Séance du
jeudi 18 décembre 2014 à
17h15
1re
législature -
1re
année -
15e
session -
91e
séance
PL 11540-A
Premier débat
Le président. Nous abordons à présent le PL 11540-A en catégorie II, quarante minutes. Je cède la parole au rapporteur de majorité, M. Jean-Luc Forni.
M. Jean-Luc Forni (PDC), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, le PL 11450 présenté par le Conseil d'Etat a pour but de modifier la loi d'application de la loi fédérale sur l'assurance-maladie, afin de réduire les effets de seuil constatés en matière de droit au subside complet de l'assurance-maladie dans le cadre du droit aux prestations complémentaires. Actuellement, si l'excédent de ressources d'un bénéficiaire est inférieur à la prime moyenne cantonale d'assurance-maladie, celui-ci a droit au subside total à concurrence de la prime moyenne cantonale. Avec l'entrée en vigueur de ce projet de loi, si l'excédent de ressources est inférieur à la prime moyenne cantonale, le bénéficiaire se verra octroyer un subside partiel à concurrence de la différence entre la prime moyenne et l'excédent de ressources. Les cas de figure annexés à ce rapport montrent en effet qu'avec une différence de quelques francs de revenu déterminant, une personne peut avoir droit à la totalité du subside alors qu'une autre ne le touche pas, ce qui crée des différences de revenus égales à la prime moyenne cantonale annuelle, soit actuellement 5795 F et probablement 6000 F en 2015. La mesure proposée vise à corriger, par un calcul au franc près, cet effet de seuil dû au calcul actuel, c'est-à-dire le versement du subside complet même en cas d'excédent de ressources. Elle permet donc de lisser les subsides octroyés et de placer tous les bénéficiaires dans une égalité de traitement.
L'économie annuelle attendue est de 4,6 millions et va concerner 1300 dossiers sur les 21 000 que traite le service des prestations complémentaires, à savoir 6% des dossiers. Comme chacun le sait, les primes d'assurance-maladie sont en hausse, une hausse de 3% qui avait été budgétée, ce qui représente 3,2 millions pour Genève. L'économie générée permettrait d'absorber cette augmentation. La commission des affaires sociales a accepté ce projet de loi à une confortable majorité et vous invite à faire de même. Avec l'acceptation de ce projet de loi, la prime moyenne cantonale sera versée au franc près - comme je l'ai déjà relevé auparavant - ce qui permettra un lissage des prestations et rétablira une égalité de traitement entre les bénéficiaires des prestations complémentaires cantonales. Il ne s'agit donc pas d'une coupe de prestations mais du rétablissement d'une égalité d'attribution de ces prestations, effaçant ainsi une pratique administrative erronée. Rappelons encore une fois, Mesdames et Messieurs les députés, que Genève reste un canton pionnier eu égard au niveau de ses prestations complémentaires par rapport au reste de la Suisse. Je vous remercie.
Mme Caroline Marti (S), rapporteuse de minorité. Je vais immédiatement m'opposer au rapporteur de majorité de cette commission puisque ce texte est bel et bien un projet de loi budgétaire, qui a pour principal objectif de faire des économies. J'en veux pour preuve la première phrase de l'exposé des motifs du Conseil d'Etat, que je vous cite: «Le présent projet de loi modifiant la loi d'application de la loi fédérale sur l'assurance-maladie constitue l'une des mesures d'économies proposées par le Conseil d'Etat dans le cadre de l'élaboration du projet de budget 2015.» Or qui dit économies, Mesdames et Messieurs les députés, dit - vous le savez très bien - coupes de prestations, donc diminution des prestations et dégradation des conditions de vie des bénéficiaires.
Il est important de se demander qui va être touché par ces baisses de prestations, qui va voir ses conditions de vie dégradées, qui devra se serrer la ceinture. Eh bien, Mesdames et Messieurs les députés, ce sont des rentiers AVS et AI qui, de par leur âge ou leur handicap, n'ont pas la possibilité de trouver d'autres revenus que leur rente ou, si celle-ci ne suffit pas à leur assurer un mode de vie digne, des aides de l'Etat. Mais ce ne sont pas tous les rentiers AVS et AI qui seront touchés par cette baisse de prestations, ce sont ceux qui ont un revenu déterminant oscillant entre 38 755 F et 44 550 F par année, ce qui correspond à un revenu mensuel de 3100 F à 3600 F par mois. Force est de constater que ce sont des personnes avec de très faibles revenus, qui vivent déjà dans une situation de précarité, qui vivent une existence où chaque sou compte, où la crainte de ne pas pouvoir boucler les fins de mois ponctue le quotidien. Ces gens vivent soit juste au-dessus du seuil minimum vital, soit déjà en dessous puisque le système du forfait loyer - actuellement plafonné à 1100 F par mois et non réévalué depuis 2001 - fait que beaucoup de rentiers AVS et AI doivent utiliser une partie de ce qui est nécessaire à leur entretien et au minimum vital pour payer le surplus de loyer.
Pour résumer, ce projet de loi propose une coupe de prestations pour des personnes déjà vulnérables, socialement comme économiquement. En ce qui concerne les rentiers AVS, il s'agit de gens qui ont travaillé toute leur vie avec des emplois parfois peu rémunérés, peu reconnus et usants physiquement, et qui ont par ailleurs pleinement contribué, durant toute leur vie active, à la construction de la société. Quant aux bénéficiaires de rentes AI, ils ont eu la malchance de naître avec une invalidité ou un handicap, l'ont développé au cours de leur vie ou ont été invalidés par leur travail et les conditions dans lesquelles ils ont dû travailler pendant de nombreuses années. Ce projet de loi sollicite ces personnes pour rééquilibrer le budget, et cela est inacceptable pour la minorité de la commission.
Le président. Il vous reste trente secondes.
Mme Caroline Marti. Merci. Il s'agit d'un projet de loi qui demande un effort accru de ces personnes pour éviter d'envisager de nouvelles recettes. La minorité de la commission des affaires sociales se soulève contre la ligne politique particulièrement cynique suivie par le Conseil d'Etat. En effet, pour ne pas avoir à demander une très petite contribution supplémentaire à ceux qui s'apprêtent aujourd'hui à partir deux semaines en vacances de ski à Gstaad ou sur une plage aux Seychelles, il préfère envoyer des centaines de retraités ou d'invalides passer Noël à la soupe populaire. Ce projet de loi demande en l'état que les plus pauvres soient solidaires avec les plus riches, et pour la minorité de la commission il est absolument inconcevable que ce soit le cas. C'est pourquoi nous vous invitons à le refuser.
M. Christian Frey (S). Mesdames et Messieurs, ce projet de loi est présenté dans le rapport de majorité comme le moins antipathique. Apparemment, il est vu comme une mesure équitable, qui rétablit une certaine justice et corrige une inégalité de traitement. Cette mesure semble donc juste pour certains. Néanmoins, il faut réfléchir à son impact concret: 5796 F de moins par année, au maximum, pour une personne seule, 14 159 F au maximum pour un ménage avec deux enfants, ceci est une intervention massive dans le budget de ceux qui se trouvent déjà dans une situation précaire. Les personnes concernées - il s'agit quand même de 1300 ménages, et ce n'est pas rien, ce n'est pas une petite proportion de la population - ont vécu avec ce complément intégral jusqu'à présent. Ils ont probablement, grâce à ce complément, payé le surplus de loyer que le forfait loyer ne leur permettait pas de payer, ils ont peut-être permis à leurs enfants de pratiquer un sport en payant une cotisation, ils ont peut-être, à un moment donné, souscrit pour eux-mêmes ou d'autres un abonnement dans le contexte de leur vie culturelle. Fini, tout cela ! Dans un délai de six mois, qui n'a pas été prolongé, tous au minimum vital ! Mesdames et Messieurs, cette économie n'est pas équitable comme elle paraît l'être superficiellement, comme certains le prétendent: elle plonge au contraire les personnes concernées dans de nouvelles difficultés. Le groupe socialiste vous demande de refuser courageusement ce projet de loi. Je vous remercie.
M. Patrick Saudan (PLR). Mesdames et Messieurs les députés, le PLR va soutenir ce projet de loi du Conseil d'Etat. Celui-ci a été examiné par notre groupe à la commission des affaires sociales à l'aune de deux critères importants: d'une part, il y a la nécessité pour notre Etat genevois de contenir notre dette abyssale de 13 milliards, et donc d'avoir un budget équilibré en proposant des mesures d'économies, d'autant plus - comme l'a bien expliqué le rapporteur de majorité - que celles-ci vont servir à absorber la hausse future des primes d'assurance-maladie. D'autre part, est-ce que Genève va rester un canton particulièrement généreux en matière de prestations sociales, est-ce qu'il va rester dans le peloton de tête des cantons suisses à cet égard ? C'est en effet le cas aujourd'hui. Est-ce que notre système de prévoyance sociale devrait être épargné par ces mesures d'économies qui touchent pourtant l'université, les hôpitaux, tous les services de l'Etat ? Nous pensons qu'un effort mesuré et équitable peut être demandé aux bénéficiaires des prestations complémentaires. Ce projet de loi corrige une iniquité puisqu'il va abolir un effet de seuil. Je vous rappelle que si votre excédent de ressources est inférieur de 1 F au montant de la prime moyenne cantonale, vous touchez l'intégralité du subside; s'il est de 1 F supérieur, vous ne touchez rien du tout. Ce projet de loi rétablit ainsi une certaine équité, et c'est pour cela que nous le soutenons.
Par rapport à ce que disait la rapportrice de minorité, je ne veux pas faire de l'humour en disant qu'il n'y a pas de neige à Gstaad et que nous n'irons donc pas skier là-bas à Noël, mais j'aimerais juste lui faire remarquer quelque chose: son désir d'utiliser le vieux logiciel du parti socialiste, à savoir qu'il faut faire payer les riches, est déjà partiellement exaucé à Genève. Les classes moyennes et moyennes supérieures sont les plus taxées de Suisse. A ce propos, je remercie mon collègue député Genecand de m'avoir fait parvenir un document de l'Administration fédérale des finances du 4 décembre dernier, lequel montre que c'est à Genève que l'indice du potentiel d'exploitation des ressources par la charge fiscale est le plus élevé ! C'est 35% de notre capacité financière pour 2015, alors que la moyenne suisse est de 26,4%. La population suisse et en particulier genevoise est plus raisonnable que vous, Madame Marti: il y a deux semaines, elle a sèchement refusé votre initiative pour la suppression des forfaits fiscaux; elle se rend bien compte que nous avons une charge fiscale maximale et que nous ne pouvons pas augmenter les ressources de ce côté-là. Voilà pourquoi le PLR va soutenir le Conseil d'Etat dans ses efforts pour arriver à un budget équilibré et votera ce projet de loi. Je vous remercie. (Quelques applaudissements.)
M. François Baertschi (MCG). Que de contrevérités entend-on ce soir sur ce projet de loi ! On nous parle d'attaque contre les plus vulnérables, de précarisation, de paupérisation... Tous les mots du vocabulaire en relation avec la situation sociale des plus fragiles de notre société sont utilisés. Mais de quoi parle-t-on réellement, quel est le sujet de ce projet de loi ? C'est un projet très simple: il s'agit d'un système de coulissage pour le paiement de l'assurance-maladie aux personnes qui sont à l'aide sociale. Que se passe-t-il actuellement ? Dans notre système, si vous avez un revenu qui varie de 1 F ou de 10 F, vous touchez le pactole de 500 F ou vous ne le touchez pas; voilà la situation actuelle. Ce projet de loi veut mettre fin à cette aberration, à ce brutal effet de palier. Certes, des gens en ont profité. Le système était comme ça, il y a eu un effet d'aubaine - tant mieux. Un certain nombre de personnes en ont profité mais il y a quelque chose qui ne correspond pas à la logique du système, il faut en être conscient. On ne peut pas tenir certains discours alors qu'il s'agit uniquement d'un dispositif technique, que ça plaise ou que ça déplaise. La réalité est là. Si on veut une sorte d'équité dans les systèmes d'aide sociale, si on veut un système équilibré, on vote ce projet de loi, on le vote sans hésitation ! Si on ne le vote pas, qu'on augmente alors les normes de l'aide sociale, ce serait beaucoup plus correct et intelligent. Certains le proposent, certains vont peut-être le proposer, on pourrait le faire. Est-ce que nos finances pourraient le supporter, j'en doute; voilà le gros problème. Mais sur ce sujet, je répète qu'il s'agit d'un système de coulissage bienvenu. Qu'on s'oppose au taux, je peux le concevoir; mais qu'on s'oppose à ce système de coulissage, je ne le comprends pas et je vous invite à voter très clairement en faveur de ce projet de loi.
Mme Jocelyne Haller (EAG). Mesdames et Messieurs, j'ai la lourde tâche d'expliquer à M. Baertschi pourquoi il convient de refuser ce projet de loi. Diminuer les effets de seuil et restaurer une plus grande équité de traitement entre les bénéficiaires de prestations complémentaires, telles sont les intentions proclamées du Conseil d'Etat pour justifier qu'il vienne diminuer les prestations complémentaires cantonales aux personnes âgées. L'argument pourrait être audible, comme l'a dit M. Baertschi, s'il ne se développait dans un contexte où la traque aux économies était l'objectif premier du Conseil d'Etat et de la majorité de ce parlement. Ne l'oublions pas: outre la diminution du supplément d'intégration de l'aide sociale, la suppression du subside d'assurance-maladie à 40 F, la baisse de l'allocation logement, le Conseil d'Etat, dans son projet de budget initial, a proposé pas moins de trois diminutions de prestations complémentaires cantonales. Un ciblage très clair, très explicite sur les personnes les plus modestes de ce canton, voire les plus démunies. L'objectif d'ajuster la contribution à la prise en charge de la prime d'assurance-maladie au montant manquant pour équilibrer les charges et les ressources pourrait avoir un certain sens si tant est que chaque franc pris en compte, que ce soit au titre de charges ou de ressources, corresponde vraiment à la réalité. Car enfin, le Conseil d'Etat vient demander une modification de la loi sur les prestations complémentaires cantonales pour, dit-il, réparer une forme d'inégalité de traitement entre bénéficiaires des prestations complémentaires. Or qu'en est-il, de cette inégalité de traitement ? Lorsqu'une personne a la malchance d'avoir un loyer qui excède les maxima pris en considération par le SPC, elle doit prélever la différence sur la part qu'elle devrait affecter à son entretien et à ses frais personnels. Qu'en est-il de l'égalité de traitement lorsqu'une autre personne au bénéfice d'une rente d'invalidité partielle recherchant désespérément et vainement un emploi se voit compter un gain potentiel, une ressource virtuelle que la réalité du marché de l'emploi l'empêche de réaliser ? On le voit clairement: le principe d'un franc pour un franc ne s'applique pas. En l'occurrence, le compte au franc près ne résiste pas à l'examen. Ce n'est donc pas le souci d'une plus grande précision dans l'attribution des prestations qui guide le Conseil d'Etat, c'est en fait la volonté de faire les fonds de tiroir, c'est l'intention manifeste non pas de diminuer les effets de seuil mais d'abaisser les seuils d'entrée dans le revenu minimum cantonal d'aide sociale, parce que c'est cela que représentent les prestations complémentaires cantonales. Notre groupe ne se prêtera pas à cette manoeuvre qui ne vise qu'à appauvrir les plus pauvres de ce canton. C'est pourquoi nous vous invitons à refuser ce projet de loi. Je vous remercie de votre attention. (Applaudissements.)
Mme Frédérique Perler (Ve). Ce projet de loi a été annoncé comme tel: il ne vise qu'à effectuer des économies, et c'est ce qui, de prime abord, est désagréable pour les Verts. Prétendre que ce texte ne vise qu'à rétablir une équité ou à supprimer une largesse de l'Etat est un deuxième point qui n'est pas recevable pour nous. En effet, cela fait des années et des années que l'administration est au courant de cette différence manifeste. Ainsi, il aurait peut-être été bien plus malin de la part du Conseil d'Etat, en termes de revenus disponibles... Cela a bien été expliqué par la rapporteuse de minorité et par mes préopinants socialiste et d'Ensemble à Gauche: finalement, c'est le revenu disponible qui compte. Or qu'observe-t-on ? Avec les diminutions successives, la non-prise en compte des loyers, les gains hypothétiques, ces personnes se retrouvent au final avec une coupe brutale de 6000 F à 14 000 F. Pour une famille, c'est quand même excessif lorsqu'on parle de revenus minimaux sociaux !
A cet égard, il aurait été bien plus malin que le Conseil d'Etat présente ce projet de loi à un autre moment qu'à celui du budget sous couvert d'économies manifestes, en proposant d'adapter en premier lieu les loyers - les loyers pris en compte sont en effet insuffisants - ainsi que les gains hypothétiques - qu'on ait un seul ou quatre enfants, on a le même taux de gains hypothétiques - et puis de profiter de ces mesures pour ajouter le subside. C'est bien là - quand on dit que ce projet de loi est le moins antipathique possible - que résidait une solution acceptable, en tout cas pour le groupe des Verts de même que, je l'ai observé, pour le parti socialiste et Ensemble à Gauche. Evidemment, les pauvres n'ont malheureusement pas de lobby, donc peu de monde pour les défendre. On dit qu'il faut agir, qu'il faut adapter, que les primes d'assurance-maladie augmentent, etc. Mais si les calculs rétablissent en théorie une égalité de traitement entre les bénéficiaires, compte tenu de tous les effets induits qui viennent d'être cités, cette mesure ne fait en réalité qu'affaiblir les plus fragiles et, au final, remet en question trente ans de politique sociale menée avec succès, notamment par un certain M. Guy-Olivier Segond, afin de lutter contre la pauvreté des invalides, des handicapés et des personnes âgées. (Quelques applaudissements.)
M. Marc Falquet (UDC). Mesdames et Messieurs, ce projet de loi corrige une inégalité de traitement qui était crasse, il faut le dire ! Je remercie d'ailleurs le conseiller d'Etat de s'être attelé à corriger ceci. Pour 1 F de moins de revenu, vous gagnez 6000 F, et la personne qui a 1 F de plus de revenu perd ces 6000 F. C'est donc une correction. Par rapport à celui qui perd les 6000 F, on peut aussi dire que c'est une inégalité. Du coup, on pourrait se demander pourquoi la gauche n'est pas intervenue avant pour réagir face à cette inégalité. Par ailleurs, on dirait que, du point de vue de la gauche, faire des économies devient maintenant un danger.
M. Patrick Lussi. C'est un tabou !
M. Marc Falquet. Oui, c'est un tabou ! Or nous allons être obligés de faire des économies, et si on ne commence pas par ces bricoles, qui sont le rétablissement d'une inégalité, on va devoir souffrir grandement... (Commentaires.)
Le président. S'il vous plaît !
M. Marc Falquet. Je me demande quand on va enfin s'attaquer aux économies avant que l'Etat ne fasse faillite, je me demande comment ça va aller. Pour l'instant, M. Poggia a bien fait. (Commentaires.) Oui, on a besoin de faire des économies, c'est le moment de commencer à faire des économies, et chaque département devrait en faire. Je suis d'accord: il y a des gens qui vont y perdre. Bien entendu qu'il y a des gens qui vont y perdre ! Chaque fois qu'on fait des économies quelque part, les gens y perdent, c'est normal !
Mme Salika Wenger. Mais ce sont toujours les pauvres ! (Exclamations.)
Le président. Madame Wenger !
Mme Salika Wenger. Ce sont toujours les pauvres ! (Exclamations. Commentaires.)
M. Marc Falquet. Je m'excuse, les pauvres... Ceux qui perçoivent l'aide sociale ne sont pas tout à fait pauvres. (Protestations.) Dans la majorité des pays, il n'y a pas d'aide sociale, les gens devraient plutôt être reconnaissants que grâce au travail de la majorité de la population, on puisse encore redistribuer de l'argent. Les pauvres devraient avoir un minimum de gratitude ! D'ailleurs, je n'entends jamais les gens remercier ceux qui travaillent pour redistribuer l'argent. (Commentaires.) On ne peut donc pas parler de pauvres...
Le président. S'il vous plaît !
M. Marc Falquet. Jusqu'à présent, les pauvres, ce sont plutôt les indépendants ! (Quelques applaudissements. Vifs commentaires de Mme Salika Wenger.)
Le président. Madame Wenger, s'il vous plaît !
M. Marc Falquet. Il faut arrêter de se plaindre !
Une voix. Bravo !
M. Marc Falquet. Vous pouvez poser la question à certains collègues qui sont à l'aide sociale, ils vous diront s'ils sont réellement dans le besoin. On voit qu'il y en a certains ici qui ne savent pas ce que c'est que d'être dans le besoin, ce ne sont que des théories de gens «pourris gâtés», en général des fonctionnaires ! Merci beaucoup. (Quelques applaudissements.) Je vais encore juste ajouter quelque chose, s'il vous plaît, Monsieur le président: mon collègue souhaiterait quand même pouvoir se rendre à Gstaad ! Merci beaucoup.
Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à M. Christian Zaugg... qui n'est pas là. Je la passe donc à Mme la députée Lydia Schneider Hausser. Il vous reste une minute et cinquante secondes, Madame.
Mme Lydia Schneider Hausser (S). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, une chose a été omise jusqu'à maintenant dans ce débat, c'est ce que non seulement M. Segond mais également une majorité du Grand Conseil avaient décidé à un certain moment: le fait de donner la priorité de l'accès à la santé à des personnes âgées invalides et à leur famille qui se trouvaient juste au-dessus des barèmes SPC. Que vous le vouliez ou non, c'est là quelque chose que ces gens vont perdre et que nous allons perdre, et on sait bien que les problèmes de santé non résolus coûtent plus cher à la collectivité. J'aimerais vous dire aussi que, dans la pratique du calcul de la rente, on constate souvent que les gains potentiels calculés pour les conjointes ou conjoints des personnes AVS-AI sont là. Or, dans les faits, ces personnes ne travaillent pas parce qu'elles sacrifient tout leur temps, ou l'ont déjà sacrifié avant et pendant l'invalidité ou la vieillesse, à s'occuper de leur conjoint; cela arrive très souvent. Ce comblement, vous pouvez le qualifier d'injuste ou non, mais ça permettait en tout cas un bol d'air à ces couples et à ces familles, ça permettait de ne pas faire appel aux soins à domicile parce que c'était le conjoint qui s'occupait de tout, c'était en quelque sorte le paiement de cette mise à disposition de temps et d'énergie.
Le président. Il vous reste trente secondes.
Mme Lydia Schneider Hausser. Pour moi - et pour nous, je crois - ce débat sent très mauvais. On est en train de sélectionner les pauvres, les vrais, les moins pauvres: on est vraiment dans du bas seuil, on est vraiment dans un discours très bas. Merci beaucoup. (Applaudissements.)
M. Bertrand Buchs (PDC). D'un débat qui aurait dû rester purement technique, nous sommes passés à un débat qui est en train de déraper à cause de certaines remarques qui viennent d'être dites. Il faut quand même énoncer une chose claire: le système social de Genève est perfectible, mais c'est un bon système social. Dans notre canton, personne n'est laissé au bord de la route. Chaque fois que quelqu'un a besoin d'une aide, il peut l'obtenir. En revanche, ce qui vraisemblablement pose problème, c'est que certaines personnes n'osent pas demander les aides auxquelles elles ont droit, surtout parmi les personnes âgées; ce sont des gens qui ne vont jamais aller frapper aux portes pour demander quoi que ce soit, ils se débrouillent tout seuls. Voilà où est la vraie pauvreté, c'est là qu'est la vraie pauvreté ! Ce sont des individus qui ne demandent rien du tout. Parmi les personnes âgées, il y en a beaucoup qui ne demandent rien et vont même jusqu'à manger de la nourriture pour chiens parce qu'ils ne veulent pas demander d'argent. Là est la pauvreté. C'est difficile d'aller chercher l'aide sociale, c'est difficile d'aller «quémander» - entre guillemets - quelque chose. Mais une fois qu'on l'a fait, on est soutenu, alors ne venez pas me dire que les gens sont laissés au bord de la route, ce n'est pas vrai. On a demandé aux services de M. Poggia de réfléchir à des économies, comme on l'a demandé à tous les autres services de l'Etat, et il se trouve que M. Poggia nous propose cette mesure. Il y en a d'autres avec lesquelles nous n'étions pas du tout d'accord mais, pour nous, cette mesure technique est juste. Les effets de seuil sont injustes, tout comme il est injuste de devoir demander l'aide sociale. L'effet de seuil est injuste parce que si on a trois francs de plus, on n'a rien, alors qu'avec trois francs de moins, on a tout. Je pense qu'un lissage de l'aide sociale est bien plus juste que les effets de seuil. Je vous remercie. (Quelques applaudissements.)
Mme Jocelyne Haller (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, il y a des choses qu'on ne peut vraiment pas laisser dire. Prétendre que les gens à l'aide sociale sont «pourris gâtés» est une insulte que vous leur faites, Monsieur, et ce n'est pas acceptable. La réalité des personnes en difficulté, c'est qu'aujourd'hui, quand elles sont à l'aide sociale, elles bénéficient du minimum vital, qui est extrêmement bas pour les personnes adultes, qui est encore plus bas pour les jeunes adultes et les personnes en formation, et encore bien plus bas pour les requérants d'asile. (Commentaires.) Alors ne venez pas nous dire que les gens sont «pourris gâtés», c'est faux. C'est faux ! Et vous dites que vous n'entendez pas de remerciements ? Vous n'avez jamais été écouter ces gens, vous n'avez pas constaté... (Brouhaha.) ...les efforts que ces derniers font précisément pour ne plus être à charge de la collectivité, pour être autonomes parce qu'ils y aspirent comme tout un chacun. Seulement, l'adversité ne le leur permet pas. Ne venez pas dire que ces gens...
Le président. Il vous reste trente secondes.
Mme Jocelyne Haller. ...sont «pourris gâtés» ! Aujourd'hui, ils se démènent pour trouver des solutions alternatives; elles ne leur sont pas offertes, ils ne disposent pas des moyens pour ce faire. Vous leur devez le respect et surtout de ne pas prétendre, comme vous l'avez fait tout à l'heure, qu'ils sont «pourris gâtés». Je vous remercie de votre attention. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Madame la députée. J'attire l'attention des personnes à la tribune sur le fait qu'aucune manifestation n'est possible. Merci. La parole est à M. le député François Baertschi, à qui il reste une minute quarante.
M. François Baertschi (MCG). Merci, Monsieur le président. Je ne peux pas accepter d'entendre qu'on ne fait rien pour les personnes pauvres de notre société. On a dépensé des dizaines de millions - sauf erreur environ 30 millions - pour l'Hospice général, des sommes considérables sont dépensées pour la solidarité dans notre république. Nous sommes contents et fiers de le faire, nous sommes fiers d'assumer toutes les difficultés de notre société, toutes ses contradictions, tous les problèmes face à la concurrence internationale et transfrontalière, qui cause des dégâts considérables à Genève. Oui, nous sommes fiers de lutter contre tout ceci. Mais il ne faudrait pas se tromper de débat: tout le monde peut glisser vers un débat idéologique, c'est facile. Or, comme l'a très bien dit mon préopinant le député Buchs, il s'agit d'un système purement technique, d'un système de coulissage, et si les normes d'aide sociale ne sont pas satisfaisantes, on peut les réexaminer. Certains voudront les réexaminer à la hausse, d'autres, d'après ce que j'ai entendu, à la baisse; ça, c'est un autre sujet, un autre débat, mais, je vous en conjure...
Le président. Il vous reste trente secondes.
M. François Baertschi. ...ce n'est pas le débat à avoir ce soir.
Une voix. Bravo !
Le président. Merci, Monsieur le député. Je donne la parole à Mme la députée Marie-Thérèse Engelberts. Il vous reste trente secondes, Madame.
Mme Marie-Thérèse Engelberts. Merci, Monsieur le président, alors je renonce.
Le président. Très bien. Je cède la parole à la rapporteure de minorité, Mme Caroline Marti, à qui il reste quinze secondes.
Mme Caroline Marti (S), rapporteuse de minorité. Merci, Monsieur le président. Ce projet de loi ne vise pas à réduire une inégalité; c'est un véritable nivellement par le bas, qui consiste à ramener tout le monde au niveau du minimum vital...
Le président. C'est terminé, Madame.
Mme Caroline Marti. Bon, ça suffira. Merci. (Rires.)
M. Jean-Luc Forni (PDC), rapporteur de majorité. J'aimerais revenir à des faits et ramener un peu de sérénité dans ce débat, en vous rappelant - je l'ai déjà dit mais ça n'a pas été entendu par la rapporteure de minorité - que j'ai parlé d'économies annuelles et non pas de coupes de 4,6 millions, concernant 1300 dossiers, soit 2,3 millions par année puisque cette économie sera faite sur deux ans, la loi entrant en vigueur - si vous l'acceptez, Mesdames et Messieurs les députés - le 1er juillet. Je rappelle aussi - vous l'avez tous lu dans le budget - que l'actualisation des charges du subside d'assurance-maladie, de la hausse des primes...
Le président. Il vous reste trente secondes.
M. Jean-Luc Forni. ...et du nombre de bénéficiaires, c'est +8,7 millions. On ne coupe donc rien, on lisse. Il est vrai que pour ceux qui avaient une légère marge de manoeuvre - pour quelques francs de moins de revenus, ils touchaient 5000 F de plus par mois - c'est moins avantageux, mais je pense que l'égalité de traitement dans le calcul du subside est ainsi rétablie et respectée.
M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je peux parfaitement entendre et même adhérer à un certain discours qui vient de ma gauche, parce qu'il est vrai qu'il y a dans notre société des personnes grandement démunies. Mais on se trompe de sujet en tenant ici un débat gauche-droite avec, d'un côté, les défenseurs des plus démunis et, de l'autre, ceux qui voudraient qu'ils soient plus démunis encore. Je rappelle que l'objectif de ce projet de loi, qui aurait normalement dû rassembler l'unanimité de ce parlement tant il est frappé du sceau du bon sens, est de diminuer les effets de seuil constatés dans notre canton en matière de droit aux prestations sociales, simplement en adaptant à la situation financière des bénéficiaires les montants versés au titre du droit au subside d'assurance-maladie. Je rappelle qu'il concerne des personnes qui ont un excédent de ressources. Quand on parle d'excédent de ressources, il s'agit de personnes qui se trouvent au-dessus des barèmes applicables en matière de prestations complémentaires; dans la mesure où ces barèmes sont plus généreux que ceux de l'aide sociale, il n'existe pas de risque - hors gains potentiels - d'une sortie des prestations complémentaires en direction de l'aide sociale.
Il est vrai que ceux qui profitent actuellement de l'incohérence du système vont perdre un privilège, et je peux entendre le discours d'une certaine partie de cet hémicycle qui voudrait que tout le monde profite de ce privilège. Mais un discours qui demande que ce privilège soit réservé - continue à être réservé ! - à certains seulement, je ne peux pas le comprendre. Rappelons simplement qu'en 2014, la prime moyenne cantonale d'assurance-maladie est de 5796 F. Le système actuel fait en sorte que si l'excédent de ressources, dans le calcul des prestations, est de 5797 F - c'est-à-dire 1 F de plus - on ne reçoit aucun subside d'assurance-maladie. Inversement, avec 2 F de moins - soit si l'on a un excédent de ressources de 5795 F - on reçoit la totalité de la prime moyenne cantonale, c'est-à-dire 5796 F. Il y a un problème que tout le monde doit évidemment pouvoir constater. Cela concerne 2000 personnes, et c'est une économie qui ne va pas priver des gens qui reçoivent un dû mais simplement ôter une absurdité à notre système. C'est une économie de 4,6 millions dont nous avons besoin pour réaffecter ces ressources dans le domaine de l'aide aux plus défavorisés, avec un impact moyen par personne et par mois de 192 F. Je pense qu'on peut demander aux personnes qui sont au bénéfice d'un privilège que celui-ci prenne fin pour que l'Etat puisse réaffecter les ressources là où elles doivent aller. Je vous remercie. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. J'invite le parlement à se prononcer sur l'entrée en matière.
Mis aux voix, le projet de loi 11540 est adopté en premier débat par 60 oui contre 31 non.
La loi 11540 est adoptée article par article en deuxième débat et en troisième débat.
Mise aux voix, la loi 11540 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 60 oui contre 33 non.