Séance du
jeudi 19 février 2015 à
20h30
1re
législature -
2e
année -
2e
session -
10e
séance
R 783
Débat
Le président. C'est à présent le tour de la R 783, classée en catégorie II, trente minutes. Madame Mazzone, vous avez la parole.
Mme Lisa Mazzone (Ve). Je vous remercie, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs, il s'agit à mon avis d'un enjeu de sécurité majeur pour notre canton, je demande donc votre attention. Aujourd'hui, si un wagon transportant un chargement de chlore libère son contenu, ce sont 30% des personnes à l'air libre dans un rayon de 2,5 km qui décèdent. Ce sont là les propos de M. Stofer, chef du secteur accidents majeurs à la direction générale de l'environnement. Quand on sait qu'en moyenne un wagon de chlore transite par jour, il y a du souci à se faire. Ces convois empruntent la ligne ferroviaire entre La Plaine et Cornavin puis poursuivent en direction de Lausanne. La Confédération a dernièrement accepté de changer le tracé du convoi et d'arrêter de faire le changement de locomotive à La Plaine comme c'était le cas jusqu'alors, mais cette modification n'interviendra qu'au mois de décembre et ces convois touchent un bassin de population extrêmement vaste: il s'agit des communes de Chancy, Avusy, Avully, La Plaine, Dardagny, Cartigny, Russin, Aire-la-Ville, Satigny, Meyrin, Vernier, Le Grand-Saconnex, Bernex, Onex, Lancy, Genève, Pregny-Chambésy, Bellevue, Genthod, Versoix et Céligny. Ce sont donc vingt-deux communes sur quarante-cinq qui sont touchées - soit la moitié de notre canton - sans parler des quarante-cinq communes vaudoises suivantes et du canton du Valais qui suit !
Comme je vous l'ai dit en préambule, il s'agit d'un enjeu de sécurité majeur qui doit mobiliser l'ensemble de notre parlement. Cet enjeu de sécurité dépasse les barrières partisanes et exige qu'une large alliance se forme pour que les cantons romands de Genève, de Vaud et du Valais puissent faire entendre à Berne leur voix et leurs intérêts - les intérêts de leurs populations qui sont aujourd'hui mises en danger par le transit des wagons de chlore.
Pourquoi ce transit a-t-il lieu ? Parce que deux entreprises chimiques sises en Valais, Syngenta à Monthey et Lonza à Viège, ont décidé d'importer du chlore de France voisine pour des raisons d'économies. Ces transits ont augmenté fortement voire doublé ces dernières années pour de vagues économies pécuniaires faites sur le dos de milliers de personnes. En Hollande, pourtant, le gouvernement a négocié avec les entreprises et a réussi à obtenir gain de cause dans ses négociations pour que le chlore soit produit sur place afin d'éviter de faire courir un risque à sa population. Il nous semble que c'est une voie à suivre car non seulement la situation actuelle ne permet pas de garantir la sécurité des habitants qui vivent à proximité des voies, mais elle empêche le développement nécessaire et attendu de nombreux nouveaux projets d'habitations dans une Genève frappée par la pénurie de logements.
Par conséquent, Mesdames et Messieurs les députés, nous vous proposons par cette résolution d'inviter l'Assemblée fédérale à mettre en place une législation qui interdise le transport massif de chlore et qui impose aux entreprises qui en utilisent en grande quantité de le produire sur place. Il s'agit de ne pas attendre qu'un accident arrive pour réagir et, en rendant obligatoire la production locale de chlore aujourd'hui, d'éviter des dommages humains et environnementaux considérables demain. Il y a urgence et c'est pourquoi nous avons demandé à traiter ce point en urgence. Le 19 mars prochain, le Conseil national votera la loi sur le transport de marchandises: dans ce cadre, il faut que la voix de Genève, la voix de notre population se fasse entendre et que la sécurité des habitants de notre agglomération soit prise en compte. Renvoyons donc ce texte à l'Assemblée fédérale. Je vous remercie pour votre soutien.
M. Bertrand Buchs (PDC). Il est clair que le parti démocrate-chrétien va voter cette résolution qui doit être renvoyée directement au Conseil d'Etat pour que celui-ci la transmette rapidement aux Chambres fédérales. C'est un simple principe de précaution auquel on invite: il est aberrant à l'heure actuelle de faire transiter des wagons de chlore sur notre territoire, simplement parce qu'on veut faire des économies, parce que certaines industries veulent faire des économies. On ne prend pas ces risques avec la population ! Même si le risque est extrêmement faible, le jour où il y aura un accident, des dégâts majeurs risquent de survenir et je vous rappelle qu'au niveau de la constitution, on a décidé qu'on ne soutenait plus le nucléaire pour ces mêmes raisons; on ne veut prendre aucun risque avec la population. Or, avec le chlore, il y a encore plus de risques qu'avec le nucléaire ! Il pourrait y avoir des dizaines de morts si un train déraillait. On dit que les wagons sont des wagons spéciaux, qu'il n'y a pas de possibilité que ça arrive, mais vous avez bien vu ce qui est survenu suite au raz-de-marée au Japon: ça ne devait jamais arriver, mais une centrale nucléaire a quand même été envahie par l'eau et on n'avait pas pris les précautions nécessaires ! Ensuite, comme le disait très bien M. Hodgers, il y a 7000 logements qu'on ne peut pas construire le long des voies de chemin de fer pour ne pas prendre le risque de mettre la population trop près des transports de chlore. Alors qu'on a de la peine à construire, Genève renoncerait à 7000 logements parce que deux entreprises en Valais ne veulent pas produire le chlore sur leur territoire ? De qui se moque-t-on, Mesdames et Messieurs ? On pourrait même imaginer que le canton de Genève subventionne ces industries pour produire leur chlore sur place, ça coûterait moins cher au canton de Genève et on pourrait construire ! Vous savez qu'on va construire des logements sur la commune de Lancy, et ceux qui donneront sur les voies de chemin de fer n'auront pas de fenêtres parce que la loi l'interdit. Donc, on est en train de prendre des risques avec la population parce que deux industries transportent du chlore pour produire des pesticides. Eh bien, ce n'est plus possible, je crois qu'on s'en est rendu compte. La Confédération doit prendre une décision, et cette décision, c'est d'interdire le transport de chlore ! (Applaudissements.)
M. Raymond Wicky (PLR). En ce qui concerne le groupe PLR, nous soutiendrons la proposition de résolution de nos collègues verts pour diverses raisons. La première a été abondamment abordée par Mme Mazzone, c'est le danger intrinsèque que représente ce produit. Je me permets juste de vous signaler que je ne suis pas certain que le chlore soit la seule et unique matière en transit à Genève qui va nous poser des problèmes par rapport à la construction de logements, si je me réfère à un passé récent où je travaillais encore. Il sera peut-être nécessaire d'élargir cette proposition de résolution, à un moment ou à un autre. En plus de ça, je me suis encore renseigné pour être certain de ce que j'allais vous dire: ce n'est pas une entrave pour nos entreprises locales, car celles-ci ont adapté leurs processus de fabrication, de manière à éviter le chlore gazeux qu'il est particulièrement difficile de maîtriser en cas de pépin. Enfin, nous vous rendons attentifs au fait que la deuxième invite - celle qui stipule qu'il faut impérativement que les gens fabriquent sur place - nous paraît des plus incontournables dans ce projet de résolution: n'oublions pas qu'il ne faudrait pas que la suppression du transport par le rail inspire un transfert vers la route qui serait encore plus catastrophique, le rail étant quand même plus sûr d'une manière générale. Pour toutes ces raisons, le groupe PLR vous invite à soutenir cette proposition de résolution, et je vous remercie de votre attention.
M. Rémy Pagani (EAG). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, juste quelques mots pour dire que c'est là un premier pas. Depuis trente ans, voire plus, les organisations écologiques se battent pour faire cesser ces transports. Il y a notamment un autre produit extrêmement dangereux qui passe - et régulièrement - par la gare Cornavin: le chlorure de vinyle. C'est un premier pas, Mesdames et Messieurs. Aujourd'hui, bien que plus sûr, le rail présente encore de graves inconvénients, le transport de ces matières dangereuses présente de graves inconvénients. J'invite celles et ceux qui ont des ordinateurs à aller sur YouTube et à y entrer «Etats-Unis» ou «vallée du Rhône France» et «accident majeur» pour voir des images de catastrophes et d'accidents de chemin de fer, pas de camions. Vous aurez une pâle image de ce qui pourrait se passer tous les soirs à la gare Cornavin ! Dans cette gare, entourée d'habitations extrêmement denses, transitent des produits comme le chlore et toute une série d'autres choses qui pourraient être produites sur leur lieu de consommation - cela depuis trente ans ! Toute la panoplie de ces produits dangereux pourrait être produite sur place ! Malheureusement, on a eu un avant-goût de la tolérance plus ou moins grande d'autorités telles que le gouvernement valaisan par rapport à la production en Valais, notamment la production chimique. Cela met en péril la vie des populations dont nous avons la responsabilité, tout ça pour faire en sorte que des producteurs industriels fassent des économies alors qu'ils amassent des millions, devons-nous le rappeler ! Il n'est pas question que nous soutenions cette manière de faire. C'est un premier pas, mais il faut être lucide, ça ne va pas changer grand-chose au niveau des mesures de sécurité des CFF qui seront imposées le long des voies de chemin de fer qui transportent ces matières dangereuses quotidiennement. Toujours est-il que nous soutiendrons résolument cette proposition du groupe des Verts.
M. Thomas Wenger (S). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, le groupe socialiste soutiendra également le renvoi au Conseil d'Etat de cette résolution verte. Mme Mazzone, notre collègue verte, nous a exposé les dangers de ce transport de chlore, notamment dans les zones urbaines, en nous réexpliquant les conséquences dramatiques qu'aurait, pour l'environnement et pour la population, le renversement d'un wagon transportant du chlore. Malgré ces dangers, ce chlore vient de France, de Lyon et de Grenoble; il traverse Genève et la Suisse romande pour aller jusqu'en Valais. En plus, en vertu d'un principe de précaution lié à la sécurité qu'on peut bien comprendre, 7000 logements à Genève ne peuvent être envisagés et construits aujourd'hui à cause du transport de matériaux dangereux dont ce chlore. Je n'ai pas besoin de vous rappeler la pénurie de logements à laquelle nous faisons face aujourd'hui à Genève et l'importance qu'il y a de construire des logements. En plus, il faudrait construire des logements près des voies ferrées et des noeuds ferroviaires - donc des gares - pour favoriser une mobilité sans longs trajets, quel que soit le mode de transport.
Cela a été dit également, il serait possible de produire ce chlore sur place. Pourquoi est-ce que ça ne se fait pas ? Bien entendu, parce que c'est moins cher de l'importer de l'étranger ! C'est une question de rentabilité pour les entreprises, mais entre la rentabilité des entreprises, la sécurité de la population et la construction de logements, le parti socialiste a clairement fait son choix, comme la plupart des partis de ce parlement, je crois ! Nous soutiendrons donc cette résolution et nous soutiendrons son renvoi direct au Conseil d'Etat.
M. Thierry Cerutti (MCG). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, le groupe MCG soutiendra également ce texte. Par contre, nous aimerions que vous alliez plus loin ! Vous parlez de chlore, vous parlez de dangers pour la population à cause des transports et vous parlez de créer des emplacements pour faire du logement, ce qui est bien parce que la population genevoise a besoin de logements. Mais qu'en est-il des citernes qui polluent la ville de Vernier ? Elles prennent de la place, elles nous empêchent de construire des logements, elles créent des dangers pour la population, parce que si l'une d'entre elles explose, ce sont des vies qui seront en danger ! Vous en faites quoi, Mesdames et Messieurs les députés ? Vous êtes aux abonnés absents ! Alors moi, je vous invite à sortir du trou dans lequel vous vous êtes enterrés: vous refusez d'affronter les pétroliers parce que leur lobby est beaucoup trop fort. Il faut faire en sorte de les attaquer frontalement aujourd'hui, avec des textes et une obligation de les faire dégager du territoire verniolan. Ainsi, on pourra créer des logements, on pourra assurer la sécurité et le bien-être de nos habitantes et habitants, ce qui est un réel besoin aujourd'hui.
M. Patrick Lussi (UDC). Nonobstant ce que je vais vous dire et ce que fera le groupe UDC, j'hallucine ! J'hallucine quand j'entends le groupe socialiste qui dit que le chlore vient de France parce que ça coûte moins cher ! Vous êtes tous coupables de vouloir délocaliser ! (Commentaires.) Vous êtes tous coupables car vous êtes d'accord que les entreprises aillent ailleurs ! Mesdames et Messieurs les députés, c'est vous qui êtes hypocrites ici ce soir. Maintenant, on parle de diminuer les transports massifs. Alors qu'est-ce que ça va être ? Mesdames et Messieurs les députés, je me réjouis de voir, si cette résolution est acceptée et que des mesures sont prises, quelles ne vont pas être les levées de boucliers par rapport à ce que vous demandez quand les entreprises qui ont besoin de ce chlore le fabriqueront sur place. J'imagine déjà le nombre de recours ! Il n'en demeure pas moins que malgré vos affirmations qui sont pour moi fausses et tombent dans l'émotionnel, on a besoin de ce chlore parce qu'autrement on ne le transporterait pas. Rien que pour ça, le groupe UDC soutiendra le renvoi, mais interviendra auprès de nos gens à Berne pour qu'on essaie de trouver une solution. Peut-être que, contre l'avis que vous manifesterez à l'Assemblée fédérale, on fera des unités de production à côté des entreprises et des usines qui utilisent ces matières.
M. Luc Barthassat, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, le transport par rail du chlore à travers l'agglomération genevoise présente des risques considérables pour la population, cela a été relevé par la plupart d'entre vous. Le problème demeure largement irrésolu pour notre canton, même si, d'ici la fin 2015, ce chlore ne sera plus transporté par la Praille. C'est vrai, cela nous pose pas mal de problèmes sur toutes les questions d'aménagement du territoire et de construction. Cela fait plusieurs mois que nous en sommes conscients et que nous travaillons avec M. Hodgers, mon collègue, et ses services pour essayer de trouver une solution. Cette résolution va dans le sens de la position du Conseil d'Etat et du travail qu'il est en train de mener aux Chambres. Comme vous le savez, la loi fédérale va être revue pendant cette session, nous en avons encore parlé aux membres du Conseil national, pas plus tard que ce mercredi, pour qu'ils appuient les amendements entre autres de Mme Mahrer, qui avaient été refusés en commission. Il n'est pas évident de faire passer ce genre d'amendements au niveau fédéral, mais il est vrai que quelques cantons sont concernés, et Genève travaille de façon très proche avec le canton de Vaud et, bien entendu, celui du Valais. Le canton de Bâle est aussi concerné par ces transports dangereux, entre autres celui du chlore.
Nous avons aussi prévu de mettre en place une prochaine réunion avec une entreprise très connue du Valais, Syngenta, pour ne pas la nommer. Je participerai à une réunion avec les conseillers d'Etat du canton de Vaud et du Valais ces prochaines semaines pour essayer de trouver des solutions. Il est vrai que les entreprises pourraient fabriquer ce chlore au sein même de leurs usines, mais bien sûr, cela a un coût. Il est vrai aussi que ces entreprises sont ouvertes, parce que de plus en plus de pressions sont exercées concernant l'aménagement du territoire et la construction par rapport à ces transports dangereux. Mesdames et Messieurs les députés, le Conseil d'Etat accueille favorablement cette résolution. Bien sûr, nous vous demandons de la soutenir. Je vous remercie de votre attention.
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Je vous fais voter sur la prise en considération de cette résolution.
Mise aux voix, la résolution 783 est adoptée et renvoyée à l'Assemblée fédérale et au Conseil d'Etat par 88 oui et 2 abstentions. (Applaudissements à l'annonce du résultat.)