Séance du
jeudi 7 mai 2015 à
20h30
1re
législature -
2e
année -
5e
session -
29e
séance
La séance est ouverte à 20h30, sous la présidence de M. Antoine Barde, président.
Assistent à la séance: MM. François Longchamp, président du Conseil d'Etat, Pierre Maudet, Serge Dal Busco et Antonio Hodgers, conseillers d'Etat.
Exhortation
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.
Personnes excusées
Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mme et MM. Anne Emery-Torracinta, Mauro Poggia et Luc Barthassat, conseillers d'Etat, ainsi que Mme et MM. Olivier Baud, Vera Figurek, Florian Gander, Lionel Halpérin, Frédéric Hohl et Pierre Ronget, députés.
Députés suppléants présents: Mme et MM. Christophe Aumeunier, Jean Batou, Pierre Gauthier, Françoise Sapin, Charles Selleger et Alexandre de Senarclens.
Le président. Pour le RD 1095, je passe la parole à M. Jean-Marie Voumard.
M. Jean-Marie Voumard (MCG), rapporteur. Merci, Monsieur le président. La commission des droits politiques s'est réunie afin d'examiner la compatibilité de Mme Nathalie Schneuwly comme députée suppléante et n'a fait aucune remarque au sujet de la postulation de Mme Schneuwly. Je vous recommande de l'accepter parmi nous, comme elle l'était il y a peu de temps.
Le président. Merci, Monsieur le député.
Le Grand Conseil prend acte de ce rapport oral.
Le président. Mme Nathalie Schneuwly va prêter serment maintenant.
Liens d'intérêts de Mme Nathalie Schneuwly (PLR)
Association du Coin de Terre - Membre du Comité
Centre de liaison des associations féminines genevoises - Présidente
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, l'ordre du jour appelle la prestation de serment de Mme Nathalie Schneuwly. Je prie Mme le sautier de la faire entrer et l'assistance de bien vouloir se lever. (Mme Nathalie Schneuwly entre dans la salle du Grand Conseil et se tient debout, face à l'estrade.)
Madame Nathalie Schneuwly, vous êtes appelée à prêter serment de vos fonctions de députée suppléante au Grand Conseil. Je vais vous donner lecture de la formule du serment. Pendant ce temps, vous tiendrez la main droite levée et, lorsque cette lecture sera terminée, à l'appel de votre nom, vous répondrez soit «je le jure», soit «je le promets». Veuillez lever la main droite.
«Je jure ou je promets solennellement:
- de prendre pour seuls guides dans l'exercice de mes fonctions les intérêts de la République selon les lumières de ma conscience, de rester strictement attachée aux prescriptions de la constitution et de ne jamais perdre de vue que mes attributions ne sont qu'une délégation de la suprême autorité du peuple;
- d'observer tous les devoirs qu'impose notre union à la Confédération suisse et de maintenir l'honneur, l'indépendance et la prospérité de la patrie;
- de garder le secret sur toutes les informations que la loi ne me permet pas de divulguer.»
A prêté serment: Mme Nathalie Schneuwly.
Veuillez baisser la main. Le Grand Conseil prend acte de votre serment. La cérémonie est terminée. Vous pouvez vous retirer. (Applaudissements.)
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, l'ordre du jour appelle la prestation de serment de magistrats du pouvoir judiciaire. Je prie Mme le sautier de les faire entrer et l'assistance de bien vouloir rester debout. (Les magistrats entrent dans la salle du Grand Conseil et se tiennent debout, face à l'estrade.)
Madame, Monsieur, vous êtes appelés à prêter serment. Je vais vous donner lecture de la formule du serment. Pendant ce temps, vous tiendrez la main droite levée et, lorsque cette lecture sera terminée, à l'appel de votre nom, vous répondrez soit «je le jure», soit «je le promets». Veuillez lever la main droite.
«Je jure ou je promets solennellement:
- d'être fidèle à la République et canton de Genève, comme citoyen et comme juge;
- de rendre la justice à tous également, au pauvre comme au riche, au faible comme au puissant, au Suisse comme à l'étranger;
- de me conformer strictement aux lois;
- de remplir ma charge avec dignité, rigueur, assiduité, diligence et humanité;
- de ne point fléchir dans l'exercice de mes fonctions, ni par intérêt, ni par faiblesse, ni par espérance, ni par crainte, ni par faveur, ni par haine pour l'une ou l'autre des parties;
- de n'écouter, enfin, aucune sollicitation et de ne recevoir, ni directement ni indirectement, aucun présent, aucune faveur, aucune promesse à l'occasion de mes fonctions.»
Ont prêté serment:
Mme Quynh-Huong Steiner Schmid et M. Bernard Hofstetter.
Veuillez baisser la main. Le Grand Conseil prend acte de votre serment et vous souhaite une heureuse carrière. La cérémonie est terminée. Vous pouvez vous retirer. (Applaudissements.)
Annonces et dépôts
Le président. La commission des pétitions nous informe qu'elle désire renvoyer la pétition suivante:
Pétition contre la gare de « triage » des trams à l'arrêt « Palettes » à Lancy (P-1939)
à la commission des transports.
Le président. Je vais maintenant procéder au tirage au sort d'une ou d'un membre PLR suppléant de la commission de grâce.
Est tiré au sort: M. Raymond Wicky. (Exclamations.)
Une voix. Bravo !
Premier débat
Le président. Nous arrivons au point fixe. Je vous informe qu'une erreur de plume figure dans le texte de l'IN 150: à l'article unique, il faut bien entendu lire «la loi sur l'imposition des personnes morales (LIPM)» et non «la loi sur l'imposition des personnes physiques». Le texte ainsi corrigé sera transmis pour publication.
Pour ce débat, nous sommes en catégorie II, soixante minutes. Monsieur le rapporteur de majorité, je vous passe la parole.
M. Jacques Béné (PLR), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Avant d'attaquer le fond, j'aimerais faire un rappel de ce qui s'est passé à la commission fiscale. Il y a quelques mois, cette assemblée avait refusé l'initiative en tant que telle et nous étions repartis en commission avec l'idée d'un contreprojet, en espérant qu'il pourrait rencontrer l'adhésion d'une large majorité. Malgré nos efforts et malgré un projet raisonnable présenté par le Conseil d'Etat, que je félicite, les initiants - notamment leurs représentants au sein de la commission fiscale, les socialistes - n'ont pas daigné donner suite à ce qui aurait pu constituer un bon consensus. Mesdames et Messieurs, si nous prenons le rapport de gestion du Conseil d'Etat pour 2014, on parle dans ce débat de 41 sociétés au bénéfice d'allégements fiscaux, de 9744 collaborateurs, d'une masse salariale versée de 1,633 milliard de francs, d'une estimation du montant d'impôts sur le revenu lié à la masse salariale de 147 millions, d'impôts générés par ces mêmes sociétés de 42 millions, et d'impôts exonérés de 102 millions. Faites le calcul comme vous voulez, c'est bien une affaire rentable pour l'économie de ce canton et pour ses finances.
Je reviens maintenant sur quelques points évoqués dans le rapport de minorité, puisque nous avons déjà eu le débat sur l'initiative en tant que telle. J'ai été assez surpris de constater le nombre de... je ne vais pas dire de mensonges, mais peut-être d'erreurs - parce que j'estime que M. Romain de Sainte Marie ne les a pas faites volontairement. Tout d'abord, expliquer qu'il y a une inégalité entre personnes morales et une concurrence déloyale, et que les entreprises qui bénéficient de ces allégements pénalisent les entreprises implantées depuis longtemps sur le sol genevois, c'est méconnaître la pratique des allégements fiscaux par le Conseil d'Etat, qui vise justement une diversification du tissu économique genevois en évitant qu'il n'y ait concurrence avec les activités qui existent déjà dans notre canton. A titre d'exemple, prenons une entreprise de restauration rapide qui voudrait s'implanter dans le canton: bien évidemment, le Conseil d'Etat ne lui permettrait pas de bénéficier d'allégements fiscaux.
Ensuite, on nous parle dans ce rapport de minorité d'un rapport de gestion du Conseil d'Etat qui ne serait pas suffisant. J'aimerais à ce propos reprendre ce qui se fait dans le canton de Vaud, puisque celui-ci a souvent été pris comme exemple; M. Romain de Sainte Marie a même fait figurer dans son rapport de minorité les directives du canton de Vaud en la matière - car ce sont bien des directives et non une loi. Eh bien chez nos voisins, il y a exactement six lignes qui concernent l'exonération temporaire, aussi bien des entreprises de personnes que des personnes morales, et si l'on reprend ce qui se fait là-bas, alors que nous en avons plus d'une page A4 dans le rapport de gestion de notre propre Conseil d'Etat, dans le canton de Vaud, ce sont exactement quatre lignes: une ligne pour le nombre de décisions d'exonérations temporaires qui ont été prises et quatre lignes pour expliquer ce qui a été fait, et pour dire notamment qu'il s'agit essentiellement de start-ups et qu'il n'y a pas eu de clause de revers, le fameux «clawback». C'est très léger, malgré le fait qu'il y a en effet, dans ce canton-là, une sous-commission de la commission de gestion qui suit les dossiers.
Si je continue avec le rapport de minorité, il fait référence à des cas neuchâtelois, fribourgeois pour essayer de convaincre qu'à Genève, ces situations existeraient aussi, alors que ce n'est pas le cas. Il n'y a que des suppositions. On essaie de nous faire croire que l'ordonnance fédérale actuellement en consultation dans le cadre de la politique régionale nous concerne, alors que Genève n'est absolument pas touchée. On essaie de tracer des «parallélismes hâtifs avec le canton de Genève» - ce sont les termes du rapport de minorité - en laissant penser que «des cas similaires peuvent exister»; mais ce ne sont que des suppositions !
Mesdames et Messieurs, selon les arguments donnés aujourd'hui pour tenter de s'opposer à ce contreprojet, les socialistes, avec une partie de la gauche, ont essayé de nous dire que puisque l'initiative était refusée, on voulait bien discuter sur la transparence. Mais qu'est-ce que cela veut dire ? La transparence, cela signifie une commission supplémentaire ou une sous-commission de la commission des finances ou de la commission fiscale...
Le président. Il vous reste trente secondes, ou vous prendrez sur le temps de votre groupe.
M. Jacques Béné. Merci. ...qui pourrait éventuellement contrôler ces allégements fiscaux. Je veux bien, mais je ne vois pas en quoi la transparence serait améliorée alors que le Conseil d'Etat décide déjà à sept de ces allégements fiscaux - ils sont bien sept à décider, sept magistrats élus par le peuple ! Que la transparence s'exerce à sept ou à quatorze, je ne vois pas vraiment la différence.
Mesdames et Messieurs, cette initiative est pernicieuse; le contreprojet permet de clarifier dans la loi les grands principes visant à octroyer ces allégements. La transparence, oui, le voyeurisme, non ! Je vous invite à accepter ce contreprojet sans aucun des amendements qui pourraient vous être proposés. (Quelques applaudissements.)
M. Romain de Sainte Marie (S), rapporteur de minorité. J'effectuerai tout d'abord un très bref rappel au sujet de l'initiative 150. Cette initiative est munie de plus de 13 000 signatures, celles de 13 000 citoyennes et citoyens du canton de Genève. Elle vise très simplement l'abrogation de l'article 10 de la LIPM, à savoir la pratique des allégements fiscaux. La majorité du Grand Conseil l'a refusée; elle lui a préféré l'idée d'un contreprojet et a demandé à la commission fiscale de le concevoir. Ce contreprojet a été déposé par le Conseil d'Etat et repris par la majorité de cette commission.
Il est intéressant de voir que dans un premier temps, le Conseil d'Etat de la précédente législature - et c'est à saluer - a fait part de plusieurs problèmes liés à l'octroi des allégements fiscaux. Ces propos étaient repris dans l'exposé des motifs. Parmi ces différentes problématiques figure la transparence; je cite le Conseil d'Etat dans l'exposé des motifs du PL 11456, qui reprend le rapport sur l'initiative 150: «[...] le fait que la pratique en la matière souffre actuellement d'un certain manque de transparence et suscite, par voie de conséquence, une méfiance légitime de la population». M. Béné a très justement dit que mon rapport de minorité fait part de plusieurs suppositions, un terme que j'accepte tout à fait, puisque nous ne pouvons formuler autre chose que des suppositions: il n'existe que très peu de transparence en matière d'octroi des allégements fiscaux, et j'aimerais croire, Monsieur Béné, qu'aucune firme de restauration rapide, par exemple, ne bénéficie d'un allégement fiscal, et que le Conseil d'Etat agit guidé par une vision éclairée, économique, en n'accordant pas d'allégement à une telle entreprise; mais rien ne me permet de le savoir: il n'existe aucun moyen d'avoir ce renseignement pour quelque député que ce soit ou quelque organisme autre que le Conseil d'Etat ou la direction du département des finances.
Je reviendrai par la suite sur les différents amendements proposés en commission par les socialistes, mais il est vrai - cela a été mentionné - que le canton de Vaud possède une sous-commission de la commission de contrôle de gestion, garante du secret fiscal, dont le but est qu'une certaine lumière existe sur la pratique des allégements fiscaux et de pouvoir en quelque sorte avoir un regard sur cette pratique, et ainsi se porter garante d'une juste utilisation du dispositif. Le rapporteur de majorité évoque une vision, un développement économique stratégique pour le canton de Genève, que maîtriserait le Conseil d'Etat; en réalité, à voir les chiffres de la répartition des allégements fiscaux octroyés, il est difficile, vu la largesse des catégories - 23% dans le secteur de production, 27% dans les QG ou encore 23% dans les autres services - de réellement pouvoir y percevoir une vision stratégique; ce d'autant plus quand on entend l'argument de la volonté de favoriser l'émergence de start-ups, et qu'on voit que seules 9% de start-ups bénéficient d'allégements fiscaux.
Il est dommage de faire ensuite le constat suivant. Le Conseil d'Etat de la précédente législature parlait d'une certaine nécessité: «[...] sensible à certains arguments avancés par les initiants concernant l'inadéquation entre la vigueur de la croissance économique au cours de la dernière décennie et le nombre de logements construits, avec à la clef une pénurie que ressentent douloureusement tous les habitants de Genève qui sont à la recherche d'un logement». Le Conseil d'Etat prenait ainsi acte d'une tension sociale due à un développement économique non maîtrisé, au fond, d'un point de vue stratégique. Il est regrettable d'avoir entendu à l'époque de la précédente législature le Conseil d'Etat mentionner peut-être des orientations vers certains domaines industriels tels que les cleantech, les biotech, qui peuvent représenter des secteurs industriels de pointe, secteurs qu'on ne retrouve finalement pas dans le contreprojet. C'est pourquoi je vais à présent passer à l'analyse de ce contreprojet, au vu des déclarations de l'ancien Conseil d'Etat qu'a reprises l'actuel gouvernement dans l'exposé des motifs sur des questions de transparence, de tensions sociales, d'adéquation avec le développement du canton de Genève.
Ce contreprojet, on peut dire qu'il est meilleur que la situation actuelle - en apparence. En apparence, car dans les faits, la transparence ne connaît aucune amélioration, absolument aucune. Le groupe socialiste a cherché à amender ce projet de loi en voulant instaurer une sous-commission de la commission fiscale ou de celle des finances; plusieurs tentatives ont été faites, en vain. Nous n'avons aucun gain en matière de transparence, aucun gain en matière de regard sur l'octroi des allégements fiscaux, première preuve que par rapport aux déclarations initiales du Conseil d'Etat, le contreprojet n'atteint pas sa cible. Sur un autre élément, la vision stratégique, l'adéquation avec le développement économique et le développement du canton de Genève, nous avons ici une très jolie liste de très bonnes intentions, avec le mot «notamment» en premier lieu: ce mot enlève tout pouvoir contraignant de cette liste et de caractéristiques que certes j'apprécie et que je peux rejoindre, mais qui du coup, je le répète, se retrouvent dépourvues de toute portée contraignante. De plus, ce qui est extrêmement fort, c'est que...
Le président. Il vous reste trente secondes, ou vous prendrez sur le temps du groupe.
M. Romain de Sainte Marie. Je reprendrai la parole plus tard. ...c'est qu'avec nul moyen d'obtenir la transparence ou d'exercer un contrôle, comme le mentionne le rapport de la Confédération sur l'exemple de l'arrêté Bonny dans les cantons de Neuchâtel et de Fribourg, il n'y a aucun moyen de vérifier si ces critères sont réellement respectés, et c'est véritablement problématique.
Enfin - et je conclurai là-dessus, avant de reprendre la parole ensuite - il faut savoir qu'aujourd'hui, les allégements fiscaux correspondent à une subvention pour ces entreprises. (Protestations.) En effet, Genève est un canton contributeur de la péréquation intercantonale; celle-ci est calculée sur le potentiel imposable, c'est-à-dire ce que le canton devrait gagner en matière de recettes fiscales. En l'occurrence, en allégeant certaines entreprises, nous payons ce que nous devrions recevoir. Il s'agit par conséquent d'un principe de subvention opaque de ces entreprises. (Brouhaha.)
Mesdames et Messieurs, le rapporteur de majorité a parlé d'un bon consensus à propos de ce projet de loi. Je suis désolé, mais ce projet de loi n'est malheureusement pas l'expression d'un consensus. La quasi-majorité des amendements socialistes déposés visaient un gain de transparence, davantage de stabilité en implantant plus longuement ces entreprises avec une extension du «clawback» - idée qui était celle de M. David Hiler - et ajoutaient des critères supplémentaires pour les conditions d'octroi des allégements fiscaux: nous sommes déçus, car le consensus ici est unilatéral, c'est un consensus de droite, ce n'est pas un vrai consensus. La minorité vous invite donc à refuser ce projet de loi.
Mme Magali Orsini (EAG). Ensemble à Gauche refusera ce contreprojet. Nous avions espéré qu'il apporte un certain nombre de progrès, mais nous ne les y trouvons point. Le Conseil d'Etat nous dit qu'il souhaite quand même préserver une certaine souplesse dans les conditions d'octroi: ce qu'il appelle souplesse n'est pas du tout de nature à nous rassurer, cela signifie toujours l'arbitraire que nous redoutons. Nous ne savons toujours pas pourquoi il devrait y avoir un tel secret sur des allégements fiscaux consentis à certaines entreprises, plus particulièrement à des filiales de multinationales, qui sont de toute façon théoriquement obligées de publier un rapport. Il faudrait donc qu'on fasse un énorme travail pour aller regarder dans leurs comptes quels sont les impôts qu'elles auraient normalement dû payer, quels sont ceux qu'elles ont payés effectivement. Normalement, tout cela est quand même destiné à être publié. Ce secret aussi absolu pour cette catégorie de contribuables nous paraît donc totalement excessif. Quand on bénéficie de tels avantages de la part de la collectivité qui vous aide, on peut au moins le reconnaître publiquement, c'est la moindre des choses.
Les initiants ont proposé la création d'une sous-commission de contrôle, comme elle existe dans le canton de Vaud: cela nous paraissait aussi élémentaire. Nous avons proposé que cette sous-commission soit soumise à des règles de secret tout à fait particulières, cela nous a été refusé. La seule chose supprimée dans ce contreprojet était la référence à des entreprises en difficulté: il y avait là une anomalie complète que personnellement je n'avais jamais réussi à comprendre. Pour moi, une entreprise en difficulté est une entreprise qui ne fait pas de bénéfice; je voyais mal comment on pouvait tout le temps prétendre alléger les impôts sur le bénéfice qu'elles ne faisaient pas, je constate donc avec plaisir que cette référence-là n'existe plus. Néanmoins, on reste tout à fait vague sur les problèmes d'éventuelles restructurations, etc. Nous constatons qu'on nous cite toujours les impôts que paient ces personnes-là, en sous-entendant tout le temps que sans ces allégements, elles ne seraient en aucun cas venues, alors que nous répétons que les conditions-cadres dans notre canton sont assez attractives pour qu'on vienne, même sans des allégements de cette importance. Nous chiffrons ces allégements à environ 1 milliard sur les dix dernières années: c'est 1 milliard supplémentaire par rapport à toutes les baisses fiscales qu'on a toujours accordées aux plus favorisés, qu'il s'agisse de personnes physiques ou de personnes morales.
On veut aussi nous faire croire que ces allégements pourraient profiter à des start-ups: c'est la même chose, une start-up a besoin, pour démarrer, de crédits bancaires, à la rigueur, mais pas d'allégements sur un bénéfice qu'elle ne va pas faire durant les premières années ! Une start-up commence en faisant des pertes qui sont reportables, comme tout le monde le sait, ce n'est donc pas un problème d'allégement sur le bénéfice. (Brouhaha.) On ne peut alléger que le bénéfice de grosses sociétés qui précisément font du bénéfice. (Remarque.) C'est ça que vous devez bien comprendre ! Il n'y a d'allégement important que quand il y a des bénéfices importants, d'accord ? Cette opacité a été clairement dénoncée par le contrôle fédéral des finances, M. de Sainte Marie a cité à juste titre un certain nombre de cantons particulièrement visés, mais ce qui a été dit serait tout à fait valable pour le canton de Genève. Le PL 11456 n'apporte donc rien de nouveau par rapport à ce que nous pouvions espérer. Je vous invite en conséquence à le refuser et vous remercie. (Quelques applaudissements.)
M. Eric Stauffer (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, on vient d'entendre le rapporteur de minorité et une députée de la gauche parler de ces personnes qui ne paieraient pas les impôts qu'elles devraient. Je dois tout de suite corriger, parce que la communication envers nos concitoyens est capitale. Nous ne parlons pas ici de personnes mais de sociétés, autrement dit de personnes morales. (Commentaires.) Aucune faveur n'est faite aux employés qui travaillent dans les multinationales. J'aimerais vous demander, Mesdames et Messieurs, pourquoi croyez-vous que ces multinationales et ces entreprises choisissent Genève ? Pour la mobilité ? Certainement pas. (Commentaires.) Pour la sécurité ? Encore moins. (Commentaires.) Pour l'air pur qu'on respirerait ici ? Ce n'est plus le cas depuis bien des décennies. Pour les salaires très bas par rapport à ceux pratiqués en Europe ? C'est exactement le contraire. Pourquoi ces entreprises viennent-elles à Genève ? Parce qu'elles y ont un avantage fiscal. Je vais vous proposer une comparaison très simple, que même les moins illuminés d'entre vous comprendront. Vous dirigez un magasin, vous avez une marge sur les produits que vous vendez, eh bien vous allez choisir un produit que vous mettrez en action et dont vous sacrifierez la marge. On appelle cela un produit d'appel. Quand il viendra dans ce magasin, plutôt que d'aller dans un autre magasin - ou un autre pays - le client achètera peut-être du coup un autre article qui n'est pas en action. Ça, tout le monde peut le comprendre. (Brouhaha.) Eh bien, c'est la même chose avec le principe des allégements fiscaux pour ces grands groupes, ces grandes multinationales. Elles viennent ici parce qu'il y a un avantage fiscal, parce que le système bancaire suisse fonctionne bien, parce que l'économie est florissante; et les employés engagés paient, eux, les impôts normaux, comme n'importe quel citoyen.
26 000 emplois sont concernés, Mesdames et Messieurs, ce n'est pas rien ! Les multinationales rapportent un milliard à Genève par année, un milliard ! Mesdames et Messieurs de la gauche, allez-vous arrêter de jouer les pyromanes avec l'économie genevoise ? Genève est l'un des quatre cantons contributeurs de Suisse; pensez-vous que nous soyons dans une aussi grande prospérité économique parce que nous taxons comme la France, par exemple ? Non ! L'échec du système de gauche, socialiste, a été démontré en France. Alors de grâce, Mesdames et Messieurs, ne venez pas sacrifier et tuer l'économie genevoise. Maintenant, vous le savez encore mieux, dans trois ans au maximum, la réforme sur la fiscalité des entreprises sera édictée au niveau fédéral. Toutes les entreprises seront à 13%. Alors à quoi sert votre initiative ? A plomber l'économie genevoise durant ces trois ans ? Vous êtes des inconscients, des irresponsables, et je regrette vraiment que dans certaines têtes puisse germer ce genre d'initiatives, qui trompent la population.
Vous nous avez parlé de transparence. Laissez-moi vous rappeler qui était la ministre des finances en 2002: c'était Micheline Calmy-Rey, ancienne présidente de la Confédération, et jusqu'à preuve du contraire, elle n'était pas PLR, mais socialiste. Elle a défendu ces allégements fiscaux, parce qu'elle était une ministre responsable pour le canton de Genève. Rappelez-moi aussi qui était le ministre des finances à Genève lors de la dernière législature: David Hiler ! De gauche aussi ! Il a soutenu ces forfaits fiscaux, parce qu'il avait besoin de ce milliard par année pour boucler le budget des Genevois. Et vous, aujourd'hui, vous arrivez comme des apprentis artificiers en disant que c'est scandaleux, qu'il n'y a pas d'équité. Très bien, dites aux multinationales d'aller ailleurs, à Jersey, à Londres, à Dubaï; il y a assez de places financières. Que direz-vous aux 26 000 personnes qui seront touchées par ces départs ? «C'était pour l'équité de traitement !» Mais quelle équité de traitement ? Nous sommes dans une Europe qui se déchire. L'Angleterre n'a jamais voulu de l'euro; elle est peut-être à deux doigts de sortir de la Communauté européenne...
M. Cyril Mizrahi. Tant mieux !
M. Eric Stauffer. Ah, voilà, «tant mieux» ! Mais parfait, Monsieur Mizrahi, député socialiste... (Commentaires.) Rappelez-moi, de quoi vivez-vous ? Des subventions ? Des associations ? Il y a des gens qui travaillent, qui créent des emplois, dans ce parlement. Et ça, Monsieur Mizrahi, ça se respecte; alors vos quolibets, vous pouvez les garder pour vous. (Remarque.)
J'en reviens à la transparence dont vous parliez. Savez-vous, Mesdames et Messieurs - parce qu'il faut le dire - que tous les membres du Conseil d'Etat ont accès aux données fiscales, qu'ils soient de gauche, de droite ou du MCG ? Tout le monde le sait. Et si vous aviez un conseiller d'Etat - parce que vous en avez encore, les socialistes... (Rires.) ...eh bien s'il y avait un problème, une disparité ou une inégalité... (Commentaires.)
Le président. Il vous reste trente secondes.
M. Eric Stauffer. ...vous le sauriez ! Mais non, il n'y en a pas, parce que c'est fait, et le Conseil d'Etat, responsable, a besoin de ces emplois, a besoin de cette santé économique pour le canton de Genève. Le MCG l'a toujours dit: il faut une économie forte pour pouvoir faire du social efficace. Je conclus, Monsieur le président. Le contreprojet, pour le MCG, c'est non ! Vous devez être giflés par la population avec vos initiatives complètement démagogiques et complètement destructrices pour l'économie genevoise. (Applaudissements.)
Mme Sophie Forster Carbonnier (Ve). Je vais essayer de crier aussi fort que M. Stauffer ! (Commentaires.) «C'est un scandale !» (L'oratrice rit.) Bon. Les Verts sont d'avis que si on peut la comprendre dans certaines situations, la pratique des allégements fiscaux doit cependant être cadrée et respecter des critères fort stricts. Il en va en effet d'une garantie d'égalité entre les entreprises. Pour nous, il est essentiel que le parlement adopte ce soir un projet de loi contraignant, avec des critères prescrits très stricts. C'est d'autant plus souhaitable dans le contexte de la révision de la fiscalité des entreprises RIE III qui nous attend. Or le projet de loi qui nous est présenté ce soir est bien peu contraignant et laisse une liberté d'appréciation quasi totale au Conseil d'Etat en matière d'allégements fiscaux accordés aux entreprises. Dans ce texte tel qu'il nous est présenté, la formulation: «le Conseil d'Etat tient notamment compte» est vraiment peu contraignante et ne renvoie même pas à un règlement d'application plus strict, raison pour laquelle... (Brouhaha.)
Le président. Mesdames et Messieurs, s'il vous plaît, un tout petit peu de silence. Poursuivez, Madame la députée.
Mme Sophie Forster Carbonnier. Merci, Monsieur le président. Comme je vous le disais, la formulation du texte tel qu'il est proposé ce soir est fort peu contraignante et ne renvoie même pas à un règlement d'application plus strict. Pour cette raison, les Verts ont déposé un amendement demandant que l'octroi d'allégements fiscaux soit subordonné au respect des conventions collectives de travail et des conditions de travail en usage, ainsi qu'au respect des principes de développement durable. Franchement, cet amendement n'est pas bien méchant, et je pense qu'il pourrait être accepté très facilement par la majorité de ce parlement. (Brouhaha.)
Un autre point qui nous pose problème, à nous les Verts, est la pratique très discutable consistant à octroyer des allégements fiscaux plusieurs fois de suite à la même entreprise. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Pour nous, ce n'est pas acceptable. Je trouve que cette pratique va même à l'encontre des principes libéraux que la majorité de ce parlement devrait normalement défendre. Pour cette raison, nous vous soumettons un autre amendement qui supprime la possibilité de proposer plusieurs fois de suite un allégement fiscal à une même entreprise.
Si ce parlement acceptait ces deux amendements, les Verts pourraient soutenir ce contreprojet, car nous aurions ainsi la garantie d'une meilleure application, plus contrôlée, des aménagements fiscaux, et davantage de transparence dans les critères qui guident les choix du Conseil d'Etat. Nous appelons donc à soutenir nos amendements.
Présidence de M. Jean-Marc Guinchard, premier vice-président
Mme Lydia Schneider Hausser (S). Mesdames et Messieurs les députés, plusieurs pays luttent contre l'évasion fiscale de leurs ressortissants, les personnes physiques comme les personnes morales, soit les entreprises. Pensons à ce que la Grèce vit en ces temps et aux difficultés qu'elle rencontre pour recouvrer ses impôts. D'après les recherches de l'organisation Tax Justice Network, il y aurait environ 32 000 milliards de dollars cachés dans les paradis fiscaux de la planète. Pour ce qui concerne notre pays, seul un chiffre est relativement sûr dans le rapport de gestion du Conseil d'Etat: les allégements fiscaux en 2014 ont coûté quasi 103 millions - 102 894 000 F - pour des sociétés qui ont payé 42 191 000 F d'impôts. Le reste, tous les autres chiffres, sont des estimations, plus ou moins justes.
Les rapporteurs de majorité et de minorité ont présenté leurs positions par rapport à un des instruments d'optimisation fiscale que sont les allégements. Pour Genève, la majorité dit que nous en savons assez avec ce qui est publié dans le rapport de gestion du Conseil d'Etat, que le processus est en ordre, que nous avons une directive, une procédure, et que si le contreprojet venait à être accepté ce soir, les conditions des allégements fiscaux seraient inscrites dans les lois fiscales de ce canton. Mais cela justifie-t-il pour autant une telle pratique ? Pour nous, les socialistes, clairement pas. J'aimerais ici reprendre un des amendements que nous avons déposés en commission pour améliorer le contreprojet. Il s'agit d'introduire dans les critères d'attribution le principe de l'image de Genève. Cela implique d'examiner la responsabilité des sociétés et des entreprises en matière de développement durable, de droits de l'Homme, de droit du travail, de protection environnementale, aussi bien à Genève que dans les autres pays où plusieurs entreprises bénéficiant d'allégements fiscaux ont des activités. En résumé, introduire une notion appelée actuellement «due diligence». Large programme, trop large, me direz-vous. Mais d'un autre côté, la gestion des migrations ne représente-t-elle pas aussi un bien large programme ? Comment des pays dont les sols regorgent de richesses, où la main-d'oeuvre est bon marché et qui n'arrivent pas à nourrir leurs populations - je ne parle même pas d'éducation ou de santé... Comment et jusqu'à quand pourrons-nous accepter de faire des cadeaux à des entreprises multinationales, leur permettre de faire d'énormes bénéfices, les voir sortir des sommes colossales des pays émergents sans devoir à moyen terme en payer les conséquences ? Les socialistes vont soutenir l'initiative 150 et refuser le contreprojet, car pour nous, c'est aussi participer à la lutte lancée en Europe et dans le monde contre les privilèges fiscaux et contre la mise en danger du financement des services publics, que ce soit dans les pays du Sud ou ici, dans les pays du Nord.
Bien sûr, M. Stauffer - qui n'est déjà plus là, ou en tout cas je ne le vois pas - agite comme toujours l'épouvantail de la perte d'emplois. Mais la délocalisation des multinationales ailleurs en Europe est une menace toute relative, car la législation des pays environnants est nettement moins stable qu'en Suisse. De plus, nous l'avons déjà constaté, statuts fiscaux et allégements ne suffisent même pas toujours à retenir des entreprises à Genève. Jusqu'où allons-nous donc plier ? Encore une fois, lorsque nous parlons des allégements fiscaux, nous parlons de privilèges accordés aux puissants avec des économies faites sur le dos des plus faibles, comme nous le vivons actuellement à Genève. Pour toutes ces raisons et comme nous l'avons déjà dit, nous vous demandons de soutenir notre initiative. (Quelques applaudissements.)
M. Vincent Maitre (PDC). Ce contreprojet sera évidemment soutenu par le PDC, et il vous encourage à le soutenir, parce qu'il matérialise, en la mettant enfin par écrit, une pratique qui a cours dans notre république et qui a manifestement fait ses preuves depuis un certain temps. Au contraire de ce qui a été dit sur les bancs de la gauche, il convient de maintenir cette pratique à tout prix, parce qu'idéalement, l'attractivité économique du canton doit non seulement se maintenir, mais croître. Or c'est un fait avéré que depuis de nombreux mois, aucune entreprise d'envergure ne s'est implantée à Genève, et la concurrence fiscale internationale - qu'on le déplore ou non - est une réalité; avec ses armes et ses moyens, la Suisse, et Genève en particulier, doit rester compétitive et attrayante, non seulement pour les sociétés étrangères qui s'y implantent, mais surtout pour les sociétés locales, afin de leur permettre de germer, de croître et même, qui sait ? de s'exporter.
J'ai entendu un certain nombre de propos relativement ahurissants, notamment de la part de l'extrême gauche, qui prône le crédit, le crédit à la consommation finalement: plutôt que de bénéficier d'un rabais d'impôts, les start-ups genevoises devraient emprunter auprès des banques, et donc se charger de dettes et d'intérêts à honorer. C'est précisément la spirale infernale qui plonge quotidiennement des entreprises et des ménages dans le surendettement. C'est par définition la pire des solutions qu'on puisse souhaiter, non seulement pour les personnes physiques, mais aussi pour les personnes morales.
Je regrette infiniment la position systématique du parti socialiste qui, dans ses propositions et par des initiatives de ce genre, fragilise toujours un peu plus ce qui fait la richesse et la force économique de notre canton. Dans ce genre de mécanismes, là où le parti socialiste voit une inégalité, une iniquité fiscale, je vois au contraire la sauvegarde de près de 10 000 emplois dans notre canton. Là où le parti socialiste voit une soustraction d'impôts, je vois au contraire le stimulus d'une économie dynamique et compétitive, qui permet à l'arc lémanique d'être - et de loin - la région la plus active et la plus prospère de toute la Suisse. Là où vous voyez, Mesdames et Messieurs les socialistes, de l'arbitraire et des privilèges fiscaux, je vois au contraire le moyen de survie de nos entreprises face à la concurrence fiscale qui règne partout dans le monde, seul moyen, ou du moins un des outils indispensables qui permet à la Suisse - isolée au milieu de l'Europe sans en faire partie, avec toutes les contraintes que cela implique - non seulement de renforcer son tissu économique, mais de prospérer davantage.
A terme, la politique menée par le parti socialiste, notamment, et par les partis de gauche et d'extrême gauche de manière générale, est terriblement dangereuse, parce qu'elle fragilise et grignote chaque jour un peu plus ce qui permet encore aujourd'hui de maintenir notre compétitivité et notre attrait. Par des attaques et des initiatives de ce genre, qui s'en prennent toujours plus aux entrepreneurs, toujours plus à notre économie, vous fragilisez incontestablement la Suisse entière. C'est extrêmement dangereux ! Si par malheur votre politique devait aboutir un jour, vous seriez peut-être les premiers à le regretter, parce que ce sont les maillons les plus faibles de la chaîne qui alors céderaient les premiers. (Applaudissements.)
Une voix. Bravo !
M. Yvan Zweifel (PLR). Monsieur le président, permettez-moi de commencer en vous parlant d'un sujet évoqué par le rapporteur de majorité - on le retrouve d'ailleurs dans son rapport - et par les représentants des multinationales et des autres entreprises que nous avons auditionnés en commission fiscale: l'incertitude. L'incertitude, c'est aujourd'hui l'un des plus grands fléaux économiques et l'un des problèmes principaux pour les entreprises. Que se passe-t-il quand les entreprises ne savent pas dans quelle direction va souffler le vent, en particulier, pour ce qui nous concerne ce soir, le vent fiscal ? Mesdames et Messieurs, ce qu'elles font alors, c'est qu'elles gèlent leurs projets et leurs investissements. Et lorsqu'elles gèlent leurs investissements, elles gèlent aussi les embauches. Et que se produit-il par ricochet, Mesdames et Messieurs ? Au mieux, le chômage stagne, au pire, il augmente. Il se produit aussi que ces entreprises, en n'investissant pas, font moins de bénéfices. Si elles font moins de bénéfices, elles font moins de recettes fiscales, et l'Etat a donc moins de moyens à disposition pour offrir des prestations à la population.
Cette incertitude, il faut impérativement la balayer. C'est ce que nous devrions faire ici, Mesdames et Messieurs les députés, et pourtant ce soir, avec cette initiative et son contreprojet, nous faisons exactement le contraire ! Voilà ce qui va se passer, parce que nous avons voulu un contreprojet après avoir refusé cette initiative 150. Mais nous avons compris, la majorité de ce parlement, qu'il y avait un certain nombre de problèmes, par exemple de transparence, et nous avons voulu un contreprojet pour améliorer ces éléments-là; nous l'avons donc fait. Nous attendions alors du parti socialiste un geste intelligent en faveur des entreprises et donc de l'emploi. Or, qu'en est-il ? Absolument rien ! Vous maintenez votre initiative. Résultat: nous allons devoir passer devant la population, et nous allons rajouter un temps d'incertitude, un temps qui coûtera aux entreprises, qui coûtera en recettes fiscales pour l'Etat et qui coûtera en emplois.
Mesdames et Messieurs, je veux revenir aussi sur un certain nombre d'éléments. M. de Sainte Marie nous disait: les start-ups ne représentent que 9% de ces allégements fiscaux. C'est juste ! La raison en est évidente, et Mme Orsini lui a répondu: une vraie start-up qui débute ne fait par définition pas de bénéfice, mais des pertes, qu'elle peut reporter; elle n'a donc pas besoin de ces allégements. L'immense majorité de ces allégements va vers des entreprises qui se restructurent, qui se redirigent vers des activités innovantes, des activités qui vont procurer de l'emploi à Genève, et donc des recettes fiscales pour l'Etat, et ça, c'est extrêmement important ! Vous semblez totalement l'ignorer en voulant supprimer cet élément-là.
Un mot aussi sur le secret, qui a été abordé par Mme Orsini, vous transmettrez, Monsieur le président. Pourquoi cela doit-il rester secret ? Mais c'est une évidence, Madame Orsini ! Si une entreprise veut se restructurer et innover dans un nouveau secteur d'activité, et si elle demande des allégements fiscaux pour cela, il ne faut pas que la concurrence soit au courant, sinon elle se ferait prendre ce marché ! Par définition, et cela semble une évidence, il faut que cela reste secret. Je veux rappeler, avec d'autres préopinants, que ces allégements sont avant tout un outil de promotion économique, comme cela existe ailleurs, dans ce que vous appelez des paradis fiscaux et qui ne le sont pas forcément: Londres, Dubaï, la Belgique, les Pays-Bas, mais aussi dans des pays comme le Portugal, qui a bien compris qu'il devait s'armer de ce genre d'outils de promotion économique pour attirer des entreprises et créer de l'emploi au niveau local. Mesdames et Messieurs, le but principal de cet outil de promotion économique, c'est de diversifier notre économie; ces allégements ne sont pas accordés à des entreprises qui existent déjà, mais à des entreprises qui viennent s'installer de l'étranger, ou qui redirigent leur activité dans des domaines innovants. C'est ce qu'on nous a dit à la commission fiscale, et l'administration fiscale a été extrêmement claire là-dessus. D'ailleurs, ce contreprojet, que fait-il ? Il ancre dans la loi des directives appliquées depuis 1999, cela nous a été expliqué en commission. Aujourd'hui, une majorité de ce parlement est pour ce contreprojet, parce qu'elle veut à raison inscrire dans la loi ce qui existe dans les directives. Ainsi, ce sera au moins plus clair pour vous, du moins je l'espère.
Permettez-moi de terminer en disant qu'au PLR, nous ferons tout pour nous battre contre cette initiative 150. Nous voulons accepter ce contreprojet car il ancre dans la loi des directives précises et répond, finalement, à une attente du parti socialiste. Je rappelle ce que disait David Hiler, conseiller d'Etat Vert en charge des finances: se passer de cet outil, ce serait une ânerie. Et pour conclure, je ne résiste pas à citer Michel Audiard, Monsieur le président, qui ne parlait pas d'ânerie, mais de connerie, et qui disait cette phrase qui, pour moi, a tout son sens en particulier par rapport à votre initiative, Mesdames et Messieurs les socialistes: «Les conneries, c'est comme les impôts, on finit toujours par les payer.» (Applaudissements.)
M. Stéphane Florey (UDC). Le contreprojet se veut une réponse pragmatique à ce que les initiants reprochent au système, à savoir son opacité, et il tend à rendre plus claires les pratiques actuelles en matière d'allégement fiscal pour les entreprises. Il est important, comme on l'a déjà dit, de rassurer les entreprises, et non pas de les assujettir à une multitude de demandes complexes telles que les ont formulées les socialistes, parce qu'avant d'avoir étudié toutes ces directives et toutes ces contraintes, elles auront déjà déménagé à Hong Kong ou je ne sais où ! En fin de compte, mieux vaut les garder chez nous: ainsi, nous savons au moins ce qu'elles paient ici et nous n'avons pas à nous soucier de ce qu'elles paieront éventuellement ailleurs. Le groupe UDC soutiendra évidemment le contreprojet, qui se voulait au départ un simple projet de loi proposé par le Conseil d'Etat, dans l'idée d'éviter une votation populaire inutile et de faire admettre au parti socialiste que la pratique vaudoise - quasiment reprise dans ce texte - part d'un projet qui visait la transparence. A un moment, on a senti que le parti socialiste aurait peut-être bien voulu adhérer à cette idée, mais malheureusement, quand elle a été portée devant son assemblée générale, celle-ci en a décidé autrement. Quelque part, on sent bien qu'elle veut forcer le trait et casser simplement tout le système économique genevois. C'est pourquoi il faut évidemment refuser cette initiative ainsi que tous les amendements proposés par le groupe des Verts, et soutenir le contreprojet tel qu'il est sorti de commission.
M. Bernhard Riedweg (UDC). Les allégements fiscaux sont un outil indispensable de promotion économique à disposition du Conseil d'Etat et des communes, qui favorise la compétitivité du canton. Il est prescrit qu'un allégement fiscal ne peut être accordé que si la société qui en bénéficie n'entre pas en concurrence avec d'autres sociétés établies dans le canton. Cette société dispose donc d'un monopole dans son domaine d'activité et a une valeur ajoutée pour se lancer sur de nouveaux marchés, suisses et étrangers, avec des produits et des services innovants.
L'octroi d'un allégement fiscal peut être déterminant pour que les dirigeants d'une société décident de s'implanter dans le canton, créant ainsi des emplois. Ces allégements fiscaux sont accordés sur la base de critères sévères et transparents, bien définis selon des procédures clairement établies et parfaitement codifiées; il n'est donc nullement question d'opacité à ce niveau. C'est lors des premières années, après que des investisseurs ont mis des montants importants à disposition d'une société pouvant avoir un avenir prometteur grâce à la recherche et au développement de l'outil de production, que l'allégement fiscal se justifie, car elle n'est pas en mesure d'atteindre rapidement des marges suffisantes et de réaliser des bénéfices pour assurer sa pérennité sans aide extérieure.
Les sociétés bénéficiant d'allégements fiscaux emploient des collaborateurs très spécialisés, au nombre de 9744, dont les salaires se montaient en moyenne à 168 000 F en 2012. Il ne faut pas oublier que dans la phase d'expansion d'une nouvelle société, l'Etat prélève des impôts sur les revenus souvent élevés des salariés. En 2014, deux allégements fiscaux ont été accordés, et 54 ces dix dernières années; cela démontre que le Conseil d'Etat en fait un usage parcimonieux.
En 2012, les salaires des employés des sociétés bénéficiant d'allégements fiscaux ont rapporté plus d'impôts à l'Etat que l'exonération accordée. Sur la base des chiffres de 2012, il est donc faux de prétendre que l'Etat aurait encaissé moins d'impôts qu'il n'aurait accordé d'exonération. Par contre, pour 2010 et 2011, l'Etat a encaissé moins d'impôts sur les salaires du personnel que le montant de l'exonération qu'il a accordée aux sociétés. L'allégement fiscal ne constitue donc pas une perte, mais un manque à gagner passager pour le canton. Depuis 2004, 59 allégements fiscaux ont été accordés sur le sol genevois, dont 37 déployaient encore leurs effets en 2014. En ce qui concerne la durée des allégements fiscaux, il est préférable de s'en tenir à une durée de dix ans plutôt que de deux fois cinq ans, les sociétés n'appréciant pas l'incertitude.
Présidence de M. Antoine Barde, président
Le président. Je vous remercie, Monsieur le député. Je passe la parole à M. le député Pierre Vanek pour deux minutes.
M. Pierre Vanek (EAG). Merci, Monsieur le président. Très brièvement, puisque j'ai deux minutes, je remercie d'abord le député UDC Florey qui présentait le contreprojet comme une tentative d'éviter une votation populaire ! Mais mon Dieu, où va-t-on ? Il s'agit d'une initiative populaire, signée par 13 000 de nos concitoyens, qui fait une proposition simple: supprimer des allégements fiscaux attribués sans transparence, dans l'arbitraire le plus total, et permettre au peuple de se prononcer là-dessus. Et l'UDC vient spontanément lancer ce cri du coeur: «Non ! Il ne faut pas donner la parole au peuple sur cette question !» J'en prends acte, Mesdames et Messieurs. Au contraire, du côté d'Ensemble à Gauche, nous pensons que le peuple doit pouvoir se prononcer, et qu'il aurait raison de supprimer ces allégements fiscaux. De ce point de vue là, le contreprojet, qui nous est présenté - et c'est le cas - comme formalisant un certain nombre de pratiques, est un contreprojet excellent; en le lisant, chacun peut constater qu'il matérialise l'arbitraire absolu d'un Conseil d'Etat qui décide, selon le fait du prince, l'octroi ou non d'un certain nombre d'allégements, en fixe la durée et l'étendue, les soumet ou non à des conditions, sans qu'aucun recours soit possible, etc., etc. C'est totalement inacceptable ! S'il y avait un élément de politique économique défendable consistant à pratiquer des allégements fiscaux, il n'y aurait pas de raison de ne pas venir devant le parlement...
Le président. Il vous reste trente secondes.
M. Pierre Vanek. ...pour les voter à chaque fois et les soumettre aussi en dernière instance à une sanction populaire par voie de référendum. Ce n'est pas le cas, tout cela doit rester obscur et secret, le député PLR Zweifel l'a expliqué à l'instant en disant: «Vous comprenez bien, tout cela ne peut apparaître sur la place publique.» Cette économie-là, souterraine, qui ravale Genève au rang de Guernesey ou de Dubaï, comme l'a plaidé Eric Stauffer en alléguant que notre seul avantage...
Le président. Il vous faut conclure.
M. Pierre Vanek. ...serait la pratique du dumping fiscal, cette économie parasitaire, Mesdames et Messieurs, nous n'en voulons pas ! Nous souhaitons bien mieux pour Genève: une économie qui donne des emplois productifs...
Le président. C'est terminé.
M. Pierre Vanek. ...et socialement utiles, et pas une économie de parasites ! (Exclamations. Quelques applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à M. le député Roger Deneys pour trente secondes.
M. Roger Deneys (S). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, il faut quand même rappeler que les allégements fiscaux sont des avantages seulement à court terme, et que sur le fond, on peut s'interroger sur la pertinence de disposer de tels outils, quand ils disparaissent et quand les entreprises en question peuvent repartir aussi vite qu'elles sont arrivées. (Remarque.) En plus, cela crée une concurrence fiscale avec d'autres collectivités publiques. Quelque part, nous sommes un peu comme des moutons blancs dans cette assemblée: quand le premier saute dans le précipice, il faudrait que les autres le suivent. Mesdames et Messieurs les députés, la suppression des allégements fiscaux risque un jour ou l'autre...
Le président. Il vous faut conclure.
M. Roger Deneys. ...d'être imposée par d'autres autorités supranationales au motif qu'il s'agit d'une concurrence déloyale par rapport à d'autres pratiques fiscales. Il faut donc, Mesdames et Messieurs les députés, accepter l'initiative socialiste. (Remarque.)
Le président. Je vous remercie, Monsieur le député. Je passe la parole à Mme la députée Sophie Forster Carbonnier pour trois minutes.
Mme Sophie Forster Carbonnier (Ve). Merci, Monsieur le président, pour votre générosité ! Je voudrais d'abord réagir aux propos qui nous présentent les allégements fiscaux comme un outil primordial et essentiel à la promotion économique genevoise. Comme il a été souligné par quelques intervenants, il existe bien d'autres instruments pour soutenir les entreprises, instruments bien plus intéressants, bien plus générateurs d'emplois et véritables créateurs d'entreprises à Genève, à savoir des solutions comme les incubateurs ou les prises de participation.
Ensuite, je trouve extrêmement mal placées et malvenues les leçons de morale de l'UDC et du MCG à propos de l'initiative socialiste. En effet, qui, le 9 février 2014, a voté une initiative populaire qui plombe véritablement l'économie suisse et genevoise ? Ce sont bien ces deux partis. (Remarque.) L'initiative sur laquelle nous votons aujourd'hui... (Commentaires.) ...aura peut-être des effets, qu'on ne peut pas nier, mais bien plus faibles... (Nombreux commentaires.)
Le président. S'il vous plaît !
Une voix. Stop !
Mme Sophie Forster Carbonnier. ...bien plus faibles...
Le président. Je vous prie de respecter la parole de l'orateur.
Mme Sophie Forster Carbonnier. ...bien plus faibles que les conséquences que, de manière irresponsable, vous avez fait subir au pays par votre initiative. (Protestations.) J'en appelle, s'il vous plaît, à la raison... (Vives protestations.) ...et je vous demande de cesser vos leçons de morale malvenues ! (Applaudissements. Huées.)
Le président. S'il vous plaît, un peu de respect ! Je passe la parole à M. le conseiller d'Etat Serge Dal Busco.
M. Serge Dal Busco, conseiller d'Etat. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, comme j'ai eu l'occasion de le faire à de nombreuses reprises dans cette salle, j'en appelle à la raison et au pragmatisme. On a évoqué la position de certains de mes prédécesseurs par rapport au sujet qui nous occupe, et force est de constater qu'il y a une certaine continuité, quel que soit le titulaire du département des finances: en exerçant cette fonction, intéressante à plus d'un titre, chacun se rend bien compte de la réalité des chiffres, et se rend bien compte aussi qu'il faut une économie prospère, diversifiée, équilibrée, pour générer des emplois et des recettes fiscales. Pour y parvenir, il y a toute une palette de produits et d'instruments à disposition, et le principe de l'allégement fiscal en est un. Il existe depuis longtemps dans notre législation, il a été fortement utilisé dans les années 90, lorsque l'économie était quasi en lambeaux - c'était en tout cas une période très difficile pour notre canton; on en a fait usage de manière très intelligente et on a réussi à repartir et à reconstruire une économie sur cette base, qui s'est ensuite développée dans les années 2000. C'est absolument fondamental de disposer d'un outil comme celui-là dans notre arsenal.
Nous savons quel sort ce parlement a réservé à l'initiative; nous verrons ce que le peuple en fera. Dans cette discussion sur le sort de l'initiative, le Conseil d'Etat a envisagé son retrait, vu que c'est apparu possible à un moment donné - en tout cas dans les discussions que nous avions avec les initiants - par le biais d'un contreprojet, d'une loi même. C'était l'objectif, parce que nous estimons que dans les conditions actuelles d'incertitude fiscale et monétaire - on vient d'évoquer quelques éléments d'incertitude consécutifs aux conditions-cadres créées par des initiatives certes votées par le peuple, mais préjudiciables à notre économie, il faut le reconnaître et le dire - il faut éviter, Mesdames et Messieurs, de crier, ou plutôt de créer - et de crier aussi ! - un climat d'incertitudes supplémentaires. Or, c'est exactement ce qui arrive avec cette initiative. Alors dans une tentative de calmer les esprits, ce à quoi j'essaie de vous appeler, la stratégie du Conseil d'Etat est précisément de vous proposer ce projet de loi, qui ne fait que codifier, ou plutôt préciser dans une loi - car c'est déjà codifié - quelle est la pratique du Conseil d'Etat en matière d'allégements fiscaux.
J'ai entendu des propos incroyables sur le manque de transparence, sur le fait du prince et ce genre de choses. Cela se fait dans une rigueur absolue, Mesdames et Messieurs, selon des principes - nous nous proposons de les inscrire dans la loi - et suivant des pratiques administratives et fiscales clairement déterminées, et vous le savez très bien, car nous vous les avons exposées en commission.
Mesdames et Messieurs, je vous invite au nom du Conseil d'Etat à voter ce contreprojet, parce qu'il vient - et c'est son objectif à nos yeux - limiter le danger que représente cette initiative. On ne sait pas ce qui peut arriver, mais face à un déferlement d'arguments, comment dirais-je...
Une voix. Mensongers !
M. Serge Dal Busco. Parfaitement, mensongers, ou en tout cas qui pourraient créer le doute, on peut imaginer, malheureusement, qu'elle puisse être acceptée. Ce risque, nous ne voulons pas le prendre et nous allons donc expliquer clairement au peuple, par le biais de ce texte, combien il est important de maintenir cet instrument. Je vous invite, Mesdames et Messieurs, au nom du Conseil d'Etat, à accepter le contreprojet tel qu'il est issu des travaux de la commission fiscale.
Le président. Je vous remercie, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, la parole n'étant plus demandée, je vais vous faire voter sur l'entrée en matière de ce projet de loi... (Remarque.) ...soit le contreprojet à l'initiative 150.
Mis aux voix, le projet de loi 11456 est adopté en premier débat par 73 oui contre 9 non et 15 abstentions.
Deuxième débat
Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés.
Le président. Nous sommes saisis de deux amendements des Verts à l'article 10; un premier à l'alinéa 1, qui vise à supprimer la dernière phrase, à savoir: «La modification importante de l'activité de la personne morale peut être assimilée à une création nouvelle.» Quant au second, il donne à l'alinéa 3 la teneur suivante: «Le Conseil d'Etat fixe la durée et l'étendue de l'allégement fiscal. Il subordonne en outre l'octroi de ce dernier au respect des conventions collectives, des contrats-types de travail et des conditions de travail en usage, ainsi qu'au respect des principes de développement durable, tels que formulés dans la loi A 2 60. Il peut en outre subordonner l'octroi de ce dernier au respect de certaines conditions supplémentaires.»
Je passe la parole d'abord à Mme Sophie Forster Carbonnier pour qu'elle nous présente les amendements.
Mme Sophie Forster Carbonnier (Ve). Je vous remercie, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, comme je vous l'ai déjà indiqué dans mes interventions précédentes, il importe pour nous de mieux préciser le cadre législatif dans lequel peuvent être accordés les allégements fiscaux. Dans ce projet de loi, nous avons droit à une liste à la Prévert, extrêmement peu contraignante, et il est important pour les Verts de préciser le cadre législatif et de poser des conditions beaucoup plus strictes à l'octroi des allégements fiscaux. Pour cette raison, nous vous proposons deux amendements. Le premier consiste à ne pas autoriser une même entreprise à bénéficier de deux allégements successifs; nous estimons en effet que cela va à l'encontre du bon sens et des principes libéraux en la matière, et que cela crée une certaine inégalité de traitement entre les entreprises. Le deuxième amendement consiste à poser des conditions nettement plus fortes, en subordonnant l'octroi d'allégements fiscaux au respect des conventions collectives de travail, des contrats-types de travail et des conditions de travail en usage, car selon nous, il est très important que si une entreprise bénéficie d'un allégement fiscal, elle mette en application le droit du travail tel que nous le connaissons à Genève.
Nous ajoutons également une référence au développement durable, parce que dans ce parlement et dans la constitution, nous appelons tous de nos voeux qu'un meilleur développement, durable, soit appliqué par les entreprises genevoises. Là, nous avons l'occasion de mettre ces principes en pratique et de demander qu'ils soient mis en oeuvre lorsque nous octroyons des allégements fiscaux aux entreprises. Pour toutes ces raisons, je vous demande de bien vouloir faire bon accueil aux amendements que le groupe des Verts a déposés. Je vous remercie.
M. Eric Stauffer (MCG). Il y a des fois, les mots pourraient me manquer... (Vives exclamations.) Quand on entend l'argumentaire de celle qui a rédigé ces amendements, qui travaille pourtant dans les milieux économiques et a normalement un oeil assez perçant lors des audits - j'en ai effectué quelques-uns avec elle... (Commentaires.) Mais là, je dois dire que je suis effaré. Quand le pouvoir législatif commence à interférer avec l'exécutif, ou quand il veut se prendre pour l'exécutif, en général, ça produit des catastrophes.
Une voix. Ha ha ha !
M. Eric Stauffer. Laissez-moi encore une fois, pour les moins illuminés d'entre vous, vous donner un exemple. Si, comme le veulent ceux qui ont déposé cet amendement, nous limitons dans le temps et empêchons le renouvellement, malgré les arguments potentiellement valables des entreprises - et vous irez poser la question aux 100 000 familles qui se sont retrouvées sur le carreau en Irlande - nous pourrions nous retrouver avec des entreprises qui diraient: nous sommes venues parce que nous bénéficiions d'avantages fiscaux, nous avons créé des dizaines de milliers d'emplois; maintenant que nous n'en avons plus, nous irons ailleurs, à Dubaï, en Irlande, au Luxembourg, en Angleterre, peu importe ! C'est ce qui s'est passé en Irlande: à la fin du contrat-cadre, une entreprise est partie et s'est établie en Pologne. Eh oui, Mesdames et Messieurs ! Résultat des courses, allez demander à ces ouvriers irlandais ce qu'ils pensent de cette politique de gauche, maintenant qu'ils sont tous à la rue, qu'ils sont tombés dans la précarité, parce que des artificiers de gauche ont réussi à mettre le feu et à faire exploser toute la machine ! Alors je vous le demande, Mesdames et Messieurs les députés, jusqu'à quand allez-vous tromper le peuple avec vos initiatives ?
Mais rassurez-vous: j'en ai autant pour le PLR, enfin, l'Entente ! Quand, dans certaines communes, le PLR invite à voter socialiste avec des alliances contre-nature, vous m'excuserez, du point de vue de la crédibilité... (Vives protestations. Applaudissements.)
Le président. S'il vous plaît !
M. Eric Stauffer. ...vis-à-vis de la population, on a quand même un léger problème ! Alors je vous le demande, Mesdames et Messieurs: finalement, à quoi jouons-nous ici ? A être une bande d'hypocrites ? Si j'entends bien, les socialistes appellent à voter PLR et les PLR à voter socialiste ! Tout va bien ! Et dans tout ça, l'électeur ne comprend plus rien. Franchement, ce n'est pas comme cela qu'au MCG, nous faisons de la politique. (Commentaires.)
Ceci étant dit, le groupe MCG refusera tous les amendements déposés par le groupe des Verts, et nous réservons encore notre décision sur le contreprojet... (Commentaires.) ...mais pour nous, la gifle doit être sèche et le message adressé aux milieux économiques par ce parlement doit être fort et sans faille: oui, nous voulons une économie forte et il ne faut pas taxer plus les multinationales. Nous aurions un mot à leur dire ce soir, c'est: merci d'avoir choisi Genève, et merci d'avoir donné ces dizaines de milliers d'emplois à l'économie genevoise ! (Applaudissements. Huées.)
Le président. Voilà. (Rires.) Les rapporteurs veulent-ils s'exprimer maintenant ou à la fin ? (Remarque.) A la fin. Je passe la parole à M. le député Pierre Vanek.
Une voix. Ah ! (Commentaires.)
M. Pierre Vanek (EAG). Merci, Monsieur le président. Rapidement, j'ai d'abord été inquiet qu'Eric Stauffer ne trouve plus les mots pour parler d'un certain nombre de choses et nous rappeler, comme il le fait depuis six mois, qu'on allait voir ce qu'on allait voir le 19 avril, etc. Mais là, il a un petit regain de santé... (Rires.) ...qui nous a bien fait rigoler !
Sur l'Irlande, Monsieur le député, objet de votre plaidoyer: l'Irlande s'est développée de manière artificielle, à coups de cadeaux fiscaux et de bulles immobilières. C'est une politique de développement du type de celle que vous défendez qui a conduit ce pays dans une impasse ! C'est précisément une politique de ce genre que nous combattons ! Ce dont l'Irlande a besoin - je suis bien placé pour le savoir, car ma famille est irlandaise, une bonne partie de mes connaissances sont là-bas et j'ai même un passeport irlandais dans une de mes poches - et la leçon... (Protestations. Chahut.)
Le président. S'il vous plaît !
M. Pierre Vanek. ...que les ouvriers et les salariés irlandais... (Chahut persistant.) ...tirent du bilan de cette politique, c'est qu'il ne faut pas la suivre ! Il faut un développement ancré sur une économie productive - j'en ai parlé tout à l'heure - une économie qui ne dépende pas de décisions... (Vifs commentaires. Protestations.) ...prises à Washington, à Seattle ou Dieu sait où ! (Vifs commentaires.) Parlez-en aux licenciés de Merck Serono ! Parlez-en ! Le plus gros licenciement collectif dans l'histoire de Genève a été fait dans une multinationale ! Ce n'est pas cette économie que nous voulons ! L'expérience irlandaise dont Eric Stauffer a parlé est parfaitement pertinente ! (Vifs commentaires. Protestations.) Il a parfaitement raison d'en parler mais il a parfaitement tort dans les conclusions qu'il en tire et quant aux conclusions qu'en tirent les salariés, les paysans et le peuple d'Irlande ! (Exclamations. Applaudissements.)
Le président. Je vous remercie, Monsieur le député. Si vous pouviez parler plus calmement... (Rires.) ...c'est tellement plus agréable !
M. Pierre Vanek. Je m'excuse, Monsieur le président. Je peux recommencer doucement, si vous voulez.
Le président. Ça va aller: une fois suffit.
M. Pierre Vanek. Je peux le faire aussi tout gentil !
Le président. Une prochaine fois !
M. Pierre Vanek. D'accord !
Le président. Je passe la parole à M. le député Roger Deneys.
M. Roger Deneys (S). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, il faut souligner que le changement de pratique du Conseil d'Etat ces dernières années - deux allégements accordés en 2014 - révèle quand même qu'il s'est rendu compte du caractère historiquement problématique de ces mécanismes. Aujourd'hui, on change les pratiques et on les adapte, justement parce qu'on est sensible aux questions de concurrence déloyale que représentent potentiellement les allégements fiscaux. Rappelons que cet avantage est un avantage à court terme. Le problème de ce genre de dispositifs, c'est que si Google venait s'installer à Genève, il bénéficierait d'un allégement fiscal.
Une voix. Mais non ! Certainement pas !
M. Roger Deneys. C'est vrai que c'est une pauvre entreprise, particulièrement menacée au niveau financier ! (Exclamations.) Eh bien on pourrait lui accorder un allégement fiscal ! Et cette entreprise, comme on l'a déjà vu dans ce canton, pourrait tout à fait venir s'installer, et quitter le territoire onze ans plus tard. Mesdames et Messieurs les députés, c'est vrai que ce mécanisme d'allégement fiscal peut attirer des entreprises à Genève, mais il est vrai aussi que c'est un dispositif à court terme. C'est une sorte de pari: certaines entreprises peuvent repartir aussi vite qu'elles sont arrivées parce qu'elles bénéficient ailleurs d'allégements identiques ou supérieurs.
La question que nous devons nous poser, c'est: quel type d'économie voulons-nous à Genève ? Une économie durable, basée sur des emplois à long terme ? Ou simplement du «pchitt» conjoncturel qui permet à un conseiller d'Etat de briller dans les médias de la droite économique, et le lendemain, quand l'entreprise ferme, ou quand un milliardaire comme Bertarelli s'en va en licenciant 1100 personnes par la vente de son entreprise, on fait comme si de rien n'était ? Mesdames et Messieurs les députés, les allégements fiscaux posent cette question de la stabilité économique et de la durabilité des emplois.
Effectivement, le changement de paradigme peut être risqué, mais je l'ai déjà dit: à long terme, il est certain que les allégements fiscaux vont disparaître parce que c'est une pratique de concurrence fiscale inadmissible entre Etats et entre cantons. Je vous invite donc d'abord à supprimer les allégements fiscaux; et, certes, s'il est possible d'améliorer un contreprojet, tant mieux: c'est toujours ça de pris. Mais sur le fond, Mesdames et Messieurs les députés, il faut surtout rappeler que le problème du canton de Genève, c'est le même que pour l'Irlande ! Nous changeons de pratiques pas seulement parce que nous avons décidé de changer de majorité politique, mais parce que les chiffres sont là, et que les chiffres, en Irlande comme à Genève, ce sont des dettes, des déficits publics et des prestations à la population qu'on ne peut plus assumer. Voilà bien ce qui se passe aujourd'hui à Genève quand la dette passe de 10 milliards à 13 milliards en quelques années après une baisse d'impôts ! Le paradigme que défend le député MCG Stauffer consiste à baisser les impôts pour attirer les entreprises et faire entrer des recettes fiscales, or en réalité, les chiffres indiquent exactement le contraire ! Aujourd'hui, Genève s'enfonce parce que nous avons accordé des avantages fiscaux que nous n'avons pas les moyens d'assumer. C'est pour cela qu'il faut être pragmatique. Il est envisageable de revenir sur le dispositif des allégements fiscaux, ce n'est pas un drame en soi, c'est un changement; c'est vrai que certaines entreprises pourraient partir, mais d'autres resteront quand même.
Mesdames et Messieurs les députés, pour éviter la catastrophe au canton, il faut d'abord éliminer le MCG de tous les exécutifs communaux... (Protestations. Applaudissements.) ...les éliminer ensuite du Conseil d'Etat et si possible les sortir du Grand Conseil. Alors, on pourra peut-être, avec le PLR, qui se préoccupe aussi de l'avenir économique de ce canton - parce que je suis certain qu'avec eux on peut discuter en réalité - réfléchir à la fiscalité sur des bases pensées pour l'avenir de notre canton. (Quelques applaudissements.)
M. Eric Stauffer (MCG). Je serai bref. Nous venons d'entendre un représentant du parti socialiste crier au scandale sur les multinationales. Je vous pose la question, chers collègues du parti socialiste: combien d'entre vous vivent grâce aux multinationales ?
Des voix. Tous !
M. Eric Stauffer. Combien vivent grâce aux multinationales ? Il y a déjà la présidente cantonale de votre parti ! Eh oui, et vous le savez ! Son mari est cadre dans une multinationale qui bénéficie des allégements fiscaux. (Commentaires.) Ne venez donc pas scier la branche sur laquelle vous êtes assis ! Arrêtez vos hypocrisies, arrêtez de raconter des mensonges à la population ! (Applaudissements.)
Le président. Je vous remercie, Monsieur le député. Je passe la parole à M. le député Ronald Zacharias pour une minute cinquante.
M. Ronald Zacharias (MCG). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, le texte de l'initiative 150 ne doit donner lieu à aucun dividende de quelque nature que ce soit...
Une voix. Une amende !
M. Ronald Zacharias. ...et ce essentiellement pour deux raisons. (Brouhaha.) La première est qu'il est irrespectueux, injurieux et irresponsable envers les forces vives de notre canton. La deuxième est que la gauche a trouvé le moyen d'exploiter nos angoisses; elle a pris l'habitude de réclamer l'absurde en espérant récolter quelque fruit de ses extravagances. Elle a pris goût à pouvoir avancer ses pions sans qu'aucune résistance lui soit opposée, essentiellement par la crainte que nous avons de son pouvoir à manipuler l'opinion. Nous devons donc être clairs, déterminés et donner un signal... (Remarque. L'orateur s'interrompt. Rires.) ...à ceux qui assurent la prospérité de Genève. C'est pourquoi notre groupe vous demande... (Remarque.) ...de voter le contreprojet sans aucun des amendements proposés par les Verts. Je vous remercie. (Quelques applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. Mesdames et Messieurs, j'aimerais que vous ayez un peu plus de respect les uns envers les autres quand un orateur s'exprime. Je vous remercie. Je passe la parole à Mme Salika Wenger.
Mme Salika Wenger (EAG). Je vous remercie, Monsieur le président. Chers collègues, j'ai l'impression d'avoir affaire à une assemblée d'autistes... (Commentaires.) ...et je présente des excuses aux autistes qui sont probablement plus conscients que vous l'êtes des difficultés aujourd'hui. Dans tous les pays où une politique d'austérité a été menée - je veux dire d'une part une tentative de compression des services publics et des budgets qu'ils représentent, d'autre part une baisse d'impôts pour les grandes entreprises - dans tous ces pays, ça a foiré ! C'est-à-dire que cela n'a pas fonctionné. Et je peux vous donner de multiples exemples. (Commentaires.) Or, aujourd'hui, à Genève, en Suisse, dans l'un des pays les plus riches du monde, on est en train de tenter de nous imposer un modèle qui ne fonctionne pas ! Ce que vous avez dit pour l'Irlande, on peut le dire pour d'autres pays: l'Espagne, la Grèce sont absolument le résultat de la politique que vous voulez mener !
J'ai bien entendu le MCG se targuer de défendre la population. Mais en votant ce contreprojet, il ne s'occupe pas de la population, il s'occupe des transnationales ! Et je vous le dis: être à ce point dépendant de ses maîtres, c'est impossible lorsqu'on prétend être une république ! C'est pourquoi nous ne voterons ni le contreprojet, ni les amendements, ni rien de ce genre: nous voulons que le peuple se dise une bonne fois pour toutes que nous ne voulons pas faire de cadeaux aux entreprises qui ne respectent ni le droit des travailleurs ni les droits humains !
Le président. Je vous remercie, Madame la députée. Je passe la parole à M. le député Yvan Zweifel.
Une voix. Ah !
M. Yvan Zweifel (PLR). Merci, Monsieur le président. Je commencerai mon intervention sur les amendements, puisque c'est le sujet de ce deuxième débat, en disant d'abord à Mme Forster Carbonnier - vous transmettrez, Monsieur le président - que son premier amendement ne me semble pas cohérent avec les propos qu'elle a tenus, puisque, si j'ai bien compris, il consiste à empêcher qu'une entreprise puisse profiter de manière successive d'allégements; mais ce n'est pas ce que vous proposez en supprimant la phrase: «La modification importante de l'activité de la personne morale peut être assimilée à une création nouvelle», parce qu'il est possible qu'une entreprise qui n'a jamais bénéficié d'allégements décide de restructurer son activité afin de se présenter sur un marché nouveau, et bénéficie alors d'allégements pour les investissements importants qu'elle devrait consentir en vue de sa nouvelle activité. Vous n'allez donc pas du tout dans la direction que vous proposez, et cet amendement n'est pas bon. Pour le deuxième amendement, c'est à peu près la même chose, mais d'une autre manière: en ajoutant trop de conditions, nous perdons toute la souplesse de l'outil, ce qui n'est pas non plus une bonne chose. C'est pour cette raison que le PLR ne votera pas non plus ces amendements.
Permettez-moi néanmoins de parler aussi d'éléments avancés par d'autres orateurs, Monsieur le président. D'abord, je voudrais dire à Mme Wenger - vous transmettrez, Monsieur le président - puisqu'elle nous a traités d'autistes, que je souhaiterais qu'elle vérifie dans le dictionnaire la définition d'un certain nombre de termes qu'elle a utilisés; non pas celle d'«autisme», mais celle d'«austérité». Il me semble que l'austérité, c'est lorsqu'on comprime les budgets au fur et à mesure. Or, quand le budget genevois ne cesse d'augmenter... (Remarque de Mme Salika Wenger.)
Le président. Mme Wenger, s'il vous plaît !
M. Yvan Zweifel. Je sais compter, moi, Madame, contrairement à d'autres ici ! Vous vérifierez que le budget 2015 est plus élevé que le budget 2014 ! Il ne s'agit donc en aucun cas d'un budget d'austérité; mais je vous laisserai vérifier ce qu'il en est dans le dictionnaire et dans les comptes ainsi que dans le budget.
Ensuite, je voudrais dire à M. Deneys que dans toutes ses affirmations, une seule était vraie: ces entreprises multinationales sont volatiles. Et à force de proposer des textes pour les faire fuir, effectivement, elles vont fuir, Monsieur Deneys !
Une voix. Oh là là !
M. Yvan Zweifel. Si c'est ce que vous cherchez, dites-le clairement, il n'y aura pas de problème là-dessus. Tout le reste de ce que vous avez dit est un non-sens. La clause de «clawback», par exemple: vous nous expliquez qu'une entreprise pourrait profiter pendant dix ans d'allégements, et qu'à la onzième année, elle s'en irait. Ce n'est vrai qu'à une seule condition, Monsieur le député - vous transmettrez, Monsieur le président: si elle a profité d'un allégement la première année et pas les neuf années suivantes. Si elle a profité d'allégements pendant dix ans, cela reporte encore de dix ans la possibilité de récupérer les impôts au cas où sa situation viendrait à s'améliorer. Votre raisonnement est donc totalement faux, Monsieur le député, permettez-moi de vous le dire.
J'aimerais répondre ensuite à M. Vanek, Monsieur le président, qui apparemment n'apprécie pas l'activité économique déployée par les multinationales. Après tout, c'est son choix, il a tout à fait le droit de penser que ces entreprises ne font pas de bonnes choses et que ces 76 000 emplois directs ne sont pas intéressants pour l'économie genevoise. Mais il faut rappeler que ces entreprises créent aussi des emplois indirects: leurs employés vont aller dans les restaurants, elles vont faire travailler des sociétés de sécurité, des sociétés de nettoyage, des sociétés informatiques - M. Deneys pourrait vous en parler... (Commentaires.) ...et cela représente 121 600 emplois supplémentaires qui seraient menacés, Monsieur Vanek, vous transmettrez, Monsieur le président. Nous parlons d'emplois pas seulement dans les compagnies que n'apprécie pas M. Vanek, mais également dans un certain nombre d'autres sociétés tout à fait locales et qu'il devrait au contraire défendre.
Mesdames et Messieurs, je conclurai simplement en disant que le PLR vous recommande de refuser ces amendements, de vous opposer avec vigueur à l'initiative 150, d'accepter ce contreprojet afin de garder un outil de promotion économique et non pas, comme le souhaite la gauche, de créer un outil de désolation sociale. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à Mme la députée Lydia Schneider Hausser, pour une minute quarante et une.
Mme Lydia Schneider Hausser (S). Merci, Monsieur le président, ce sera suffisant. J'aimerais simplement corriger ou répondre: je vous assure que la présidente du parti socialiste, Mme Carole-Anne Kast, a ses propres revenus pour subvenir à ses besoins, que le parti socialiste n'a jamais dit quoi que ce soit contre les employés et les travailleurs des multinationales ou de n'importe quelle autre entreprise, et que ce que nous revendiquons, c'est que ces entreprises multinationales contribuent... (Commentaires.)
Le président. S'il vous plaît !
Mme Lydia Schneider Hausser. ...à la même hauteur que les entreprises locales aux charges, au budget et aux impôts de notre canton. Voilà !
Nous soutiendrons bien évidemment les amendements des Verts, qui vont dans le même sens que ce que nous proposions. A l'article 10, c'est important d'éliminer la phrase: «La modification importante de l'activité de la personne morale peut être assimilée à une création nouvelle», parce que c'est un moyen de prolonger de dix ans en cinq ans des allégements fiscaux pour des branches de certaines entreprises qui ont déjà reçu des allégements pour d'autres branches de leurs activités; c'est une pratique qui à notre avis perdure trop longtemps.
Le président. Merci, Madame la députée. La parole est à M. le député Roger Deneys, à qui il reste vingt-sept secondes. (Remarque.)
M. Roger Deneys (S). Merci, Monsieur le président. Ce sera suffisant pour dire à M. Zweifel que ce qu'il expliquait au sujet des entreprises informatiques était certes vrai dans le passé, mais plus aujourd'hui. Nous l'avons vu avec Firmenich, entreprise soi-disant genevoise, qui engage des informaticiens roumains via une société brésilienne ! (Commentaires.) Voilà la réalité: les emplois locaux avec les allégements fiscaux, c'est un mythe ! Ça a disparu ! C'est un effet secondaire néfaste de l'ouverture des marchés, et c'est une raison de plus de supprimer les allégements fiscaux.
M. Romain de Sainte Marie (S), rapporteur de minorité. Aucun socialiste n'a encore expliqué l'abstention de notre groupe tout à l'heure lors du vote d'entrée en matière, et je crois que c'est important de le faire. Ce vote est assez symbolique et montre quand même l'ouverture du parti socialiste pour discuter... (Protestations. Rires.) ...pour discuter encore d'amendements à ce contreprojet. Vos rires aussi sont assez représentatifs de votre volonté de consensus. J'entends parler de stabilité économique et de stabilité politique; encore faudrait-il adopter réellement un esprit de consensus pour pouvoir espérer un accord et une stabilité politique. Lors des travaux en commission, nous avons vraiment ouvert la porte aux possibilités mentionnées par M. le conseiller d'Etat, à savoir un retrait de l'initiative au profit d'un consensus autour du contreprojet; ce consensus n'a clairement pas été trouvé. Pourtant, vous pouvez retrouver dans le rapport de minorité tous les amendements que nous avons proposés: seul un, mineur, a été accepté. (Remarque.) Ce soir, c'est dommage de voir dans quel état d'esprit vous abordez les amendements proposés par les Verts, en sachant que le premier, la suppression de la dernière phrase de l'alinéa 1 à l'article 10, prend tout son sens, puisque, encore une fois, même si c'est très difficile de le savoir - nous partons de suppositions - il est envisageable que des entreprises subissant des modifications importantes - et là nous sommes plutôt dans un débat juridique sur la forme de l'entreprise - puissent bénéficier d'allégements fiscaux à la chaîne. Cette pratique générerait des inégalités de traitement entre les entreprises et amènerait une concurrence déloyale entre elles. Le deuxième amendement, à l'alinéa 3 de l'article 10, prend aussi tout son sens, puisqu'il renforce le respect des conditions de travail, essentiel à la cohésion sociale de notre canton, comme critère d'octroi d'allégements fiscaux.
Encore une fois, dans tous les débats de ce soir, il est flagrant de voir combien d'erreurs ont été faites, et on vient de les mentionner. Des erreurs en effet, car très peu d'éléments sont connus: on parle de «ces entreprises», mais savez-vous, Mesdames et Messieurs les députés, de quelles entreprises nous parlons réellement ? C'est ça qui est très intéressant; moi, je ne le sais pas, alors je suis heureux - peut-être suis-je naïf - d'entendre que vous connaissez ces entreprises et que vous savez précisément quels sont leurs secteurs d'activité. Personnellement, je ne les connais pas, et je trouve véritablement regrettable que nous n'ayons pas un contreprojet avec une réelle vision politique sur certains secteurs économiques, par exemple le secteur industriel 2.0 des nouvelles technologies, que j'ai mentionné, puisqu'on le sait, à Genève, le secteur industriel diminue d'année en année, et c'est très dommage.
Enfin, Monsieur le président, vous permettrez que je réagisse aux propos de M. le député Stauffer, qui compare les députés de la gauche à des artificiers. C'est un peu gonflé quand on voit partout en Europe le résultat des politiques économiques de droite depuis des décennies, du libéralisme et des délocalisations qui en sont le fruit, et aussi de la crise financière de 2008, due à une spéculation accrue. Voilà le résultat d'une politique économique et libérale de droite ! Les «artificiers» de gauche, eux, ont instauré depuis des années, dans ce pays et partout en Europe, des politiques sociales efficaces: les congés payés, les assurances sociales, l'assurance-chômage et l'assurance-maternité. Voilà le fruit d'une politique de gauche. Il faut le reconnaître aujourd'hui, au détriment d'une politique de droite qui n'a fait aucune preuve et qui n'entraîne qu'inégalités au sein de la population, c'est pourquoi je vous demande d'accepter ces amendements, et nous verrons ensuite ce que nous voterons pour le contreprojet. (Quelques applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur de minorité. (Commentaires.) S'il vous plaît ! Entre-temps, j'ai une demande de parole de M. Stauffer, à qui il reste quarante secondes.
M. Eric Stauffer (MCG). Merci, Monsieur le président. Les fruits de la politique de gauche, parlons-en ! C'est l'effondrement de l'Union soviétique, c'est la corruption à tout-va. (Commentaires.) Voilà le modèle économique que la gauche propose. C'est encore une France décadente, sous perfusion, avec une des dettes les plus hautes parmi les pays européens. La politique de gauche a ceci de bien qu'elle met tout le monde au même niveau, mais malheureusement dans la merde totale ! Au moins, une politique économique forte peut produire du social efficace.
Le président. Il vous faut conclure.
M. Eric Stauffer. Je conclus en vous disant, Mesdames et Messieurs de la gauche, qu'à force de convoiter l'argent du riche, vous finirez par voler celui du pauvre !
Des voix. Oui !
M. Jacques Béné (PLR), rapporteur de majorité. Il a été dit que ces allégements fiscaux représentent le seul outil de promotion économique à la disposition du Conseil d'Etat. Chez les Verts, on nous a dit qu'il y en avait d'autres, mais sans vraiment les citer: j'aimerais bien savoir quels autres outils de promotion économique il y a dans les mains du Conseil d'Etat. Je constate aussi que j'ai commis un impair - personne ne me l'a reproché, mais je veux croire que tout le monde est pour la transparence: j'ai mis dans les annexes de mon rapport le projet de directive, qui reprend assez largement les directives actuellement en vigueur au sein du département des finances sur les allégements fiscaux. Cela me permet de revenir sur le premier amendement des Verts à l'article 10, alinéa 1, qui vient biffer la phrase: «La modification importante de l'activité de la personne morale peut être assimilée à une création nouvelle.» La suppression de cette phrase rendrait caduque une bonne partie de cet outil économique dans les mains du Conseil d'Etat. Si vous lisez le point 2.1.2 de ce projet de directive, qui est à peu près ce qui est en vigueur aujourd'hui, vous noterez que «la notion de "modification fondamentale de l'activité de l'entreprise" doit s'interpréter de manière restrictive». On parle d'«investissements importants» et d'«utilisation de procédés techniques différents», il faut en outre que l'entreprise établisse clairement «qu'elle aurait vraisemblablement dû cesser son exploitation ou déplacer son activité sans cette reconversion». Il est précisé qu'il n'y aura pas d'allégement fiscal «lorsque l'entreprise diversifie ses activités, en développe de nouvelles ou crée une nouvelle gamme de produits, soit les opérations faisant partie du cours ordinaire des choses dans le cadre de la vie d'une société».
Mesdames et Messieurs, j'ai de la peine à comprendre pourquoi les partis au parlement et au gouvernement ne font pas confiance à leurs membres élus par le peuple. Les députés UDC font confiance au Conseil d'Etat alors qu'ils n'y ont pas de représentant, bravo, je les en remercie ! Mais vous, les socialistes, et vous, les Verts, qui avez des représentants au Conseil d'Etat, faites-leur confiance ! Sont-ils si mauvais que ça pour que vous ne leur fassiez pas confiance ? (Commentaires.) Je ne le crois pas, puisque même nous, nous leur faisons confiance. Mesdames et Messieurs, le processus est très, très clair: ce n'est pas une seule personne qui décide de ces allégements fiscaux. En règle générale, les propositions viennent du service de la promotion économique, elles sont ensuite révisées et contrôlées par l'administration fiscale, qui fait aussi ses remarques, avant d'être encore soumises aux communes. Mesdames et Messieurs, soyons cohérents: il n'y a pas qu'une personne à décider de ces allégements fiscaux, c'est un collège ! Et jusqu'à maintenant, contrairement à ce que peuvent dire M. Vanek ou Mme Wenger - qui n'est plus là - ce collège a certainement pris les bonnes décisions, puisque la santé économique de notre canton est plutôt bonne, si on regarde l'économie d'autres cantons ou de villes comparables en Europe. Mesdames et Messieurs, il faut rester cohérent.
J'en viens à l'amendement à l'article 10, alinéa 3: nous pourrions aussi bien inscrire dans la loi que l'entreprise qui bénéficie d'allégements fiscaux doit respecter toutes les autres lois en vigueur dans ce canton ! L'alinéa n'est qu'un rappel. Les conditions d'octroi sont déjà inscrites dans le projet de loi qui vous est soumis aujourd'hui; on parle déjà de développement durable. N'allons pas demander aux entreprises de s'inscrire dans l'Agenda 21: c'est une loi contraignante pour l'Etat, mais pas pour les entreprises, ce serait totalement incohérent. Il n'y a aucune raison d'ajouter ces éléments, qui figurent déjà dans d'autres lois, ou qui sont mentionnés à l'article précédent, comme le développement durable.
Je terminerai avec une seule réflexion sur l'équité, qu'on a évoquée à plusieurs reprises ce soir. Je suis prêt à discuter de l'équité, dans tous les domaines: il faut aussi une équité en matière d'imposition des personnes physiques. Mesdames et Messieurs, dans notre canton, 91 000 contribuables, soit 34%, ne paient pas d'impôts. (Commentaires.) 34%, 91 000 contribuables, Mesdames et Messieurs ! 4% de la population paient 50% des impôts; alors cessez avec votre équité ! Les entreprises qui bénéficient d'allégements fiscaux font aussi la renommée de notre canton en matière d'innovation et en matière de développement durable, car le Conseil d'Etat y est attentif. Aujourd'hui, comme pour les forfaits fiscaux, nous nous trouvons devant une alternative: soit nous faisons comprendre à la population que nous voulons une législation stable, ce que demandent la plupart des entreprises qui souhaitent s'installer dans notre canton... Et quant à la transparence...
Le président. Il vous faut conclure.
M. Jacques Béné. ...j'ai inclus les directives dans le rapport, elles sont suffisamment claires pour satisfaire tout le monde, arrêtez de parler de manque de transparence dans ce domaine ! Faisons confiance au Conseil d'Etat, votons ce contreprojet, et j'espère que la population prendra conscience que pour l'économie de notre canton, il est vital de conserver cet outil de promotion économique. (Applaudissements.)
M. Serge Dal Busco, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, j'ai quelques remarques concernant les propositions d'amendements des Verts. Le premier est problématique, il est même un peu dangereux, je vous dirai pourquoi, et le deuxième est au pire inapplicable et au mieux inutile. S'agissant du premier, la question de l'octroi d'allégements à des personnes morales qui procéderaient à une modification importante de l'activité, c'est vraiment très important, Mesdames et Messieurs, dans l'optique de sauver des emplois. Il est arrivé et il arrivera, je pense, relativement souvent à l'avenir - pas trop souvent j'espère - vu la dégradation des conditions-cadres, que des entreprises soient appelées à se restructurer justement pour sauver des emplois. C'est une situation dont la probabilité est grande, et précisément dans ces circonstances, la possibilité d'octroyer des allégements doit être maintenue: c'est la raison pour laquelle le Conseil d'Etat vous invite à ne pas accepter cet amendement.
Le deuxième est inutile, comme l'a rappelé le rapporteur de majorité, puisque respecter des conventions collectives, c'est déjà obligatoire, si elles existent dans la branche concernée, et il en va de même pour les autres lois auxquelles il est fait référence. Enfin, s'agissant du développement durable et en particulier de la référence à la loi A 2 60, vouloir fixer des critères sur cette base, alors que vous cherchez justement à préciser ces critères, c'est finalement procéder à l'envers: comment pouvez-vous vérifier si des conditions sont respectées, alors que cette loi porte sur le développement durable, qui est une notion hélas encore extrêmement vague ? Pour cette bonne raison, à ce qu'il nous semble, il faut également refuser ce deuxième amendement.
Mesdames et Messieurs, le Conseil d'Etat vous demande vraiment de maintenir la possibilité d'avoir à sa disposition cet instrument - l'un des rares, peut-être le seul et même le seul véritablement efficace - pour mener une politique économique. Les paramètres économiques ont été abondamment évoqués et discutés au cours de ce débat, plutôt de ce côté-ci du parlement. (L'orateur désigne les bancs de droite.) M. Stauffer a lui aussi évoqué, certes de façon véhémente, la réalité économique et la production de richesses qui permet ensuite d'avoir des impôts; il l'a fait de manière véhémente, mais tout à fait exacte. Je vous remercie de votre attention. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je vous fais voter sur ces amendements en commençant par celui de l'article 10, alinéa 1, qui consiste à supprimer la dernière phrase: «La modification importante de l'activité de la personne morale peut être assimilée à une création nouvelle.»
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 63 non contre 32 oui.
Le président. Je vous fais maintenant voter sur l'amendement à l'alinéa 3 de l'article 10, qui le modifie ainsi: «Le Conseil d'Etat fixe la durée et l'étendue de l'allégement fiscal. Il subordonne en outre l'octroi de ce dernier au respect des conventions collectives, des contrats-types de travail et des conditions de travail en usage, ainsi qu'au respect des principes de développement durable, tels que formulés dans la loi A 2 60. Il peut en outre subordonner l'octroi de ce dernier au respect de certaines conditions supplémentaires.»
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 63 non contre 31 oui.
Mis aux voix, l'art. 10 (nouvelle teneur) est adopté.
Mis aux voix, l'art. 1 (souligné) est adopté.
Le président. Nous sommes maintenant saisis de deux amendements à l'article 15. Le premier concerne l'alinéa 1 et vise également à en supprimer la dernière phrase: «La modification importante de l'activité de l'entreprise peut être assimilée à une création nouvelle.»
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 64 non contre 32 oui.
Le président. Je vous fais à présent voter sur le deuxième amendement, qui modifie ainsi l'alinéa 3 de l'article 15: «Le Conseil d'Etat fixe la durée et l'étendue de l'allégement fiscal. Il subordonne en outre l'octroi de ce dernier au respect des conventions collectives, des contrats-types de travail et des conditions de travail en usage, ainsi qu'au respect des principes de développement durable, tels que formulés dans la loi A 2 60. Il peut en outre subordonner l'octroi de ce dernier au respect de certaines conditions supplémentaires.»
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 64 non contre 32 oui.
Mis aux voix, l'art. 15 (nouvelle teneur) est adopté.
Mis aux voix, l'art. 2 (souligné) est adopté, de même que l'art. 3 (souligné).
Troisième débat
La loi 11456 est adoptée article par article en troisième débat.
Mise aux voix, la loi 11456 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 64 oui contre 32 non. (Applaudissements à l'annonce du résultat.)
Le Grand Conseil prend acte du rapport de commission IN 150-E.
Débat
Le président. Nous passons à notre première urgence, la proposition de motion 2267. Nous sommes en catégorie II, trente minutes. Je passe la parole à son auteur, M. Boris Calame.
M. Boris Calame (Ve). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, nous traitons de la motion 2267, issue d'une réflexion qui remonte à notre dernière session parlementaire. Rappelez-vous: nous étions ensemble ici le 19 mars dernier, et notre premier sujet de discussion, nous en parlions tous, était de savoir quelle était la raison de cette odeur sur la ville, en fait un incendie majeur au centre de Genève. Notre source commune d'information était la «Tribune de Genève» en ligne, ou encore les médias radio qui en parlaient, mais pas d'information directe à la population. Un peu plus tard dans la journée, ma maman me disait que ça sentait le brûlé chez elle, et que même si elle avait aéré son appartement, l'odeur était tenace. Par chance, le niveau de toxicité n'était pas trop important.
Un autre exemple de manque d'information à la population date de pas plus tard que ce week-end, où nous avons eu droit... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...à la crue centennale - ou peut-être même plus encore - de l'Arve. Mais où trouver des informations ? Vu que la «Tribune de Genève» ne travaille pas vraiment à cette heure et que le site de l'Etat est mis à jour uniquement la semaine, et alors même que le fameux plan OSIRIS a été activé, il n'y avait aucune information facilement accessible pour la population. Nous nous devons d'y remédier. Nous demandons donc par cette motion de faire un point de la situation actuelle et de l'information proposée à la population en cas d'incident ou d'accident majeur, et nous voulons nous assurer qu'un système efficace et efficient aura pu être mis en place prochainement dans notre canton. Pour cela, nous vous invitons à renvoyer cette motion directement au Conseil d'Etat afin qu'il rende un rapport et que ces travaux puissent ensuite être continués en commission. (Quelques applaudissements.)
Mme Christina Meissner (UDC). En ce qui concerne le groupe UDC, disons d'abord que si cette motion a effectivement été déposée suite à un accident qui s'est produit en plein centre-ville, nous tenons à souligner que nous ne mettons pas en cause les moyens mis en oeuvre sur le terrain par les services de l'Etat et le Service d'incendie et de secours, le SIS, pour répondre à cet accident: ils ont été tout à fait corrects et nous les saluons. Par contre, et c'est ce que cette motion demande et précise, il n'est pas normal qu'en matière de communication - nous en avons encore eu la preuve ce week-end avec les inondations - des médias soient les mieux informés et les plus à même d'informer la population. Il y a une responsabilité, que l'Etat doit assumer, en matière d'information de la population. Il existe des moyens modernes de communication à travers les réseaux sociaux, à travers nos téléphones portables, et il s'agit de les utiliser.
Contrairement aux Verts, nous pensons cependant qu'il serait nécessaire de renvoyer cette motion en commission, ne serait-ce que pour que l'Etat nous explique de quelle manière il communique et quels moyens il utilise, pour que nous puissions voir à quel point ces moyens sont encore en adéquation avec notre société et les moyens modernes de communication. Pour cette raison, nous proposons que cette motion soit renvoyée en commission, par exemple à la commission de l'environnement, ou à la commission de la sécurité, nous verrons en fonction de ce qui sera dit par les autres groupes; nous restons ouverts. Il y a aussi un déficit d'information au niveau du parlement, qu'il s'agit de combler.
M. Pierre Conne (PLR). Chers collègues, le PLR soutient cette motion et soutiendra son renvoi direct au Conseil d'Etat. En effet, les événements indésirables graves mettant en danger la population existent; des événements indésirables industriels, ferroviaires ou naturels, comme on l'a vu encore récemment avec les crues de l'Arve. Cette motion me renvoie à une autre partie de mon existence: en 1984, j'étais en charge des urgences de l'hôpital cantonal et j'ai eu à gérer un accident industriel survenu dans une entreprise de la Jonction où une explosion avait provoqué la libération d'un gaz toxique sur la ville. A l'issue de cet événement, nous avions fait une publication qui relevait qu'il était nécessaire d'avoir des moyens de communication pour les personnes chargées de la sécurité: pompiers, services sanitaires et gendarmerie, car les moyens de communication avaient été immédiatement saturés à l'époque. Il fallait également que les hôpitaux puissent anticiper et se préparer, le cas échéant, à la venue d'un certain nombre de personnes intoxiquées ou blessées. Un autre élément que nous avions relevé, c'était qu'une région doit pouvoir se doter de ce qu'on appelle un observatoire sanitaire, pour piloter et suivre dans le temps l'évolution des effets d'événements de ce type sur la santé de la population. A la suite de cet événement, ce même parlement et le gouvernement n'étaient pas restés les bras croisés: un certain nombre d'interventions avaient eu lieu, et des dispositions avaient été prises, qui nous ont amenés - et là je fais un saut dans le présent - à constater aujourd'hui que de grands progrès ont été faits. Je ne veux pas tous les énoncer, mais nous avons notamment le dispositif ICARUS, qui permet d'intervenir directement sur les émissions radiophoniques et télévisées pour informer la population.
Alors pourquoi soutenons-nous cette motion ? Parce que nous souhaitons être informés par le Conseil d'Etat sur l'état des lieux et pouvoir apprécier s'il reste un écart entre ce qui existe et ce qui serait peut-être souhaitable...
Le président. Il vous reste trente secondes.
M. Pierre Conne. ...c'est la raison pour laquelle nous préférons que le Conseil d'Etat se prononce tout d'abord sur cette motion, et que son rapport puisse être étudié en commission de manière plus documentée que ne l'est la motion. Je confirme donc que nous soutenons la motion et le renvoi au Conseil d'Etat.
Une voix. C'était très bien !
M. Bertrand Buchs (PDC). Le parti démocrate-chrétien va soutenir cette motion qu'il a signée et demander son renvoi direct au Conseil d'Etat. Comme Mme Meissner, j'aimerais d'abord rendre un hommage appuyé aux services qui sont intervenus dans les différentes catastrophes de ces derniers temps, notamment la semaine dernière lors de la crue de l'Arve. Nous voyons qu'il y a des services compétents qui savent intervenir vite et qui sont à disposition de la population. Le seul problème, c'est que les gens ne sont pas mis au courant de ce qui se passe. C'est vrai qu'avec nos moyens modernes et le fait que nous avons tout de suite accès à l'information sur nos téléphones portables, nos ordinateurs ou nos tablettes, les gens veulent avoir des informations tout de suite, et c'est simple de leur en donner. Il est quand même dommage que, par exemple pour la crue de l'Arve, il faille aller sur le site de la «Tribune de Genève» pour savoir si les ponts sont ouverts ou fermés. Il n'y avait même pas toutes les informations nécessaires, surtout pour les gens qui devaient circuler ces derniers jours, pour connaître les itinéraires qu'il fallait prendre. Il y a là un manque, ce manque doit être comblé et pour cela, la question posée par cette motion est intéressante.
A l'heure actuelle, avec les moyens modernes, on doit pouvoir donner des informations rapides à la population, parce que la première des choses qui arrive dans le cas d'un événement comme l'incendie à la Praille, c'est l'angoisse, qui génère toujours dans la population des réactions qu'on ne peut pas prévoir. Il faut donc que les gens soient rapidement informés, et leur montrer que toutes les mesures sont prises pour éviter une catastrophe. Vous l'avez vu aussi avec l'accident récent dans le canton de Vaud, le déraillement d'un train, il faut que les gens soient avertis immédiatement de ce qui se passe, parce que les conséquences peuvent être très importantes, et on a la chance d'avoir des moyens modernes qui permettent de mettre tout de suite le public au courant: s'il faut demander aux gens de rester confinés chez eux, on peut immédiatement leur transmettre l'information, et c'est vraiment cela qu'il faut développer, les instruments modernes. J'encourage le Conseil d'Etat à nous faire des propositions et à venir après en discuter en commission, et je vous demande d'accepter cette excellente motion et de la renvoyer au Conseil d'Etat.
M. Thomas Wenger (S). Mesdames et Messieurs les députés, le parti socialiste soutiendra le renvoi direct au Conseil d'Etat de cette motion des Verts. Cette motion, on l'a dit, demande de développer des mesures et des moyens de communication et d'information à la population en cas d'accidents majeurs qui peuvent avoir «un impact sur la santé et la sécurité publiques, notamment pour les personnes les plus vulnérables» - c'est écrit - «enfants, malades et aînés». C'est extrêmement important. L'objectif d'informer au plus vite la population, c'est un principe de transparence d'abord, pour que la population puisse savoir ce qui se passe, c'est aussi une manière, quelque part, selon l'accident, d'éviter une certaine panique, et c'est surtout la possibilité d'agir rapidement, au niveau individuel, en adoptant les bons comportements, typiquement le fait de rester chez soi ou de ne pas s'approcher du périmètre de l'accident. L'idée, c'est vraiment de prévenir et d'informer: on a toujours l'impression que ce genre d'accidents arrive ailleurs, or ce n'est pas le cas, et on l'a vu encore malheureusement il y a quelques jours avec l'accident de Daillens, où des wagons-citernes se sont renversés; heureusement, il n'y avait pas de chlore ou d'autres produits chimiques qui auraient pu provoquer des dégâts vraiment très importants, et heureusement, c'était à la campagne et non pas en pleine ville. On se souvient de l'accident qui a eu lieu il y a quelques années, à la gare de Lausanne, on se souvient aussi de l'accident au Québec, à Lac-Mégantic, qui a fait 47 victimes: l'explosion d'un wagon-citerne de pétrole brut a provoqué un énorme incendie et causé la mort de 47 personnes. Je pense que c'est très important de se dire que peut-être un jour - on ne l'espère pas - cela arrivera à Genève, et que si c'est le cas, il faut pouvoir informer la population au plus vite.
Aujourd'hui, il y a de nouvelles technologies de l'information, et le Conseil d'Etat doit développer l'information via ces technologies: on a parlé du SMS, il y a bien sûr Twitter, Facebook, il y a les panneaux lumineux sur l'autoroute, il y a tous les sites Internet de la presse écrite, de la radio, etc., et aussi l'information dans les transports publics. Pour toutes ces raisons, nous soutiendrons cette excellente motion des Verts et nous la renverrons directement au Conseil d'Etat.
Le président. Je vous remercie, Monsieur le député. Je passe la parole à Mme la députée Christina Meissner pour une minute.
Mme Christina Meissner (UDC). Merci, Monsieur le président. Ecoutez, notre parti se montrait relativement ouvert quant au renvoi de cette motion en commission; au vu des excellentes idées émises dans ce parlement par les divers partis, je crois que le Conseil d'Etat, s'il n'en avait pas de son côté, devrait en avoir grâce à nous. Gagnons du temps en renvoyant le texte directement au Conseil d'Etat; je retire par conséquent ma demande de renvoi en commission. Par ailleurs, je souligne qu'en ce moment, il y a une pollution au 2-mercaptoéthanol qui se propage dans ce parlement, et nous n'avons pas reçu d'information via notre tablette, c'est étonnant ! Peut-être que nous sommes en danger ! Enfin voilà, dit avec une certaine ironie, si ces moyens d'information avaient été utilisés, nous aurions été informés rapidement, même au parlement.
M. Jean-Marie Voumard (MCG). Le groupe MCG va également soutenir le renvoi de cette motion au Conseil d'Etat, simplement en raison du fait que c'est la deuxième fois qu'il y a un incendie dans ce dépôt de déchetterie, et, en l'occurrence, le dispositif OSIRIS date de quelques années déjà. Nous examinerons le rapport établi par le Conseil d'Etat en réponse. Et vu l'unanimité des membres du parlement pour renvoyer cette motion au Conseil d'Etat, je me réjouis de voir les commissaires de la judiciaire le 26 mai pour l'exercice Buteo à l'aéroport.
M. Rémy Pagani (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, bien évidemment, notre groupe soutiendra cette motion, parce qu'elle ne mange pas de pain, mais quand même, je me souviens de ce qui s'est passé avec Firmenich il y a une vingtaine d'années: les instruments sophistiqués nous appelaient de l'extérieur avec des haut-parleurs et il fallait ouvrir les fenêtres pour entendre qu'il fallait les fermer et se confiner à l'intérieur; c'était assez paradoxal ! Encore dernièrement, avec la crue de l'Arve, il a fallu un certain nombre de démarches hors cadre institutionnel pour que des mesures soient prises par les pompiers, certains responsables notamment n'étant même pas auprès des troupes pour agir et donner les consignes qui se donnent dans ces moments exceptionnels; c'est dire si nos sociétés sont fragiles face à ces événements. Quand nous parlons du nombre de trains qui passent tous les soirs dans notre gare Cornavin, nous devons être extrêmement inquiets de la situation, et ne pas faire croire qu'il est possible, avec des instruments très sophistiqués, d'avertir la population: car tant que nous ne mettrons pas fin aux dangers, et notamment au passage de matières dangereuses dans notre ville, par exemple à Cornavin, s'il est vrai que tous ces instruments seront bien sûr à même de rassurer beaucoup de gens, en revanche, quand les accidents se produiront, pour évacuer une ville comme la nôtre dans un rayon d'un kilomètre autour de la gare Cornavin, je souhaite bonne chance à certains, parce que c'est quasiment mission impossible ! Il s'agit de modifier nos manières de voir, il s'agit de produire ces matières dangereuses sur les lieux où elles sont utiles, de faire en sorte qu'elles soient le moins possible transportées; or c'est tout le contraire qui se passe aujourd'hui, pour des raisons économiques.
Nous serons donc d'accord, bien évidemment, pour mettre en place des structures qui - nous le savons - ne fonctionneront pas, parce qu'au moment voulu, il n'y aura pas forcément les bonnes personnes à la bonne place, mais nous mettons aussi en garde sur le fait que, nos sociétés étant très fragiles et les concentrations de population très importantes dans les villes, il s'agit de prévenir plutôt que de guérir. Je vous remercie de votre attention.
M. Pierre Maudet, conseiller d'Etat. Très brièvement, Monsieur le président, j'aimerais vous dire que j'ai écouté avec attention les interventions des uns et des autres. Evidemment, la communication est une préoccupation du gouvernement lorsque des événements majeurs se déclenchent et qu'en regard de cela nous devons mettre sur pied le dispositif OSIRIS. OSIRIS partiel, OSIRIS total, dans tous les cas de figure, la communication... (Rires.) ...est un élément clef et, certains l'ont dit tout à l'heure, une mauvaise communication peut encore accroître la difficulté, accroître le problème: une communication trop en aval est problématique parce qu'elle accroît la suspicion d'un manque de transparence, d'une volonté de cacher les choses, mais trop d'information en amont peut aussi générer des mouvements de panique.
Je crois pouvoir dire que sur l'ensemble des cellules OSIRIS qui organisent les réponses aux événements majeurs auxquels je faisais référence il y a un instant, la cellule communication est sans doute de loin celle qui pourra le mieux s'améliorer, celle qui peut dégager un potentiel d'amélioration. Nous l'avons vécu récemment, dans le cadre des crues de l'Arve, et je rejoins un certain nombre de préopinants sur le fait que nous avons attendu trop longtemps pour savoir ce qui se passait, et notamment savoir... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...quels étaient les itinéraires de délestage. Par chance, c'était un week-end, et le week-end, évidemment, il y a moins de circulation; mais nous avons fait cette analyse: j'ai ici un premier rapport sur cette situation et je crois pouvoir dire que le Conseil d'Etat serait heureux, à la faveur de cette motion, de développer avec le Grand Conseil quelques idées et perspectives, qui auront peut-être leur coût - je m'empresse de le dire ici, et le cas échéant il faudra pouvoir assurer un suivi en la matière - mais qui devraient néanmoins pouvoir se faire aussi avec les moyens existants, je pense aux moyens de la police et des pompiers principalement.
C'est l'occasion pour moi, plutôt que de critiquer comme je l'ai entendu il y a un instant, de rendre hommage aux acteurs et actrices de ces différentes situations ces dernières semaines et ces derniers mois, qui ont montré qu'ils étaient redoutablement bien préparés et que, grâce à des exercices régulièrement pratiqués - le prochain, le député Voumard l'a dit, aura lieu le 26 mai à l'aéroport - nous avons quand même à Genève un certain savoir-faire et une capacité à encaisser ces chocs. Merci à celles et à ceux qui ont rendu possible ces derniers jours cette capacité à encaisser et à éviter que ces situations difficiles ne tournent à la catastrophe.
Le président. Je vous remercie, Monsieur le conseiller d'Etat. La parole n'étant plus demandée, je vais vous faire voter sur la prise en considération de cette proposition de motion pour renvoi au Conseil d'Etat.
Mise aux voix, la motion 2267 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 85 oui (unanimité des votants).
Le président. Mesdames et Messieurs, je vous remercie. Je vous souhaite une bonne soirée, une bonne nuit, et vous dis à demain, 15h !
La séance est levée à 22h40.