Séance du
vendredi 18 septembre 2015 à
15h10
1re
législature -
2e
année -
8e
session -
51e
séance
M 2217-B
Débat
Le président. Nous passons à la M 2217-B, et la parole revient à Mme la députée Frédérique Perler.
Mme Frédérique Perler (Ve). Merci, Monsieur le président. Si vous le permettez, j'aimerais au préalable vous poser une question s'agissant du point actuel et des deux prochains, à savoir les M 2217-B, M 2219-B et P 1917-B. Puisque la réponse du Conseil d'Etat est sensiblement la même pour ces trois objets, seriez-vous d'accord que nous ne fassions qu'un seul débat là-dessus ?
Pour les Verts, les réponses du Conseil d'Etat sont irrecevables, notamment sur un chapitre assez précis intitulé «Absence d'effet incitatif». En effet, nous considérons que le texte tel que rédigé est purement et simplement du vitriol tant à l'égard des professionnels de l'action sociale que des usagers. Un certain nombre d'éléments sont remis en question, notamment concernant le contrat d'aide sociale. On nous apprend ici que 95% des bénéficiaires perçoivent le maximum tout en induisant une interprétation selon laquelle une pression telle serait mise sur les professionnels que l'entier de ce CASI serait obtenu. Pour les 5% restants, cela signifierait donc que ce seraient les seuls usagers qui s'inscriraient dans une dynamique positive de ce contrat CASI, qui n'est au fond rien d'autre qu'un projet de vie et d'insertion à l'appréciation des professionnels. Dans ce sens-là, cela jette l'opprobre sur ces mêmes professionnels.
De plus, Monsieur le président, s'agissant de la dernière phrase expliquant que les nouvelles normes appliquées depuis le dernier vote du budget, soit depuis sept mois, de septembre 2014 à mars 2015, démontreraient une meilleure gestion de l'Hospice général par rapport aux objectifs d'insertion, nous, les Verts, estimons qu'il faudrait peut-être nous démontrer la relation de cause à effet dans cette affirmation, le recul que nous pouvons avoir étant extrêmement mince puisqu'il s'agit seulement des derniers mois de l'année passée et des premiers de celle-ci. En conséquence, nous émettons un sérieux doute quant aux interprétations contenues dans ce chapitre en particulier, qui devrait être documenté de manière beaucoup plus étayée. Pour ces raisons, nous proposons de renvoyer ces deux motions ainsi que la pétition à la commission des affaires sociales.
M. Marc Falquet (UDC). Non, par pitié, ne renvoyons pas ces objets à la commission des affaires sociales ! On a déjà longuement traité du sujet, on ne va pas revenir encore dessus ! Il faut préciser que les économies en question ne sont pas des économies que l'Etat va faire puisqu'elles serviront à financer des plans de formation pour les gens à l'Hospice général. On ne va pas refaire tout le débat encore une fois ! Je propose d'accepter ces trois objets. Merci beaucoup.
M. Christian Frey (S). Le groupe socialiste appuiera la demande de renvoi formulée par la députée Perler, et ce pour plusieurs raisons. Il ne s'agit pas de refaire des discussions, Monsieur le député Falquet - vous transmettrez, Monsieur le président - mais de prendre au sérieux, dans la réponse du Conseil d'Etat, l'argumentation qui consiste à dire que de toute manière, il y a maintenant une réflexion à l'échelle suisse par rapport aux normes CSIAS, ces normes CSIAS qui vont sortir à un moment donné. La CDAS va se prononcer là-dessus et peut-être y aura-t-il de nouvelles normes au 1er janvier 2016, ce qui fera redémarrer la discussion.
Le renvoi à la commission des affaires sociales signifie simplement que ce n'est manifestement pas mûr, ces trois projets expriment tous une volonté très claire du parlement de revenir en arrière par rapport à la question du complément d'intégration. Dans le contexte de ces normes qui sont justement en train de s'élaborer et des études qui ont été faites et sont mentionnées dans le rapport du Conseil d'Etat, il s'agit d'arriver à quelque chose non pas de définitif - rien n'est définitif ici-bas, comme vous le savez - mais qui tienne la route et ne soit pas remis en question par des décisions ou des options qui pourraient se prendre au début de l'année prochaine. Le groupe socialiste vous recommande d'accepter la demande de renvoi à la commission des affaires sociales. Je vous remercie.
Mme Jocelyne Haller (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, contrairement à ce qui vient d'être prétendu, tout n'a pas été dit lors des travaux relatifs à ces deux motions et à cette pétition, encore moins lorsque l'on considère le rapport du Conseil d'Etat qui vient affirmer un certain nombre de choses sans donner le moindre élément d'explication sur la méthode ou les critères qui lui ont permis de déterminer que parce que 95% des personnes perçoivent un supplément d'intégration, cela signifie qu'elles ne le méritent pas. De la même manière, entre le 1er avril et le 23 juillet, date du dépôt de son rapport, il aurait donc été en mesure de déterminer qu'aller dire à des usagers qu'ils allaient recevoir 75 F de moins par mois était plus aisé que de pratiquer une mesure qui, d'emblée, avait été dénoncée par les travailleurs sociaux ?
Ne répétons pas les erreurs du passé; en 2005, on n'a pas tenu compte des avis exprimés par les professionnels quant à la non-pertinence de sortir une partie du forfait de base pour en faire un supplément d'intégration attribué au mérite, on prétendait vouloir développer des prestations incitatives au moment où l'intégration professionnelle devenait de plus en plus difficile. Alors tenons compte de tous ces éléments ! Aujourd'hui, si on apprend que le Conseil d'Etat envisage de réintégrer le supplément d'intégration dans le forfait de base, ce serait plutôt une bonne nouvelle pour autant qu'il s'agisse de l'intégralité du supplément d'intégration, à la hauteur qu'il avait avant le mois de juin 2014. Pour tous ces motifs, nous soutiendrons la demande de renvoi en commission. Je vous remercie de votre attention.
Une voix. Bravo !
M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, nous revenons sur un sujet qui a fait couler beaucoup d'encre et de salive, notamment lors de l'acceptation du budget 2015, puisque, vous vous en souvenez, le Conseil d'Etat vous proposait de réduire de moitié ce supplément d'intégration, de le faire passer de 300 F à 150 F, qui seraient versés systématiquement à tous les bénéficiaires et, sur cette différence «économisée», entre guillemets, de 150 F, d'en attribuer 50 - ce qui représentait quand même quelques millions - à des mesures complémentaires d'aide au retour à l'emploi en faveur des personnes défavorisées. Votre Grand Conseil n'en a pas voulu, il a considéré que ce supplément d'intégration devait être porté à 225 F et versé systématiquement à tous les bénéficiaires, c'est-à-dire tout de même une réduction de 75 F par rapport à la situation antérieure. Nous vous avons dit que pour pouvoir revenir vers vous et vous faire des propositions, il nous fallait attendre de connaître la position de la CSIAS, qui avait adopté un nouveau processus de concertation avec les pouvoirs politiques, notamment la CDAS, laquelle se réunit d'ailleurs lundi prochain pour examiner les dernières propositions de la CSIAS et communiquera certainement sur ce sujet.
Il faut savoir que le forfait de base actuel à Genève est légèrement inférieur à celui que propose la CSIAS, puisqu'il est de 977 F par mois en lieu et place de 986 F, donc une différence de 9 F que nous pourrions bien sûr combler pour nous trouver au niveau des normes de la CSIAS. Par contre, en ce qui concerne le supplément d'intégration, les normes de la CSIAS proposent aux cantons une fourchette comprise entre 100 F et 300 F, étant précisé que Genève est clairement dans le haut de la fourchette avec 225 F - même avec 225 F ! - par mois. J'ai bien entendu qu'une partie de cet hémicycle, à gauche, verrait d'un très bon oeil que l'on supprime totalement le supplément d'intégration pour autant que le montant intégral soit reporté sur le forfait de base, je comprends l'opération arithmétique qui vise finalement à maintenir le statu quo et même à l'ancrer définitivement dans la situation en ne donnant plus aucune marge de manoeuvre aux assistants sociaux, lesquels devraient précisément utiliser ce supplément d'intégration pour inciter les personnes qui en ont la volonté et la possibilité - parce que, dans ce domaine, vouloir n'est pas toujours pouvoir - à réintégrer le marché de l'emploi. Nous viendrons avec une proposition qui rétablira peut-être la fourchette de 100 F à 300 F mais laissera à ce moment-là une marge de manoeuvre et ne prévoira donc pas un arrosage systématique, si vous me passez l'expression, du montant maximum. Je pense que ce supplément d'intégration doit bien servir à ce pour quoi il a été mis en place, son nom l'indique clairement, c'est-à-dire à inciter les personnes à retourner dans le marché du travail et à les récompenser pour leurs efforts dans ce domaine.
C'est dans ce sens-là que notre assistance sociale doit désormais s'orienter, tout le monde en est conscient, et je pense qu'à force de marteler le sujet - je ne suis pas le seul à le faire - il y a une prise de conscience au sein de ce parlement quant à la problématique à laquelle nous sommes confrontés, à savoir une hausse importante des prestations dans le domaine de l'aide sociale, non pas seulement parce qu'il y a plus de bénéficiaires, ce qui est le cas, mais aussi parce que les prestations par bénéficiaire augmentent, parce que la différence entre ce dont les personnes disposent comme moyens et les charges minimales est plus importante. Si nous voulons maintenir notre Etat social ainsi que des prestations dignes de ce nom sur le long terme, nous devons réfléchir en prenant en compte les moyens dont dispose et disposera notre collectivité durant les années à venir, et nous reviendrons le moment venu sur cette question. Pour ce qui est d'un renvoi en commission, Mesdames et Messieurs les députés, vous pouvez évidemment le faire et m'auditionner à nouveau; vous ne m'entendrez pas dire autre chose que ce que je vous dis ici et ce que l'ensemble de la CDAS dira la semaine prochaine à l'issue de l'examen des normes de la CSIAS. Je pense qu'il y a suffisamment d'objets urgents à traiter au sein des commissions de ce Grand Conseil pour ne pas revenir prématurément sur un sujet dont la commission des affaires sociales sera de toute façon saisie prochainement par le Conseil d'Etat. Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Nous sommes saisis d'une demande de renvoi à la commission des affaires sociales, que je mets aux voix.
Mis aux voix, le renvoi du rapport du Conseil d'Etat sur la motion 2217 à la commission des affaires sociales est rejeté par 53 non contre 28 oui.
Le Grand Conseil prend donc acte du rapport du Conseil d'Etat sur la motion 2217.