et de productivité, ce qui pose d'énormes problèmes puisque dans ces zones sont développées avant tout des activités économiques soumises aux contraintes du marché.

La deuxième raison a trait à la planification positive que le canton a décidée, laquelle impose des périmètres choisis à l'époque selon des critères d'ancienneté: le fait que certaines serres existaient déjà à certains endroits a conditionné ces périmètres. Or on voit aujourd'hui qu'il est nécessaire de considérer d'autres priorités - énergétiques, d'infrastructure, de mobilité et autres - mais on constate aussi que certains périmètres font concurrence à d'autres, déjà définis, comme le PACA Saint-Julien pour la zone agricole spéciale de la plaine de l'Aire. Ainsi, il y a d'énormes difficultés pour arrimer ces deux systèmes: les périmètres définis ne correspondent pas aux besoins des professionnels et même si ces zones sont réservées aux cultures spéciales, elles ne peuvent pas profiter directement aux exploitants puisqu'elles ne correspondent en rien aux critères.

Comme Mme Meissner l'a évoqué, une réflexion est menée en ce moment par la Fondation pour les zones agricoles spéciales, et parallèlement à cela va avoir lieu à Berne la deuxième révision de la LAT. Il me semble donc urgent d'agir et préférable de ne pas attendre, de ne pas passer par une commission mais de donner immédiatement mission au Conseil d'Etat de travailler rapidement avec la fondation pour trouver des pistes et harmoniser ce qui va se passer à Genève avec ce que Berne va décider. C'est la raison pour laquelle nous proposons un renvoi direct au Conseil d'Etat.

Mme Martine Roset (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, les zones agricoles spéciales découlent d'une planification voulue par ce parlement - cela a été largement expliqué, je ne vais pas m'étendre là-dessus. Aux yeux du PDC, deux problèmes se posent aujourd'hui. Tout d'abord, des projets de tram dans la plaine de l'Aire, des plans de sites inconstructibles, des renaturations, etc., empiètent sur ces zones, sans compensation. Ensuite, la question des coûts énergétiques est primordiale, principalement pour les cultures sous serre et maraîchères. L'emplacement des ZAS n'est pas optimal pour pouvoir recourir à des énergies plus économiques. C'est pourquoi le temps est venu de se poser la question de la justesse de cette planification. Le groupe PDC votera le renvoi de cette motion au Conseil d'Etat.

Mme Christina Meissner (UDC). Je voudrais juste remercier l'ensemble des groupes pour leur soutien et demander le renvoi direct de ce texte au Conseil d'Etat.

M. Luc Barthassat, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je serai bref car je crois que tout a été dit. Cette motion demande davantage de flexibilité, c'est le point positif à retenir par rapport à tout ce qui a été cité dans cette assemblée. Il serait judicieux que vous nous renvoyiez cette motion afin que nous puissions vous informer de ce qui se fait, de ce que nous voudrions faire et surtout de tout le travail mené à l'échelle de la Confédération. Je vous remercie.

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs, je vous invite tout d'abord à vous prononcer sur la demande de renvoi à la commission d'aménagement.

Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 2233 à la commission d'aménagement du canton est rejeté par 62 non contre 2 oui.

Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 2233 à la commission de l'environnement et de l'agriculture est rejeté par 55 non contre 14 oui.

Mise aux voix, la motion 2233 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 64 oui et 3 abstentions.

Motion 2233