Séance du
vendredi 13 mars 2015 à
15h
1re
législature -
2e
année -
3e
session -
16e
séance
R 772-A et objet(s) lié(s)
Débat
Le président. Nous abordons à présent les points liés R 772-A et R 773-A. La parole revient à M. Marc Falquet.
M. Marc Falquet (UDC). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs, ces deux résolutions des députés à l'attention de l'Assemblée fédérale ainsi que la résolution 781 du Conseil d'Etat et la motion 2232 des députés pour une caisse cantonale publique d'assurance sont en fait les conséquences de l'exaspération du gouvernement, du parlement et de toute la population face aux dysfonctionnements de la LAMal. On constate depuis des années que la LAMal favorise tous les abus à travers les caisses maladie, qui se comportent quasiment comme une association de malfaiteurs, ceci sans aucun contrôle. Opacité des comptes, clients captifs, parodies de concurrence, choix des bons risques, primes à la tête du canton: la santé publique est mise de côté au profit du seul business des compagnies d'assurance. Genève se doit de mettre la pression sur Berne en attirant l'attention sur ces dysfonctionnements du système de l'assurance-maladie, qu'on peut sans exagérer qualifier de corrompu; c'est un système totalement corrompu, et notre canton ne veut pas rester complice. A mon avis, nous avons le devoir moral de proposer des réformes indispensables au rétablissement de l'intérêt général, comme ces résolutions et cette motion y invitent. L'Union démocratique du centre appuiera donc le renvoi de ces deux objets à l'Assemblée fédérale. Merci bien.
M. François Baertschi (MCG). Je ne peux qu'abonder dans le sens de mon préopinant, le député Falquet. En effet, c'est un véritable scandale que nous sommes en train de vivre s'agissant de l'assurance-maladie, et tout ce qui peut être une action, aussi minime soit-elle et peu importante puisse-t-elle paraître, sera quelque chose qui compte. Je vous demande à tous ou au maximum de députés de soutenir ces textes. Il s'agit certes de résolutions, mais de résolutions importantes parce qu'elles montrent une réelle volonté. Je regrette d'ailleurs qu'elles figurent aux extraits, parce qu'il y aurait sans doute eu de quoi faire un débat, mais l'important demeure tout de même de renvoyer ces textes à Berne, de nous faire entendre. Ce à quoi nous assistons est un véritable scandale, une escroquerie institutionnelle avec des parlementaires qui, en grand nombre, touchent de l'argent de la part des caisses maladie et sont indirectement partie prenante. Il s'agit vraiment d'une escroquerie institutionnelle - excusez-moi du terme - et je pense qu'il faut massivement soutenir ces résolutions. Je vous demande donc de les suivre.
Mme Sarah Klopmann (Ve). Au contraire de M. Baertschi, je trouve pour ma part formidable que ce point soit traité aux extraits; ça prouve que nous sommes tous d'accord ici pour dire que le système des assurances-maladie est scandaleux... (Applaudissements.) ...c'est donc plutôt une bonne nouvelle que nous puissions faire passer ce sujet aux extraits ! Depuis longtemps déjà, je suis convaincue, tant comme assurée que comme thérapeute manuelle, que le système de remboursement sur lequel repose l'assurance-maladie en Suisse est déplorable et qu'il faut en changer. Les primes d'assurance augmentent plus vite que les coûts de la santé. On se retrouve avec des gens qui n'ont pas les moyens de s'assurer avec une bonne couverture, sont donc mal assurés et paient une assurance pour rien - alors que ce sont ceux qui ont le moins d'argent - puisqu'ils doivent régler tous leurs frais eux-mêmes à cause d'une franchise de 2500 F. Certaines personnes voient leur budget grevé par les primes, d'autres se retrouvent obligées de renoncer à se faire soigner, ce qui est dramatique. Ce business est très lucratif pour quelques individus et plombe le budget de tous les autres.
Ça, c'était mon avis avant qu'on n'étudie ces résolutions en commission. Maintenant, je suis encore plus scandalisée ! On a en effet appris une foule de choses en commission, et je vais vous donner un exemple parmi tant d'autres: saviez-vous que quand un assuré... (Brouhaha.) Je vais attendre le silence, faute de quoi je m'emporte, je crie... Enfin, vous me connaissez ! (Rires.)
Une voix. Et ça énerve tout le monde ! (Rires.) Allez, vas-y !
Mme Sarah Klopmann. Voilà, merci. Quand un assuré obtient un acte de défaut de biens parce qu'il n'a pas pu payer ses primes, l'Etat en paie les 85% pour que l'assuré puisse continuer à être couvert par son assurance. Seulement, le problème est que l'assurance demeure propriétaire de la dette, continue à réclamer l'argent et, quand elle finit par l'obtenir, ne rend que 50% de ces frais à l'Etat ! Ça signifie que sur une partie de la prime, l'assurance empoche deux fois la somme ! Ceci figure dans la loi alors qu'il s'agit d'un système complètement mafieux, et je trouve ça absolument scandaleux. Deux choses tout de même à dire sur ces résolutions...
Une voix. On est aux extraits !
Mme Sarah Klopmann. Oui, on est aux extraits, mais certains le regrettaient ! Concernant la première résolution, les réserves que font les assurances sur le dos des assurés doivent en effet être séparées de l'assurance, c'est très bien. Quant à la seconde qui propose de séparer l'assurance de base de la privée, c'est-à-dire de la complémentaire, c'est une excellente chose aussi, c'est simplement logique. Néanmoins, j'aurais voulu préciser quelque chose ici. Dans le cadre de ce débat, on entend toujours que les personnes qui bénéficient d'une assurance complémentaire sont des riches désirant être soignés en clinique privée. Or l'assurance complémentaire, ce n'est pas que ça; elle permet également de se faire soigner avec des médecines naturelles ou encore, pour les personnes qui ne se font jamais rien rembourser par l'assurance de base parce qu'elles ont une franchise de 2500 F, de se voir rembourser certains frais. Oui, il faut séparer les deux, mais je n'aimerais pas qu'on garde en tête uniquement le côté bourgeois et privilégiant de l'assurance complémentaire, car elle poursuit aussi un autre but. Je vous remercie, et nous renverrons évidemment ces textes à Berne avec grand plaisir. (Quelques applaudissements.)
M. Bertrand Buchs (PDC). Mesdames et Messieurs, je vous remercie pour votre unanimité au sujet de ces résolutions. Le débat sur l'assurance-maladie est loin d'être terminé, on va sans doute y revenir tous les six mois ou chaque année. Il y a le problème du remboursement de seulement 79 F sur les primes perçues en trop, qui était également un scandale. Lorsque nous avons été auditionnés en commission, nous avions demandé que ces deux résolutions soient renvoyées à Berne le plus vite possible. En effet, le Conseil des Etats avait déjà voté contre la séparation de l'assurance de base d'avec la privée, et nous voulions que ces textes parviennent le plus rapidement possible au Conseil national afin d'avoir une chance de faire entendre l'avis du canton de Genève avant qu'il ne prenne une décision. Nous espérions que le Conseil national prendrait une décision contraire à celle du Conseil des Etats, sachant que le Conseil fédéral était pour la séparation des assurances de base et privées, et que M. Berset voulait en faire le contreprojet au vote sur l'assurance publique. Malheureusement, le parlement n'en a pas voulu. Mais il faut continuer à se battre pour régler la question des assurances-maladie; un jour, on gagnera ! Je vous remercie.
Une voix. Bravo !
M. Christian Frey (S). Le groupe socialiste soutient pleinement ces deux résolutions. Lors des discussions à la commission de la santé, nous nous sommes demandé dans quel ordre il fallait procéder. Le député Falquet a mentionné la motion 2232, qui demande au Conseil d'Etat d'entreprendre tout ce qui est en son pouvoir pour faire en sorte qu'une autorisation via la LAMal soit donnée au niveau fédéral afin que les cantons puissent entamer des démarches. Après une discussion nourrie en commission, nous sommes arrivés à la conclusion que toutes ces démarches allaient dans le bon sens... (Rires.) Elles vont dans le bon sens, oui ! Je ne sais pas si ces rires s'adressaient à moi, mais elles vont dans le bon sens. Nous tenons aussi à relever qu'en ce qui concerne la motion 2232, que nous jugions prioritaire, le conseiller d'Etat, M. Mauro Poggia, a pris les choses en main et que tout cela va, nous l'espérons, contribuer à faire changer le climat à Berne, ce qui n'est pas gagné d'avance, comme tout le monde le sait dans cette salle.
Mme Nathalie Fontanet (PLR). Monsieur le président, le groupe PLR est un peu étonné ce soir. A la lecture de ces rapports, il s'est rendu compte que ses commissaires avaient suivi et adopté ces deux projets. Or le ton qui est donné ce soir n'est pas le même que celui qui a prévalu en commission. Le groupe PLR avait trouvé ces textes extrêmement avisés et estimait qu'ils posaient de bonnes questions, certains d'entre eux venant rejoindre un débat déjà entrepris à Berne. Il n'y avait ni stigmatisation ni insultes, on reconnaissait que le système d'assurance suisse était tout de même performant, surtout par rapport à celui d'autres pays. Et ce soir, on est en pleine curée ! Les insultes fusent, ce qui nous désole un peu. Nous n'allons pas revenir sur notre vote et soutiendrons le renvoi de ces résolutions parce que, comme il a été dit, les questions qu'elles posent doivent être posées: nous sommes dans une situation peu claire vis-à-vis des assurances-maladie, il y a la problématique des réserves, celle des assurances de base et des assurances complémentaires. Mais s'il vous plaît, Mesdames et Messieurs, ne crachons pas totalement dans la soupe non plus. Merci, Monsieur le président. (Quelques applaudissements.)
Mme Danièle Magnin (MCG), rapporteuse. Je pense qu'il ne faut pas confondre le fait de qualifier un système avec celui de le décrire. En l'occurrence, je voudrais revenir sur le fait que les réserves sont constituées par les caisses au moment de l'adhésion d'un assuré: environ 10% des primes qu'il verse sont retenus pour constituer une réserve. Lorsque l'assuré en question décide de changer d'assurance, ces réserves prévues pour lui ne le suivent pas mais restent aux mains de la caisse à laquelle il était affilié précédemment, et sa nouvelle caisse doit ensuite reconstituer des réserves. Les chiffres qu'il nous a été donné de voir démontrent que certaines compagnies d'assurance possèdent des centaines de millions de francs de réserves sans rapport avec le nombre d'assurés. On nous a expliqué qu'à Genève, certaines assurances retiennent 40% de réserves par rapport aux montants des primes des assurés, alors que seuls 10% sont prévus dans la LAMal. C'est tout à fait excessif. Le fait qu'on doive ensuite gérer cet argent et que n'importe qui puisse s'arroger le droit de gérer des sommes pareilles comme bon lui semble, qui plus est dans une économie de crise où on a vu des caisses de pension perdre des sommes absolument astronomiques, nous effraie passablement, et nous estimons qu'il vaudrait mieux avoir une seule fondation pour gérer l'ensemble des réserves des assurés suisses.
S'agissant du deuxième objet, à savoir l'interdiction d'une gestion commune, j'appellerais plutôt ça l'interdiction de la confusion entre la LAMal, qui est du droit social, public, et la loi fédérale sur le contrat d'assurance. Il faut bien vous dire ceci: une compagnie d'assurance basée sur la loi fédérale est une entreprise privée vouée à faire du bénéfice: elle compte des actionnaires, qui ont tout intérêt, pour obtenir leurs dividendes au moment de l'assemblée générale, à ce que les grosses charges passent dans la caisse maladie publique et que, à l'inverse, on diminue celles qui les concernent. On trouve ça normal ? Eh bien, d'accord. Pour ma part, j'appelle ça un système voyou, et même si ma préopinante PLR n'est pas de cet avis, j'estime que ce système ouvre la porte aux excès et aux abus, comme on l'a déjà vu. Je ne peux que m'étonner que l'ensemble de la population suisse - le peuple, comme il est convenu de l'appeler - se laisse manger la laine sur le dos sans réaction.
Ce qui me choque personnellement, c'est le lobbyisme phénoménal auquel on assiste à Berne: nos conseillers nationaux sont en permanence assiégés pour qu'ils votent dans le sens que demandent les caisses et, à ce moment-là, ils ne représentent plus le peuple mais bien des entreprises privées, voire des caisses maladie qui gèrent leur argent et leurs réserves de façon non contrôlée. Le conseiller d'Etat, M. Poggia, nous a expliqué que lorsque le moment est venu pour les caisses de présenter leurs comptes, elles les transmettent à la Confédération. Si vous additionnez le nombre de tous les types d'assurance - avec ou sans accident, avec ou sans groupe médical, avec ou sans enfant, etc. - on arrive à un nombre colossal de postes à vérifier ! Bien sûr, on ne peut qu'espérer que la Confédération procède à des vérifications correctement, mais lorsque ces documents reviennent de Berne et parviennent au Conseil d'Etat, celui-ci a, d'après ce qu'on nous a dit, environ trois jours pour se déterminer, ce qui est largement inadmissible car cela ne permet en aucun cas de contrôler quoi que ce soit de façon sérieuse. Le MCG, donc...
Une voix. C'est la majorité !
Mme Danièle Magnin. Pardon, pardon, pardon ! La majorité, évidemment. Excusez-moi, c'est ma première fois !
Une voix. Oui, oui ! (Commentaires.)
Mme Danièle Magnin. La majorité, donc, sous réserve des deux abstentions que nous avons eues en commission, vous recommande d'accepter ces deux résolutions.
M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je serai extrêmement bref car il ne s'agit pas de refaire ici tout le débat sur l'assurance-maladie, qui a abouti à la votation fédérale du 28 septembre dernier. J'aimerais simplement vous dire qu'à l'issue du résultat de ce vote, nous pourrions être désabusés, abattus, voire fatalistes. Je pense que nous devons continuer à demander la transparence dans le domaine de l'assurance-maladie. Il ne s'agit pas de stigmatiser les uns ou les autres: les assureurs prennent la place qu'on veut bien leur donner, et ce ne sont d'ailleurs pas eux les responsables de ce système mais bien les politiques, qui laissent une marge de manoeuvre dans laquelle s'engouffrent des assurances créées pour fonctionner avec le rendement le plus favorable possible. Aux deux résolutions qui nous occupent maintenant s'en ajoutera bientôt une troisième du Conseil d'Etat visant à permettre aux cantons qui le souhaitent d'utiliser un autre instrument pour appliquer la LAMal. C'est évidemment mon souhait, car les cantons, vous le savez, ont de plus en plus de responsabilités en matière de maîtrise des coûts, mais sans disposer des moyens pour les assumer réellement. Comme nous vous l'avons expliqué brièvement, il est extrêmement frustrant de se rendre compte que tous les efforts faits en faveur des assurés genevois ne leur profitent finalement pas.
Cela m'amène donc à la première résolution, soit celle en faveur d'un fonds national de réserves. En voici l'idée: ainsi que nous le savons, les primes ne sont pas nationales, mais cantonales. On a précisément voulu responsabiliser les collectivités cantonales en matière de maîtrise des coûts, et c'est la raison pour laquelle les primes des Genevois sont plus élevées que celles d'un très grand nombre voire de la majorité des autres cantons de Suisse. Mais les réserves, quant à elles, ne sont pas acquises à la communauté qui les met de côté. C'est comme si vous épargniez de l'argent tout au long de votre vie professionnelle et qu'à l'âge de la retraite, on viendrait vous dire que votre voisin n'a pas été aussi économe que vous et qu'il faudrait donc lui céder une partie de vos réserves ! On peut l'imaginer comme ça, alors que ce n'est pas ainsi que le système de la LAMal a été prévu. Maintenant, grâce à la nouvelle loi sur la protection de l'assurance-maladie, nous espérons un meilleur contrôle à partir de 2017. Demeurera encore une période de flottement puisque vous savez que le remboursement très partiel qui reviendra aux Genevois aux mois de juin 2015, 2016 et 2017 est basé sur le trop-versé de 1996 à 2013. En 2014, 2015 et 2016, il y aura donc encore un flou qui n'a rien d'artistique et qui méritera sans doute des ajustements, puis nous espérons que les choses iront mieux à partir de 2017. Mais il est clair que si nous pouvions créer un fonds national unique, cela permettrait de réduire la masse des réserves puisque le risque serait réparti sur l'ensemble des assurés. Je vous demande évidemment de soutenir cette première résolution.
En ce qui concerne la seconde résolution visant la séparation des assureurs privés d'avec l'assurance obligatoire des soins, elle résulte du bon sens, un bon sens qui n'a apparemment pas convaincu une majorité du Conseil des Etats. Le sujet sera soumis au Conseil national, et nous pouvons espérer un retour de situation. Il est logique qu'un assureur ne doive pas proposer ces deux types d'assurances; cela crée une suspicion que les assurances elles-mêmes devraient dissiper en proposant de leur propre initiative de créer cette séparation. Il ne reste plus que quatorze compagnies d'assurance mais, comme par hasard, les plus importantes d'entre elles offrent encore l'assurance de base et la complémentaire dans le cadre d'un seul et même contrat. Il faudrait que cette séparation soit plus que juridique, il faudrait qu'elle soit économique et structurelle afin que les deux alternatives soient véritablement séparées. En effet, même dans le cas de deux sociétés distinctes, il est clair que les courtiers en assurance auront les deux offres dans leur serviette et les proposeront à leurs clients. Il n'en demeure pas moins qu'il s'agit d'un signe supplémentaire que nous devons donner. Le canton de Genève est sans aucun doute pionnier s'agissant de la réflexion sur le système de l'assurance-maladie, et il doit le rester. Je vous demande également de soutenir cette seconde résolution.
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs, nous allons nous prononcer successivement sur ces deux résolutions.
Mise aux voix, la résolution 772 est adoptée et renvoyée à l'Assemblée fédérale par 77 oui et 6 abstentions.
Mise aux voix, la résolution 773 est adoptée et renvoyée à l'Assemblée fédérale par 71 oui contre 1 non et 9 abstentions.
Le président. Je salue à la tribune notre ancien collègue Jean-Pierre Thorel, ancien député sur les bancs socialistes ! (Applaudissements.)