Séance du
vendredi 8 mai 2015 à
17h15
1re
législature -
2e
année -
5e
session -
31e
séance
PL 11544-A
Premier débat
Le président. Nous traitons notre dernière urgence, le PL 11544-A. Nous sommes en catégorie II, trente minutes. Monsieur le rapporteur, vous avez la parole.
M. François Lefort (Ve), rapporteur. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés... (Brouhaha.) Mesdames et Messieurs les députés... (Brouhaha.)
Le président. Mesdames et Messieurs les députés ! (Le président rit. Brouhaha.)
Des voix. Chut !
Le président. Nous traitons un projet de loi et il s'agit d'un sujet assez important. Si vous pouviez écouter le rapporteur !
M. François Lefort. Oui, je comprends que ce projet de loi soit un peu moins disputé que le précédent. D'ailleurs, comme vous l'aurez remarqué, il n'y a qu'un rapporteur, puisque ce texte a été accepté à l'unanimité de la commission moins quatre abstentions. Ensuite, vous aurez également remarqué que c'est la première fois depuis un an exactement que nous recevons un projet de loi de déclassement qui concerne la zone agricole. Pourquoi ? Parce que le Conseil fédéral avait imposé un moratoire à Genève sur les déclassements, maintenu jusqu'à l'acceptation du plan directeur cantonal 2030; or celui-ci a été accepté avec réserves, mais accepté la semaine dernière. Ce projet de loi de modification de zones... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...est un projet nécessaire pour que le village de Satigny puisse faire face à l'accroissement de sa population et aux besoins en surfaces scolaires notamment. Satigny comptait 3000 habitants en 2007 et 4000 en 2013; cet accroissement va se poursuivre et doit être accompagné de la construction d'infrastructures publiques planifiées depuis 2007 dans l'élaboration du plan directeur cantonal. Ce projet de modification de zone est une initiative de la commune, il faut le rappeler, qui devrait répondre aux besoins d'une population en constante augmentation et qui augmentera selon les projets de densification prévus au plan directeur communal et au plan directeur cantonal. Ce déclassement a pour objectif d'agrandir le complexe communal école-mairie; il s'agit donc d'un agrandissement d'infrastructures existantes.
Concernant le déclassement de zone agricole, il est mineur: au total environ 5000 mètres carrés, dont 3700 mètres carrés de vigne et une ferme pour environ 2000 mètres carrés à proximité du village, ferme dont le propriétaire aimerait voir le bâtiment intégré dans la zone 4B protégée du village. Ce projet a fait en plus l'objet d'un concours retenu par le Conseil municipal en 2010, et la première infrastructure qui sera réalisée si le déclassement est voté est la nouvelle salle communale qui contiendra des salles de classe provisoires pour fournir des surfaces aux élèves dès la rentrée 2016. C'est un besoin urgent car en 2016, il n'y aura plus de classes libres à disposition dans les bâtiments existants. Ce projet a été accepté à l'unanimité par le Conseil municipal le 17 juin 2014. Etant donné que des voisins s'opposaient au déclassement d'une parcelle, la commission a dû modifier le projet en y soustrayant ladite parcelle, faute de quoi le projet d'école aurait bien sûr été retardé de plusieurs années. Cette parcelle n'étant plus concernée par le projet de loi, les oppositions sont caduques, et vous le voyez, Mesdames et Messieurs, l'urgence ici est de construire des salles de classe - ce n'est pas toujours le cas à Genève, mais c'est nécessaire à Satigny. La commission, comme je vous l'ai dit, a accepté ce projet de loi à l'unanimité et vous recommande de faire de même. Par contre, nous avons soumis au nom de la commission un amendement que vous avez trouvé hier sur vos tables, qui consiste en la suppression de l'article 5, une clause qui était nécessaire lorsque nous avons voté ce projet de loi en commission parce que le plan directeur cantonal n'était pas encore accepté. Maintenant qu'il l'est, cette clause est inutile et nous vous remercions donc de supprimer l'article 5. Voilà les explications concernant ce projet de loi auquel nous vous demandons de réserver le meilleur accueil.
M. Eric Leyvraz (UDC). Satigny est une commune qui s'est fortement développée, qui a joué le jeu et dont la population, maintenant de plus de 4000 habitants, a fortement augmenté. Cependant, le plan directeur cantonal n'est plus le même que celui que nous avons connu. Nous voulions 500 hectares de déclassement de terrains agricoles - en tout cas le plan cantonal, peut-être pas forcément les paysans - or nous ne pouvons en obtenir que la moitié. Par conséquent, aujourd'hui chaque mètre carré déclassé compte et nous en aurons besoin. Il semble quand même qu'on ne soit pas allé au maximum de la densification possible, et c'est pour cette raison que je demande le renvoi rapide de ce projet de loi à la commission d'aménagement du canton pour examiner la possibilité de densifier de meilleure manière. Il ne s'agit pas de perdre du temps, mais si on ne le renvoie pas en commission, ce projet de loi risque fort de connaître un référendum, la population étant très inquiète d'un projet quand même mégalomane: avec un budget de moins de 20 millions de francs, ce projet prévoit 60 millions de dépenses, c'est-à-dire trois budgets annuels. Imaginez un peu la tête que vous feriez si on vous proposait de dépenser 24 milliards pour des infrastructures ! La population est inquiète et, plutôt que d'accepter ce projet et de perdre du temps avec un référendum, vous avez meilleur temps de le renvoyer à la commission d'aménagement où il pourrait éventuellement être revu un peu à la baisse, puisqu'il serait plus condensé du point de vue du territoire.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le rapporteur François Lefort, concernant le renvoi en commission.
M. François Lefort (Ve), rapporteur. Merci, Monsieur le président. Je comprends bien que le vigneron de Satigny ne fasse pas partie des supporters de ce projet de loi de modification de zone. Mais ce n'est pas en nous demandant de le renvoyer à la commission d'aménagement du canton que nous allons réélaborer le projet d'agrandissement de l'infrastructure école-mairie. Nous sommes saisis ici d'un projet de loi de déclassement, et le Grand Conseil doit dire «oui, nous répondons à la demande de la mairie de Satigny» ou «non, nous n'y répondons pas», mais ce n'est pas en renvoyant ce projet de loi en commission que nous pourrons satisfaire de prétendus opposants parmi les habitants de la commune; je vous rappelle que ce texte a été accepté à l'unanimité par le Conseil municipal. Voilà, Mesdames et Messieurs, ne renvoyez pas ce projet de loi en commission !
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur. Je fais donc voter l'assemblée sur le renvoi du PL 11544-A à la commission d'aménagement du canton.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 11544 à la commission d'aménagement du canton est rejeté par 59 non contre 28 oui.
Le président. Nous poursuivons notre débat et je donne la parole à M. le député Jean-Louis Fazio.
M. Jean-Louis Fazio (S). Merci, Monsieur le président. Monsieur le président, chers collègues, le groupe socialiste votera ce déclassement. En effet, suite à l'effort fourni par Satigny ces dernières années en matière de construction de logements, cette commune a vu sa population croître considérablement et a fortement besoin de locaux scolaires, d'où le déclassement d'aujourd'hui, qui permettra dans un premier temps de créer des salles de classe sur cet espace destiné à devenir une salle communale. Lors d'une seconde étape, la commune pourra construire son demi-groupe scolaire à proximité. Nous vous invitons à soutenir cette commune dans son développement.
M. Benoît Genecand (PLR). Mesdames et Messieurs, connaissez-vous Mme Maria Lezzi ? Cela se prononce comme Petzi mais avec un «l». (Rires.) Lezzi. Il s'agit de la directrice de l'Office du développement territorial à Berne. (Commentaires.) Vous ne la connaissez pas mais subrepticement, administrativement, elle a pris le pouvoir sur notre aménagement. Si nous pouvons aujourd'hui délibérer sur l'acceptation ou non de ce déclassement, c'est parce que dans le rapport d'examen de l'Office fédéral du développement territorial sur le plan directeur cantonal Genève 2030, aux pages 29 et 30, ce changement de zone est mentionné explicitement. S'il ne l'était pas - ce qui en fin de soirée sera le cas du projet de loi concernant Perly - et que nous avions l'idée de déclasser la zone malgré tout, nous rencontrerions des problèmes. Mesdames et Messieurs, nous sommes face à un petit problème institutionnel, parce que tout d'un coup Berne se met à s'occuper de l'aménagement de Genève. Or s'il y a bien un domaine dans lequel on n'a pas à être soumis à un bailli, c'est celui de l'aménagement, parce qu'on s'est plutôt bien débrouillé. (Remarque.) Qu'on nous soumette à un bailli en matière de finances, qu'il soit fribourgeois ou bernois, je dirais que c'est une assez bonne idée, mais en matière d'aménagement, personnellement, cela me choque. (Remarque.) Vraisemblablement, il faudra retourner à Berne pour obtenir une explication sur la manière de concevoir l'Etat confédéral: qui a la compétence de faire quoi ? Parce que franchement, quand on lit ce rapport, on se dit qu'il y a une prise d'influence totalement disproportionnée sur notre prérogative de déclasser ou de ne pas déclasser.
Monsieur Leyvraz, le PLR n'a pas voulu renvoyer ce projet de loi en commission, car nous estimons que le travail de commission a été fait - bien fait en l'occurrence - et que la nécessité de construire cet équipement public, au vu de la croissance de la commune, est tout à fait justifiée. Je soulignerai en passant que Satigny a connu une croissance d'habitants de 40% en dix ans alors que celle du canton a été de 10% en dix ans. Une augmentation de 40% d'habitations, c'est énorme. Tout le monde comprend donc très bien le fait qu'il y ait des besoins d'infrastructure. Si vous avez un problème de densité et de budget au niveau communal, vous le traiterez au niveau communal. A nouveau, cela ne relève pas de notre prérogative. Nous soutiendrons donc ce déclassement.
Un dernier clin d'oeil avant de conclure: Satigny, c'est aussi notre collègue, Mme Roset, qui dans d'autres fonctions défend ardemment la zone agricole. J'espère donc qu'elle aura exactement la même approche quand il s'agira de soutenir le développement de Genève. Finalement un mètre carré, qu'il soit à Satigny ou ailleurs, a la même valeur. Il faut que nous soyons ensemble...
Le président. Il vous reste vingt secondes.
M. Benoît Genecand. ...sur cette vision du développement. Nous soutiendrons donc Satigny et nous attendons finalement que le développement soit soutenu par tous quand il se justifie, mais que...
Le président. Il vous faut conclure.
M. Benoît Genecand. Je conclus, Monsieur le président. ...nous retrouvions urgemment la capacité de manoeuvre que Berne, Mme Lezzi, nous a subrepticement enlevée. (Applaudissements.)
M. Francisco Valentin (MCG). Notre groupe s'était abstenu en commission et, pour les raisons évoquées tout à l'heure, nous demandons également le renvoi en commission au vu des nouvelles informations qui nous sont parvenues avec le plan cantonal 2030, sur lequel Berne a émis beaucoup de réserves, notamment concernant notre manière de déclasser la zone agricole. Je suis conscient que pour ce qui est de notre aménagement, Berne n'a pas à nous demander quoi que ce soit ou à nous commander, mais il y a là des impératifs qu'il me semble intéressant de développer. Pour cette raison, je demande le renvoi en commission. (Commentaires.)
Le président. Merci, Monsieur le député. Je donne la parole à M. le rapporteur concernant le renvoi en commission, toujours, j'imagine, d'aménagement du canton. (M. Valentin Francisco acquiesce.)
M. François Lefort (Ve), rapporteur. Merci, Monsieur le président. Effectivement, je confirme que le groupe MCG s'était abstenu. Mais, de façon beaucoup plus cocasse, le groupe UDC, lui, avait voté pour ce déclassement et je suis extrêmement étonné de ce changement d'attitude de la part d'un groupe qui participait à la majorité que je représente à cette table, Monsieur Leyvraz ! (Remarque.) Bien sûr, concernant le renvoi en commission, il est comme tout à l'heure hors de question de réélaborer ces travaux, parce que nous parlons ici d'une modification de zone, on ne parle pas du projet de construction.
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur. Je fais donc voter l'assemblée sur le renvoi en commission.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 11544 à la commission d'aménagement du canton est rejeté par 61 non contre 30 oui.
Le président. Nous poursuivons le débat, et je passe la parole à Mme Geneviève Arnold. (Commentaires.) Ah, c'est Martine Roset ! Je passe la parole à Mme la députée Martine Roset.
Mme Martine Roset (PDC). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, je ne pensais pas prendre la parole dans ce débat étant donné que je suis aussi la magistrate en charge de l'aménagement de la commune de Satigny. Néanmoins, certains des éléments qui ont été soulevés dans ce parlement sont inexacts et j'aimerais les rectifier. Concernant ces 3700 mètres carrés de zone agricole qu'on déclasse, j'aimerais préciser qu'ils ne se situent pas en surface d'assolement. Notre plan directeur cantonal 2030 s'est vu imposer des restrictions concernant les emprises sur les surfaces d'assolement, et en l'occurrence nous ne nous situons pas dans ce cas de figure, il faut être très clair sur ce point. Concernant la densification, il n'est pas question de logements ici, mais d'infrastructures publiques. Dans le périmètre dont l'aménagement a été soumis à un concours, je le rappelle, il est aussi prévu de construire un espace pour les manifestations. Evidemment qu'il n'est pas tellement possible de densifier un espace où on fêtera le 1er août et les promotions; néanmoins, j'aimerais quand même préciser que nous sommes à une densité de 0,6. Par ailleurs, cela a été dit, Satigny est la commune la plus jeune du canton, en termes de moyenne d'âge de ses habitants. Cela signifie que pour 4040 habitants exactement aujourd'hui, chaque année deux classes et demie d'élèves sont à accueillir. Nous avons inauguré il y a dix ans notre dernière école de seize classes; en 2016, elle sera pleine ! Que devons-nous faire de ces enfants ? Nous devons bien trouver des solutions, et la solution est effectivement la construction de ces bâtiments qui permettront d'accueillir des classes provisoires. Je précise également que la demande d'autorisation devant le département est pendante; nous n'attendons plus que le déclassement pour que cette autorisation soit délivrée. Les travaux sont déjà adjugés et cet été, si tout va bien, nous commençons les travaux. Pour ce qui est du budget communal, j'aimerais juste préciser - étant donné que cela a représenté un souci pour certains - que cet investissement chiffré à 20 millions est autofinancé à raison de 50%.
Concernant l'intervention de M. Genecand, vous transmettrez, Monsieur le président, j'ai bien entendu son message. (Applaudissements.)
M. Eric Stauffer (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, deux de mes préopinants ont parfaitement raison. (Commentaires.) Il est vrai qu'il faut construire des écoles; si la population augmente, évidemment, il faut bien réagir. Par contre, mon collègue M. Genecand a aussi raison: l'ingérence fédérale sur l'aménagement du territoire constitue un réel problème. Bien sûr, nous avons tous prêté serment, nous avons tous juré fidélité à la constitution et nous ne devons donc pas aller à l'encontre de la Confédération. Par contre, cela ne nous empêche pas de mettre les points sur les i et de faire entendre la voix des Genevois à Berne. A ce sujet-là, j'aimerais bien savoir ce que font vos groupes parlementaires à Berne, à part, pour certains, siéger dans des conseils d'administration de caisses maladie, j'en passe et des meilleures. Il y a quand même des sujets qui sont tout à fait primordiaux pour le canton de Genève et pour son avenir ! J'étais tenté de demander le renvoi de ce projet à la commission des affaires communales, régionales et internationales, mais je ne vais pas le faire parce que... (Remarque.) Oui ! C'est la commission des affaires régionales, cantonales et intergalactiques ! Mais pour aller taper du poing sur la table à Berne, en revanche, je vous annonce d'ores et déjà que le MCG acceptera toutes formes de déclassement, fussent-elles refusées par Berne. Nous verrons qui va gagner le bras de fer ! Car je veux bien que Genève soit un des quatre cantons contributeurs, mais il faudrait que Berne ouvre les yeux et examine un peu la démographie genevoise parce que nous, nous la vivons au quotidien et nous ne sommes pas dans les petits salons feutrés ou dans les bureaux des fonctionnaires fédéraux. Nous ne sommes pas... (Commentaires.)
Le président. Il vous reste trente secondes.
M. Eric Stauffer. ...dans la théorie. Nous, nous sommes dans la pratique ! Je vais conclure, Monsieur le président. Le MCG acceptera donc, comme l'a dit mon collègue M. Genecand, un autre projet de déclassement qui, lui, ne devrait pas être avalisé par Berne, et ce bras de fer aura lieu ! Ce qui tombe bien: étant donné que les élections fédérales auront lieu à la fin de l'année...
Le président. Il vous faut conclure.
M. Eric Stauffer. ...nous aurons l'occasion de découvrir la performance des groupes.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole n'étant plus demandée, je fais voter l'assemblée sur l'entrée en matière.
Mis aux voix, le projet de loi 11544 est adopté en premier débat par 76 oui et 11 abstentions.
Deuxième débat
Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés, de même que les art. 1 à 4.
Le président. Nous sommes saisis d'un amendement à l'article 5 qui consiste en l'abrogation de cet article. La parole n'étant pas demandée, je vous fais voter sur cet amendement. (Commentaires.)
M. Eric Stauffer. Excusez-moi, Monsieur le président, mais pour information, nous avons un problème technique: notre collègue a appuyé deux fois très fortement sur le bouton et cela ne fonctionne pas, alors au cas où, il faudrait prendre en considération son vote.
Le président. Nous vérifierons. Je vous fais donc voter sur cet amendement.
Une voix. Je ne peux pas voter ! (Commentaires.)
Mis aux voix, cet amendement (abrogation de l'art. 5) est adopté par 77 oui et 11 abstentions.
Troisième débat
La loi 11544 est adoptée article par article en troisième débat.
Mise aux voix, la loi 11544 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 78 oui et 13 abstentions.