Séance du
jeudi 27 août 2015 à
14h
1re
législature -
2e
année -
7e
session -
47e
séance
M 2153
Débat
Le président. Nous en sommes à la proposition de motion 2153. Nous sommes en catégorie II, trente minutes. Je cède le micro à l'auteure, Mme Irène Buche.
Mme Irène Buche (S). Merci, Monsieur le président. Le parti socialiste a déposé cette motion en 2013 en réaction au refus quasi systématique de l'Etat de Genève d'exercer son droit de préemption et suite à ses décisions d'empêcher certaines communes de le faire - je pense en particulier à celles de Chancy et de Chêne-Bourg. Aujourd'hui, cette motion est toujours d'actualité: la pénurie de logements reste dramatique et le nombre de LUP n'a que peu augmenté. Au 31 décembre 2014, le parc de LUP ne correspondait qu'à 9,65% du parc locatif contre 9,29% au 31 décembre 2011. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) C'est là qu'on se rend compte que les choses n'ont pas beaucoup avancé, et je rappelle que l'objectif prévu par la loi est un parc de LUP correspondant à 20% du parc locatif. La surface de terrains acquis par la FPLC a certes augmenté de près de 40 000 mètres carrés en 2013, mais elle a chuté drastiquement à 5416 mètres carrés en 2014. Là encore, on voit que l'objectif n'est pas atteint et c'est très inquiétant. Vous trouverez tous ces chiffres dans le rapport d'activité LUP 2014. Il ressort également de ce rapport - c'est ce qui nous intéresse dans le cadre cette motion - que l'Etat n'a jamais exercé son droit de préemption légal en 2014, alors que 128 dossiers lui ont été soumis. Les raisons exposées à la page 12 de ce rapport sont particulièrement obscures; on ne comprend pas pourquoi aucun des 128 dossiers n'a trouvé grâce aux yeux du Conseil d'Etat. Ainsi, la première invite de la motion qui demande au Conseil d'Etat un rapport détaillé est parfaitement justifiée. Quant aux deuxième et troisième invites, elles sont également justifiées par la grande difficulté rencontrée à Genève de construire des logements, en particulier des LUP. (Brouhaha.) Le nombre de terrains à disposition de l'Etat, des fondations et autres organismes qui construisent des logements d'utilité publique est clairement insuffisant. Il faut maintenant que l'Etat mette tout en oeuvre pour assurer une plus grande maîtrise du sol et qu'il respecte enfin son engagement pris en 2006 de mener une politique foncière active. Nous sommes d'ailleurs convaincus que le refus de l'Etat d'exercer son droit de préemption ces dernières années a fait perdre aux Genevois de nombreuses et précieuses opportunités pour la construction de logements. Cette motion vise à un examen et je demande donc le renvoi à la commission d'aménagement du canton. Je vous remercie.
M. Rémy Pagani (EAG). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, je trouve que cette motion est extrêmement importante, car elle nous permet non seulement une maîtrise foncière qui donne les moyens à l'autorité d'agir comme meneuse dans le cadre des PLQ, de l'aménagement et dans le cadre de la construction de logements, mais aussi d'agir comme propriétaire. Je rappelle qu'aujourd'hui, certains promoteurs refusent en l'état d'acheter des terrains ou n'ont même pas l'opportunité d'en acheter, parce que cela revient à immobiliser de l'argent pour on ne sait combien de temps; ce sont des investissements très longs à rentabiliser. Certains promoteurs abandonnent même au bout de quelques années... (Brouhaha. Rires.) Merci, Monsieur Medeiros, d'être attentif ! (Le président agite la cloche.) ...et refusent d'acheter certains terrains car il leur faut au moins dix ou quinze ans, voire vingt ans avant de pouvoir obtenir un retour sur investissement. Le rôle de l'Etat est essentiel et je m'étonne toujours de le voir agir... Bon, cela a un peu changé quand même, il faut le dire, car auparavant l'Etat refilait le bébé et la patate chaude aux communes, et maintenant il est un peu plus proactif; toujours est-il que dans le cadre de PLQ, je m'étonne toujours... (Brouhaha.) ...de voir l'Etat agir un peu à la retirette alors qu'il devrait être proactif, parce que lui seul dispose des moyens d'investir de l'argent, y compris pour remettre des terrains à des fondations de droit privé, à des coopératives plus exactement, ou à des entités comme les fondations HBM ou des fondations communales. Il est nécessaire que l'Etat soit proactif car, je vous le rappelle, selon la petite enquête que nous avions effectuée en Ville de Genève, sur cent opérations de vente et d'achat, soixante voire septante faisaient l'objet de vente de particulier à particulier. Or dès le moment où c'est un jeune couple qui rachète ces terrains ou même des villas sur ces terrains, ils sont partis pour quarante ans, et c'est quarante ans d'immobilisme pour notre développement urbain. Nous sommes tous tombés d'accord tout à l'heure pour dire qu'il était essentiel de densifier et de construire dans notre canton. C'est en tout cas se donner les moyens de base que d'espérer une certaine maîtrise foncière pour réellement mettre en oeuvre cette politique de construction active d'immeubles. Je vous remercie de votre attention.
M. Christophe Aumeunier (PLR), député suppléant. Mesdames et Messieurs les députés, au fond, Mme Buche l'a relevé, des études sont réalisées quant aux opportunités d'exercer le droit de préemption, et ces études montrent qu'en définitive, dans les cas particuliers, il ne semble pas opportun de procéder à ces acquisitions. La question posée par la motion est autre: le texte soulève la question des achats automatiques et massifs. Alors pourquoi acheter automatiquement et massivement lorsqu'on ne sait pas ce que l'on détient ? Trois motions PDC interrogent le petit Etat, l'Etat au sens large et les entités de droit public afin de savoir ce qu'ils détiennent, de savoir quel est le potentiel à réaliser sur ce qui est détenu. Au fond, ce que nous savons déjà, en tout cas par le rapport LUP 2014, c'est que 118 000 mètres carrés ont été acquis. 118 000 mètres carrés par l'Etat et les fondations depuis 2008 ! 118 000 mètres carrés représentent au minimum 10 000 logements. Ont-ils été livrés ? La réponse est non. Le quart de ceux-ci a-t-il été livré ? La réponse est non. Le dixième de ceux-ci a-t-il été livré ? La réponse est non. (Remarque.) Est-il opportun de faire en sorte de donner des terrains à des entités publiques dont la vocation n'est pas de construire des logements mais de fixer des conditions-cadres pour construire du logement ? La réponse est non. C'est la raison pour laquelle nous vous proposons de refuser cette motion. (Remarque.)
M. Christo Ivanov (UDC). Je fais juste remarquer qu'aucun conseiller ou conseillère d'Etat n'est présent, ce qui est quand même assez affligeant ! En ce qui concerne la motion qui nous occupe sur le droit de préemption légal, mon préopinant Christophe Aumeunier a indiqué un certain nombre de faits, d'une part qu'effectivement trois motions ont été déposées par le groupe PDC sur ces questions, d'autre part que tout se trouve déjà dans la LGL. (Commentaires.) L'Etat n'a pas préempté en 2014 alors qu'il en a la possibilité, c'est vrai, il faut le reconnaître. L'Etat possède une réserve de terrains suffisante pour construire des LUP. Tout se trouve donc déjà dans la loi. Pour ces raisons, le groupe UDC refusera cette motion qui est obsolète. Je vous remercie.
Mme Christina Meissner (UDC). Le parti socialiste demande par cette motion d'exercer d'une manière systématique et massive le droit de préemption et part d'un exemple en réalité isolé, car l'Etat exerce son droit de préemption. Il est parfois même très actif dans ce domaine, et quelquefois il n'a même pas besoin d'exercer ce droit de préemption parce qu'il arrive à s'arranger pour que des promoteurs privés puissent acquérir aussi les terrains et construire des logements. (Brouhaha.)
Des voix. Chut !
Mme Christina Meissner. Le problème, c'est qu'il semblerait aussi qu'il y ait eu un cas à Chêne-Bougeries, une commune au demeurant quelque peu difficile, où il y aurait eu un désaccord assez profond entre certains conseillers municipaux, notamment socialistes, qui s'acharnaient sur ce cas avec leur conseiller administratif. Gageons qu'entre-temps, étant donné que des élections municipales ont eu lieu, les rapports entre Conseil municipal et Conseil administratif dans la commune de Chêne-Bougeries permettront de ne pas remonter jusqu'au Grand Conseil pour régler des affaires somme toute assez locales. (Remarque.) Enfin, concernant le fait que le droit de préemption n'est pas suffisamment exercé et que cela constituerait la source de l'absence de construction, j'aimerais encore ajouter que la construction dépend de bien d'autres facteurs que du droit de préemption. Posséder des mètres carrés ne veut pas dire pouvoir construire sur ceux-ci. En l'occurrence, je ne donnerai pas complètement tort au Conseil d'Etat par rapport à la politique qu'il mène aujourd'hui. (Commentaires.) En conséquence, cette motion sera refusée par le groupe UDC. (Commentaires.)
M. Olivier Cerutti (PDC). Mesdames et Messieurs, chers collègues, l'Etat doit veiller à deux choses dans le cadre de la motion présentée ici. Premièrement, il doit veiller à la mixité. On construit aujourd'hui avec une certaine mixité. Quand un PLQ se met en place, on parle donc souvent de LUP, d'HBM et aussi de PPE, même si cela peut être un gros mot pour certains. Mais veiller à la mixité relève quand même du rôle du Conseil d'Etat et je trouve qu'il le fait très bien au regard du développement des PLQ. Deuxièmement, il faut se rappeler que le droit de préemption est un droit relativement coûteux pour l'Etat car celui-ci doit faire mieux que le privé. Comment l'Etat fera-t-il pour faire mieux que le privé en construisant du logement social ? Je ne suis pas sûr, Monsieur Pagani, que vous ayez la réponse. Moi non plus. Le parti démocrate-chrétien vous demande donc de refuser cette motion. (Commentaires.)
M. Mathias Buschbeck (Ve). Monsieur le président, chers collègues, il n'est pas question ici d'accepter ou de refuser la motion puisque personne n'a demandé de vote immédiat. Il me semble que c'est un renvoi en commission qui est demandé actuellement, et les Verts pensent que c'est une excellente idée, puisque le premier point de cette motion demande un rapport détaillé sur l'exercice du droit de préemption. Il peut être intéressant pour tous les membres de ce Conseil d'avoir ce retour sur ce rapport détaillé et, dans ce sens-là, rien que le renvoi à la commission d'aménagement du canton - on a déjà eu l'occasion d'en parler à la commission du logement - permettra d'obtenir une explication sur l'utilisation du droit de préemption. Deuxièmement, on fait dire à cette motion des choses qu'elle ne contient pas: il n'est pas écrit qu'il faut acheter tout et tout le temps, dès qu'on le peut. Il lui est demandé de réévaluer quelque peu la façon dont le droit de préemption est actuellement mis en oeuvre à Genève, compte tenu du constat de sa si faible utilisation par les communes et le canton. Par conséquent, la question se pose: mais pourquoi cet outil est-il si peu utilisé ? On a pu en débattre à l'occasion du projet de loi des Verts sur le droit d'emption. On constatait les défauts du droit de préemption, à savoir qu'il permet de casser au dernier moment une transaction conclue entre un acheteur et un vendeur, ce qui est parfois malheureux puisque malgré tout l'investisseur a déjà eu un certain nombre de frais par rapport à cette transaction et que le vendeur était bien content de pouvoir se débarrasser de ce bien à ce moment-là. Il est vrai que le droit de préemption comporte ce défaut-là, et peut-être faut-il l'améliorer. Pour toutes ces raisons, je pense qu'effectivement une évaluation est nécessaire et, Mesdames et Messieurs, je vous prie de bien vouloir renvoyer cette motion en commission.
M. Daniel Sormanni (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, l'interrogation soulevée par cette motion est intéressante parce qu'effectivement il est quand même utile que la collectivité publique, en l'occurrence l'Etat, puisse exercer son droit de préemption, et je regrette aussi qu'il ne le fasse que peu - encore que cela ait quelque peu évolué. Je crois que l'objectif est bel et bien de pouvoir ensuite remettre ces terrains soit aux fondations immobilières de droit public, soit aux fondations communales; afin d'améliorer la politique du logement, l'Etat devrait se montrer un peu plus proactif. Un autre problème lié à la loi est que lorsque l'Etat préempte, les communes disposent de trente jours, si je ne me trompe, pour se manifester. Or ce délai est très court et cela oblige les communes... Et très souvent on le reproche à M. Pagani - vous lui transmettrez, Monsieur le président - parce qu'on n'a pas le temps d'envoyer le projet à une commission et de réaliser une étude approfondie, le délai étant trop court, tout simplement ! Par conséquent, on doit venir directement en plénière et ouvrir un débat sur l'acceptation ou le refus d'une préemption, sa justification, le bon prix, etc. Je pense que c'est déjà une problématique récurrente, et très certainement, c'est exactement la même chose dans d'autres communes. Pour ce qui est du délai, il serait peut-être opportun de changer la loi. L'Etat dispose de soixante jours sauf erreur, et les communes ne disposent que de trente jours. Un certain temps est quand même nécessaire pour pouvoir étudier le projet et le renvoyer à une commission. Néanmoins, on se trouve devant une motion et nous sommes assez intéressés à ce que ce rapport soit réalisé; nous allons accepter le renvoi de cette motion en commission - à la commission du logement, je crois - de façon à l'étudier et à obtenir ce rapport pour ensuite faire le point. Il ne faut pas avoir peur d'ouvrir le débat et d'entamer une discussion. Cela ne préjuge ni de l'avenir, ni du passé, et je crois que c'est une bonne chose. En conséquence, le groupe MCG, je le répète, votera le renvoi de cette motion à la commission du logement afin d'obtenir ces rapports, de les étudier et d'examiner s'il est possible d'améliorer les mécanismes. (Commentaires.)
Mme Caroline Marti (S). Nous connaissons bien évidemment toutes et tous l'objectif inscrit dans la LUP concernant le taux de logements d'utilité publique fixé à 20% du parc de logements, or aujourd'hui - disons plutôt en 2014 puisque le rapport LUP de 2014 est sorti très récemment - malgré une année record selon le département en matière de construction de LUP, nous arrivons péniblement à 9,65% de logements d'utilité publique sur l'ensemble du parc de logements, ce qui est extrêmement peu. On note également une augmentation minime entre 2011 et 2014. Force est de constater que nous avons encore beaucoup de pain sur la planche. Aux yeux des socialistes, il serait donc irresponsable de laisser la construction de LUP au bon vouloir des promoteurs privés et en ce sens, il est absolument nécessaire de mettre des terrains dans les mains des fondations immobilières de droit public ainsi que des coopératives pour assurer la construction de ces logements d'utilité publique. A ce titre, le droit de préemption est un outil fondamental de maîtrise foncière, nécessaire à la construction de logements d'utilité publique. Cette motion qui date de 2013 nous dépeint une situation relativement alarmante avec un droit de préemption quasiment pas utilisé - une seule fois en 2011 - et un bref regard sur la situation actuelle nous montre qu'il n'y a pas eu d'évolution en 2014, puisque au cours de cette année le droit de préemption n'a jamais été utilisé malgré les 128 dossiers étudiés. Je remercie M. Buschbeck qui nous a rappelé le débat que nous avons tenu il y a quelques mois sur le droit d'emption. Je remarque avec une certaine surprise que lors de ce débat, la majorité de droite qui s'opposait à l'introduction de ce droit d'emption louait le droit de préemption qui existait alors. Je trouve surprenant qu'une motion demandant simplement d'étudier et d'évaluer l'utilisation de cet outil provoque chez certains des députés un rejet aussi catégorique. (Brouhaha.) Cette motion, je l'ai dit, garde tout son sens étant donné que nous ne savons pas pourquoi ce droit de préemption, cet outil, est extrêmement peu voire pas du tout utilisé par le département à l'heure actuelle. Je vous recommande donc de renvoyer cette motion à la commission d'aménagement du canton pour étude. Je vous remercie.
Le président. Merci, Madame la députée. Je passe la parole à M. le député Bernhard Riedweg pour vingt secondes.
M. Bernhard Riedweg (UDC). Merci, Monsieur le président. L'Etat ne préempte pas. La raison de cette inactivité est que l'Etat manque d'argent. Il devrait le dire clairement, quitte à revenir sur ses engagements pris en décembre 2006... (Remarque.) ...de créer un parc de logements d'utilité publique correspondant à 20% du parc locatif cantonal. Merci, Monsieur le président.
Une voix. Bravo !
Le président. Je vous remercie, Monsieur le député. La parole n'étant plus demandée, je fais voter l'assemblée sur le renvoi de cette motion à la commission d'aménagement du canton.
Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 2153 à la commission d'aménagement du canton est rejeté par 41 non contre 33 oui et 2 abstentions.
Le président. Je vous fais donc voter sur la motion.
Une voix. Vote nominal !
Le président. Trop tard ! (Commentaires.)
Mise aux voix, la proposition de motion 2153 est rejetée par 48 non contre 39 oui.