Séance du
jeudi 18 décembre 2014 à
17h15
1re
législature -
1re
année -
15e
session -
91e
séance
PL 11542-A
Premier débat
Le président. Nous attaquons le point suivant de notre ordre du jour, à savoir le PL 11542-A. Nous sommes en catégorie II, soixante minutes. Je passe la parole au rapporteur de majorité, M. Jean-Luc Forni.
M. Jean-Luc Forni (PDC), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi présenté par le Conseil d'Etat a pour but de modifier la loi sur les prestations complémentaires cantonales en intégrant 10% du subside d'assurance-maladie perçu en cas de droit aux prestations complémentaires fédérales dans le calcul du droit aux prestations complémentaires cantonales. Actuellement, le versement de la prime cantonale d'assurance-maladie n'est pas considéré comme un revenu dans le calcul du droit aux prestations complémentaires cantonales. Dès l'entrée en vigueur de ce projet de loi, il sera tenu compte de 10% de la prime cantonale d'assurance-maladie au titre de droit aux prestations complémentaires cantonales dans les revenus. Le minimum vital subira ainsi une baisse de 1,3% et passera de 44 551 F à 43 972 F par année, soit une baisse mensuelle de l'ordre de 48,25 F. Bien que ce projet de loi ajoute un nouvel élément dans le calcul du revenu déterminant le droit aux prestations complémentaires cantonales, sa mise en oeuvre permet de continuer à assurer aux rentiers AVS-AI du canton de Genève une situation plus favorable que ce qui prévaut dans les autres cantons suisses. Rappelons aussi que la législation en matière de prestations complémentaires cantonales et/ou fédérales permet aux ayants droit de bénéficier du remboursement des frais médicaux à concurrence d'un montant annuel de 25 000 F par année pour les personnes vivant à domicile. Le présent projet de loi s'appliquera à l'ensemble des bénéficiaires des prestations complémentaires cantonales à l'AVS-AI et/ou du subside d'assurance-maladie découlant de ces prestations, et doit permettre une économie de 4 millions en 2015 et 4 millions en 2016. La situation des personnes en institution, c'est-à-dire au sein d'établissements médico-sociaux ou pour personnes handicapées, n'est pas changée par ce projet de loi.
Plusieurs commissaires ont considéré ce texte comme «antipathique» car il confirmait la notion de revenu virtuel et générait des économies auprès des personnes les plus défavorisées, qu'il faudrait justement soutenir. Le DEAS considère que le projet de loi soumis à votre approbation aujourd'hui a été conçu et réfléchi afin de causer le moins de mal possible, les mesures devant avoir un effet marginal et être fortement utiles. Les représentants des institutions privées concernées, longuement auditionnés par les commissaires, considèrent que ces mesures vont créer davantage de précarité chez des personnes qui ont eu l'opportunité de bénéficier jusqu'à ce jour d'une certaine marge de manoeuvre dans leur budget. Bien que ce ne soit jamais de gaieté de coeur que l'on touche aux prestations sociales, la majorité des commissaires a estimé que l'effort demandé par ce projet de loi aux bénéficiaires des prestations complémentaires cantonales était mesuré et que, dans un cadre budgétaire difficile, il était nécessaire pour assurer la pérennité des prestations offertes par l'Etat. A ce propos, je vous renvoie aux décisions prises par les commissaires des finances concernant la nature 36 de la prestation C03, qui ajoute 4 millions à l'Hospice général et qui, bien entendu, tient compte de l'acceptation de ce projet de loi. Comme je l'ai déjà mentionné tout à l'heure dans le rapport sur le projet de loi 11540, Genève reste l'un des cantons les plus généreux, si ce n'est le canton le plus généreux en matière d'aide sociale, et je vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, à suivre la majorité des commissaires et à accepter vous aussi ce projet de loi.
Mme Jocelyne Haller (EAG), rapporteuse de minorité. J'aimerais préciser d'emblée en réponse aux propos de M. Forni que Genève est aussi l'un des cantons les plus chers de Suisse ! Quelques mots maintenant pour dire que le PL 11542 prévoit d'inventer un revenu pour les bénéficiaires de prestations d'aide sociale, ceci tout simplement pour pouvoir leur imposer une baisse de 1,3% de leurs prestations. Ce n'est pas un procès d'intention, l'objectif de diminuer les prestations complémentaires cantonales figure explicitement dans l'exposé des motifs, ce qui est particulièrement mesquin et pernicieux: sous prétexte du faible montant du revenu fictif pris en compte, le Conseil d'Etat affirme l'innocuité de la mesure qu'il propose. Pourtant, sur un an, ce peut être l'équivalent d'un demi-mois de loyer pour une personne seule, voire l'équivalent d'un mois entier de loyer pour un groupe familial de deux adultes et deux enfants. Qui pourrait alors encore prétendre que la ponction est indolore ? Certainement pas ceux qui peinent à boucler leurs fins de mois, pas ceux qui doivent couvrir l'entier de leurs besoins avec un revenu minimum cantonal d'aide sociale. Mais là n'est pas la préoccupation du Conseil d'Etat. En ce qui le concerne, il poursuit son travail de sape du rôle de l'Etat, du seuil intangible des prestations de l'Etat. C'est une véritable translation vers le bas des prestations que l'Etat doit assurer à sa population, c'est à cela que vous invite le Conseil d'Etat par ses multiples propositions de diminution des prestations contenues dans le projet de budget.
Ce parlement ne doit pas répondre à cette invitation. Il est garant de la fonction de l'Etat au sens le plus noble du terme, il est garant du service public. Il ne doit pas se commettre en mettant à mal un système de protection sociale laborieusement mis en place au fil des ans. Plus encore, ce n'est pas au moment où le système de protection sociale devient plus nécessaire que jamais qu'il faut l'affaiblir. Au contraire, il doit non seulement être préservé mais devrait encore se voir renforcé car c'est un gage de cohésion sociale. Le prétexte d'un contexte difficile ne constitue pas en soi un motif suffisant pour justifier la remise en cause du système de redistribution et d'aide sociale de l'Etat. Il faut s'attaquer à la problématique de diminution des recettes de l'Etat, vous nous avez déjà entendus souvent sur ce sujet; il faut agir sur les causes et non pas se résigner à voir croître drastiquement les charges de l'Etat, il faut s'attaquer au phénomène qui génère la pauvreté et non pas aux pauvres. Enfin, pour reprendre les propos que me soufflait mon facétieux collègue Pierre Vanek, je dirais que le PL 11542 est exactement l'inverse de l'initiative sur les forfaits fiscaux: pour celle-ci, on ne prend pas en compte des ressources qui existent afin de déterminer l'impôt et, pour celui-là, on prend en considération des ressources qui n'existent pas dans le but de diminuer les prestations des bénéficiaires de l'aide sociale. C'est pour tous ces motifs que le groupe Ensemble à Gauche vous invite à refuser ce projet de loi. Je vous remercie de votre attention.
Une voix. Bravo !
M. Patrick Saudan (PLR). Mesdames et Messieurs les députés, Mme Haller a raison: à Genève, la vie est plus chère que dans les autres cantons. Mais elle est surtout plus chère pour les classes moyennes, Madame Haller ! Les travaux en commission l'ont très clairement démontré: si le coût de la vie est élevé à Genève, c'est parce que nous payons des primes d'assurance-maladie plus élevées, parce que les prix du logement sont plus élevés et que notre fiscalité est plus élevée. S'agissant des deux premiers critères, la population genevoise est largement subventionnée par l'Etat. Ce sont ainsi la classe moyenne et la classe moyenne supérieure qui souffrent du coût de la vie élevé à Genève.
Pour revenir au projet de loi, il est vrai qu'il va permettre une économie de 8 millions et relève donc de la même problématique que celle du projet de loi 11540, à savoir que l'Etat genevois doit faire des économies. Il est vrai aussi que son caractère un peu «bricolage» a pu déranger certains commissaires puisqu'on ajoute un revenu virtuel. En effet, ces 10% de la prime que l'on accorde pour la subvention de l'assurance-maladie et qui sont en fait ajoutés au minimum pour avoir droit aux prestations complémentaires cantonales ont paru bizarres. Or, en réalité, ce bricolage a été ingénieusement conçu par le Conseil d'Etat pour ne pas toucher l'ensemble des bénéficiaires des prestations complémentaires. Ainsi, il ne va toucher que relativement modérément les bénéficiaires de ces prestations.
Madame Haller, j'ai beaucoup de respect pour vous, vous connaissez très bien vos dossiers, mais j'ai quand même été un peu choqué par votre rapport de minorité. Il est bien beau de citer les propos d'Alphonse Allais en disant que le Conseil d'Etat y souscrit, propos que je vais, par plaisir, relire pour notre assemblée: «Il faut prendre l'argent là où il se trouve, c'est-à-dire chez les pauvres. Bon, d'accord, ils n'ont pas beaucoup d'argent, mais il y a beaucoup de pauvres.» Le taux de pauvres à Genève n'est pas tellement plus élevé que dans les autres cantons. En outre, il ne s'agit pas de leur prendre de l'argent, mais de leur en donner un tout petit peu moins, il y a une immense différence. Je ne veux pas tenir les mêmes propos que M. Falquet, mais il est différent de prélever de l'argent que de subventionner légèrement moins. Vous revenez toujours avec cette idée d'augmenter la ponction fiscale chez les personnes riches, vous parlez des intérêts préservés des nantis - d'ailleurs, votre amour des riches transparaît dans vos propos ! - mais je ne vois pas en quoi les nantis sont concernés par ce projet de loi. Je vous rappelle encore qu'en plus de taxer très fortement les riches au niveau du revenu, nous avons l'impôt sur la fortune le plus élevé de Suisse. Les classes moyennes supérieures de Genève contribuent à l'effort fiscal pour permettre à notre Etat social de subsister, cet Etat social dont nous n'avons aucunement à rougir et que nous voulons maintenir. Tout au long de ma carrière médicale, Madame Haller, il m'est arrivé de rencontrer des patients chez qui on rechignait à faire des amputations a minima d'un orteil - même pas des amputations à mi-jambe - et ça se finissait tragiquement. Je pense que c'est la même chose actuellement pour l'Etat de Genève: il vaut mieux procéder à des économies raisonnées maintenant plutôt que d'arriver à une situation catastrophique si ce budget est refusé et, dans quelques années, devoir opérer des ponctions beaucoup plus sévères dont souffriront vos affidés. Je vous remercie. (Quelques applaudissements.)
Mme Frédérique Perler (Ve). En ce moment même, j'étais en train de me dire que les positions des parlementaires de la droite et de la gauche étaient irréconciliables; finalement, tout dépend du point de vue duquel on se place. Les premiers défendent ceux qui paient déjà beaucoup voire trop - selon M. Saudan - les seconds défendent les plus faibles et le fait de partager pour que chacun dispose d'un minimum vital. M. Saudan disait aussi qu'il s'agissait, dans ce projet de loi, d'un ingénieux bricolage du Conseil d'Etat. Alors, si je le rejoins parfaitement sur les termes «bricolage» et «ingénieux», j'ajouterais aussi: «pas vraiment courageux». En effet, afin que tous les prestataires s'y retrouvent - comment voulez-vous qu'ils se retrouvent dans la lecture de la décision prise à leur égard, avec tous ces revenus fictifs, revenus hypothétiques, déductions et autres franchises ? - il aurait mieux valu que le Conseil d'Etat ait le courage de dire: «désormais, c'est tant en moins», plutôt que de compter fictivement 50 F en plus. Il s'agit là bel et bien d'une invention de revenu, comme le relevait la rapporteuse de minorité.
Ce qui n'a pas été mentionné jusqu'ici, c'est que les personnes au bénéfice des prestations complémentaires ont souvent travaillé toute leur vie, elles ont forcément eu des revenus assez faibles - puisque leur rente AVS ou AI est assez limitée et leur deuxième pilier complètement rogné - si bien qu'elles se trouvent dans l'obligation de faire appel à l'Etat de Genève qui, heureusement, est généreux. Mais tant mieux, nous pouvons être fiers de notre Etat social - en tout cas pour l'instant, on verra dans quelques heures. Nous pouvons en être fiers ! Ces personnes doivent faire appel à l'Etat pour combler leurs revenus et arriver à un minimum social, et voilà qu'on leur demande un effort supplémentaire alors qu'elles ont déjà subi - cela a été cité - de nombreuses diminutions. Par égard pour ces gens qui ont travaillé toute leur vie, qui ont apporté de la richesse à leur canton, qui sont maintenant âgés ou invalides, la moindre des choses est de jouer cartes sur table et de leur garantir le minimum social, et non pas de demander un effort de 600 F par année pour une personne seule - ce qui est quand même énorme, ça lui permet peut-être de rejoindre le club des aînés et de prendre quelques vacances à la montagne en Suisse pendant une semaine. Voilà qu'on cherche maintenant à leur enlever ça ! Ce projet de loi est inacceptable dans sa forme et sur le fond, ne consiste qu'en un florilège d'économies sur le dos des plus vulnérables, et le groupe des Verts vous invite à le refuser. Je vous remercie.
Mme Caroline Marti (S). Alors là, plus de détours, le Conseil d'Etat ne s'embarrasse plus de justifier certaines de ses coupes par des mesures techniques ou un lissage des prestations et effets de seuil; maintenant, il coupe. Une coupe sèche dans le minimum vital, comme l'a relevé le rapporteur de majorité - et je le remercie d'ailleurs de sa transparence et de son honnêteté, puisque c'est effectivement le minimum vital des personnes au bénéfice des prestations complémentaires cantonales qui est touché par ce projet de loi. Le précédent objet touchait les personnes gagnant entre 38 000 F et 44 000 F par année; maintenant, ce sont celles qui ont un revenu en dessous de 38 000 F par année, soit en dessous de 3100 F par mois ! Par rapport à ce cas de figure, il est très désagréable d'entendre de la part du rapporteur de majorité que ces personnes gardent une certaine marge de manoeuvre dans leur budget. Quand on doit vivre à Genève avec 3100 F par mois et qu'il faut encore payer un loyer, des factures, de la nourriture et des vêtements, la marge de manoeuvre est ténue, voire inexistante. Ce projet de loi est à remettre en perspective avec les différentes coupes qui ont touché les bénéficiaires des prestations complémentaires ces dernières années. Je pense notamment aux diverses réformes successives de l'AI, qui ont introduit de plus en plus de rentes partielles plutôt que des rentes complètes, de même que le régime particulièrement injuste des gains hypothétiques. Je pense également au non-cumul des prestations complémentaires cantonales et de l'allocation de logement, ce à quoi s'ajoute la non-indexation du forfait logement depuis 2001, ce qui place les bénéficiaires des prestations complémentaires dans une situation financière extrêmement difficile. Enfin, je trouve particulièrement désagréable de constater que toutes ces attaques qui ont lieu depuis plusieurs années touchent en premier lieu les personnes les plus vulnérables: c'est tellement plus facile de s'attaquer à des personnes désaffiliées, qui ont une faible capacité de résistance et de protestation. Mesdames et Messieurs, pour ces raisons, le groupe socialiste vous invite à refuser ce projet de loi. (Quelques applaudissements.)
M. Christian Frey (S). Tout ce que le Conseil d'Etat a imaginé pour faire des économies est effectivement assez ingénieux. C'est maintenant un projet de loi après l'autre: d'abord on rétablit une équité - ça se justifie - ensuite on invente un revenu virtuel, puis on diminue encore le complément d'intégration et les prestations individuelles à des bénéficiaires de l'AI, on touche aux prestations dans le domaine du logement, etc., etc. J'aimerais que vous autres, nos collègues députés, preniez conscience du fait qu'il s'agit là d'un tir groupé, d'une organisation qui diminue de manière sensible les prestations aux personnes précarisées. Selon les calculs de ce projet de loi précis, l'impact est de 1,78%: une broutille, me direz-vous. Or nous avons eu des contacts avec les représentants de Pro Infirmis, qui nous ont démontré que, dans certains cas particuliers, la diminution combinée de toutes ces mesures pouvait représenter jusqu'à -10%. Est-ce que -10% c'est quelque chose, ou est-ce une broutille ? Ce n'est pas une broutille !
J'aimerais terminer en disant que ce discours sur les méchants pauvres qui ne se montrent pas assez reconnaissants de l'aide, de l'aumône qu'on leur offre - c'est ce que j'ai cru entendre sur les bancs d'en face - m'irrite profondément. Il y a ensuite les gens de la classe moyenne, qui sont aussi un peu pauvres puisqu'ils portent la plus grande partie de notre fiscalité, et que reste-t-il finalement ? Il reste peut-être quelques millionnaires, qui échappent au tableau de la société que nous avons dressé. Non, avec ce tir groupé, cet ensemble de mesures imaginées par le Conseil d'Etat - il ne s'agit pas seulement des 50 F dont nous parlons maintenant - il y a une véritable attaque contre les personnes précarisées. Encore une fois, prenez votre courage à deux mains, sautez par-dessus cette idée qu'on est trop généreux à Genève et cherchez des économies ailleurs, et vous allez enfin faire quelque chose de juste et d'équitable. Je vous remercie. (Quelques applaudissements.)
M. Marc Falquet (UDC). Mesdames et Messieurs, je passe maintenant pour l'antisocial caractéristique, alors que ce n'est pas du tout le cas. Je ne défends ni les riches ni les pauvres, ce d'autant plus qu'il n'y a pas une réelle situation de pauvreté à Genève ! On dirait que vous voulez installer les gens dans la pauvreté. Ce n'est pas nous qui installons les gens dans la pauvreté, c'est vous qui les fixez dans leur statut de pauvres, comme s'ils ne pouvaient pas se sortir les pouces pour se débrouiller ! (Protestations.)
Le président. S'il vous plaît !
M. Marc Falquet. Je suis désolé, mais dans la vie, chacun peut avoir un petit revenu; s'il reçoit l'aide sociale et n'est pas à l'assurance-invalidité, il peut se débrouiller. Dans les pays africains, le plus invalide réussit à gagner sa vie et à ramasser quelques sous. Je ne suis pas d'accord de dire qu'une diminution de 1,6%, c'est s'attaquer aux pauvres, ce n'est pas du tout vrai. Le fait de dire qu'ils sont privilégiés, je m'excuse mais, d'une certaine manière, c'est vrai. Ceux qui ont voyagé savent que... (Commentaires de Mme Salika Wenger.)
Le président. Madame Wenger, s'il vous plaît !
M. Marc Falquet. ...dans le monde entier, la plupart des gens ne reçoivent rien, aucune aide sociale; ils se débrouillent malgré tout et sont même plus heureux que chez nous. (Protestations.) En général ils sont plus souriants, plus accueillants et font preuve de plus de solidarité ! (Protestations. Vifs commentaires de Mme Salika Wenger.)
Le président. S'il vous plaît !
M. Marc Falquet. La solidarité dont vous parlez, ce serait bien que vous la mettiez en pratique ! (Chahut. Le président agite la cloche.)
Le président. Madame Wenger, ça suffit !
M. Marc Falquet. On ne parle pas d'une diminution de prestations de 30%. Dans la vraie vie, quelqu'un qui perd son emploi perd directement 30% de ses revenus... (Commentaires.) ...et il ne va pas venir pleurer, il se débrouille, il se retrouve au chômage, parfois après à l'aide sociale et, s'il peut, il revient et refait surface. (Remarque.) Il faut arrêter un peu ! Mais je suis d'accord également de s'attaquer aux autres si vous avez des propositions. Vous avez l'air solidaires, vous pouvez proposer une contribution de solidarité qui ira dans les caisses de l'Etat pour favoriser les plus démunis ! Je n'ai pas encore entendu ces propositions, c'est toujours chez les autres qu'il faut prendre l'argent et jamais chez ceux qui proposent ces solutions. (Applaudissements.)
M. Pierre Weiss (PLR). Mesdames et Messieurs les députés, je crois que M. Falquet est allé dans la bonne direction. (Protestations.) D'ailleurs, la preuve, c'est la réaction hors de propos de Mme Wenger, qui a pu s'exprimer comme elle le voulait.
Mme Salika Wenger. Absolument !
M. Pierre Weiss. Je vais vous dire deux choses: tout à l'heure, on a dit que les millionnaires pouvaient échapper; non, ils peuvent s'échapper. M. Dal Busco savait pertinemment, il y a deux semaines, ce qu'il pouvait en être en termes d'évasion fiscale des millionnaires. La deuxième chose que je voulais vous dire, c'est que les corrections au budget dont nous parlons ce soir ne concernent pas les pauvres mais des fonctionnaires dont le revenu est considéré autour de 100 000 F. En réalité, il faut savoir que chaque fonctionnaire coûte 150 000 F à notre Etat. Ce qu'il convient de proposer, ce serait plutôt la suppression de la participation de Genève à l'accord CSIAS, comme l'ont fait certains partis: voilà quelque chose qui coûte, voilà quelque chose dont les avantages mériteraient d'être calculés, voilà aussi quelque chose pour quoi la contribution desdits pauvres aux recettes fiscales, à la constitution du revenu cantonal, mériterait d'être affinée. Je vous remercie, Monsieur le président.
M. Eric Stauffer (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, je vais m'exprimer au nom de la minorité des contribuables qui paient des impôts dans le canton de Genève. Eh oui, il en faut bien qui paient des impôts pour qu'on puisse dépenser cet argent ! J'ai failli verser une larme tout à l'heure, il m'est venu une larme à l'oeil quand j'ai entendu la gauche parce que, du coup, j'ai eu l'impression - je m'excuse, je suis allé à la buvette prendre un café pendant quelques minutes - que ce Grand Conseil avait été pris de folie et avait décidé de ne plus rien donner aux pauvres. Je suis donc vite allé m'enquérir auprès de notre magistrat cantonal: Monsieur le conseiller d'Etat, est-ce qu'on ne donne donc plus rien aux pauvres ? Non. Je vais vous faire le résumé de manière simple: ce projet de loi propose une économie de 1%. Mais j'ai quand même voulu savoir si on avait éliminé la base qu'on donnait aux plus démunis de ce canton. Parce que vous savez que le MCG ne laissera personne sur le trottoir. Nous l'avons toujours dit: nous voulons une économie forte pour pouvoir faire du social efficace. Eh bien, notre magistrat cantonal m'a donné la réponse: à Genève, le revenu minimum donné par l'aide sociale à une personne célibataire, Mesdames et Messieurs, est de 44 000 F par année !
Une voix. Ce n'est pas vrai !
M. Eric Stauffer. Eh oui ! Alors quand on vient dire, Mesdames et Messieurs... (Commentaires.) ...que nous sommes en train de jeter les pauvres à la fosse aux lions...
Le président. S'il vous plaît !
M. Eric Stauffer. ...excusez mon indignation, que j'exprime au nom de la minorité des contribuables de ce canton qui paient des impôts. Le problème est quand même là, Mesdames et Messieurs ! Je veux bien, lorsqu'il y a des coupes ou que les gens ont des problèmes, qu'ils viennent manifester, qu'on se fasse invectiver, je veux bien. Mais je le dis clairement - malheureusement, nous ne sommes pas encore retransmis à la télévision, mais on le fera savoir - et je l'ai appris par le biais de notre conseiller d'Etat, à Genève, c'est 44 000 F de revenu minimum de l'aide sociale pour une personne célibataire, loyer et assurance-maladie payés ! Alors ne venez pas nous dire, Mesdames et Messieurs de la gauche, que nous coupons chez les pauvres et que nous faisons des économies sur les plus faibles. C'est un mensonge ! Genève est l'un des trois cantons de Suisse qui donne le plus aux démunis, et j'en suis fier ! Mais, de grâce, quand on veut harmoniser pour être encore plus efficace - et c'est la mission de notre conseiller d'Etat - ne venez pas crier au scandale en disant que Mauro Poggia est le grand méchant, non ! Il prend des décisions responsables et, je vous le répète, c'est 44 000 F de revenu minimum pour une personne célibataire à l'aide sociale ! Je vous invite à accepter ce projet de loi ! (Applaudissements.)
Mme Marie-Thérèse Engelberts (MCG). Ce qui me rend vraiment la vie difficile ce soir, c'est la manière dont on débat de ces questions. On peut avoir des informations précises, on peut apprécier la situation et nommer les personnes qui sont dans des conditions difficiles, mais peut-être différemment. Je trouve que s'invectiver par groupes de personnes interposés - qu'elles reçoivent 44 000 F par année, plus ou moins, etc. - est vraiment insultant. On peut ne pas être d'accord sur le processus qui est mis en place; alors parlons de cela. Parlons de cela ! Mais il n'y a pas ceux qui aiment les pauvres d'un côté... Et encore, qui qualifie-t-on de pauvres ? Ce n'est donc qu'en rapport au porte-monnaie qu'on qualifie les gens de pauvres ? Peut-être, mais pas seulement. (Remarque de Mme Salika Wenger.) Je demande à cette députée de se taire ! Est-ce qu'elle peut se taire ? Je suis désolée, mais je trouve que la manière dont Mme Wenger intervient tout le temps...
Une voix. C'est vrai !
Mme Marie-Thérèse Engelberts. ...quand on n'est pas d'accord avec elle, que ce soit sur un détail ou sur autre chose, c'est tout simplement une action malhonnête et un manque de respect. Nous ne vous invectivons pas...
Une voix. Ah bon ?
Mme Marie-Thérèse Engelberts. Nous n'avons peut-être pas la même façon de voir le monde; mais peut-être que oui, finalement. Alors arrêtez de penser que vous êtes meilleurs que les autres et cessons de parler des groupes de personnes qui sont à l'assistance sociale, parce que cette manière d'en parler, que ce soit d'un côté comme de l'autre, est véritablement insupportable ! Regardons de quelle manière on peut y répondre au mieux, ce qu'on peut assumer et, ensuite, on dira si on est d'accord ou pas. Nous n'avons pas raison, et vous n'avez pas raison. C'est juste extrêmement compliqué et difficile de retomber sur nos pieds par rapport aux questions budgétaires. Ayons au moins la décence de dire que nous ne savons pas trop comment faire et essayons d'équilibrer les choses. Essayons de faire ça, mais dignement. Voilà, c'est tout. (Applaudissements.)
Une voix. Bravo !
Une autre voix. Bravo, Marie-Thérèse !
Le président. Merci, Madame la députée. Je passe la parole à M. Romain de Sainte Marie. Il vous reste une minute, Monsieur.
M. Romain de Sainte Marie (S). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, je ne sais pas s'il y a des pauvres dans ce canton, mais il y a des personnes qui, chaque fin de mois, ont de grandes difficultés à payer leur loyer. Je ne sais pas s'il y a des pauvres, mais il y a des personnes qui n'ont pas d'emploi depuis une très longue période. Je ne sais pas s'il y a des pauvres, mais il y a des personnes qui, pour les vacances de Noël et Nouvel An, ne vont pas nécessairement partir à la montagne comme la plupart des élus ici. Je ne sais pas s'il y a des pauvres, mais il y a des personnes pour qui c'est difficile d'avoir un abonnement de bus ou une voiture...
Le président. Il vous reste trente secondes.
M. Romain de Sainte Marie. ...durant l'année. Le constat aujourd'hui, c'est qu'à l'aide sociale, à l'Hospice général, on compte plus de 30% de prestations sociales, et ce notamment à cause de la révision de la loi sur l'assurance-chômage que la droite a voulue en 2011. Les effets sont catastrophiques ! Je ne suis pas étonné de constater aujourd'hui une certaine «zachariarisation», disons, du MCG et de son conseiller d'Etat... (Exclamations. Huées.)
Le président. Monsieur Romain de Sainte Marie, il faut conclure.
M. Romain de Sainte Marie. ...qui veut réformer l'imposition sur la fortune... (Chahut.)
Le président. C'est terminé !
M. Romain de Sainte Marie. ...qui veut réformer l'imposition sur la fortune...
Le président. C'est terminé, Monsieur ! (Commentaires. Le micro est coupé. L'orateur continue à parler.)
M. Romain de Sainte Marie. ...pour accroître les privilèges...
Le président. Monsieur, c'est terminé ! (Applaudissements.)
M. Romain de Sainte Marie. Vous voulez que je reprenne la parole, Monsieur le président ?
Le président. S'il y a un point sur lequel je suis d'accord avec Mme Engelberts, c'est que nous pouvons poursuivre nos débats sans nous invectiver de la sorte, car c'est honteux. La parole est à M. le député Eric Stauffer.
M. Eric Stauffer (MCG). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés - Monsieur le président, vous transmettrez - on entend qu'il y a dans ce canton des gens qui ont de la peine à boucler leurs fins de mois; oui, c'est vrai. Mais il y a aussi dans ce canton des individus qui s'évertuent à scier la prospérité de Genève, et j'en veux pour preuve, Monsieur le président, que les socialistes à l'agonie depuis bien trop longtemps...
Le président. Il vous reste dix secondes.
M. Eric Stauffer. Je conclus ! ...sont en train de déposer initiative sur initiative pour faire partir les gens qui paient des impôts ! Eh bien, Mesdames et Messieurs, je vous l'ai dit: à force de convoiter l'argent du riche...
Le président. C'est terminé, Monsieur.
M. Eric Stauffer. ...vous finirez par voler celui du pauvre ! (Quelques applaudissements.)
Le président. Merci. Je donne la parole à M. le député Amaudruz.
M. Michel Amaudruz (UDC). Je vous remercie, Monsieur le président. Je suis un peu déçu par la tournure que prennent les débats ainsi que par ces invectives. La Suisse a ses pauvres, nous en sommes tous conscients et le regrettons. La gauche n'a pas le monopole de la préoccupation d'un sort meilleur pour les pauvres. C'est un sujet qui concerne chacun et que nous devons prendre à coeur. Lorsqu'on entend dans ce débat la façon dont on s'invective, que ce soit la gauche ou la droite, je trouve que c'est méprisant pour la situation de ceux qui sont prétérités. Je vous demanderai d'avoir un peu plus de décence dans l'abord de cette question et de ne pas polémiquer à ce propos. Bien sûr, nous voudrions tous qu'il n'y ait pas de pauvres. Pour répondre à notre benjamine, bien sûr, avec vous et tous les pauvres, nous aimerions aller à Gstaad. Mais que voulez-vous ? A la base, il y a dans notre société des inégalités de naissance. Notre société fait tout ce qu'elle peut pour venir en aide à ceux qui sont démunis. Et ne criez pas sur le sort malheureux de Genève; hier ou avant-hier soir, j'ai vu une émission sur les pauvres d'Angleterre: ils n'ont pas à manger, ils sont totalement démunis. En France, c'est la gabegie avec le RMI et le RSA. Je comprends que vous souhaitiez un sort meilleur pour ces personnes, mais je crois que le Conseil d'Etat propose ici une loi faite d'équilibre et de respect de l'être humain, de sa dignité. A gauche comme à droite, on ne devrait pas oublier cela. (Applaudissements.)
Mme Jocelyne Haller (EAG), rapporteuse de minorité. Monsieur le président, je prendrai sur le temps de mon groupe. Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais repréciser un certain nombre de choses. S'agissant tout d'abord de M. Falquet - vous transmettrez, Monsieur le président - et pour l'avoir côtoyé en commission, je sais que c'est un brave homme mais il est particulièrement maladroit lorsqu'il s'exprime à propos des pauvres, et je le regrette. Dire qu'ils n'ont qu'à se sortir les pouces, ce n'est pas respectueux et c'est surtout méconnaître la réalité de personnes qui se battent quotidiennement pour devenir autonomes. Je vous rappelle - je l'ai dit à plusieurs reprises - qu'une grande partie de ces gens travaillent gratuitement à mi-temps dans les services publics, dans le secteur subventionné. Dire qu'ils n'ont qu'à se sortir les pouces est simplement hors de propos.
Cela étant, je souhaite redire qu'en ce qui concerne les normes CSIAS, c'est l'adoption de celles-ci qui a introduit le CASI et a baissé le seuil de 300 F - je voulais le rappeler. Je voudrais aussi attirer votre attention sur le fait que ce projet de loi et le PL 11540 dont nous venons de parler ont des effets cumulatifs. On ne peut pas juste dire que c'est une toute petite mesure - 1,3% de prestations en moins ! - même quand ces prestations sont pour une bonne part virtuelles. Non, il faut encore compter les effets de l'autre projet de loi, et il faudra également compter l'effet cumulatif de la mesure contenue dans le PL 11552 quand nous en traiterons. Ne venez pas dire que c'est juste une toute petite mesure. Non, c'est un train de mesures qui consiste réellement à baisser le seuil des prestations de l'Etat.
Maintenant, pour répondre à M. Saudan, si la vie est chère pour la classe moyenne, alors que représente-t-elle pour les gens les plus pauvres de ce canton ? Soyez cohérent, quand même ! Ne me dites pas qu'elle est dure pour les classes moyennes et facile pour les personnes à l'aide sociale alors que celles-ci touchent le minimum vital et rien d'autre ! Lorsqu'on parle de l'aide sociale ici, on parle d'autre chose: on parle du revenu minimum cantonal d'aide sociale des prestations complémentaires. Cela fait déjà un moment qu'on confond ces deux niveaux, je voulais juste le rappeler.
Pour terminer, les prestations d'aide sociale tout comme les prestations complémentaires cantonales sont garanties par une loi, c'est un droit. A partir du moment où vous retranchez quelque chose de ce droit, ne venez pas dire que vous n'enlevez pas des prestations, c'est faux. Quant aux mesures de prévention et à l'exemple qu'utilisait M. Saudan tout à l'heure, je ne peux bien sûr qu'être d'accord avec lui: autant le plus que le moins. Mais si on veut le moins, alors autant développer des prestations de prévention, se donner réellement les moyens de faire en sorte que les gens ne recourent pas à l'aide sociale. Or pour cela, il faudrait avoir le courage politique de prendre un certain nombre de mesures qui permettraient aux gens d'avoir du travail, de pouvoir s'assumer eux-mêmes sans avoir besoin de recourir à l'aide sociale, parce que c'est toujours une démarche douloureuse. Je vais vous faire un aveu, Mesdames et Messieurs: je n'ai pas d'antipathie particulière pour les riches, pas du tout. A vrai dire, je suis aussi contributrice, tout comme eux. Seulement, j'ai la ferme conviction que chacun doit contribuer, selon ses moyens.
Une voix. Très juste !
Mme Jocelyne Haller. Vous admettrez qu'à cette réalité-là, on peut difficilement échapper. Je vous remercie de votre attention.
Une voix. Bravo ! (Applaudissements.)
M. Jean-Luc Forni (PDC), rapporteur de majorité. J'aimerais revenir sur quelques faits et propos. Quand on parle de générosité en termes de prestations complémentaires cantonales, on compare Genève et Zurich, comme l'a proposé Mme Haller. Il faut toutefois savoir que la Ville de Zurich est de 4000 F moins généreuse que la Ville de Genève, donc que le canton. On évoque quand même ici des cantons qui ont à peu près le même niveau de vie et de cherté. Maintenant - vous transmettrez à Mme Marti, Monsieur le président - quand je parlais de marge de manoeuvre, je citais simplement les institutions auditionnées qui avaient évoqué des personnes qui, certes dans le cadre d'un niveau de vie précaire, avaient quand même une plus grande marge de manoeuvre que les autres jusqu'à présent. En outre, lorsqu'on mentionne la problématique des loyers en disant que c'est un loyer d'épargné par mois, cela est valable pour 60% des gens qui se trouvent dans le barème du subside cantonal. Pour les autres, vous savez que le canton réfléchit actuellement - vous l'avez entendu comme moi, Madame Haller - à redéfinir une péréquation financière au niveau fédéral afin que certains cantons soient davantage subventionnés que d'autres, en particulier Genève où les loyers sont plus chers. Enfin, dernier point, j'ai l'impression qu'il s'agit là d'un débat qui pourrait avoir lieu au niveau de la classe moyenne: on assiste en effet à une certaine paupérisation de la classe moyenne, et ce débat avec ses arguments pour et contre reflète un certain mépris de ceux qui ne touchent pas un revenu leur donnant droit aux prestations d'aide sociale ou complémentaires cantonales par rapport à ceux qui les perçoivent, et qui s'en sentent frustrés. Voilà, je vous remercie.
M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, Genève a des personnes précarisées, incontestablement - que certains appellent des pauvres, même si je n'aime pas ce terme qui peut être perçu de manière péjorative - et elles méritent notre infini respect. Mais il faut lire ce projet de loi et constater qu'il ne s'adresse précisément pas aux personnes au bénéfice de prestations sociales servies par l'Hospice général: nous parlons uniquement ici de personnes au bénéfice de prestations complémentaires cantonales, qui sont versées par le service des prestations complémentaires en sus des prestations complémentaires fédérales. Dans ce projet de loi - il est utile de le lire - nous nous adressons à des personnes au bénéfice de rentes AVS ou AI, qui sont donc au double bénéfice des prestations complémentaires fédérales et cantonales. Seuls trois cantons - cela a été rappelé dans les débats, il s'agit de Bâle-Ville, Zurich et Genève - versent des prestations complémentaires cantonales; les autres cantons suisses ne versent que les prestations complémentaires fédérales, qui résultent de la loi fédérale sur les prestations complémentaires aux prestations à l'AVS-AI, il faut en être conscient. Si le canton de Genève a été particulièrement généreux ces dernières années, il est vrai qu'il est toujours difficile, dans des perspectives économiques plus contraignantes, de devoir faire très modestement - très modestement ! - marche arrière, pour simplement réallouer - je le répète encore une fois - les ressources là où elles doivent aller.
Quelques rappels pour que vous vous rendiez bien compte que nous ne sommes pas en train de toucher ceux que vous appelez les pauvres: les prestations complémentaires fédérales et cantonales prennent en considération des barèmes annuels, lesquels comprennent bien sûr les loyers - on vous a d'ailleurs rappelé qu'ils n'ont pas été réévalués depuis un certain temps puisqu'ils sont de 13 200 F pour une personne seule. A ce propos, vous savez qu'il existe une consultation au niveau fédéral visant précisément à tenir compte des spécificités cantonales dans ce barème, afin que les prestations complémentaires fédérales puissent, elles aussi, tenir compte de loyers correspondant davantage à la réalité quotidienne. A ces 13 200 F s'ajoute la prime moyenne cantonale, qui est évidemment intégralement prise en compte dans le calcul; l'année prochaine, elle sera malheureusement très proche de 6000 F par année, donc 500 F par mois. Viennent ensuite les besoins vitaux, couverts à hauteur de 19 210 F selon les barèmes des prestations complémentaires fédérales, mais qui sont évidemment supérieurs - sinon, il n'y aurait pas d'intérêt à proposer des prestations complémentaires cantonales. Ceux-ci sont de 25 555 F pour les bénéficiaires de l'AVS et de 29 388 F pour ceux de l'AI - un autre projet de loi traite cette inégalité qui s'explique par des raisons purement historiques. Il y a ainsi un écart entre les besoins vitaux pris en considération au niveau fédéral et ceux pris en considération à Genève, qui s'élève à 33% pour les rentiers AVS et à 55% pour les rentiers AI.
Il faut appeler un chat un chat: ce projet de loi est effectivement une mesure d'économies par opposition au projet de loi voté tout à l'heure qui visait, lui, à régler une incohérence. Ce projet de loi touche 18 500 personnes avec une économie budgétée de 8 millions sur deux années, soit 4 millions en 2015 et 4 millions en 2016, et un impact moyen par personne de 35 F par mois. Oui, 35 F par mois ! Nous ne sommes pas en train de priver ces personnes, comme on a pu l'entendre, de 10% de leurs revenus. Il s'agit de 35 F par mois, c'est-à-dire un peu plus de 1%, ce qui ramène le minimum vital actuel de 44 451 F - non pas de l'assistance sociale mais des prestations complémentaires - à 43 972 F, à savoir 3666 F par mois. Voilà ce que l'on appellerait placer les gens dans la précarité ? En tout cas, ce n'est pas la conception qu'en a le Conseil d'Etat. S'ajoutent à cela le remboursement intégral des frais médicaux jusqu'à concurrence de 25 000 F pour une personne seule et de 50 000 F pour un couple - vous avez bien entendu les chiffres que je viens d'articuler ! - l'abonnement aux TPG à un prix préférentiel de même que l'exonération de la cotisation Billag. Et tout ceci ne concerne que les personnes qui sont à domicile. En effet, pour les individus en institution, que ce soit en EMS ou en établissement pour personnes handicapées, un déplafonnement est prévu par la législation fédérale; le projet de loi qui vous est soumis n'aura donc tout simplement aucun impact sur eux. Dès lors, je vous encourage, Mesdames et Messieurs, à soutenir ce projet de loi raisonnable, supportable et qui s'inscrit dans l'effort commun que chacun doit faire dans cette république pour assainir la situation financière du canton. Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. J'ouvre le scrutin sur ce projet de loi.
Mis aux voix, le projet de loi 11542 est adopté en premier débat par 64 oui contre 32 non.
La loi 11542 est adoptée article par article en deuxième débat et en troisième débat.
Une voix. Vote nominal !
Le président. Etes-vous soutenu ? (Plusieurs mains se lèvent.) Très bien, le vote final sera donc nominal.
Mise aux voix, la loi 11542 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 62 oui contre 33 non (vote nominal).