Séance du
vendredi 5 décembre 2014 à
20h35
1re
législature -
1re
année -
14e
session -
89e
séance
PL 10962-A
Premier débat
Le président. Revenons aux choses sérieuses ! Nous abordons le PL 10962-A. Le rapport de majorité est de Mme Christine Serdaly Morgan, qui est remplacée par Mme Lydia Schneider Hausser, et le rapport de minorité de M. Sandro Pistis. Je passe la parole à la rapporteure de majorité tout en vous rappelant que ce point est classé en catégorie II, avec quarante minutes de temps de parole.
Mme Lydia Schneider Hausser (S), rapporteuse de majorité ad interim. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, ce projet issu des rangs du MCG impose que toute entreprise annonce les postes vacants à l'office cantonal de l'emploi pour donner la primeur aux chômeurs inscrits à cet office. Beaucoup de députés en commission, voire tous, ont estimé que la question de l'engagement des personnes au chômage est importante et qu'elle doit effectivement être discutée. Par contre, le contenu, le ton autoritaire et impératif du projet de loi présenté ici par le MCG, ainsi que ce qu'il demande, ont suscité beaucoup de critiques de la part des députés de la commission ainsi que des personnes et entités auditionnées. (Commentaires.) Voici quelques raisons qui ont transparu lors de ces auditions, sans qu'elles soient exhaustives.
Les PME et les associations ont des réseaux, des bassins de recrutement liés à leur activité et à leur histoire. Souvent, elles délèguent le recrutement et l'examen des candidatures à des agences et, selon les domaines d'action et si les missions sont pointues, elles recherchent des gens dans certains domaines. Ce projet de loi risque de créer un dispositif administratif qui, à un moment donné, peut tourner dans le vide, parce que, quand il y a obligation, il y a besoin de contrôle, de suivi, pour que les postes vacants soient annoncés. Actuellement à Genève, le problème, ce ne sont pas tellement les postes vacants qui doivent être repourvus, c'est que les postes vacants sont surtout situés dans le tertiaire, alors que le chômage structurel et le chômage de longue durée touchent plutôt des personnes recherchant des places dans le secondaire voire dans le secteur artisanal. Qu'on annonce ou non les postes vacants à l'office cantonal de l'emploi, si on ne correspond pas aux critères, c'est difficile.
Un dispositif contraignant dans le domaine du chômage est également néfaste parce qu'il contribue à renforcer la mauvaise image du demandeur d'emploi, à partir du moment où les patrons devraient par obligation recevoir les chômeurs qui se présentent. Considérant le nombre d'offres par comparaison au nombre de chômeurs selon les secteurs, il risque d'y avoir contrainte, et au niveau de la qualité du travail, il pourra y avoir des problèmes ainsi qu'une perte de confiance des employeurs envers le chômage. Voilà plusieurs raisons qui ont poussé la majorité de la commission à refuser ce projet de loi. J'ajouterai que dans l'intervalle, il n'est plus tellement d'actualité. Il l'est peut-être par rapport au secteur privé, mais sachez que, depuis le 21 novembre, le Conseil d'Etat a décidé, dans une directive transversale, de demander à toutes les entités de l'Etat et à toutes les entités subventionnées d'entrer dans un processus similaire d'annonce des postes vacants à l'office cantonal de l'emploi. Donc, bien que ce ne soit pas par le biais de ce projet de loi, c'est déjà fait et c'est déjà en route là où l'Etat proprement dit et l'Etat subventionneur peuvent agir. Ce projet de loi n'est, encore une fois, pas valable en l'état actuel des choses.
M. Sandro Pistis (MCG), rapporteur de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, tout d'abord, Genève est le canton qui a le taux de chômage le plus élevé de toute la Suisse. Genève est également le canton où l'on trouve le taux le plus élevé de frontaliers venant y travailler. Inversement, l'Ain et la Haute-Savoie sont les deux départements de France dans lesquels on trouve le taux de chômage le plus bas de France. Ce projet de loi a un but: celui de faire face à cette problématique de l'emploi et de pouvoir donner la possibilité à celles et ceux qui sont au chômage de retrouver le chemin du travail. En s'exprimant, la rapporteuse de majorité a omis volontairement de préciser le contenu de ce projet de loi. En réalité, il n'oblige pas l'employeur à prendre contact avec l'employé qui est au chômage: il demande tout simplement que l'employeur annonce en priorité auprès de l'office cantonal de l'emploi une place lorsqu'elle est vacante. Il s'agit juste de s'annoncer auprès de cet office afin que ce dernier puisse éventuellement trouver parmi ses chômeurs un candidat qui pourrait prétendre à cette place. Il est faux de dire que cela forme une contrainte; il est faux de dire que ce projet de loi est autoritaire. Ce texte part d'un bon sentiment; il va dans le sens de la possibilité de trouver des solutions, parce que Genève est quand même le canton qui détient le record du chômage, ce qui n'est pas acceptable aujourd'hui.
C'est pour cela que je vous invite, chers collègues, à soutenir le rapport de minorité, à soutenir un projet de loi finalement assez simple, assez sensé, qui demande qu'un employeur à la recherche d'un futur employé annonce le poste vacant. Il s'agit là en réalité seulement d'une annonce et non d'une obligation de proposer un entretien pour une éventuelle embauche.
M. Daniel Sormanni (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, je dois dire que quelque part, les bras m'en tombent ! Par la voix du parti socialiste et de la rapporteuse de majorité, j'entends ce soir la gauche nous dire qu'une annonce préalable, anticipée de quelques jours, à l'office cantonal de l'emploi, va prétériter le patronat. Mais alors, Mesdames et Messieurs les PLR, vous devez vous féliciter de cette intervention, parce que vous avez là un nouveau défenseur du patronat en la personne de la rapporteuse de majorité et - je le déduis évidemment - de l'Alternative ! Incroyable ! Incroyable comme on biaise un débat pour parler de choses extrêmement simples. Je pense qu'il est peut-être bon de les rappeler.
Il ne s'agit pas d'obliger un quelconque employeur à prendre quelqu'un qui vient de l'office cantonal de l'emploi, pour autant, bien entendu, qu'il corresponde au profil recherché. Quoi de plus facile que de faire en sorte qu'il ne corresponde pas, soit dit en passant ? Il s'agit simplement - simplement ! - de faire une annonce préalable, de quelques jours, à l'office cantonal de l'emploi. Mesdames et Messieurs, quoi que vous puissiez dire, ce principe n'est en rien contraire aux accords bilatéraux: on ne parle pas de privilégier l'emploi de qui que ce soit, sous quelque forme que ce soit. On parle simplement d'annoncer un poste vacant quand on recherche quelqu'un, quelques jours avant l'annonce dans la presse et dans les milieux concernés. Voyez-vous, Mesdames et Messieurs, c'est là que le débat est faussé, que j'ai de la peine et que je n'arrive plus du tout à entendre la gauche sur ce terrain-là. Je crois qu'il faut être raisonnable, Mesdames et Messieurs ! Je dois féliciter l'Etat, le Conseil d'Etat et le conseiller d'Etat, M. Mauro Poggia, d'avoir finalement pris les bonnes mesures pour le petit et le grand Etat avec cette «contrainte», entre guillemets, qui n'est pas extrêmement contraignante en réalité. Il s'agit de faire ce pas nécessaire pour essayer de permettre aux chômeurs de Genève, aux chômeurs habitant Genève, de retrouver un emploi. Il faut en tout cas au moins les aider à le faire.
Mesdames et Messieurs, le rapporteur de minorité l'a dit, Genève détient le triste record de la Suisse en matière de chômage: 5,5% ! Sans parler de tous ceux qui ne sont plus inscrits à l'office cantonal de l'emploi mais qui sont sans emploi. Voilà, Mesdames et Messieurs, je crois que c'est une mesure de bon sens que de soutenir ce projet de loi, et je vous invite à le faire. Merci ! (Applaudissements.)
M. Jean-Marc Guinchard (PDC). Mesdames et Messieurs, chers collègues, cela a été rappelé dans le rapport, pour ceux qui l'ont lu: le chômage ne laisse personne indifférent; en particulier lorsqu'il touche les jeunes et les personnes âgées de plus de cinquante ans. Pour les premiers, c'est leur arrivée tardive sur le marché du travail ou leur manque d'expérience, avérée ou à tout le moins invoquée par certains employeurs, qui les empêchent de trouver une place. Pour la seconde catégorie, les personnes de plus de cinquante ans, les coûts liés au salaire et aux charges sociales sont souvent un obstacle impossible à surmonter. Le projet de loi qui vous est soumis ce soir est plein de bonnes intentions. (Exclamations.)
Une voix. Mais ?
M. Jean-Marc Guinchard. Mais l'enfer est pavé de bonnes intentions, et c'est un démocrate-chrétien qui vous le dit ! (Commentaires. Rires.) Le premier enfer auquel ce projet de loi mènerait, c'est l'enfer administratif que susciterait l'importance des ressources humaines à injecter dans de multiples contrôles dont l'efficacité n'est en tout cas pas garantie et pas vérifiable. Il y a ensuite un enfer juridique, cela n'a pas été mentionné encore, parce que ce projet de loi n'est pas compatible avec les accords bilatéraux et il induit de surcroît des mesures discriminatoires pour les habitants des autres cantons que celui de Genève. Enfer financier enfin, j'y arrive, parce que le système proposé est coûteux et le caractère dissuasif des amendes proposées qui viseraient les employeurs ne jouant pas le jeu n'est pas non plus prouvé, au contraire. Il vaudrait mieux laisser agir le département, qui a pris une bonne direction depuis quelque temps; il vaudrait mieux laisser ce département agir par des actions de prévention, d'information, d'incitation et de réinsertion. Comme le dit le rapporteur de majorité, il vaut mieux favoriser une dynamique incitative qu'une attitude d'obligation et de sanction. Comme il l'a dit en conclusion également, cette disposition est maintenant obsolète, compte tenu des dispositions fédérales et cantonales déjà prises. Le groupe démocrate-chrétien vous encourage donc à rejeter ce projet de loi. (Applaudissements.)
M. Boris Calame (Ve). Chères et chers collègues, le projet de loi 10962 souhaite que les postes vacants soient annoncés en primeur à l'office cantonal de l'emploi. Est-ce à dire que l'OCE doit devenir le service des ressources humaines de toute la république, ou encore l'agence de placement unique de Genève ?
Des voix. Oui !
M. Boris Calame. Autant l'idée d'inciter à annoncer des places vacantes à l'OCE est souhaitable, autant il n'est pas possible de mettre en place l'annonce obligatoire, car la finalisation d'un contrat de travail est bien souvent une histoire d'affinités entre des personnes et pas simplement une histoire de dossier ou d'expérience exemplaire. Il est démontré que les entreprises, bien souvent, ne passent pas par une annonce officielle de leurs places vacantes, mais qu'elles engagent directement, que ce soit sur la base d'une candidature spontanée, au travers de dossiers conservés ou encore par divers réseaux, qu'ils soient familiaux ou professionnels. Pour d'autres entreprises et employeurs, il s'agit de trouver la perle rare, celle qui donnera une valeur ajoutée au poste à pourvoir. L'employeur pourra s'adresser à une entreprise spécialisée qui lui offrira un accompagnement dans sa recherche et, le cas échéant, un tri préliminaire dans les candidatures. L'OCE n'est pas à même de répondre à l'entier des offres de places vacantes, que ce soit au niveau quantitatif, mais aussi sur le plan qualitatif. Car le monde de l'emploi est divers et varié, avec bon nombre de spécialités qui nécessitent des compétences particulières. Mesdames et Messieurs les députés, nous soutenons bien évidemment l'annonce volontariste des places vacantes à l'OCE, mais la manière proposée par le PL 10962 ne peut nous satisfaire et nous semble juridiquement bien douteuse. Nous vous encourageons à la refuser. Je vous remercie pour votre attention.
M. Serge Hiltpold (PLR). Tout d'abord, je tiens à souligner la qualité du rapport de majorité, établi à l'époque par Mme Serdaly Morgan. Il reflète très bien les travaux de la commission. Il n'est pas le fait d'une opposition gauche-droite, mais simplement d'un certain raisonnement logique et économique contre une proposition presque farfelue, même si je pourrais juger qu'elle part d'une bonne intention.
Que dit le projet de loi ? Il ne s'agit pas juste de publier une offre ! Vous parlez de priorité, mais je vais simplement vous lire les deux articles du projet de loi, pour que tout le monde soit bien au courant: «Les employeurs, entreprises, sociétés, associations ne sont pas autorisés à publier des annonces de recrutement avant d'avoir annoncé le poste vacant auprès de l'office cantonal de l'emploi.» Ensuite, les sanctions: «Tout contrevenant aux dispositions des articles 1 et 2 se verra infliger une amende de 1000 F à 50 000 F.» On n'est pas en train de faire un tout petit projet ! C'est très restrictif ! Je vais développer un petit peu sur la façon de faire quand on engage quelqu'un dans une entreprise.
Il y a quinze ans, avant l'adoption des bilatérales, il y avait un formulaire qui s'appelait le «Nous cherchons». Vous remplissiez le «Nous cherchons» et au bout de vingt-cinq jours vous aviez à peu près vingt-cinq prétendus postulants potentiels. Sur les vingt-cinq postulants, au final, quatre vous répondaient, deux ne venaient pas se présenter. Suite à cela, vous pouviez faire une demande de permis de travail frontalier qui passait par une commission tripartite. Durée du processus: trois mois ! Très bien, ça c'est donc le passé. Aujourd'hui, on est dans la réalité économique: qu'est-ce que vous faites maintenant si vous devez engager du personnel ? Vous ne pouvez pas attendre trois mois, vous prenez vos dispositions avant ! Là, l'Etat n'est pas resté les bras ballants. Il a fait ce qu'on appelle les «allocations de retour en emploi», une mesure très efficace; c'est vraiment la meilleure mesure d'insertion que vous puissiez prendre, parce que vous engagez quelqu'un qui ne correspond pas forcément au profil, mais qui a le temps de s'adapter dans l'entreprise. Vous pouvez donc anticiper, regarder si la personne travaille correctement, car ce que vous demandez, c'est d'avoir un palier avant de l'employer. En Suisse, il y a encore un service pour les employeurs qui a été développé, et ce Service Employeurs est efficace, parce que lorsque vous travaillez à l'Etat et que vous devez placer un chômeur et le vendre à une entreprise, la personne qui veut placer ce chômeur doit être persuasive et se bagarrer pour réussir à placer cette personne. Et je crois que ce Service Employeurs fonctionne plutôt bien.
Cela ne sert à rien de s'écharper sur ce projet de loi, le but est que les gens travaillent, retrouvent un emploi. Pour moi, l'Etat a pris des mesures correctes, et si vous travaillez de nouveau sur des contingents et des processus comme celui-là, que va faire un employeur ? Il va prendre des travailleurs temporaires, des auxiliaires, créer des emplois précaires, et vous n'aurez plus de postes fixes. Pour ces bonnes raisons, je vous demande de ne pas entrer en matière sur ce projet de loi.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Pascal Spuhler. Il vous reste cinquante-huit secondes.
M. Pascal Spuhler (MCG). Monsieur le président, ce sera relativement bref. Pour traduire la mentalité de cette plénière ce soir vis-à-vis de ce projet de loi, je dirai que quand un âne n'a pas soif, on a évidemment de la peine à lui donner à boire. Il est donc clair qu'aucune mesure ne peut être acceptée dans ce cadre. Or, la demande est toute simple, Mesdames et Messieurs: annoncer les postes vacants ! On peut s'y prendre à l'avance, on sait que les gens vont démissionner, on n'est pas obligé d'attendre trois mois, comme disaient nos préopinants.
Le président. Il vous reste quinze secondes.
M. Pascal Spuhler. Je finis, Monsieur le président. Avec Internet, c'est facile et vous auriez tout à fait pu adopter cette solution, voire la modifier si des termes vous dérangent dans ce projet de loi. Seulement, vous n'en voulez pas, on l'a bien compris !
M. Michel Amaudruz (UDC). Je n'étais pas au Grand Conseil à l'époque où on a traité de cette question, c'est donc avec un oeil un peu extérieur que je considère la problématique qui nous est soumise. Evidemment, on sait bien que c'est à Genève que le taux de chômage est le plus élevé, et si on nous pose la question, dans un élan du coeur, on voudrait bien dire: venons en aide aux chômeurs ! Mais M. Hiltpold a eu raison de rappeler l'histoire du formulaire «Nous cherchons». Vous savez, c'est un peu comme la chasse au trésor: vous cherchez, vous cherchez et il n'y a rien qui vient. Trouver quelqu'un, c'est comme gagner à l'Euromillion, c'est voué à l'échec. Alors ce projet de loi est très gentil dans sa motivation et par la chaleur humaine qu'il répand sur nos concitoyens, mais en fait, c'est un coup d'épée dans l'eau et il est inapplicable. Il n'y a pas besoin de chercher plus loin: lorsque vous cherchez quelqu'un, vous avez besoin de pouvoir l'engager en fonction d'une programmation d'entreprise, c'est-à-dire avec une certaine prévision et non pas en dépendant du pur hasard de personnes qu'un office va vous envoyer en vous certifiant qu'ils sont les meilleurs candidats possibles.
Au fond, indépendamment de l'argumentation européenne et des accords bilatéraux, il y a une question de compétences qui, avec sensibilité ou pas, est l'élément primordial. Et je doute fort, quand bien même l'effort est très louable, que ce soit par ce biais-là qu'on puisse satisfaire les demandes d'emploi. Ensuite, qu'est-ce qui se passera dans la pratique ? Les gens chercheront et trouveront quand même les candidats qui répondront à leurs besoins et qui auront des compétences. Je dirais que ce projet de loi, pour louable qu'il soit, manque totalement son but. Un autre élément est assez déplaisant: c'est la sanction, parce que, vous comprenez, on sort d'un régime «socialo» pour déboucher sur un régime dictatorial. Et chlah ! C'est le fouet qui arrive ! Ce régime de sanction est absolument inadmissible et il traduit une exagération - même si jamais il ne me viendrait à l'idée de déposer un amendement. Mais cette exagération est le reflet de la mauvaise qualité de la loi. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole au rapporteur de minorité, à la rapporteure de majorité et au conseiller d'Etat, puis nous voterons. Monsieur Pistis, vous avez une minute trente-huit.
M. Sandro Pistis (MCG), rapporteur de minorité. Merci, Monsieur le président. Comme l'a relevé mon préopinant de l'UDC, à aucun moment son groupe n'a proposé d'amendement concernant ce projet de loi. C'est assez regrettable puisqu'il conteste des choses auxquelles il aurait pu apporter des modifications, mais à aucun moment son groupe ne l'a proposé.
Je voudrais quand même revenir sur le but recherché par cette loi. Certains, lorsqu'ils se sont exprimés, ont indiqué qu'elle était très restrictive et qu'il fallait faire passablement de paperasse, voire que ce serait un enfer administratif ou juridique. Je pense que si on le relit attentivement, avec une certaine ouverture d'esprit, ce projet de loi demande tout simplement qu'une annonce auprès de l'office cantonal de l'emploi soit faite par l'employeur ou l'entreprise recherchant un candidat pour une place vacante. C'est tout ! On ne demande pas de faire des entretiens d'embauche; on ne demande pas de faire des entretiens d'évaluation et tout ce qui va avec. C'est une pratique très facile à mettre en place. Il faut juste de la bonne volonté, mais je vois que certains et certaines - ou plutôt certaines et certains - qui se sont exprimés n'ont pas forcément envie d'apporter des solutions, alors que l'on sait que Genève a le taux de chômage le plus élevé de toute la Suisse.
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur. Je passe la parole à Mme la rapporteure de majorité. Il vous reste cinq secondes plus le temps de parole de votre groupe.
Mme Lydia Schneider Hausser (S), rapporteuse de majorité ad interim. Merci... (Remarque.) Non, non, j'ai du temps ! Merci beaucoup, Monsieur le président. Vous dites que d'après moi ce projet de loi est contraignant. Vous avez eu la lecture des articles: si ce n'est pas contraignant, il faudra m'expliquer la signification de ces termes en français ! Ensuite, dire que je porte le drapeau du patronat est quand même un peu exagéré ! (Commentaires.) Pas tout à fait ! Il est vrai que j'engage des gens dans mon activité professionnelle, et je peux vous dire que dans beaucoup d'associations, dans beaucoup d'entreprises locales, nous cherchons à trouver des employés locaux. C'est plus simple, car ces employés connaissent les réseaux locaux; c'est plus simple, car ces personnes habitent plus près de leur lieu de travail. Toutefois, il arrive bien évidemment quelquefois que nous ne trouvions pas de personnes habitant Genève et que nous allions chercher des gens ailleurs, soit parce qu'il n'y a pas les compétences, soit parce qu'il n'y a pas les gens disponibles pour le travail nécessaire. Et c'est là que la frontière et les frontaliers - le Grand Genève - existent aussi, que vous le vouliez ou non ! En tant que socialistes, nous n'avons effectivement pas peur de l'affirmer: ils sont là, le Grand Genève est là ! Vous pouvez vous voiler la face, mais je crois que c'est un faux combat. C'est un combat que vous menez depuis longtemps! Si vous voulez vraiment agir, ce n'est pas vous qui pourrez en décider, car ce sont les patrons - ou certains d'entre eux - qui décident de faire du bénéfice en engageant quelqu'un avec du dumping salarial sur les postes de travail occupés par les étrangers ! Ce n'est pas ce projet de loi qui vous permettra de résoudre cette question: elle sera résolue par des contrôles, par du travail sérieux dans les politiques menées au niveau des conventions collectives, du respect des conditions de travail.
Ensuite, ce projet de loi est assez insultant pour toutes les personnes qui cherchent du travail. En plus, il s'arrête à mi-chemin ! Vous demandez d'annoncer un poste vacant, mais un poste vacant ne veut pas toujours dire que vous allez engager quelqu'un ! (Commentaires.) Ça n'a ni queue ni tête, cette obligation d'annoncer ! On peut avoir des vacances de postes, mais ça ne veut pas dire qu'on aura forcément les finances nécessaires pour un nouvel engagement et qu'on va engager forcément. Cette mesure va provoquer un travail incroyable, pour arriver à quoi ? Franchement, je ne vois pas l'utilité d'un tel texte, et le travail de la commission de l'économie l'a d'ailleurs prouvé, comme c'est écrit dans le rapport. Je crois que c'est un projet de loi inutile et, malheureusement, le MCG n'a pas le courage d'aller assez loin, parce que si vous aviez ce courage, ce sont d'autres mesures que vous proposeriez - contre le dumping salarial que vous réfutez ! (Applaudissements.)
M. Daniel Sormanni. On l'a fait ! (Commentaires.)
Le président. Monsieur Sormanni, s'il vous plaît ! Je passe la parole à M. le conseiller d'Etat. (Brouhaha. Vifs commentaires.)
M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. S'il vous plaît, Monsieur le président !
Le président. S'il vous plaît !
M. Mauro Poggia. Bien, merci ! Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés... (Vifs commentaires.) Puis-je ?
Le président. Monsieur Poggia, vous avez la parole !
M. Mauro Poggia. Je vous remercie. Mesdames et Messieurs les députés, je voulais vous dire que l'actuel Conseil d'Etat a pris la pleine mesure de l'inquiétude de la population à l'égard du chômage important qui sévit à Genève, et non pas uniquement ces derniers mois. Nous le savons, c'est un problème récurrent dans notre canton. L'actuel Conseil d'Etat a décidé d'aller plus loin que ce qu'avait fait le précédent. Vous le savez, il y avait antérieurement une directive transversale qui obligeait le petit et le grand Etat, c'est-à-dire les régies publiques, à annoncer les postes vacants. Je dois dire qu'à mon entrée en fonction, j'ai constaté que malheureusement, il n'y avait aucun contrôle et que, finalement, bien que louable, cela restait un voeu pieux: en pratique, on était incapable de vérifier si tous les postes vacants étaient véritablement annoncés, si les personnes présentées correspondaient au profil du poste annoncé et, surtout, si on avait pris la peine de recevoir les candidats.
Depuis lors, avec mon collègue Pierre Maudet en charge de l'économie, nous avons élaboré une nouvelle directive transversale qui, d'abord, a supprimé une commission qui ne travaillait tout simplement pas sur le sujet: cette commission, normalement, devait être saisie lorsqu'on voulait engager un travailleur frontalier au sein du petit et du grand Etat, mais en fin de compte, tout se réglait en amont et cette commission ne travaillait pas. Par contre, nous avons décidé de mettre en place de véritables contrôles, dans le sens où, désormais, quand des postes sont annoncés, cinq candidats au maximum, et sélectionnés avec soin au sein de l'office cantonal de l'emploi, sont présentés aux ressources humaines en charge du recrutement. Ce service doit recevoir les candidats, ce qui est extrêmement important, parce qu'un candidat doit apprendre aussi à se vendre, à vendre ses qualités, ce que nous avons un peu de peine à faire dans notre pays, alors que d'autres ont cette habitude et sont bien plus rodés que nous; c'est un exercice important. Ensuite, il faut qu'il y ait un retour. D'abord, est-ce que le candidat s'est présenté ? Et s'il s'est présenté, pourquoi ne l'a-t-on pas pris ? Et si l'on a pris quelqu'un d'autre, pourquoi l'a-t-on finalement préféré par rapport aux candidats présentés par l'office cantonal de l'emploi ? Ce sont des démarches concrètes, que l'on peut faire dans le cadre du grand et du petit Etat, évidemment, mais aussi, vous l'avez rappelé, Madame le rapporteur de majorité, dans toutes les entités subventionnées. Il y en a grosso modo 250 qui ont reçu la directive de suivre ce processus, parce qu'elles reçoivent de l'argent de l'Etat et doivent rendre la monnaie de la pièce. Encore une fois, il ne s'agit pas pour elles d'engager obligatoirement un résident genevois présenté par l'office cantonal de l'emploi, raison pour laquelle on parle bien de préférence des chômeurs genevois et non pas des résidents genevois, mais il s'agit effectivement pour elles de donner une chance à nos demandeurs d'emploi qui, trop souvent, apprennent tardivement qu'un poste s'est ouvert.
Tout cela a été fait correctement; ce projet de loi part en effet d'un certain bon sens - je serais malvenu de dire le contraire puisqu'un homonyme à moi l'a signé en tant qu'ex-député, mais c'est vrai que sur le terrain, on constate aujourd'hui que, davantage que l'obligation, c'est l'incitation qui est importante, et il est faux de dire que nos chômeurs ne répondent trop souvent pas aux offres faites par le secteur privé. Je pense qu'il s'agit évidemment de regarder tout cela avec beaucoup plus d'attention, et lorsque l'office cantonal de l'emploi sera prêt - bientôt, j'espère - à répondre de manière adéquate à l'interne, au niveau de l'office cantonal de l'emploi, eh bien je suis certain que nous pourrons inciter le secteur privé qui a déjà manifesté une bonne volonté dans ce sens, sur une base volontaire; mais comme l'ont dit certains, il s'agit évidemment de ne pas faire attendre les entreprises des semaines pour ensuite leur proposer des candidats qui ne correspondent pas au profil du poste. L'important est donc que l'office cantonal de l'emploi soit une véritable agence de placement, avec toute l'efficacité qui va avec, pour pouvoir offrir les bons candidats aux entreprises genevoises qui les recherchent. Et ce n'est pas une mesure prise contre les frontaliers, contrairement à ce que vous dites ! Il s'agit d'une simple mesure de bon sens, pour lutter contre le chômage... (Commentaires.) ...et je ne comprends pas qu'une partie de cet hémicycle ne comprenne pas que notre cohésion sociale repose aussi sur une confiance que la population doit avoir en ceux qui gouvernent ce canton. Et ceux qui gouvernent ce canton doivent avoir la responsabilité sociale, précisément, d'éviter que le chômage puis, trop souvent, l'aide sociale, qui sont un fléau l'un et l'autre, ne viennent détériorer la paix sociale à laquelle vous tenez tous. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Nous en sommes au vote d'entrée en matière... (Remarque.) Allez-y ! (Commentaires.) Mais parlez dans le micro !
M. Daniel Sormanni (MCG). Merci, Monsieur le président. J'aimerais une motion d'ordre, compte tenu des propos tenus tout à l'heure: je souhaite que le MCG puisse répondre à ces attaques... (Vives protestations.) ...et, le cas échéant, rouvrir ce débat pour quelques instants. Je vous remercie de mettre cela aux voix.
Mme Marie-Thérèse Engelberts. Et M. Lefort, il peut ricaner ! (Commentaires.)
M. François Lefort. Lisez le règlement, Madame Engelberts !
Le président. S'il vous plaît ! Monsieur Sormanni, je vous rappelle que la motion d'ordre peut proposer soit d'interrompre immédiatement le débat et, le cas échéant, de passer au vote, soit de suspendre et de lever la séance. Il n'y a pas d'autre possibilité, Monsieur. Très bien, nous passons au vote.
Mis aux voix, le projet de loi 10962 est rejeté en premier débat par 60 non contre 26 oui et 9 abstentions.