Séance du
jeudi 27 août 2015 à
8h
1re
législature -
2e
année -
7e
session -
45e
séance
R 779
Débat
Le président. Nous poursuivons le traitement des urgences avec la R 779, qui est classée en catégorie II, trente minutes. Je passe la parole à la première signataire, Mme Lisa Mazzone.
Mme Lisa Mazzone (Ve). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, vous n'êtes pas sans savoir que la commission de l'énergie du Conseil des Etats a voté en mai dernier une résolution visant à prévoir des mesures d'accompagnement pour notre énergie hydraulique suisse. Et si elle a décidé de planifier des mesures d'aide aux barrages suisses, c'est parce que leur santé financière est actuellement en danger, bien qu'ils représentent 60% de la production électrique de notre pays. C'est donc une production indigène qui a un immense potentiel et qui nous apporte énormément d'énergie, mais elle est mise à rude épreuve et à rude concurrence puisque, comme vous le savez... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...plusieurs éléments de la situation européenne, notamment, impliquent un prix de l'électricité au plus bas, ce qui pénalise nos barrages. En conséquence, des énergies plus sales ou qu'on achète ailleurs se taillent la part du lion, tandis que notre énergie hydraulique suisse subsiste difficilement dans ces conditions.
C'est la raison pour laquelle nous vous demandons d'accepter cette proposition de résolution, qui demande que l'on introduise... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...dans le coût de l'électricité ses externalités, à savoir la charge qu'elle produit, en matière environnementale notamment, mais aussi, quand on pense par exemple à l'énergie nucléaire, s'agissant des coûts qui seront nécessaires pour démanteler les centrales à terme. J'aimerais spécifier que cette résolution touche particulièrement le charbon allemand, qui connaît actuellement un regain de production et qui nous inquiète énormément, puisqu'il représente une pollution importante, qu'il ne peut accompagner dignement les énergies renouvelables, comme c'est le cas en Allemagne, et que nous devons, nous en Suisse, valoriser notre énergie hydraulique et non contribuer à la production de charbon allemand extrêmement polluant.
Dès lors, nous vous proposons d'inviter l'Assemblée fédérale à introduire une taxe sur l'électricité non renouvelable qui prenne en compte les externalités dans le coût de l'électricité. Nous vous suggérons également d'opérer des distinctions à l'intérieur de ces énergies non renouvelables, dites sales, en prévoyant par exemple des réductions pour l'électricité produite dans les centrales à gaz, car cette énergie-là ne nous semble pas représenter la même pollution et le même risque pour l'environnement.
Enfin, et je dirais que c'est là le plus important, la troisième invite propose d'allouer le produit de cette taxe aux économies d'énergie et aux énergies renouvelables, en favorisant l'économie locale. C'est sur ce point que je souhaite insister, parce qu'aujourd'hui il y a un potentiel de développement d'une économie locale, qui est d'ailleurs en route, grâce aux énergies renouvelables et aux économies d'énergie. En effet, vous le savez, nous avons énormément de rénovations à faire, notamment, qui vont mobiliser une partie de notre économie locale, et c'est pourquoi nous vous proposons d'introduire cette taxe et de la réinjecter dans l'économie verte et dans les économies d'énergie, afin de favoriser le tissu local et d'arrêter justement de payer chaque année plusieurs milliards de francs à l'étranger pour notre électricité, tout en mettant parallèlement en péril nos barrages suisses, qui sont notre force hydraulique, puisque, je le répète, ils constituent 60% de l'électricité produite aujourd'hui. Pour toutes ces raisons, je vous invite à soutenir cette proposition de résolution. (Quelques applaudissements.)
M. Benoît Genecand (PLR). Mesdames et Messieurs les députés, on sent que les écologistes ont un peu perdu le nord: il leur suffit aujourd'hui de mettre le terme «renouvelable» après «énergie» pour justifier toute taxe et toute subvention. Pourtant, les mêmes écologistes nous disaient il y a encore vingt ans que les choses allaient se régler d'elles-mêmes, le pétrole se raréfiant tellement qu'il allait devenir hors de prix. On était parti pour payer 200 dollars le baril, or tout ça ne s'est pas produit: le pétrole est à un prix qu'on n'a plus connu depuis une soixantaine d'années. On se gratte donc la tête, et on nous dit que c'est parce que ça n'intègre pas les externalités. Alors celui qui comprend ce que ça signifie peut se lever, parler devant cette assemblée et essayer de nous expliquer, mais moi je ne comprends pas ce que ça veut dire ! La réalité, c'est que le prix du pétrole est très bas.
Une autre réalité, Mesdames et Messieurs, c'est que le prix de l'électricité est extrêmement bas, et c'est là qu'on voit le paradoxe extraordinaire des politiques de gauche écologistes: si ce prix de l'électricité est bas, c'est parce que les Allemands ont décidé de mettre 20 milliards de francs de subventions par année dans leurs énergies renouvelables, tout en continuant à faire turbiner - pardonnez-moi l'expression - leurs centrales à charbon. Les Allemands produisent donc une électricité très peu chère, ils inondent le marché européen, ils le perturbent, et qu'est-ce qu'on dit en Suisse ? «Sauvons nos barrages et subventionnons nous-mêmes notre électricité !» Le parti de la décroissance nous dit donc, face à un phénomène de surproduction, qu'il faut subventionner et produire encore plus, parce que c'est local et bien de chez nous... Mesdames et Messieurs, c'est du grand n'importe quoi !
Quant à l'électricité hydraulique, c'était et c'est toujours notre fierté, c'est une force de la Suisse qui, pendant des années et aujourd'hui encore, a produit une électricité stable, servant de pile à toute l'Europe, et pendant des années, Mesdames et Messieurs, les producteurs d'électricité se sont enrichis de manière extrêmement puissante, ont fait des bénéfices, ont payé des taxes et ont distribué de l'argent aux communautés locales, mais manifestement ils n'ont pas tellement gardé d'argent pour les périodes où l'électricité est plus basse. Et puis pour sauver Alpiq, une entreprise privée, il faudrait que les écologistes viennent nous demander des taxes...
Le président. Il vous reste trente secondes.
M. Benoît Genecand. On va donc piquer de l'argent dans la poche des consommateurs pour sauver les grands producteurs qui n'ont pas su être prévoyants ?! Mesdames et Messieurs les députés, c'est un peu n'importe quoi: refusez cette proposition de résolution, laissez l'électricité gérer elle-même sa production et surtout n'entrez pas dans ce manège électoraliste. (Rires. Exclamations.)
M. Bernhard Riedweg (UDC). Cette proposition de résolution part d'un bon sentiment... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...mais elle ne tient pas compte, dans la fixation du prix de l'électricité en Suisse, de la loi de l'offre et de la demande. La forte chute des prix de l'électricité sur le marché européen a pour origine une meilleure gestion de la production et de la distribution de l'électricité en Suisse. Contrer cet état de fait fausse le prix de l'électricité. Mais il est vrai que les grands groupes suisses producteurs d'électricité provenant de l'hydraulique voient leurs marges diminuer drastiquement, phénomène qui les met en danger, étant donné qu'ils atteignent ou vont atteindre la limite de leur rentabilité. Economiquement parlant, la baisse du prix de l'électricité se répercute toutefois sur les coûts de production et de distribution des services et marchandises produits par des entreprises en Suisse, ce qui favorise la consommation et augmente le pouvoir d'achat de la population.
A long terme, il n'est pas concevable pour les producteurs d'électricité étrangers de vendre leur courant à l'exportation au-dessous de leur prix de revient, car cela les mènerait indubitablement dans une impasse.
Il est évident que, la nostalgie aidant, nous aurions tendance à défendre l'électricité produite par les centrales hydrauliques locales grâce à nos barrages. Mais soutenir l'industrie électrique suisse au travers de taxes prélevées sur les particuliers et les sociétés pour assurer une aide publique fédérale aux barrages signifierait qu'elle serait soutenue artificiellement, ce qui provoquerait une distorsion insoutenable de la concurrence si cette politique était appliquée à long terme.
Pour toutes ces raisons, nous vous demandons de refuser cette résolution.
M. Olivier Cerutti (PDC). Mesdames et Messieurs, chers collègues, on a tous pu voir il y a trois jours quels étaient les effets boursiers, notamment par rapport au dollar qui, à lui seul, a quand même perdu 1,7 point lundi soir, ce qui signifie qu'un portefeuille qui valait 30 000 francs suisses au début de l'année n'en valait plus que 28 000.
La répercussion du prix du baril de pétrole se faisait souvent en adéquation avec le prix du dollar et notamment du franc suisse. Dans ces circonstances, je vous laisse imaginer quelle sera l'évolution du prix de l'électricité et comment l'industrie hydroélectrique passera ce cap ! Mesdames et Messieurs, comment la Confédération réagira-t-elle au niveau du prix coûtant et, en finalité, quelle sera la dévaluation des actions qui, malgré tout, ont un impact sur le grand Etat du canton de Genève, notamment les Services industriels ?
C'est vrai, la promotion des grandes centrales hydroélectriques pose problème, et ce ne sont pas seulement les signataires - dont je fais partie - de cette proposition de résolution qui le disent: on pouvait également lire dans le dernier courrier du mois d'août de l'usam que nos centrales étaient effectivement en danger. La concurrence des subventions existe bel et bien, et l'Allemagne a fait chuter le prix de l'électricité à un niveau si bas que la puissance hydroélectrique suisse ne peut plus être rentable. Il y a donc un problème !
Mesdames et Messieurs, la population de notre pays est très attachée à ses barrages et en est très fière, elle est dès lors en droit de se poser ce type de questions. Entre imposition et subventions, les Chambres fédérales devront vraisemblablement débattre de ces principes, et elles le feront, je crois, dès cet automne, au travers de la Chambre des Etats. Trop de contradictions sur un marché fragile poseront inévitablement des problèmes économiques et, pour toutes ces raisons, cette proposition de résolution a du sens. Par conséquent, même si l'on n'est pas forcément d'accord avec tout ce qui est écrit, je pense que cette question doit être posée et le parti démocrate-chrétien vous invite donc à voter ce texte. (Applaudissements.)
Une voix. Bravo !
Mme Danièle Magnin (MCG). En ce qui concerne les énergies renouvelables, nous estimons que le canton et la Suisse ne font pas assez pour éviter que nous ayons à dépendre de l'étranger pour notre approvisionnement en énergie. Je vous rappelle que chaque fois que nous achetons par exemple du pétrole ou du gaz, au lieu de profiter des énergies dont nous disposons ici - qui peuvent être justement l'énergie hydraulique, voire le bois, pour ce qui est du chauffage - chaque fois que nous n'utilisons pas les panneaux solaires, qu'ils soient photovoltaïques ou à eau chaude, eh bien nous contribuons à dépenser de l'argent et à enrichir des pays qui ensuite prennent des positions politiques contre nous, contre l'Europe, contre la Suisse, et qui ont des valeurs différentes. Pour moi c'est un élément très important !
L'autre point très important a trait aux besoins de la population. Nous avons besoin d'une autonomie, et cela fait partie des besoins essentiels du peuple, des besoins situés tout en bas de la pyramide, si je me réfère par exemple à l'échelle de Maslow. Et le peuple, c'est chacun d'entre nous ! Aux yeux du MCG, il est donc absolument déterminant de soutenir l'énergie hydraulique produite en Suisse, même s'il faut l'aider un certain temps, tout en sachant qu'il y a quand même une menace, une épée de Damoclès, à savoir le réchauffement climatique et le fait que nous aurons moins d'eau et moins d'énergie.
Quoi qu'il en soit, il est essentiel que l'énergie soit soutenue et reste principalement aux mains des habitants de ce pays, et non pas d'actionnaires et de sociétés plus ou moins étrangères, dans lesquelles on a, ou pas, des participations. L'énergie ne doit pas être une question de marché: c'est un bien fondamental, comme la santé, l'éducation ou les routes, et c'est pour cela que le MCG votera cette proposition de résolution.
M. Roger Deneys (S). Mesdames et Messieurs les députés, les socialistes saluent cette proposition de résolution déposée par les Verts et cosignée par le PDC. C'est vrai que la question de la production hydraulique et de l'énergie renouvelable produite en Suisse est extrêmement importante aujourd'hui, mais les socialistes souhaitent quand même rappeler l'une des raisons principales de cette situation, à savoir le fait de considérer l'électricité comme un marché comme les autres, comme si l'on pouvait acheter de l'électricité produite par un petit producteur au coin de la rue, ou alors ailleurs dans une grande surface. En réalité, l'électricité n'est pas un bien comme les autres et ne doit donc pas être considérée comme une marchandise, et un marché ouvert comme celui que nous subissons aujourd'hui entraîne directement les conséquences que nous voyons au niveau des barrages et de l'électricité hydraulique suisses.
Mesdames et Messieurs les députés, je crois que l'un des enjeux principaux de la prochaine législature fédérale sera de garantir la production d'électricité par les barrages suisses ainsi que les énergies renouvelables dans notre pays. Ce n'est pas parce que nous connaissons aujourd'hui un excédent de production d'électricité que cela va durer ! Nous savons très bien que des risques majeurs subsistent quant à de futures pénuries, avec comme effet de potentielles augmentations massives de prix, et il n'est pas normal que les citoyennes et citoyens de ce pays soient soumis à de telles conditions de marché et ballottés d'un instant à l'autre, avec des prix extrêmement différents. Cette proposition de résolution est par conséquent particulièrement adaptée à la problématique actuelle.
La question de la production d'électricité renouvelable en Suisse est aussi extrêmement délicate. On sait que l'industrie solaire suisse a subi quelques déconvenues, notamment à cause de la baisse des prix, et c'est très dangereux en termes de production industrielle à long terme. Le savoir-faire helvétique est nécessaire pour garantir de futurs marchés aux industries suisses et nous devons donc favoriser cette production d'électricité renouvelable.
Par ailleurs, s'agissant des invites aux autorités fédérales, je ne peux m'empêcher d'être surpris par la formulation de la deuxième invite, qui vise à prévoir des réductions pour l'électricité produite dans des centrales à gaz. Quelques années après l'abandon par ce Grand Conseil d'une centrale à gaz...
Le président. Il vous reste trente secondes.
M. Roger Deneys. ...ici au Lignon - notamment avec des partis qui ont signé cette proposition de résolution, d'ailleurs - je m'en étonne un peu, et je trouve que la formulation n'est pas suffisamment claire pour dire qu'on souhaite une production provenant de sources propres et écologiques.
Mme Lisa Mazzone (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, et en particulier Monsieur Genecand, je constaterai trois choses. Premièrement, si pour notre part nous n'étions pas en campagne électorale fédérale quand nous avons rédigé ce texte, qui a été déposé en janvier 2015, il y en a d'autres dans ce parlement qui le sont, et pourtant ils ne semblent pas encore être adaptés au Conseil des Etats, puisque je rappelle que par 11 oui contre 1 non et 1 abstention la commission de l'environnement, de l'aménagement et de l'énergie du Conseil des Etats a décidé de mettre en place des mesures pour soutenir les barrages suisses.
Je constate deuxièmement qu'un PLR veut faire subir à notre économie locale une concurrence destructrice en matière d'emplois et de ressources, par le biais d'une distorsion du marché actuel, puisque les externalités ne sont pas prises en compte dans le prix de l'électricité. Or ce qu'on vous propose aujourd'hui, ce n'est pas une taxe à l'aveugle, mais une taxe qui permet de combler cette lacune quant à la prise en compte des externalités dans le prix. Et si nous opérons une distinction entre le gaz et les énergies fossiles de type charbon et autre, c'est parce qu'il nous semble que le gaz, à titre transitoire et sur présentation d'un certificat, doit pouvoir bénéficier de réductions, tout en étant quand même taxé, je le précise.
Et, troisièmement, je constate qu'un PLR ne recherche pas l'autonomie énergétique de notre pays, ce que je trouve pour le moins inquiétant, quand on a de grands enjeux d'approvisionnement énergétique au niveau international.
Le président. Il vous reste vingt secondes.
Mme Lisa Mazzone. C'est pourquoi je me réjouis qu'une majorité se dégage visiblement autour de ce texte et que nous puissions soutenir notre économie locale.
Le président. Je vous remercie, Madame la députée. Je passe la parole à M. le député Eric Leyvraz pour une minute vingt-deux.
M. Eric Leyvraz (UDC). Merci, Monsieur le président. Les barrages sont construits pour fournir de l'énergie pendant une centaine d'années. Dès lors, des variations de prix, ils en ont connu et ils en connaîtront encore, ce n'est pas une raison pour abandonner cette électricité qui est propre et qui permet à notre pays - c'est l'or blanc de la Suisse ! - de remplir son rôle en matière de diminution de production de CO2. En effet, quand on voit l'Allemagne, qui a des centrales non pas au charbon mais au lignite... Le résultat final est catastrophique !
L'UDC désire que les barrages suisses restent en mains suisses, or le danger qu'il y a actuellement, c'est de voir que les actions des grands groupes électriques baissent tellement que certains d'entre eux - par exemple EDF ou des groupes chinois - pourraient être intéressés par l'achat de ces barrages, car le prix va être extrêmement bas sur la bourse. Nous devons donc être particulièrement attentifs à ce sujet, car il faut absolument que notre énergie reste en mains suisses. En conséquence, je soutiendrai, avec une partie de mon groupe, cette proposition de résolution.
M. Rémy Pagani (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, je pensais que le PLR avait encore un point de vue un peu scientifique mais, visiblement, il s'en réfère à la main invisible et à l'autorégulation du marché... Or pour pouvoir préserver certains fondamentaux, notamment l'autonomie énergétique de notre pays, je trouve que s'en remettre à cette main invisible, à l'autorégulation du marché, comme cela a été exprimé ici, c'est faire prendre de gros risques aux générations futures. C'est croire que, parce qu'on laisse le renard dans le poulailler, il va préserver un certain nombre de poules ! Malheureusement, ce n'est pas ainsi que les choses vont se passer.
Il vient d'être dit qu'effectivement certains grands groupes s'intéressent à des barrages et auront l'occasion d'accaparer ce bien national, parce que l'électricité est peu chère actuellement et que les investissements qui ont été faits dans nos barrages sont aujourd'hui échoués. Cela étant, Mesdames et Messieurs, il ne faut pas se leurrer. Il a été calculé - et je me réfère aux scientifiques, qui nous donnent des directions dans cette matière - qu'avec l'éolien plus les cellules photovoltaïques, dans trente ans la planète entière pourrait être satisfaite en termes d'électricité. Mais il subsiste un problème, celui de l'accumulation, de la garantie d'accumuler l'électricité; les barrages peuvent faire l'objet de cette stratégie et pourront peut-être encore exister dans cinquante ans, sauf qu'il y a aussi une inconnue, dans la mesure où sont en train de se mettre en place des piles qui pourraient être introduites dans les caves des villas ou des immeubles, lesquelles remplaceraient avantageusement celles que représentent aujourd'hui les barrages, nos barrages hydroélectriques. Il existe donc le risque de voir nos barrages complètement inutilisés dans trente ou quarante ans en raison de ce système qui sera mis en place dans les immeubles ou les villas des uns et des autres. Alors effectivement, de grands progrès sont réalisés, et ce risque est là, existe, mais toujours est-il qu'aujourd'hui cette solution n'existe pas. Demain, les éoliennes et les cellules photovoltaïques produiront de l'électricité en bande, les barrages pourront servir d'accumulateur, et c'est pourquoi nous soutiendrons de manière ferme et déterminée la proposition de résolution de nos amis écologistes. Merci de votre attention.
Mme Danièle Magnin (MCG). Je voulais simplement ajouter ceci. A l'heure actuelle, lorsqu'on veut de l'électricité verte, on doit payer une taxe supplémentaire, et la résolution qui nous est soumise ici propose qu'il se passe exactement l'inverse, c'est-à-dire qu'on paie plus cher l'énergie sale et moins cher l'énergie propre. C'est aussi l'un des motifs qui semble tout à fait essentiel à un renversement de la manière de voir les choses et c'est pour cette raison que nous voterons cette proposition de résolution.
M. Antonio Hodgers, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, le Conseil d'Etat accueille avec bienveillance cette proposition de résolution qui, dans le fond, correspond à sa position, à la position qu'il a tenue auprès des autorités fédérales dans le cadre de la consultation sur l'ouverture du marché de l'électricité. En effet, le Conseil d'Etat est pour une concurrence, mais une concurrence loyale. Or en matière de marché des énergies, nous n'avons pas aujourd'hui en Europe et dans le monde les conditions d'une concurrence loyale. Pourquoi ? Parce que d'une manière générale, les énergies non renouvelables qui émettent du CO2 n'intègrent pas, dans leurs coûts de production, les impacts négatifs sur l'environnement, la société et surtout les générations futures - je reviendrai tout à l'heure sur ces externalités que certains députés ne comprennent pas - de même que la filière nucléaire ne couvre pas dans son coût du kilowatt/heure produit les frais de démantèlement et de traitement des déchets stockés qui, vous le savez, doivent l'être pour certains sur des centaines d'années.
Mesdames et Messieurs, l'externalité est une notion économique clé pour comprendre le débat énergétique qui nous concerne. Si une entreprise de production chimique déversait ses déchets dans la rivière qui alimente une ville comme Genève, ce serait intolérable et on dirait que cette entreprise ne peut pas, pour de simples raisons d'économies internes, déverser ses déchets. C'est une externalité qui, si elle n'était pas régulée, viendrait à être supportée par le contribuable et surtout par la santé des citoyens. De la même manière, quand les entreprises genevoises se plaignent à juste titre de la concurrence déloyale de certaines entreprises étrangères qui sous-paient leurs employés, on est face à une externalité sociale, que les milieux proches du PLR dénoncent d'ailleurs souvent en disant que les entreprises genevoises ont une responsabilité sociale et qu'elles ne peuvent pas être concurrencées. De la même manière encore, Mesdames et Messieurs les députés du PLR, la dette financière de notre canton est une externalité de la génération présente sur la génération future, et vous avez raison de critiquer une dette trop importante, parce que ce n'est qu'une externalité supplémentaire. En somme, les externalités des énergies non renouvelables amènent aujourd'hui une situation de concurrence déloyale, et c'est ce qui fait que les énergies renouvelables, qui sont aussi l'une des grandes forces, l'un des grands potentiels industriels de notre pays, ont de la peine à démarrer.
Contrairement à ce qui a été dit, les investissements dans le renouvelable en Allemagne, même s'il s'agissait de sommes importantes, ont très faiblement déstabilisé le prix du marché européen. En effet, 20 milliards, ce n'est qu'une goutte dans l'océan des marchés énergétiques ! C'est bien évidemment le ralentissement économique continental qui a fait chuter les prix de l'électricité, avec le corollaire du développement du gaz de schiste, notamment aux Etats-Unis, qui lui aussi a provoqué une chute du marché de l'électricité, avec des répercussions également sur le marché de production pétrolière.
Mesdames et Messieurs, la stratégie énergétique 2050 que le Conseil d'Etat soutient fermement est une stratégie économiquement réaliste, qui se base sur un développement endogène de nos entreprises et de ce qui fait la force de la Suisse, soit ses montagnes et donc ses barrages, son soleil, son vent aussi, en partie, et bientôt sa géothermie. Nous avons le devoir, sur une matière aussi particulière et délicate que l'approvisionnement énergétique, d'avoir une notion de souveraineté énergétique et de ne pas dépendre des marchés boursiers, qui certes sont aujourd'hui très bas, mais qui demain pourraient fortement remonter et, par là même, créer un frein à notre économie et à la qualité de vie de notre pays. C'est pourquoi cette proposition de résolution est somme toute assez modeste et assez logique dans le contexte actuel. Il s'agit de soutenir l'un de nos patrimoines que sont ces barrages, et le Conseil d'Etat vous invite par conséquent à voter cet objet pour le renvoyer à Berne, et vous pouvez également compter sur nous pour défendre cette position lors de nos contacts notamment avec Mme Leuthard.
Le président. Je vous remercie, Monsieur le conseiller d'Etat. Nous allons maintenant nous prononcer sur cette proposition de résolution.
Mise aux voix, la résolution 779 est adoptée et renvoyée à l'Assemblée fédérale et au Conseil d'Etat par 56 oui contre 20 non et 2 abstentions. (Applaudissements à l'annonce du résultat.)