Séance du jeudi 4 décembre 2014 à 17h
1re législature - 1re année - 14e session - 85e séance

IN 154-B
Rapport de la commission des transports chargée d'étudier l'Initiative populaire 154 "Pour des transports publics plus rapides!"
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session XIV des 4 et 5 décembre 2014.
Rapport de majorité de M. Eric Stauffer (MCG)
Rapport de minorité de Mme Lisa Mazzone (Ve)

Débat

Le président. Nous passons à notre point fixe, soit l'IN 154-B, qui est en catégorie II, nonante minutes. Je cède la parole au rapporteur de majorité, M. Eric Stauffer.

M. Eric Stauffer (MCG), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, vous aurez évidemment reçu et lu avec attention le rapport de majorité que j'ai écrit, mandaté par la majorité de la commission des transports. Je vais peut-être, pour les gens qui nous écoutent, expliquer quelque peu l'ambiance qui a régné durant ces séances de commission. Il s'agissait en effet d'une ambiance assez négative, en tout cas pour une majorité des commissaires. Nous avons découvert que d'aucuns ne se battent pas forcément pour l'écologie au sens noble du terme, mais plutôt pour la suppression de tout ce qui relève du transport individuel. Or, ainsi que vous le savez, la constitution genevoise garantit la liberté du choix du mode de transport, et le peuple s'est prononcé à plusieurs reprises en faveur d'une complémentarité des moyens de transport. Mais nous avons ici affaire à une doctrine visant à supprimer le transport individuel au seul profit des transports collectifs; certains commissaires ont eu beau expliquer qu'il n'est pas toujours facile pour les citoyens de voyager en transports publics, rien à faire. Nous sommes tous des utilisateurs des TPG à certains moments de la semaine, du mois ou de l'année, mais il y a des impératifs pour lesquels le véhicule individuel doit être emprunté. C'est bien là que se situe tout le problème du débat idéologique, qui fait que chaque citoyen de ce canton peut aujourd'hui se rendre compte du chaos de la mobilité - ou de l'immobilité ! - qui règne.

La cerise sur le gâteau, chers collègues députés ? Le jour de la grève des TPG, nous avons mieux circulé dans le canton de Genève, et ceci pour une simple et bonne raison: ceux qui y ont prêté attention auront constaté que lorsqu'un bus ou un tram arrive, une petite lumière clignote sur les feux de signalisation des transports publics, il faut le savoir. Le bus ou le tram émet ainsi un signal qui va bloquer les carrefours. Or les ingénieurs qui ont dessiné les voies de bus et surtout de trams, en lieu et place de mettre leur voie d'un côté de la chaussée, l'ont placée au milieu. Vous comprendrez donc bien que le fait de monter ou de descendre d'un tram crée une interruption de trafic. A la place de mettre le tram d'un côté pour fluidifier le trafic automobile, de façon que ces deux modes de transport soient complémentaires, nous l'avons mis - enfin, les ingénieurs l'ont mis - au milieu, ce qui cause des situations complètement ubuesques ! Prenons l'exemple du tram 14 depuis le terminus de Bernex jusqu'au Petit-Lancy: c'est un trajet d'environ 1,7 km, et il y a environ dix-huit interruptions de la voie de circulation à cause dudit tram. C'est bien la démonstration, Mesdames et Messieurs, que les transports publics ont déjà la priorité sur le transport automobile ! Cette initiative qu'une majorité de la commission a traitée de démagogique et mensongère doit être rejetée avec la plus grande fermeté.

Pour le surplus, je vous invite à lire mon rapport de majorité; il est assez explicite et, par souci de transparence, j'ai décidé - c'est dans mes prérogatives - d'y inclure l'intégralité des procès-verbaux, rendus anonymes, bien sûr, à l'exception des membres des partis qui ont fait des déclarations. De cette manière, vous pourrez constater ce qui a été dit, vous pourrez percevoir également l'ambiance qui a régné dans cette commission ainsi que la doctrine que tentent d'instaurer certains partis devenus minoritaires ou ayant fondu comme des icebergs - mais ce doit être dû au réchauffement climatique ! Ceci étant dit, je vous invite à suivre la majorité de la commission et à refuser cette initiative.

Mme Lisa Mazzone (Ve), rapporteuse de minorité. En préambule, je tiens à déplorer la piètre qualité et la totale partialité de ce rapport de majorité - et encore, c'est un euphémisme ! - qui ont d'ailleurs été relevées par l'ensemble de la commission des transports. Cette piètre qualité dénote un profond mépris pour les 10 000 signataires ayant sollicité notre hémicycle et lui ayant soumis le texte dont nous discutons ce soir.

Entrons dans le vif du sujet. L'initiative des Verts représente un véritable changement d'approche. C'est une vision de la mobilité qui place le transport public au centre et tranche avec une pratique qui consistait jusqu'alors à ne distinguer aucune priorité entre les différents modes de transport. On a constaté que ménager la chèvre et le chou ne menait qu'à un blocage généralisé que tout un chacun déplore et qu'il s'agit maintenant de dépasser. La priorité aux transports collectifs représente un précieux outil pour dépasser cette situation qui caractérise la mobilité à Genève, et il est enfin temps de procéder à ces arbitrages. L'enjeu de ce texte est de faire des transports publics une véritable alternative en améliorant significativement leur efficacité, et bien évidemment pas d'empêcher la circulation automobile. Il s'agit simplement d'accorder la priorité aux transports publics en gérant l'ensemble de la circulation. Ceci est d'autant plus important que les enquêtes de satisfaction montrent que le second plus grand frein à l'utilisation des transports publics, avant même leur coût, est leur faible vitesse. Améliorer leur efficacité, c'est permettre un transfert modal. La preuve: on constate que la frontière entre les cantons de Vaud et Genève est franchie à 33% en transports collectifs alors que celle entre la France et le canton de Genève ne l'est qu'entre 2% et 15%, ceci simplement parce qu'il n'y a pas d'offre de qualité alors que, sur la Côte, on dispose d'une ligne de train régionale très efficace.

On peut se demander pourquoi choisir les transports publics. Aujourd'hui, il faut arbitrer; ce n'est plus possible, on doit dépasser cette situation de blocage. Mais pourquoi les transports publics ? Ces choix ont été présidés par des considérations environnementales et de santé publique, afin d'améliorer significativement la qualité de vie dans notre canton, et ce durablement. Choisir un mode de transport durable, c'est répondre aux enjeux notamment de pollution de l'air. En Suisse, on estime que la pollution atmosphérique est la cause de 3500 à 4000 décès prématurés; en ville de Genève, 80% des foyers souffrent de la pollution atmosphérique. C'est également prendre en compte le réchauffement climatique, dont la progression est inquiétante, et qui est dû notamment aux transports puisqu'ils représentaient 38% des émissions de CO2 en 2009. Enfin, c'est aussi vouloir améliorer la qualité de vie en baissant le bruit routier - on sait en effet que 60% de la population genevoise souffre de l'excès de bruit. Donner la priorité aux transports publics, c'est aussi permettre un transfert modal qui réduise l'emprise du transport motorisé et de ses nuisances. Nous estimons que chaque habitant a le droit de vivre dans un environnement sain, de bénéficier d'une bonne qualité de vie ainsi que d'être protégé des nuisances sonores et de la pollution de l'air. L'enjeu actuel est de poursuivre la tendance qui a vu l'offre des transports publics doubler en dix ans. Parallèlement au doublement de cette offre, on a également observé que les habitudes de mobilité se sont modifiées puisque le nombre de déplacements réalisés en véhicules motorisés a diminué de 12% ces dix dernières années. Les ménages en ville de Genève mais également dans le canton sont toujours plus nombreux à ne pas posséder de voiture. On s'inscrit donc ici dans une tendance, constatée d'ailleurs non pas seulement à Genève mais aussi dans le reste de l'Europe. Cette tendance a été confirmée et appuyée par un certain nombre de votations populaires - je pense notamment au soutien au CEVA ou au développement des infrastructures ferroviaires; je pense aussi au soutien presque cocasse de la population aux transports publics, qui s'est exprimé encore dernièrement via le sondage mis en place par notre conseiller d'Etat en charge de la mobilité: les 12 598 participants ont plébiscité les transports publics, non seulement au centre mais également dans la périphérie. Voilà ce qui est intéressant: 57% des sondés demandaient une priorité aux transports publics dans la périphérie. Preuve qu'on s'inscrit ici dans une tendance actuelle et en phase avec les demandes de la population.

Toutefois, pour permettre aux gens de choisir les transports publics au quotidien et dans l'ensemble du canton - et pas seulement au centre ! - il est important d'améliorer leur efficacité. En effet, on sait que les Transports publics genevois sont parmi les plus lents de Suisse. C'est absolument catastrophique et assez honteux de constater que nos transports publics atteignent difficilement la vitesse de 16 km/h en moyenne, alors que Bâle parade avec 18,9 km/h ou Berne avec 19,9 km/h. Et surtout, nous ne respectons pas la LRTP, qui prévoit justement d'atteindre les 18 km/h. Notons aussi que la vitesse commerciale générale a baissé depuis 2006; elle est par ailleurs très basse sur des lignes comme celles des trolleybus, dont la moyenne tourne autour de 12 km/h, tout comme sur les lignes de ceinture tangentielles, où la vitesse est de 15 km/h. C'est justement sur celles-ci que la concurrence avec le trafic motorisé est très importante, et c'est là que nous devons faire un véritable effort, et non seulement au centre. Les conséquences de ce résultat assez catastrophique sont multiples: c'est d'abord une péjoration de la qualité des transports publics, de leur fiabilité, en particulier aux heures de pointe, où on peut avoir des retards allant jusqu'à dix minutes sur certaines lignes. Bien souvent, on a des trains de bus ou de trams qui se suivent puisqu'on n'a pas réussi à assurer la cadence de quatre minutes sur certaines lignes. Cela altère évidemment la crédibilité des transports publics et dissuade un certain nombre de personnes d'opter au quotidien pour ce moyen de transport puisque, comme je l'ai déjà dit, les enquêtes de satisfaction démontrent qu'il s'agit là du second plus grand frein à leur utilisation.

Comment accorder la priorité aux transports publics ? On nous a souvent dit en commission que cette initiative était inutile puisqu'ils ont déjà la priorité. Alors, on va ici démentir un mythe: non, ils n'ont pas la priorité mais bénéficient effectivement, à certains carrefours, de feux préférentiels. Il s'agit de poursuivre cette pratique et d'améliorer la régulation des feux en accordant systématiquement la priorité aux transports publics. Il s'agit également de faire des aménagements en site propre. A l'heure actuelle, seuls 24% des bus du réseau bénéficient d'une voie en site propre. Conséquences: les embouteillages, évidemment, bloquent régulièrement les bus et les trams, comme on le voit notamment sur la route de Vernier, où quelques centaines de personnes se retrouvent à attendre dans un tram alors qu'à côté, des individus seuls dans leur automobile jouissent d'une plus grande rapidité. A cet égard, l'expérience de la voie de bus sur le pont du Mont-Blanc est très intéressante puisqu'elle a permis de gagner quinze minutes en heure de pointe; c'est absolument incroyable et c'est, à mon avis, un exemple à suivre. J'aimerais aussi attirer votre attention sur le fait qu'une priorité aux transports publics - et donc un transfert de la voiture vers ceux-ci - signifie également soulager la circulation et, par conséquent, favoriser le transport professionnel...

Le président. Il vous reste trente secondes.

Mme Lisa Mazzone. Je vous remercie, je vais aller très vite ! ...qui est notamment soumis à des contraintes budgétaires. Sans aborder la question du contreprojet maintenant mais lors d'une intervention ultérieure, j'aimerais finir avec un élément qui devrait attirer votre attention vu le contexte actuel: la priorité aux transports publics est un gisement d'économies absolument considérable. La seule ligne de bus sur le pont du Mont-Blanc a permis d'économiser un million de francs par année ! Vous rendez-vous compte ? Un million de francs...

Le président. Il vous faut conclure.

Mme Lisa Mazzone. ...alors qu'on court après 5 millions pour le contrat de prestations des TPG ! C'est donc une orientation à suivre en faveur de la mobilité durable et de la qualité de vie, orientation à la fois simple, réaliste et pertinente pour régler les problèmes de circulation à Genève. Je vous remercie.

Présidence de M. Antoine Barde, premier vice-président

M. Daniel Zaugg (PLR). Lors de la dernière séance plénière, nous avons mis aux oubliettes un projet de loi Vert qui demandait la même chose que cette initiative, mais limité à la ville. Je ne vais pas vous infliger l'argumentaire encore une fois puisque, de toute façon, les majorités sont déterminées; cette initiative 154 a peu de chances d'être acceptée. Je relèverai juste une chose. Mme Mazzone nous a parlé d'un changement d'approche. Eh bien non, Madame, ce n'est pas un changement d'approche, c'est exactement la même chose que ce que demandaient énormément d'autres projets Verts qui nous ont été présentés ces dernières années. Or ils pèchent tous sur un point fondamental: ils s'attaquent à un problème certes réel - la vitesse commerciale des TPG - mais ne s'occupent que d'un seul mode de transport, et les autres n'ont qu'à se débrouiller. C'est là que nous ne sommes pas d'accord. C'est pour cela que le PLR vous invite à refuser l'IN 154 et surtout à accepter de travailler sur un contreprojet qui pourrait enfin s'occuper de toutes les formes de mobilité et essayer de trouver une solution globale à la problématique des transports à Genève. Je vous remercie.

M. Jean-Marc Guinchard (PDC). Mesdames et Messieurs, chers collègues, en préambule et pour reprendre l'exemple du pont du Mont-Blanc, je déclarerai que ça ne me gêne pas du tout que 3 bus qui transportent chacun 130 personnes aient la priorité sur 300 voitures qui n'en transportent qu'une. Cela étant, le groupe démocrate-chrétien n'est pas prêt à suivre une initiative qu'il considère par trop catégorique dans la mesure où d'autres pistes ont été évoquées en commission, qu'il serait déjà possible de mettre en oeuvre sans accorder une priorité totale et absolue aux transports publics. En commission, on a évoqué une vitesse commerciale des TPG trop basse, c'est juste, mais elle est essentiellement due à des arrêts souvent trop nombreux - lesquels pourraient être déplacés ou supprimés - ou à un centre engorgé, dans des passages importants, par les bus et les trams eux-mêmes: je prends l'exemple de la place Bel-Air ou du carrefour de Rive, où les bus sont quasiment entassés. De plus, je constate - et c'est assez piquant - que la rapporteure de minorité invoque le sondage lancé par le conseiller d'Etat Luc Barthassat en le donnant en exemple, alors que son propre parti en avait contesté au début ne serait-ce que la qualité scientifique. Voilà pour le fond et pour vous dire que le groupe démocrate-chrétien refusera l'initiative et vous incite à accepter le principe d'un contreprojet.

Sur la forme, je ne féliciterai pas, comme c'est l'habitude, le rapporteur de majorité, même si je rejoins ses conclusions. Je trouve assez déplorable d'avoir écrit ce rapport en pensant avoir trempé sa plume dans un vitriol qui se voulait humoristique mais qui n'est qu'acide et méchant. Je reconnais que l'utilisation d'expressions comme «guillotiner cette minorité d'ayatollahs» pour parler d'adversaires politiques ou l'évocation d'une «arrogance crasse» des syndicats est un manque de respect d'une part vis-à-vis des institutions dont le Grand Conseil fait partie, d'autre part vis-à-vis des syndicats dont la vivacité contribue à la vie de notre démocratie, et c'est absolument regrettable. Le rapporteur de majorité a parlé tout à l'heure de son souhait de transparence, en disant qu'il avait intégré l'ensemble des procès-verbaux de la commission à son rapport, sans trahir de secrets. Personnellement, j'appelle ça un simple copier-coller ! Je vous remercie. (Applaudissements.)

M. Christian Zaugg (EAG). Monsieur le vice-président, Mesdames et Messieurs les députés, soyons clairs: le groupe Ensemble à Gauche fait partie de la minorité qui a voté à la commission des transports cette initiative constitutionnelle pour des transports publics plus rapides. Là, des pistes ont été évoquées autour d'une priorité accordée aux transports publics, qui permettraient d'augmenter de 10% voire plus leur vitesse commerciale, actuellement l'une des plus lentes de Suisse. Il y était question de la mise en place de feux prioritaires, de transbordements, de la modification de certains arrêts ainsi que de la réalisation de voies en site propre. Notre groupe, qui place le développement des transports publics en tête de chapitre de son programme en matière de mobilité, défendra toutes les mesures qui permettront d'améliorer la qualité des prestations des TPG, et en particulier leur vitesse commerciale en zone urbaine. Il soutient donc résolument l'initiative constitutionnelle des Verts pour des transports publics plus rapides, car il ne fait aucun doute que leur vitesse, leur confort et leur fréquence sont déterminants en vue d'améliorer le report modal du transport individuel motorisé vers les transports publics. Dans cet esprit, il est donc également capital de réaliser des parkings-relais tout autour de l'agglomération genevoise, y compris en France voisine; il s'agit là de la pièce maîtresse de ce transfert modal.

Encore une petite précision: que l'on se comprenne bien, notre entrée en matière concernant un avant-projet du Conseil d'Etat en vue de rendre le centre-ville aux transports publics et à la mobilité douce ne signifie pas que nous accordons à ce plan une vraie valeur de contreprojet. Je rappelle à cet égard que nous avons accepté l'initiative 154 en commission, avec les Verts et les socialistes. Nous prenons cet avant-projet comme une opportunité d'étudier la possibilité de réaliser enfin un centre-ville libéré en grande partie du trafic automobile et dévolu en priorité aux transports publics, aux piétons et aux cyclistes. Mais je relève ici qu'entrer en matière en commission sur un plan de mobilité ne signifie pas du tout l'accepter dans quelques mois, car tout dépendra bien évidemment de ce qui en ressortira. Nous ne voterons donc pas le rapport de majorité réducteur et très orienté, et soutiendrons le rapport de minorité en vue de proposer en principe cette initiative au peuple avec un préavis positif. Si la question nous était formellement posée, nous refuserions en l'état un contreprojet qui n'est pas encore formulé. Nous vous invitons par conséquent, chers collègues, à faire de même et à soutenir cette initiative.

Mme Delphine Klopfenstein Broggini (Ve), députée suppléante. Mesdames et Messieurs les députés, nous nous accordons tous et toutes pour dire que la mobilité est congestionnée à Genève. Nous devons aujourd'hui trouver des solutions réalistes et rapidement réalisables. Il faut élever le discours, sortir du conflit partisan et faire appel à notre bon sens. Cette initiative est extrêmement facile à mettre en place. Régler les feux de circulation de manière intelligente ou aménager des sites propres pour les transports publics quand cela est possible, quoi de plus facile ? C'est là une réponse pragmatique, qui a d'ailleurs déjà été mise en vigueur dans plusieurs centres urbains de Suisse et a fait preuve d'efficacité. C'est un outil léger et bon marché, qui n'est pas complètement nouveau puisque, sur les scènes suisse et européenne, de nombreuses villes ont testé cet outil et prouvé son efficacité. Il n'est pas non plus très exigeant, vous l'admettrez. Pour accompagner un transfert modal de qualité, c'est-à-dire un transfert du trafic motorisé individuel vers les transports publics, nous devons rendre ceux-ci attractifs. Sortir de la crise de la mobilité, c'est changer d'approche. Je vous encourage évidemment à soutenir notre initiative. Je vous remercie. (Quelques applaudissements.)

M. Jean Romain (PLR). Chers collègues, vous le savez puisque vous avez suivi votre école à Genève, notamment les fameux cours de mathématiques: en mathématiques, il existe des règles de priorité, qui déterminent l'ordre dans lequel les calculs doivent être effectués quand il y a plusieurs ensembles dans une même expression. On appelle cela la priorité des opérations. Décréter à priori quelle sera l'opération prioritaire dans tous les cas est non seulement peu intelligent mais cela expose par ailleurs celui qui s'y livre à ne pas résoudre l'équation, à emberlificoter les choses au point de les rendre opaques. Or l'opacité, comme vous le savez, chers collègues, est l'adversaire de la fluidité dans les calculs mathématiques comme dans la circulation. Pour résoudre une équation complexe, il faut tenir compte de plusieurs paramètres et posséder cet esprit de souplesse si nécessaire au discernement. Cet esprit de souplesse, chers collègues, manque à cette initiative. Pourquoi ? Parce qu'elle se propose de décider, indépendamment de tous les facteurs importants, quel serait à l'avenir l'ordre des priorités, et ce une fois pour toutes. Le PLR vous engage donc à la refuser et à approuver le principe d'un contreprojet qui saura, si nous nous y mettons tous dans un esprit de conciliation, et non pas dans ce climat de guerre des transports, trouver l'ordre des priorités pour l'ensemble des moyens de la mobilité à Genève ainsi que la composition qui sera la plus efficace pour notre canton. Je vous remercie.

M. Patrick Lussi (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, que dire après notre brillant orateur Jean Romain, qui est allé chercher dans les mathématiques la quintessence de ce que j'aimerais exprimer pour vous inciter à ne pas voter cette initiative ? Admettons tout de même - pour ma part je l'admets, Madame Mazzone - que nous nous trouvons là dans un conflit lié à une divergence de vision de la société. Votre vision est restrictive, vous pensez que tous les maux viennent du trafic privé, que ce soient les voitures ou d'autres modes de transport. Or nous vivons à une époque où il faut trouver une alliance entre les différents genres. Ce qui m'a le plus frappé, dans votre rapport de minorité, c'est ce côté sanitaire: on respire mal, etc. On sait bien que pour vous, les Verts, toute la haine que vous vouez au trafic automobile - parce qu'il y a bien un peu de haine - est due à la pollution. Mais c'est là passer comme chat sur braise sur tout ce qui est en train de se réaliser actuellement, sur toutes les évolutions vers des véhicules non polluants qui n'appartiennent plus à un futur d'anticipation mais seront là d'ici cinq ou six ans. C'est d'ailleurs l'une des raisons pour lesquelles nous, à l'Union démocratique du centre, nous nous opposons à votre vision de la société. Ayons en effet le courage de reconnaître que l'automobile crée aussi une activité économique non négligeable et qu'il serait dommage de s'en priver sous prétexte que nous avons uniquement un moteur thermique polluant. L'existence de ce moteur thermique est à bout de souffle, il sera bientôt remplacé par autre chose.

Par ailleurs, les auditions nous ont permis de constater que la vitesse commerciale, on s'en gargarise: ah, c'est atroce ! Personne ne l'a encore évoqué, mais je crois que l'un des arguments les plus forts est quand même de dire que Berne possède la vitesse commerciale des transports publics la plus élevée de Suisse alors qu'il n'existe pas cette priorité que vous voulez nous mettre dans la constitution. Un deuxième élément à mentionner s'agissant de la vitesse commerciale, Mesdames et Messieurs, c'est le tracé, l'itinéraire suivi. Comment voulez-vous augmenter une vitesse commerciale quand vous avez un virage tous les 30 mètres ? C'est un peu ce qui se passe en ville, et c'est aussi ce qu'on est en train de nous préparer à Lancy, avec une ligne qui va tourner dans le chemin des Palettes. Les experts confirment que la vitesse commerciale passe aussi par un bon choix d'itinéraire. Or on voit que le canton de Genève n'a pas été pensé pour ceci. A ce propos, j'avais fait remarquer qu'il était dommage que nous soyons au début du XXIe siècle; si nous étions à la fin du XXe siècle, nous aurions aimé avoir non pas M. Babar mais M. Haussmann pour tout démolir et nous construire de belles avenues toutes droites où on aurait pu mettre une quinzaine de trams sans gêner le trafic privé ! Mesdames et Messieurs les députés, ayons le courage de nous rappeler que, certes, la politique demande de la persévérance, mais que cette initiative pour la priorité aux transports publics n'est pas ressortie des travaux de la Constituante et ne figure pas dans notre constitution. Vous tentez d'y revenir, vous avez déjà essayé avec un projet de loi constitutionnelle. Pourquoi pas ? Or le vote de ce soir ne porte pas sur la priorité aux transports publics, mais sur la vision du déplacement et de la société que nous voulons adopter pour les quinze ans à venir: il s'agit soit d'accepter soit de refuser et de partir dans un contreprojet. L'Union démocratique du centre vous invite à refuser cette initiative et à déjà donner un préavis favorable au contreprojet. Je vous remercie.

M. Pascal Spuhler (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, comme mon collègue Daniel Zaugg vous l'a dit, nous discutions il y a encore quelques semaines d'un autre objet parlementaire qui demandait la même chose, à savoir la rapidité des transports publics et leur priorité au centre-ville. On a finalement fait sortir cet objet par la porte, et vous rentrez maintenant par la fenêtre avec cette IN 154 ! Vous me direz que c'est là un hasard du programme parlementaire; mais enfin tout de même, au bout d'un moment, il y en a marre ! Mesdames et Messieurs, la vitesse commerciale demandée dans cette initiative est belle, mais théorique. Ce n'est pas en l'inscrivant dans la loi qu'on va l'obtenir efficacement dans la rue. Aujourd'hui, la ville et le canton de Genève sont faits comme ils sont faits, et on ne peut pas les comparer à Berne ou à Bâle, qui ont une autre densité et une autre configuration. Genève ne pourra pas être transformé comme ça demain matin. Ce projet n'est donc pas possible. Même avec la meilleure volonté, ce n'est pas possible ! La proximité des arrêts de bus, la densité au centre-ville, la complexité du réseau routier et - on l'a dit - les différents virages tous les 30 mètres font que nous ne pouvons pas circuler à une plus grande vitesse commerciale, principalement en ville. Il est clair que nous ne pouvons pas suivre cette initiative, en tout cas pas dans son principe. A ce propos, je vous renvoie à l'article 190, alinéa 3 de la constitution - c'est écrit noir sur blanc - qui prouve bien que la liberté du choix du mode de transport est constitutionnelle. En voulant donner la priorité aux transports publics, vous limitez cette liberté individuelle. Ça ne marche donc pas ! De plus, l'initiative 154 est en quelque sorte redondante par rapport à l'article 191, alinéa 2 de la constitution - je vais vous le lire - qui stipule: l'Etat «favorise l'utilisation de transports publics respectueux de l'environnement». D'une certaine façon, vous êtes non seulement redondants par rapport à des articles de loi constitutionnelle déjà existants mais aussi contradictoires par rapport à d'autres alinéas. Cette initiative me paraît donc techniquement un peu bizarre, même si le Conseil d'Etat a estimé qu'elle était valable et recevable. Sur ces points-là, nous ne sommes évidemment pas d'accord. Je voudrais juste encore reprendre des propos de mon collègue PDC... Excusez-moi, son nom m'échappe...

Une voix. Guinchard !

M. Pascal Spuhler. M. Guinchard, voilà ! Excusez-moi, Monsieur Guinchard ! Il prenait l'exemple de 3 bus avec 100 personnes: dans ce cas, c'est vrai qu'il doit y avoir une priorité; oui, en effet, quand on voit 3 bus remplis de 100 personnes sur le pont du Mont-Blanc vers 17h, on peut comprendre qu'ils aient une petite priorité sur des véhicules privés avec une seule personne dedans. Mais malheureusement, ça ne se passe pas comme ça toute la journée. Combien de fois observe-t-on, dans les carrefours, que tout est bouché et qu'il y a un grand bus d'une cinquantaine de mètres avec trois personnes dedans ? Là, franchement, ceux qui sont dans leur véhicule privé s'énervent un tout petit peu ! Il y a quand même un rapport raisonnable à avoir. On se dit aussi que la vitesse commerciale pourrait être comprise dans la fonctionnalité des transports publics, peut-être en mettant des bus un peu plus petits à certains moments de la journée. Il faut changer de conception, avoir une autre réflexion; la vitesse commerciale peut aussi être imaginée autrement. Or ce n'est pas ce que fait cette initiative, que nous refuserons évidemment. Nous serons également prêts à étudier un contreprojet. Je vous remercie, Monsieur le président.

Présidence de M. Antoine Droin, président

M. Thomas Wenger (S). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, cette initiative demande des transports publics plus rapides. Deux choses peuvent permettre d'augmenter leur vitesse commerciale: leur créer des sites propres et faire de vrais choix en termes de signalisation - j'y reviendrai. Avant d'en venir au fond, je voudrais juste revenir sur la forme. Comme l'a relevé notre collègue Guinchard, et même si le parti socialiste, qui soutient cette initiative, se trouve dans la minorité, nous trouvons le rapport de majorité totalement pathétique; le mot «déplorable» a d'ailleurs été employé. Ce rapport parle d'une majorité de la commission «excédée de ces initiatives démagogiques et mensongères proposées par une gauche à l'agonie». Là, on dépasse vraiment certaines limites ! Il y a 10 000 personnes qui ont signé cette initiative; vous vous asseyez sur ces signatures et, pour nous, c'est totalement scandaleux.

Sur le fond, il faut clairement soutenir cette initiative. Pourquoi ? Parce qu'on ne peut plus ménager la chèvre et le chou. On ne peut plus faire passer tout le monde - voitures, trams, vélos, etc. - sur tous les axes, où que l'on soit, notamment dans le centre. A un moment donné, les moyens de transport se bloquent eux-mêmes, et il faut faire des choix politiques clairs et stratégiques. Que demande l'initiative des Verts ? De faire un choix clair en faveur des transports publics. Ce choix, je l'ai dit, c'est de donner l'instruction politique à la direction générale des transports de changer les feux de signalisation du canton de Genève afin que les transports publics aient la priorité. On l'a déjà relevé: souvent, un tram avec 200 personnes à son bord s'arrête une minute à un feu pour laisser passer quelques voitures. Mesdames et Messieurs, le taux d'occupation des voitures à Genève est de 1,2 personne. Il y a en moyenne 1,2 personne dans une voiture alors que 200 à 300 personnes dans un tram attendent désespérément au feu ! La seconde chose à faire est d'aménager des voies en site propre: maintenant, à chaque fois qu'on construit un aménagement ou qu'il est possible de le faire à moindre coût, il faut créer des sites propres pour permettre aux transports publics d'avancer. Comme on l'a dit, lorsqu'il y a une vraie alternative, les gens choisissent - ou du moins ont un choix véritable - entre les transports publics et la voiture.

Aujourd'hui, il y a 550 000 passages de frontière par jour, Mesdames et Messieurs. On constate que les pendulaires du canton de Vaud qui viennent travailler à Genève ont une véritable alternative en transports publics; ils sont d'ailleurs plus de 30% à les utiliser pour venir travailler. Or si vous regardez du côté de la France voisine, c'est moins de 10%, voire 3% si on prend le Chablais français. Pourquoi ? Parce qu'il n'y a pas d'alternative ! Et pourquoi n'ont-ils pas d'alternative ? D'abord parce qu'il n'y a pas de véritable RER - on attend le CEVA en 2019 avec impatience - ensuite parce que les transports publics ne sont pas assez efficaces ni assez rapides étant donné qu'ils n'ont pas la priorité. Il faut donc absolument accorder cette priorité pour augmenter ce qu'on appelle leur vitesse commerciale. Aujourd'hui à Genève, la vitesse commerciale, comme Mme Mazzone, rapporteuse de minorité, l'a mentionné, est de 16 km/h ! Et encore, la moyenne est «boostée» - si on peut le dire comme ça - par les lignes de campagne: bien sûr, quand un bus va à Russin, il va faire du 50 km/h. Mais au centre-ville, on est à moins de 16 km/h, et c'est un vrai problème. Du coup, les transports publics ne sont pas considérés comme assez efficaces et ne représentent pas de véritable alternative; les gens continuent donc, pour certains et certaines, à choisir la voiture.

Je vais m'arrêter là pour l'instant, même si on pourrait encore prendre l'exemple de Bâle, qui a osé accorder la priorité aux transports publics. Là-bas, on circule toujours dans le centre-ville; simplement, la part modale des transports publics et de la mobilité douce est beaucoup plus grande qu'à Genève. Cette initiative ne veut pas interdire les voitures au centre-ville, elle n'est pas contre la liberté du choix du mode de transport, elle vise seulement à prioriser un mode de transport sur un autre. Ainsi que je l'avais dit lors du dernier débat, le XXe siècle était celui de la voiture; nous, les socialistes, espérons que le XXIe siècle sera celui des transports publics. Merci, Monsieur le président. (Applaudissements.)

M. Bertrand Buchs (PDC). On prend toujours l'exemple des autres cantons. Alors, on parle de la vitesse commerciale de 16 km/h à Genève, mais on oublie Zurich, où elle se situe à 16,9 km/h. Or si Zurich est un exemple s'agissant des transports en commun, ceux-ci ne roulent pas tellement plus vite qu'à Genève, ce qui montre qu'il n'y a pas que la priorité qui fait augmenter la vitesse des transports publics, mais aussi d'autres facteurs. Pour reprendre l'exemple de Bâle, il est vrai que c'est idéal au centre-ville; mais n'oublions pas que les Bâlois ont construit une route de contournement et des tunnels pour que les voitures ne passent pas au centre. Ils ont fait un effort et ont investi énormément d'argent dans une autoroute de contournement de leur ville, qui est assez extraordinaire. Ils ont donc aussi pensé aux voitures, ils n'ont pas prétendu que seuls les transports publics comptaient et qu'il fallait oublier le reste. Sans cette route qui permet aux gens d'éviter le centre de Bâle, il y aurait aussi un gros problème au centre-ville. On ne peut donc pas discuter de la vitesse commerciale des transports publics sans prendre en compte les autres modes de transport.

Il est bien beau de voter cette initiative, elle ne nous gêne pas. Mais ce sera un article 190, alinéa 5 nouveau dans la constitution, puis qu'en fera-t-on ? Rien, rien ! Ce sera un article de plus dans la constitution, on ne va rien en faire. L'avantage du contreprojet, c'est qu'il amène des solutions à la situation actuelle. Il nous faut réfléchir tous ensemble, faire ce que nous, le parti démocrate-chrétien, appelons la paix des transports et arrêter de nous monter les uns contre les autres. Si nous voulons pouvoir aller plus vite avec les transports en commun ou avec le moyen de transport qu'on a choisi, il faudra faire un vrai choix. Notre ministre M. Barthassat a d'ailleurs tout de suite pris les choses en main en réfléchissant à ce qu'on peut faire, à ce qu'on va faire. C'est la première fois qu'on voit quelqu'un proposer de se mettre tous ensemble, de ne pas se monter les uns contre les autres et de chercher une solution. Voilà l'avantage du contreprojet ! Il faut voter le contreprojet et on aura une année pour trouver une solution; là, vous verrez que vos transports publics iront plus vite que 16 km/h. En effet, n'oubliez pas qu'il y a d'autres paramètres qui entrent en jeu, comme l'a très bien dit mon collègue Guinchard, notamment le temps d'attente aux arrêts, l'«encolonnement» des bus et des trams dans certains coins de Genève de même qu'un nombre d'arrêts beaucoup trop élevé. Il faut tout revoir au niveau des transports en commun si vous voulez une vitesse commerciale plus rapide. Refusons cette initiative qui n'amène aucune solution pratique et travaillons tous ensemble au contreprojet. Je vous remercie.

M. Romain de Sainte Marie (S). Mesdames et Messieurs, je commencerai par dire que cette initiative - mon collègue Wenger l'a mentionné - ne vise pas à interdire les véhicules motorisés individuels. Moi-même, j'ai une voiture et j'en aurai très certainement toujours une, je ne dis pas l'inverse. Par contre, il est certain que dans une ville, dans un canton urbain qui grandit, il y a une certaine logique à adopter et certains choix à faire - j'y reviendrai.

Comme on l'a mentionné il y a quelques semaines, donner la priorité aux transports publics a un impact sur leur vitesse commerciale ainsi que sur les cadences. Soit cela permet d'augmenter les cadences, soit, si on garde les mêmes cadences, cela permet de faire des économies puisqu'il y aurait moins de véhicules et donc moins de personnes pour conduire ces véhicules. Au final, on a une amélioration de la vitesse et du nombre de personnes transportées ainsi que le moyen de faire des économies au niveau de l'Etat. Il y a donc un impact très direct pour la collectivité tout comme pour les individus. Donner la priorité aux transports publics a également un impact très concret pour les personnes qui sont dans leur voiture et qui peuvent être bloquées par l'ensemble des véhicules engagés dans des carrefours. Je prends un exemple très concret - tout le monde va certainement le comprendre - à savoir celui de la rue de la Terrassière: quand vous sortez du carrefour de Rive et voulez partir en direction de Thonon et d'Evian, vous devez tourner à gauche. Or là, le grand problème est que si un tram reste coincé au feu de ce carrefour, les voitures n'arrivent pas à rejoindre la présélection de gauche, et c'est l'ensemble qui se retrouve coincé. Au final, ce sont des bouchons supplémentaires ! Le soir, moment où un grand nombre d'automobilistes roulent en direction de Thonon et d'Evian pour rentrer chez eux, il y a d'énormes bouchons. Donner la priorité aux transports publics, c'est simplement assurer, dirais-je, la paix entre les véhicules motorisés individuels et les transports publics, c'est permettre à un tram de passer directement pour dégager sa voie afin de laisser la possibilité aux voitures de s'engager ensuite. Je me rappelle un conseiller d'Etat, encore en fonction il n'y a pas si longtemps, qui avait treize priorités. Or, au final, treize priorités tuent les priorités. Il faut adopter une seule priorité, et c'est celle que demande cette initiative.

M. Jean Romain. C'est idiot !

M. Romain de Sainte Marie. Non, ce n'est pas idiot, Monsieur Jean Romain. Choisir une priorité, c'est savoir gouverner. Savoir gouverner, c'est justement faire des choix, utiliser un modèle et le mettre en avant, le mettre en application. Ce que cherchent à faire ici le Conseil d'Etat et la majorité de cette commission, c'est repousser ces choix, ne pas oser gouverner, tenter ce compromis qui, à Genève, marche extrêmement mal. Il marche mal, et quand j'entends certains arguments - je ne sais pas si vous vous rendez compte ! - selon lesquels il y aurait trop de virages à Genève... Imaginez les réactions à Nantes, New York ou d'autres villes du monde si on leur montrait le Mémorial de cette séance: à Genève, on se plaint de ne rien pouvoir faire en termes de mobilité parce qu'il y a trop de virages ! Heureusement, on n'a pas parlé des montées et descentes qui sont trop importantes - on n'oserait quand même pas ! On arrive à un niveau tellement bas dans ce débat sur la mobilité que c'en est déplorable. La question posée par les Verts ce soir est très bien posée: il faut enfin choisir et donner la priorité aux transports publics. Il faut donc également refuser le contreprojet qui ne trancherait pas, ne prendrait aucune décision et ne dénoterait qu'une absence de gouvernance.

Une voix. Bravo ! (Applaudissements.)

M. Daniel Sormanni (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, je suis assez étonné par certains arguments que j'entends ici. Alors je dois tout de même féliciter les Verts, parce qu'ils ont fait très fort. Ils ont trouvé un titre tellement sympathique; qui pourrait refuser l'initiative «Pour des transports publics plus rapides !» ? Personne, évidemment ! C'est comme si on disait: «Demain, on rase gratis.» Tout le monde va signer ! (Rires.)

Je crois, Mesdames et Messieurs, que la problématique est autre. En réalité, si vos transports publics fonctionnent mal, c'est que le réseau a été mal conçu. Un député disait qu'il y a trop de virages à Genève; il n'y a pas trop de virages à Genève, c'est tout simplement que les lignes ont été conçues pour faire passer d'immenses trolleybus à deux voire trois articulations dans les petites rues de notre ville au lieu de les faire passer par de grands axes. Voilà ce qui a créé les problèmes ! Dans ces virages, ils roulent au ralenti: ils tournent à la rue des Bains, font un petit tour dans le quartier des banques - je pense que tout le monde a vu ça - et encore, ce ne sont là que quelques exemples parmi tant d'autres. Evidemment qu'ils ne peuvent pas aller bien plus vite que 3 à 5 km/h ! Si vous voulez vraiment faire une moyenne, annulez la limitation de vitesse en campagne et vous augmenterez la vitesse commerciale, mais ça, c'est une plaisanterie. Avec ça, on ne va pas aller bien loin. Je crois que vous n'avez pas encore compris que le réseau qui a été mis en place est un échec, Mesdames et Messieurs. C'est un échec, ce réseau ! On a pourtant assez parlé du changement de système des transports publics. Alors on a peut-être doublé l'offre en quelques années, mais on s'aperçoit maintenant qu'il y a un tel entassement des transports publics à certains endroits - des bus, des trolleybus voire des trams en colonne - que ça nous bloque complètement la ville. Ce n'est pas comme ça qu'il fallait faire. Oui à des transports publics efficaces, mais pas de cette manière. En fait, la seule chose que vous voulez faire, sans vraiment le dire, c'est interdire totalement la circulation au centre-ville et dans les endroits périphériques. A l'époque, on a choisi de mettre les transports publics sur les voies de circulation, en surface, sans jamais se demander si, à certains endroits, on ne pouvait pas le faire en souterrain, comme a très intelligemment réussi à le faire Lausanne avec son M1, son M2 et demain son M3. A Genève, on est incapable de faire ça ! Votre but, c'est juste d'occuper la voirie pour empêcher les voitures de passer... (Commentaires.) Monsieur Zaugg, Monsieur Romain de Sainte Marie, je vous ai écoutés presque religieusement. Ayez au moins la décence...

Le président. Poursuivez, Monsieur.

M. Daniel Sormanni. Finalement, vous empoignez le problème par le mauvais sens, mais c'est votre philosophie et, à partir de ce moment-là, on ne pourra pas s'en sortir. Nous refuserons cette initiative parce qu'elle ne permettra aucunement d'améliorer concrètement quoi que ce soit sur le réseau actuel. Cette priorité ne pourra pas être réalisée, ce n'est pas comme ça qu'il faut faire; c'est avec un contreprojet à cette initiative et avec des affaires concrètes qu'on avancera, c'est-à-dire en se demandant, de manière sectorielle, comment on pourrait faire pour améliorer la situation sans empêcher malgré tout les véhicules privés de circuler en ville. Je vous rappelle qu'il y a beaucoup d'activité économique en ville, beaucoup de livraisons et donc aussi beaucoup de commerçants qui ont besoin que ça puisse circuler, ne serait-ce que pour faire passer leurs fourgonnettes de livraison. Avec ce que vous nous proposez, vous allez totalement bloquer la ville et éteindre l'activité économique au centre-ville, et c'est justement ce que vous voulez !

M. Michel Amaudruz (UDC). Ecoutez, Monsieur le président, je ne vais pas commencer à répéter ce qui a été dit de part et d'autre...

Le président. Parfaitement, vous avez raison !

M. Michel Amaudruz. Nous l'avons tous compris. A la cinquième fois, on finit par voir où les gens veulent en venir. J'ai néanmoins écouté avec une attention certaine le rapport de Mme la minoritaire - qui a été appuyé par M. Wenger - visant à attirer l'attention de notre parlement. Tout de même, il ne faut pas se faire berner: cette initiative est spécieuse, tendancieuse, obscure et, en fait, cache la systématique de ceux qui voudraient supprimer les voitures. Il s'agit là de l'obsession de Mme Mazzone, et je la comprends. Oh, le changement d'approche ! Revenons au XIXe siècle, aux belles crinolines, et nous pourrons approcher de belles dames dans la sérénité. Malheureusement, cela se conçoit mal dans notre situation actuelle, et je crois - je le répète - qu'il nous faut être attentifs au grignotement progressif de personnes qui veulent éliminer systématiquement un bien essentiel à notre vie économique. Oh oui, M. de Sainte Marie a raison: il y a trop de virages. Trop de virages à gauche ! Mais on s'en accommodera. Je vous remercie, Monsieur le président. (Quelques applaudissements.)

M. Michel Ducommun (EAG). J'avais envie de parler, dans mon intervention, de la notion de complémentarité entre les transports publics et la voiture, qui figure dans la constitution. Je connais la constitution et je sais que cela y figure. Voici la question que j'aimerais poser: s'il était mentionné dans la constitution qu'il faut chercher la complémentarité entre un loup et une poule lorsqu'ils sont dans la même cage, est-ce que ce serait sérieux ?

Une voix.  Ça n'y est pas !

M. Michel Ducommun.  Ça n'y est pas, en effet. Mais croire à une complémentarité possible entre les transports publics et la voiture est une illusion ! C'est une illusion, et je vais essayer de vous montrer pourquoi. Tout d'abord, il y a à peu près 200 000 voitures privées à Genève. Alors j'ai fait un petit calcul: si on alignait ces 200 000 voitures les unes derrière les autres - il est assez logique de se dire qu'il faut un petit espace entre elles, donc j'ai compté la longueur de la voiture plus un espace, c'est-à-dire 8 mètres par voiture - ça donnerait une file d'attente de 1600 kilomètres ! Et encore, on pourrait multiplier ça par quatre parce que je ne tiens pas compte des 500 000 véhicules qui entrent à Genève par la France ou depuis le canton de Vaud. Voilà qui démontre bien que ces 200 000 voitures ne sont pas faites pour la ville. Du reste, il n'y a qu'à voir un certain nombre de discussions. Lorsqu'on dit que des choses sont complémentaires, c'est qu'elles se complètent pour atteindre un certain objectif. Prétendre que la circulation privée et les transports publics se complètent avec l'objectif de bien se déplacer à Genève, c'est évidemment... Il n'y a pas besoin d'entrer dans les détails pour constater que favoriser les transports publics n'est pas ce qu'il y a de mieux pour le transport privé; à l'inverse, croire que favoriser le transport privé est ce qu'il y a de mieux pour les transports publics est tout aussi imbécile. Cette complémentarité n'est donc pas possible.

Un autre élément a été très peu abordé dans ce débat, à savoir le dégagement de CO2: voilà bien un point sur lequel ces deux modes de transport ne sont pas complémentaires. On ne peut pas ignorer la problématique écologique ! A ceux qui ne veulent pas éliminer les voitures, je fais mon pari que dans cinquante, soixante ou peut-être cent vingt ans, il n'y aura plus de voitures, à moins qu'on les construise en pierre ou en bois ! Il n'y aura plus de voitures parce qu'on n'aura plus tous les éléments et matières premières dont on a besoin pour les construire. On est en train de détruire à la fois les ressources sur terre et l'espoir de survie de l'humanité avec le dérèglement climatique. S'agissant du dérèglement climatique, il n'y a pas photo entre les effets de la voiture et ceux des transports publics. (Quelques applaudissements.)

M. Mathias Buschbeck (Ve). Je prends brièvement la parole pour répondre à une question qui n'a pas trouvé de réponse et qui me semble pourtant essentielle dans ce débat, à savoir celle de M. Lussi. Il s'agit de déterminer pourquoi à Berne, alors qu'il n'y a pas de priorité constitutionnelle, les transports publics roulent à 19,9 km/h, soit à une vitesse commerciale bien supérieure à celle de Genève. Cette question me semble extrêmement symptomatique de la façon dont on gère la circulation et la mobilité en général à Genève. Voici la réponse: à Berne, il n'y a pas besoin d'inscrire ce principe dans la constitution parce que ce n'est pas une question de clivage politique, c'est simplement une question de bon sens. La droite comme la gauche - et comme l'UDC, probablement - n'ont aucune volonté de remettre en cause la priorité qui est aujourd'hui accordée aux transports publics à Berne. Je vous remercie. (Quelques applaudissements.)

M. Stéphane Florey (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, notre collègue Romain de Sainte Marie a donné l'exemple parfait qui démontre que cette initiative est inutile et qu'il ne sert à rien d'inscrire le principe de priorité dans la constitution. Il a mentionné le carrefour de la Terrassière. L'exemple est tout simplement parfait puisqu'à cet endroit sont installés des feux dits préférentiels pour les transports publics. Le feu préférentiel, pour vous expliquer en deux mots, est ainsi réglé que lorsque le conducteur verrouille ses portes, une impulsion est donnée pour couper le reste du trafic, ce qui permet au transport public de quitter l'arrêt grâce à une priorité. C'est exactement ce que demande l'initiative ! Mais pourquoi ça ne fonctionne pas ? M. Hochstrasser l'explique parfaitement dans le rapport: le système informatique qui gère les feux est beaucoup trop vieux. Il est sous perfusion depuis des années, et c'est ça qui ne fonctionne pas. Le jour où le département aura suffisamment de moyens pour changer tout le réseau informatique qui gère les feux, là vous gagnerez quelque chose et on aura enfin une vitesse commerciale acceptable. Mais, en l'occurrence, cette initiative ne sert absolument à rien. Il faut donc la refuser. Peut-être qu'avec un contreprojet, nous irons dans le sens que je viens d'exprimer. Je vous remercie.

Une voix. Très bien ! (Quelques applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Thomas Wenger pour cinquante-six secondes.

M. Thomas Wenger (S). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, on verra bien la volonté populaire quand cette initiative sera soumise à la population. Nous avons déjà quelques signaux positifs, on l'a dit, avec les 10 000 personnes qui ont signé cette initiative, le fameux questionnaire du département de M. Barthassat, avec, je le rappelle, 12 500 sondés qui plébiscitent les transports publics que ce soit dans le centre ou la périphérie, le soutien très clair au CEVA de même qu'au financement de l'infrastructure ferroviaire, qui permettra de financer l'extension de la gare de Cornavin, et enfin le non très clair à la traversée routière de la rade en plein centre-ville. Toutes ces votations, tous ces résultats sont des signaux positifs. Vous l'avez bien compris, le parti socialiste soutient cette initiative et vous demande de la voter.

J'aimerais juste prendre trente secondes pour expliquer le vote - si vous avez lu le rapport de majorité - des commissaires socialistes en commission. Après avoir soutenu l'initiative et constaté son refus net par la majorité à 10 contre 5...

Le président. Il vous faut conclure.

M. Thomas Wenger. ...nos commissaires ont décidé de soutenir, d'un point de vue symbolique, le principe d'un contreprojet. On en a ensuite discuté au sein du groupe. La majorité du parti est contre le soutien...

Le président. Merci.

M. Thomas Wenger. ...de ce contreprojet; néanmoins, certains le voteront malgré tout.

M. Pascal Spuhler (MCG). Mesdames et Messieurs, si beaucoup de choses ont déjà été dites, je voudrais encore vous renvoyer à la page 25 du rapport de majorité, qui relate l'audition du Groupement transports et économie. Le GTE n'est pas un groupement obscur sur la mobilité; ce sont des experts auxquels on a fait appel à moult reprises sur tous les sujets ayant trait aux transports. Les représentants de cet organe nous ont cité quelques points dont on a parlé tout à l'heure, pour nous expliquer pourquoi le gain en économie commerciale pour les transports publics paraît très compromis à Genève, même si on votait cette initiative.

Le président. Il vous reste trente secondes.

M. Pascal Spuhler. Il y a tout d'abord le maillage dense du réseau des transports en commun - Monsieur le président, je finis tout de suite - qui rend difficile et arbitraire la priorisation des différentes lignes, c'est un point dont on a déjà parlé avant; la configuration urbaine dense et contraignante; la très forte densité du flux de passagers aux arrêts du centre-ville, c'est là quelque chose d'important; la quantité...

Le président. Il vous faut conclure.

M. Pascal Spuhler. ...de passagers qui retarde parfois les bus ainsi que les faibles distances entre les arrêts du centre-ville, on en a déjà parlé aussi. Il y a encore d'autres points dont je vais vous épargner la liste. Merci, Monsieur le président.

Le président. Merci, Monsieur le député. Je vais maintenant donner la parole aux deux rapporteurs puis au conseiller d'Etat, et nous pourrons alors voter. Madame Mazzone, c'est à vous.

Mme Lisa Mazzone (Ve), rapporteuse de minorité. Je vous remercie, Monsieur le président. Qu'il est visiblement difficile de changer de point de vue lorsqu'on est encrassé dans une vision du passé figée et qui nous colle à la peau ! Mais, Mesdames et Messieurs les députés de la majorité, je garde confiance dans votre capacité d'évolution. Certes, M. Romain et bien d'autres sont allés à l'école alors qu'on ne connaissait encore qu'à peine les problèmes environnementaux. Ainsi, j'ai parfois le sentiment que le problème fondamental de ce Grand Conseil est générationnel et reflète d'ailleurs la faible représentativité des jeunes dans ce parlement puisque seuls onze députés sur cent ont moins de quarante ans. Or, aujourd'hui, la tendance, surtout chez les jeunes, est de beaucoup moins passer le permis, de beaucoup moins posséder d'automobile. Notre parlement se fige dans des visions dépassées et n'est plus à jour, plus à la page.

Passons au coeur du propos. Notre initiative propose d'orienter les arbitrages. Arrêtons de rigoler et de tomber dans la caricature comme vous l'avez fait pour essayer de nous faire trembler. Orienter les arbitrages, c'est dire que nous avons besoin de faire circuler l'ensemble des véhicules et que nous donnons la priorité au mode de transport le plus durable et responsable, qui permet de soulager l'environnement et le bruit routier tout en garantissant une meilleure qualité de vie à l'ensemble de la population.

J'aimerais passer à la question du contreprojet, que je n'ai pas eu le temps d'aborder lors de ma première intervention. Voici la question que je me pose: pourquoi opposer un contreprojet à une initiative tout à la fois réaliste, pertinente, simple à réaliser et nécessaire ? Pourquoi opposer un contreprojet alors que, dans son point presse du 14 mai dernier, le Conseil d'Etat annonçait que notre initiative n'entre pas en contradiction avec sa volonté de travailler sur un développement raisonné des déplacements ? Nous nous inscrivons dans une volonté de trancher, de procéder à des arbitrages; chacun s'accorde pour dire qu'ils sont nécessaires afin de dépasser les blocages. Qu'est-ce que vous, vous nous proposez ? De différer la décision d'une année, ce qui signifie simplement retarder le moment où l'on évoluera enfin et où l'on résoudra les problèmes de circulation. Tout comme moi, vous le savez très bien, puisque pour la plupart d'entre vous, vous l'avez eue sous les yeux, la proposition de contreprojet du Conseil d'Etat est déjà prête. Elle pourrait très bien être déposée sous forme de projet de loi le plus vite possible, être étudiée en commission et, enfin, le peuple tranchera sur notre initiative et nous sur ce projet de loi. Mais vous vous obstinez à refuser de trancher et d'opter pour une mobilité durable à l'aide d'une manoeuvre dilatoire.

J'aimerais finir en disant que je vous invite chaleureusement à vous désencrasser de cette vision dépassée, à rejoindre l'initiative des Verts pour des transports publics plus rapides et à améliorer significativement l'attractivité des transports publics afin d'en faire une véritable alternative au quotidien et dans l'ensemble du canton, et pas seulement dans un centre-ville extrêmement restreint. Je vous invite à rejoindre une vision du XXIe siècle visant à préserver l'environnement et à améliorer la qualité de vie et la santé publique pour toutes et tous. Je vous remercie.

Une voix. Bravo ! (Quelques applaudissements.)

Le président. Merci, Madame la rapporteure de minorité. Monsieur Romain, vous me posez un problème en demandant le micro: j'avais déjà clos les temps de parole en ne laissant plus que les rapporteurs et le conseiller d'Etat, qui y sont légitimés, s'exprimer. En principe, on ne passe plus la parole à ce moment du débat. Je vous laisse néanmoins trente secondes. (Exclamations.)

M. Jean Romain (PLR). Merci, Monsieur le président. Chers collègues, Mme Mazzone fait sonner son âge comme un avantage. Je me suis en effet référé à un principe mathématique datant sans doute de l'époque de Pythagore, ce qui semble tout à fait hors de portée de l'esprit de Mme Mazzone, j'en conviens. Mais je connais assez Brassens pour dire, Madame Mazzone, que «le temps ne fait rien à l'affaire, quand on est...» Et je vous laisserai terminer ! Je vous remercie.

M. Eric Stauffer (MCG), rapporteur de majorité. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, vous avez assisté à un peu plus d'une heure de débat. Je pense que vous vous êtes fait une opinion ou confortés dans la vôtre quant à ce que j'expliquais en préambule, c'est-à-dire la doctrine de cette initiative. J'ai subi quelques critiques ici et là sur le contenu de mon rapport. Eh bien laissez-moi vous dire, si vous aviez quelques doutes, que je ne suis pas un novice dans ce parlement puisque ça fait dix ans que j'y siège. J'ai certes beaucoup de défauts, mais il y en a un que je n'ai pas: je ne suis pas un hypocrite. Quand la majorité de la commission me confie la rédaction du rapport, c'est en toute connaissance de cause qu'elle le fait. Ceci étant rétabli et comme vous l'aurez compris, Mesdames et Messieurs, chers collègues de la minorité notamment, j'ai dit tout haut - j'ai écrit, plus exactement - ce que tout le monde pense tout bas. Mais, évidemment, pour la bienséance, il vaut mieux être un hypocrite, ce que je ne suis pas et ne serai jamais.

Dans les argumentaires notamment de la rapporteuse de minorité, nous avons entendu qu'il y avait un problème de santé à Genève. Laissez-moi vous donner quelques pistes de même qu'un exemple qui a frappé l'esprit des élus français: un jour, je me suis fait littéralement agresser verbalement par un conseiller municipal de la commune de Prévessin, dans le pays de Gex, qui est venu me dire: «C'est scandaleux, vous avez fermé une route du réseau routier secondaire !» Il s'agit d'une petite route dont le poste-frontière se trouve à Prévessin. Je me suis alors dit que Mme Künzler mettait enfin en application la fermeture des petites routes de campagne, qui ne sont évidemment pas équipées pour accueillir 10 000 véhicules chaque matin et chaque soir. Eh bien non, ce n'était pas du tout dans ce but-là que la route avait été fermée puisque le conseiller municipal a poursuivi ses invectives en disant: «Cette route a été fermée à cause des grenouilles !» (Rires.) Oui, Mesdames et Messieurs, cette route a été fermée à cause des grenouilles. Alors puisqu'on parle, Mesdames et Messieurs, de santé et de pistes pour améliorer la mobilité - pour reprendre les arguments de la rapporteuse de minorité - il faudrait fermer le réseau routier secondaire afin d'obliger les pendulaires à utiliser des parkings-relais en France. Parlons des parkings-relais - ça a aussi été cité dans le débat - en France: certains groupes, dont le Mouvement Citoyens Genevois, sont pour des parkings-relais en France; mais de grâce, Mesdames et Messieurs, que les Français paient leurs infrastructures publiques ! Ce point avait aussi été relevé lors des travaux de la commission. Ensuite...

Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur.

M. Eric Stauffer. Merci, Monsieur le président. On parle de sondage. Durant les travaux, certains commissaires se sont interrogés. Evidemment, 100% des sondés qui se trouvaient dans un tram voulaient une rapidité accrue des transports publics. Mais si le Conseil d'Etat avait fait un sondage auprès de personnes prises dans les embouteillages routiers, je vous assure que 100% des gens...

Le président. Il vous faut conclure.

M. Eric Stauffer. Je conclus, Monsieur le président ! ...auraient voté contre, parce que la priorité existe déjà. Vous l'aurez compris, Mesdames et Messieurs, nous vous proposons de rejeter sèchement cette initiative...

Le président. Merci, Monsieur.

M. Eric Stauffer. ...et d'accepter le principe du contreprojet.

Des voix. Bravo ! (Quelques applaudissements.)

Le président. Madame Mazzone, nous considérons que vous avez été mise en cause; vous avez donc quinze secondes supplémentaires pour vous exprimer.

Mme Lisa Mazzone (Ve), rapporteuse de minorité. Merci, Monsieur le président. Je ne me permettrai pas de citer la chanson de Brel sur les bourgeois et me contenterai de signaler que nous avons dit tout haut ce que la population pense de plus en plus fort, et qu'elle le prouvera dans les urnes. Je vous remercie. (Applaudissements.)

M. Luc Barthassat, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, on pourrait discuter pendant des heures sur ce qui a été fait, si cela a été bien fait ou non, pourquoi on l'a fait ainsi et pas autrement. Mesdames et Messieurs, nous sommes dans une époque de transition s'agissant des transports à Genève. Il est vrai que nous ne pourrons pas opérer la priorité complète aux TPG sur toutes les surfaces du canton, ainsi que cela a été souligné lors des travaux de la commission. Les services du DETA sont d'ailleurs venus le confirmer: il arriverait tout simplement un moment où les TPG, pour ne parler que d'eux, se retrouveraient en concurrence avec eux-mêmes. Faudrait-il alors instaurer des normes pour déterminer si les trams ont la priorité sur les bus, les bus sur les trolleys, les trolleys sur les trams, seulement dans certaines zones ou certains quartiers...? On ne s'en sortirait pas ! Ce que nous essayons d'amener, avec le projet de projet de loi sur lequel la commission s'est penchée - qui pourrait être le contreprojet direct à l'initiative - c'est une nouvelle manière de voir les choses et surtout un changement de mentalité dans cette époque qui, comme je l'ai dit, est une époque charnière. Je pense que nous sommes prêts... (Brouhaha.)

Le président. Un peu de silence, s'il vous plaît !

M. Luc Barthassat. ...pour ce changement de mentalité. Mais il s'agit de le faire opérer d'abord dans ce Grand Conseil afin d'avoir l'ouverture d'esprit nécessaire de part et d'autre de cet hémicycle. Prétendre, comme Mme Mazzone l'a écrit dans son rapport de minorité - je vous cite, Madame - que ce contreprojet représente une méthode dilatoire remet en question l'ouverture d'esprit que je vous demande, dont je vous ai fait part à tous, qu'a soulignée mon ancien collègue et ami M. Buchs et qui est peut-être un peu particulière, à laquelle vous n'êtes pas habitués. Vous savez que le succès vient parfois de personnes du centre droit qui réussissent à faire passer certaines idées, même s'il y en a aussi de bonnes - mais ce n'est pas toujours le cas, comme certains l'ont relevé tout à l'heure - qui proviennent de la gauche. Il faut trouver non pas un consensus mais bien un équilibre pour que chacun trouve sa place sur des axes bien définis. Comme l'a soulevé M. Stauffer en commission - je suis en effet partisan de cette nouvelle manière de voir les choses et j'en ai déjà fait part à mon département: arrêtons de placer des trams au milieu des routes pour embêter les automobilistes ! Quant aux automobilistes, ils doivent également changer de mentalité. Il faut que chacun puisse avoir droit à une voie en site propre - voitures, bus comme trams - afin que les TPG atteignent une vitesse nécessaire et soient concurrentiels au niveau économique.

Mesdames et Messieurs, ce contreprojet ne représente pas une méthode dilatoire envers l'initiative des Verts mais bien un travail de rassemblement que nous devons réaliser tous ensemble. Regroupons les idées qui pourraient être les vôtres avec celles qui se trouvent de l'autre côté de cet hémicycle, ceci afin de partager la place dans ce canton. Nous ne pourrons pas être tous en même temps au même endroit, mais je pense que chacun peut trouver sa place dans certaines zones. Nous en avons discuté les bases, et je crois que nous pouvons tous nous rallier autour de cette idée première et travailler sur ce contreprojet durant l'année qui nous est accordée. Cela vous laissera peut-être la possibilité d'abandonner l'initiative, et nous nous exprimerons une fois pour toutes, rassemblés, pour faire plaisir à notre peuple de Genève et répondre à ses attentes. Merci de votre attention.

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, nous allons d'abord procéder au vote sur la prise en considération de l'initiative 154, puis sur le principe d'un contreprojet.

Mise aux voix, l'initiative 154 est refusée par 61 non contre 32 oui et 2 abstentions.

Mis aux voix, le principe d'un contreprojet est accepté par 67 oui contre 26 non.

L'initiative 154 est renvoyée à la commission des transports pour l'élaboration du contreprojet.

Le président. L'initiative 154 est donc renvoyée à la commission des transports avec un délai au 17 janvier 2016.