Séance du
jeudi 7 mai 2015 à
20h30
1re
législature -
2e
année -
5e
session -
29e
séance
M 2267
Débat
Le président. Nous passons à notre première urgence, la proposition de motion 2267. Nous sommes en catégorie II, trente minutes. Je passe la parole à son auteur, M. Boris Calame.
M. Boris Calame (Ve). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, nous traitons de la motion 2267, issue d'une réflexion qui remonte à notre dernière session parlementaire. Rappelez-vous: nous étions ensemble ici le 19 mars dernier, et notre premier sujet de discussion, nous en parlions tous, était de savoir quelle était la raison de cette odeur sur la ville, en fait un incendie majeur au centre de Genève. Notre source commune d'information était la «Tribune de Genève» en ligne, ou encore les médias radio qui en parlaient, mais pas d'information directe à la population. Un peu plus tard dans la journée, ma maman me disait que ça sentait le brûlé chez elle, et que même si elle avait aéré son appartement, l'odeur était tenace. Par chance, le niveau de toxicité n'était pas trop important.
Un autre exemple de manque d'information à la population date de pas plus tard que ce week-end, où nous avons eu droit... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...à la crue centennale - ou peut-être même plus encore - de l'Arve. Mais où trouver des informations ? Vu que la «Tribune de Genève» ne travaille pas vraiment à cette heure et que le site de l'Etat est mis à jour uniquement la semaine, et alors même que le fameux plan OSIRIS a été activé, il n'y avait aucune information facilement accessible pour la population. Nous nous devons d'y remédier. Nous demandons donc par cette motion de faire un point de la situation actuelle et de l'information proposée à la population en cas d'incident ou d'accident majeur, et nous voulons nous assurer qu'un système efficace et efficient aura pu être mis en place prochainement dans notre canton. Pour cela, nous vous invitons à renvoyer cette motion directement au Conseil d'Etat afin qu'il rende un rapport et que ces travaux puissent ensuite être continués en commission. (Quelques applaudissements.)
Mme Christina Meissner (UDC). En ce qui concerne le groupe UDC, disons d'abord que si cette motion a effectivement été déposée suite à un accident qui s'est produit en plein centre-ville, nous tenons à souligner que nous ne mettons pas en cause les moyens mis en oeuvre sur le terrain par les services de l'Etat et le Service d'incendie et de secours, le SIS, pour répondre à cet accident: ils ont été tout à fait corrects et nous les saluons. Par contre, et c'est ce que cette motion demande et précise, il n'est pas normal qu'en matière de communication - nous en avons encore eu la preuve ce week-end avec les inondations - des médias soient les mieux informés et les plus à même d'informer la population. Il y a une responsabilité, que l'Etat doit assumer, en matière d'information de la population. Il existe des moyens modernes de communication à travers les réseaux sociaux, à travers nos téléphones portables, et il s'agit de les utiliser.
Contrairement aux Verts, nous pensons cependant qu'il serait nécessaire de renvoyer cette motion en commission, ne serait-ce que pour que l'Etat nous explique de quelle manière il communique et quels moyens il utilise, pour que nous puissions voir à quel point ces moyens sont encore en adéquation avec notre société et les moyens modernes de communication. Pour cette raison, nous proposons que cette motion soit renvoyée en commission, par exemple à la commission de l'environnement, ou à la commission de la sécurité, nous verrons en fonction de ce qui sera dit par les autres groupes; nous restons ouverts. Il y a aussi un déficit d'information au niveau du parlement, qu'il s'agit de combler.
M. Pierre Conne (PLR). Chers collègues, le PLR soutient cette motion et soutiendra son renvoi direct au Conseil d'Etat. En effet, les événements indésirables graves mettant en danger la population existent; des événements indésirables industriels, ferroviaires ou naturels, comme on l'a vu encore récemment avec les crues de l'Arve. Cette motion me renvoie à une autre partie de mon existence: en 1984, j'étais en charge des urgences de l'hôpital cantonal et j'ai eu à gérer un accident industriel survenu dans une entreprise de la Jonction où une explosion avait provoqué la libération d'un gaz toxique sur la ville. A l'issue de cet événement, nous avions fait une publication qui relevait qu'il était nécessaire d'avoir des moyens de communication pour les personnes chargées de la sécurité: pompiers, services sanitaires et gendarmerie, car les moyens de communication avaient été immédiatement saturés à l'époque. Il fallait également que les hôpitaux puissent anticiper et se préparer, le cas échéant, à la venue d'un certain nombre de personnes intoxiquées ou blessées. Un autre élément que nous avions relevé, c'était qu'une région doit pouvoir se doter de ce qu'on appelle un observatoire sanitaire, pour piloter et suivre dans le temps l'évolution des effets d'événements de ce type sur la santé de la population. A la suite de cet événement, ce même parlement et le gouvernement n'étaient pas restés les bras croisés: un certain nombre d'interventions avaient eu lieu, et des dispositions avaient été prises, qui nous ont amenés - et là je fais un saut dans le présent - à constater aujourd'hui que de grands progrès ont été faits. Je ne veux pas tous les énoncer, mais nous avons notamment le dispositif ICARUS, qui permet d'intervenir directement sur les émissions radiophoniques et télévisées pour informer la population.
Alors pourquoi soutenons-nous cette motion ? Parce que nous souhaitons être informés par le Conseil d'Etat sur l'état des lieux et pouvoir apprécier s'il reste un écart entre ce qui existe et ce qui serait peut-être souhaitable...
Le président. Il vous reste trente secondes.
M. Pierre Conne. ...c'est la raison pour laquelle nous préférons que le Conseil d'Etat se prononce tout d'abord sur cette motion, et que son rapport puisse être étudié en commission de manière plus documentée que ne l'est la motion. Je confirme donc que nous soutenons la motion et le renvoi au Conseil d'Etat.
Une voix. C'était très bien !
M. Bertrand Buchs (PDC). Le parti démocrate-chrétien va soutenir cette motion qu'il a signée et demander son renvoi direct au Conseil d'Etat. Comme Mme Meissner, j'aimerais d'abord rendre un hommage appuyé aux services qui sont intervenus dans les différentes catastrophes de ces derniers temps, notamment la semaine dernière lors de la crue de l'Arve. Nous voyons qu'il y a des services compétents qui savent intervenir vite et qui sont à disposition de la population. Le seul problème, c'est que les gens ne sont pas mis au courant de ce qui se passe. C'est vrai qu'avec nos moyens modernes et le fait que nous avons tout de suite accès à l'information sur nos téléphones portables, nos ordinateurs ou nos tablettes, les gens veulent avoir des informations tout de suite, et c'est simple de leur en donner. Il est quand même dommage que, par exemple pour la crue de l'Arve, il faille aller sur le site de la «Tribune de Genève» pour savoir si les ponts sont ouverts ou fermés. Il n'y avait même pas toutes les informations nécessaires, surtout pour les gens qui devaient circuler ces derniers jours, pour connaître les itinéraires qu'il fallait prendre. Il y a là un manque, ce manque doit être comblé et pour cela, la question posée par cette motion est intéressante.
A l'heure actuelle, avec les moyens modernes, on doit pouvoir donner des informations rapides à la population, parce que la première des choses qui arrive dans le cas d'un événement comme l'incendie à la Praille, c'est l'angoisse, qui génère toujours dans la population des réactions qu'on ne peut pas prévoir. Il faut donc que les gens soient rapidement informés, et leur montrer que toutes les mesures sont prises pour éviter une catastrophe. Vous l'avez vu aussi avec l'accident récent dans le canton de Vaud, le déraillement d'un train, il faut que les gens soient avertis immédiatement de ce qui se passe, parce que les conséquences peuvent être très importantes, et on a la chance d'avoir des moyens modernes qui permettent de mettre tout de suite le public au courant: s'il faut demander aux gens de rester confinés chez eux, on peut immédiatement leur transmettre l'information, et c'est vraiment cela qu'il faut développer, les instruments modernes. J'encourage le Conseil d'Etat à nous faire des propositions et à venir après en discuter en commission, et je vous demande d'accepter cette excellente motion et de la renvoyer au Conseil d'Etat.
M. Thomas Wenger (S). Mesdames et Messieurs les députés, le parti socialiste soutiendra le renvoi direct au Conseil d'Etat de cette motion des Verts. Cette motion, on l'a dit, demande de développer des mesures et des moyens de communication et d'information à la population en cas d'accidents majeurs qui peuvent avoir «un impact sur la santé et la sécurité publiques, notamment pour les personnes les plus vulnérables» - c'est écrit - «enfants, malades et aînés». C'est extrêmement important. L'objectif d'informer au plus vite la population, c'est un principe de transparence d'abord, pour que la population puisse savoir ce qui se passe, c'est aussi une manière, quelque part, selon l'accident, d'éviter une certaine panique, et c'est surtout la possibilité d'agir rapidement, au niveau individuel, en adoptant les bons comportements, typiquement le fait de rester chez soi ou de ne pas s'approcher du périmètre de l'accident. L'idée, c'est vraiment de prévenir et d'informer: on a toujours l'impression que ce genre d'accidents arrive ailleurs, or ce n'est pas le cas, et on l'a vu encore malheureusement il y a quelques jours avec l'accident de Daillens, où des wagons-citernes se sont renversés; heureusement, il n'y avait pas de chlore ou d'autres produits chimiques qui auraient pu provoquer des dégâts vraiment très importants, et heureusement, c'était à la campagne et non pas en pleine ville. On se souvient de l'accident qui a eu lieu il y a quelques années, à la gare de Lausanne, on se souvient aussi de l'accident au Québec, à Lac-Mégantic, qui a fait 47 victimes: l'explosion d'un wagon-citerne de pétrole brut a provoqué un énorme incendie et causé la mort de 47 personnes. Je pense que c'est très important de se dire que peut-être un jour - on ne l'espère pas - cela arrivera à Genève, et que si c'est le cas, il faut pouvoir informer la population au plus vite.
Aujourd'hui, il y a de nouvelles technologies de l'information, et le Conseil d'Etat doit développer l'information via ces technologies: on a parlé du SMS, il y a bien sûr Twitter, Facebook, il y a les panneaux lumineux sur l'autoroute, il y a tous les sites Internet de la presse écrite, de la radio, etc., et aussi l'information dans les transports publics. Pour toutes ces raisons, nous soutiendrons cette excellente motion des Verts et nous la renverrons directement au Conseil d'Etat.
Le président. Je vous remercie, Monsieur le député. Je passe la parole à Mme la députée Christina Meissner pour une minute.
Mme Christina Meissner (UDC). Merci, Monsieur le président. Ecoutez, notre parti se montrait relativement ouvert quant au renvoi de cette motion en commission; au vu des excellentes idées émises dans ce parlement par les divers partis, je crois que le Conseil d'Etat, s'il n'en avait pas de son côté, devrait en avoir grâce à nous. Gagnons du temps en renvoyant le texte directement au Conseil d'Etat; je retire par conséquent ma demande de renvoi en commission. Par ailleurs, je souligne qu'en ce moment, il y a une pollution au 2-mercaptoéthanol qui se propage dans ce parlement, et nous n'avons pas reçu d'information via notre tablette, c'est étonnant ! Peut-être que nous sommes en danger ! Enfin voilà, dit avec une certaine ironie, si ces moyens d'information avaient été utilisés, nous aurions été informés rapidement, même au parlement.
M. Jean-Marie Voumard (MCG). Le groupe MCG va également soutenir le renvoi de cette motion au Conseil d'Etat, simplement en raison du fait que c'est la deuxième fois qu'il y a un incendie dans ce dépôt de déchetterie, et, en l'occurrence, le dispositif OSIRIS date de quelques années déjà. Nous examinerons le rapport établi par le Conseil d'Etat en réponse. Et vu l'unanimité des membres du parlement pour renvoyer cette motion au Conseil d'Etat, je me réjouis de voir les commissaires de la judiciaire le 26 mai pour l'exercice Buteo à l'aéroport.
M. Rémy Pagani (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, bien évidemment, notre groupe soutiendra cette motion, parce qu'elle ne mange pas de pain, mais quand même, je me souviens de ce qui s'est passé avec Firmenich il y a une vingtaine d'années: les instruments sophistiqués nous appelaient de l'extérieur avec des haut-parleurs et il fallait ouvrir les fenêtres pour entendre qu'il fallait les fermer et se confiner à l'intérieur; c'était assez paradoxal ! Encore dernièrement, avec la crue de l'Arve, il a fallu un certain nombre de démarches hors cadre institutionnel pour que des mesures soient prises par les pompiers, certains responsables notamment n'étant même pas auprès des troupes pour agir et donner les consignes qui se donnent dans ces moments exceptionnels; c'est dire si nos sociétés sont fragiles face à ces événements. Quand nous parlons du nombre de trains qui passent tous les soirs dans notre gare Cornavin, nous devons être extrêmement inquiets de la situation, et ne pas faire croire qu'il est possible, avec des instruments très sophistiqués, d'avertir la population: car tant que nous ne mettrons pas fin aux dangers, et notamment au passage de matières dangereuses dans notre ville, par exemple à Cornavin, s'il est vrai que tous ces instruments seront bien sûr à même de rassurer beaucoup de gens, en revanche, quand les accidents se produiront, pour évacuer une ville comme la nôtre dans un rayon d'un kilomètre autour de la gare Cornavin, je souhaite bonne chance à certains, parce que c'est quasiment mission impossible ! Il s'agit de modifier nos manières de voir, il s'agit de produire ces matières dangereuses sur les lieux où elles sont utiles, de faire en sorte qu'elles soient le moins possible transportées; or c'est tout le contraire qui se passe aujourd'hui, pour des raisons économiques.
Nous serons donc d'accord, bien évidemment, pour mettre en place des structures qui - nous le savons - ne fonctionneront pas, parce qu'au moment voulu, il n'y aura pas forcément les bonnes personnes à la bonne place, mais nous mettons aussi en garde sur le fait que, nos sociétés étant très fragiles et les concentrations de population très importantes dans les villes, il s'agit de prévenir plutôt que de guérir. Je vous remercie de votre attention.
M. Pierre Maudet, conseiller d'Etat. Très brièvement, Monsieur le président, j'aimerais vous dire que j'ai écouté avec attention les interventions des uns et des autres. Evidemment, la communication est une préoccupation du gouvernement lorsque des événements majeurs se déclenchent et qu'en regard de cela nous devons mettre sur pied le dispositif OSIRIS. OSIRIS partiel, OSIRIS total, dans tous les cas de figure, la communication... (Rires.) ...est un élément clef et, certains l'ont dit tout à l'heure, une mauvaise communication peut encore accroître la difficulté, accroître le problème: une communication trop en aval est problématique parce qu'elle accroît la suspicion d'un manque de transparence, d'une volonté de cacher les choses, mais trop d'information en amont peut aussi générer des mouvements de panique.
Je crois pouvoir dire que sur l'ensemble des cellules OSIRIS qui organisent les réponses aux événements majeurs auxquels je faisais référence il y a un instant, la cellule communication est sans doute de loin celle qui pourra le mieux s'améliorer, celle qui peut dégager un potentiel d'amélioration. Nous l'avons vécu récemment, dans le cadre des crues de l'Arve, et je rejoins un certain nombre de préopinants sur le fait que nous avons attendu trop longtemps pour savoir ce qui se passait, et notamment savoir... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...quels étaient les itinéraires de délestage. Par chance, c'était un week-end, et le week-end, évidemment, il y a moins de circulation; mais nous avons fait cette analyse: j'ai ici un premier rapport sur cette situation et je crois pouvoir dire que le Conseil d'Etat serait heureux, à la faveur de cette motion, de développer avec le Grand Conseil quelques idées et perspectives, qui auront peut-être leur coût - je m'empresse de le dire ici, et le cas échéant il faudra pouvoir assurer un suivi en la matière - mais qui devraient néanmoins pouvoir se faire aussi avec les moyens existants, je pense aux moyens de la police et des pompiers principalement.
C'est l'occasion pour moi, plutôt que de critiquer comme je l'ai entendu il y a un instant, de rendre hommage aux acteurs et actrices de ces différentes situations ces dernières semaines et ces derniers mois, qui ont montré qu'ils étaient redoutablement bien préparés et que, grâce à des exercices régulièrement pratiqués - le prochain, le député Voumard l'a dit, aura lieu le 26 mai à l'aéroport - nous avons quand même à Genève un certain savoir-faire et une capacité à encaisser ces chocs. Merci à celles et à ceux qui ont rendu possible ces derniers jours cette capacité à encaisser et à éviter que ces situations difficiles ne tournent à la catastrophe.
Le président. Je vous remercie, Monsieur le conseiller d'Etat. La parole n'étant plus demandée, je vais vous faire voter sur la prise en considération de cette proposition de motion pour renvoi au Conseil d'Etat.
Mise aux voix, la motion 2267 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 85 oui (unanimité des votants).