Séance du
jeudi 13 novembre 2014 à
20h30
1re
législature -
1re
année -
13e
session -
81e
séance
M 2232 et objet(s) lié(s)
Débat
Le président. Nous abordons la quatrième urgence de notre soirée. Nous sommes en catégorie II, pour une durée de quarante minutes. Je passe la parole à M. Frey. Allez-y, Monsieur le député.
M. Christian Frey (S). Merci, Monsieur le président. La votation sur une caisse maladie publique en Suisse a eu lieu, et il s'agit maintenant d'éviter que le soufflé ne retombe. La situation est claire: une majorité de cantons romands et de la population romande veut un changement concernant le fonctionnement des caisses maladie. La proposition de motion 2232 demande que le Conseil d'Etat se mobilise, en collaboration avec les autres cantons romands - et nous pensons plus particulièrement au Jura, à Neuchâtel et à Vaud - et à travers la CLASS, la Conférence latine des affaires sanitaires et sociales, d'une part, et la CDS, la Conférence suisse des directeurs cantonaux de la santé, d'autre part, pour obtenir une modification de la législation fédérale de manière à rendre possible la création de caisses publiques cantonales et/ou régionales. Puisque les choses se passent de manière groupée, cette motion est complétée par deux propositions de résolutions dont j'aimerais brièvement parler.
La première demande la séparation de la pratique de l'assurance de base et des assurances complémentaires privées. Pour mémoire, au niveau suisse, le parti socialiste avait déposé une motion il y a quelques années, qui avait été refusée très largement. Les médecins genevois avaient également lancé une initiative populaire qui demandait la même chose, mais comme cette initiative populaire n'avait obtenu que 70 000 signatures, elle a été traitée au Parlement fédéral comme une simple pétition. Cette pétition était en suspens devant la commission de la sécurité sociale et de la santé du Conseil des Etats, dans l'attente du vote sur la caisse publique. Ce vote ayant maintenant eu lieu, elle sera traitée le 17 novembre prochain - je n'invente rien, c'est lundi prochain - en même temps que le projet du Conseil fédéral à ce sujet. (Remarque.) Ce n'est pas nécessairement un enterrement, il faut rester optimiste !
L'autre résolution demande la création d'un fonds fédéral pour la gestion des réserves imposées aux assureurs. Sans se prononcer sur les chances d'aboutissement de ces deux résolutions, notre groupe vous invite à soutenir largement les trois objets, qui sont complémentaires et devraient permettre à terme de trouver des solutions à ce problème lancinant qui nous occupe depuis de longues années: les caisses maladie, l'augmentation des primes et les dérives liées. A titre d'exemple, j'aimerais terminer en disant que les socialistes, en 2011, avaient déposé un projet de loi, le PL 10547, qui demandait d'accorder des subsides aux personnes qui consacraient plus de 8% de leur revenu déterminant au paiement de leurs cotisations de caisse maladie. Aujourd'hui - et on en parle toujours, heureusement d'ailleurs, à la commission des affaires sociales - on en est plutôt à des estimations de 12%, 15% voire 20%, consacrés par les ménages au paiement des caisses maladie. Tout cela nous incite, Mesdames et Messieurs, à dire qu'il est urgent d'agir et de ne pas laisser retomber ce soufflé. C'est la raison pour laquelle nous vous demandons d'accepter cette motion ainsi que les deux résolutions complémentaires. Je vous remercie.
M. Bertrand Buchs (PDC). Si nous avons déposé la proposition de résolution 772, c'est parce que le problème de la gestion des caisses maladie entre caisses de base et caisses complémentaires n'a pas été résolu, surtout après la votation sur la caisse publique. Cela fait longtemps que les médecins genevois attirent l'attention sur ce problème, et j'avais été l'instigateur de l'initiative pour laquelle nous avions essayé de récolter 100 000 signatures; malheureusement, la Suisse allemande n'avait pas participé.
Ce qui se passe dans la pratique, c'est que les assurances de base et les assurances privées sont établies dans les mêmes lieux; il n'y a pas de différence, et on ne sait pas comment circulent les flux financiers. On n'a aucune idée quant à savoir si c'est la base ou la privée qui paie les salaires, par exemple. Une secrétaire peut faire les deux choses dans la même journée, et on ne sait pas du tout qui paie les locaux, qui paie les bureaux, qui paie les employés. Et puis le gros problème - cela a été mis en évidence, on l'a vu par rapport aux réserves - est qu'on ne sait pas s'il y a des flux financiers entre la caisse de base et la caisse privée, sachant que la caisse de base est une caisse qui ne peut pas faire de bénéfices, qu'elle doit théoriquement redonner aux assurés les montants prélevés en trop, ce qui n'est pas le cas puisqu'on gonfle les réserves à la place de rendre aux assurés, alors que les caisses privées peuvent, elles, faire des bénéfices et les répartir à la fin de l'année entre les différentes personnes qui les gèrent. Il est d'ailleurs intéressant d'aller actuellement sur le site de la «Tribune de Genève»: on vient de publier le chiffre exact des rémunérations des anciens dirigeants du Groupe Mutuel. Or, vous savez que la caisse privée du Groupe Mutuel était sous enquête de la FINMA, et que l'une des parties de l'enquête concerne la rémunération de la direction. Vous allez donc apprendre que l'ancien directeur du Groupe Mutuel gagnait 2,2 millions par année, et son adjoint 1,8 million par année ! Pour diriger une caisse maladie privée ! Il y a donc un gros problème éthique et un gros problème de gestion de fonds; il est essentiel de séparer les caisses de base et les caisses privées, physiquement et juridiquement ! On ne peut pas accepter de continuer comme ça. (Brouhaha.) Le Conseil fédéral s'en était rendu compte puisqu'il avait accepté de proposer notre initiative, finalement déposée comme pétition, mais M. Berset avait repris le texte pour proposer un contreprojet sur la caisse publique, qui demandait exactement cela. Les Chambres fédérales ont ensuite décidé de ne pas accepter le contreprojet et de faire voter le plus vite possible la caisse publique pour l'éliminer. Donc si on ne prend pas des décisions drastiques sur la séparation financière entre les caisses de base et les caisses privées, Mesdames et Messieurs, vous allez probablement continuer à payer beaucoup trop cher votre caisse de base, parce qu'une partie de l'argent va dans les poches des privés. Je vous remercie. (Quelques applaudissements.)
Une voix. Bravo !
M. Jean-Marc Guinchard (PDC). Mesdames et Messieurs, chers collègues, la proposition de résolution 772 part également du principe acquis lors de la votation du 18 septembre sur la caisse publique, où nous avons pris acte du fait que les Suisses - pas les Genevois en particulier, mais les Suisses - souhaitaient le maintien d'une concurrence dans ce secteur et l'absence de centralisation sous forme d'une caisse publique. Juste avant cela, suite à une mise au congélateur pendant quelques mois, les Chambres fédérales ont subitement et rapidement accepté, la veille de la votation, une loi sur la surveillance des assureurs-maladie, en espérant évidemment faire capoter le résultat du vote sur la caisse. Cette loi sur la surveillance permet de donner à la Confédération un certain nombre d'armes pour intervenir auprès des assureurs, mais elle n'est à notre avis pas suffisante, notamment par rapport au problème de gestion des réserves. Qu'en est-il ?
Le problème des réserves accumulées de façon indue a été soulevé déjà en 2006, et porté à Berne par les conseillers d'Etat Maillard et Unger. Il a fallu attendre 2014, soit huit ans, pour que la Confédération admette enfin que, pour Genève, ce sont plus de 400 millions de francs qui ont été perçus en trop au titre des réserves, une somme à peu près identique pour les Vaudois, quand elle atteint près de 600 millions pour les Zurichois. Nous patienterons donc jusqu'à fin 2014, voire 2015 pour être remboursés, et le remboursement ne portera que sur le tiers de ce qui a été perçu par les assureurs. Les réserves permettent normalement aux assureurs d'engranger des sommes importantes par tête d'assuré, qui correspondent au 10% ou 15% de vos primes suivant le nombre d'assurés couverts. En moyenne, en 2006, le total accumulé des caisses était de plus de 40%, alors qu'au maximum il devrait à peine dépasser 15%. Le problème de ces réserves, c'est qu'elles sont constituées par assuré. Or, chaque année, à la période où on peut quitter son assurance, comme à l'heure actuelle, puisqu'on a jusqu'au 30 novembre pour le faire, c'est un million d'assurés, Mesdames et Messieurs, chers collègues, qui changent de caisse. Les réserves constituées sur leurs têtes restent acquises à l'ancien assureur, et la nouvelle caisse doit en reconstituer d'autres, au risque, si elle reçoit trop d'assurés parce que ses prix sont favorables, de devoir augmenter des primes qui pourtant étaient alléchantes. A notre avis, il n'y a donc pas d'utilité à ce que ces réserves soient gérées par chaque assureur, qui évidemment en fait des placements qui parfois - cela s'est avéré dans le passé - sont à risque et nécessitent ensuite d'augmenter les primes pour compenser une mauvaise gestion. La meilleure solution nous paraît donc la constitution d'un fonds fédéral, dont la gestion doit être confiée à un conseil de fondation composé de représentants de la Confédération, des cantons et des assureurs. Je vous prie, dès lors, de faire bon accueil à cette résolution ainsi qu'à la résolution 773 et à la motion 2232. Je vous remercie ! (Quelques applaudissements.)
M. Cyril Aellen (PLR). Mesdames et Messieurs, j'ai procédé à la lecture des trois projets qui nous sont soumis aujourd'hui, et j'ai constaté que les contradictions étaient assez nombreuses: certains nous demandent de tout centraliser avec une caisse et des réserves uniques, quand d'autres veulent au contraire pouvoir cantonaliser ou régionaliser la chose. Ce sont des objectifs tout à fait distincts. On nous explique qu'il faut diminuer les interlocuteurs administratifs, tout en nous disant qu'on doit impérativement séparer les complémentaires et la base, ce qui multipliera dans le même temps les démarches administratives; on nous dit aussi que les coûts de la santé ont bien moins augmenté que les primes - on passerait presque du simple au double: j'imagine donc qu'aujourd'hui les coûts de la santé représentent moins de la moitié des primes qui nous sont payées ? Non, ce n'est pas très sérieux. En revanche, ce qui me paraît important, c'est que ces objets contradictoires sont signés par les mêmes personnes, je m'interroge donc un petit peu. Tout cela pour dire encore qu'il faudrait avoir une caisse non seulement unique mais publique ! Je me réjouis de voir comment nous allons faire pour avoir des coûts moindres, compte tenu des salaires qu'on a l'habitude de verser dans la fonction publique par rapport au secteur privé. Je remarque d'ailleurs que ceux qui donnent des leçons de rémunération viennent de secteurs tout à fait précaires, dont il faudra aussi se préoccuper. Il m'apparaît donc urgent de renvoyer ces objets en commission, pour que nous puissions examiner quelles sont les vraies problématiques et décider quelles sont les pistes à explorer, le cas échéant. Et puisqu'il faut tenir compte des spécificités locales, je voulais juste attirer votre attention sur le fait que certaines communes sont opposées à la caisse publique. Il faudra donc quand même, puisqu'on découpe le territoire, que celles-ci puissent conserver la liberté qui est la leur et qu'elles ont souhaitée dans l'urne. (Quelques applaudissements.)
Une voix. Bravo !
Le président. Merci, Monsieur le député. J'imagine que votre demande de renvoi concerne la commission de la santé ? (M. Cyril Aellen approuve.) Merci. Je passe la parole à Mme la députée Caroline Marti.
Mme Caroline Marti (S). Merci, Monsieur le président. La rentrée scolaire, la première feuille du marronnier officiel et les augmentations des primes d'assurance-maladie reviennent irrémédiablement, année après année, ponctuer la vie des Genevoises et des Genevois. (Remarque.) Trêve de plaisanterie; le sujet qui nous occupe ce soir est grave puisque l'augmentation des primes d'assurance-maladie constitue une charge de plus en plus importante pour le budget des ménages genevois. A cela s'ajoutent, cette année, des mesures budgétaires que le Conseil d'Etat, dans son grand manque de sagesse, a additionnées à cette situation; je pense notamment à la suppression du subside de 40 F, mais également à des projets de lois concernant une coupe dans les prestations complémentaires cantonales. L'augmentation des primes - c'est très bien expliqué dans l'exposé des motifs de la proposition de motion 2232 - ne correspond d'ailleurs pas à l'augmentation des coûts de la santé, qui est nettement inférieure à l'augmentation des primes. On peut donc se demander où va le différentiel. Et c'est bien ce qui scandalise les Genevoises et les Genevois; cet argent part dans des réserves excédentaires, dans des frais publicitaires ou des frais administratifs. En outre, nous devons faire face à un manque de transparence des caisses maladie et à une chasse aux bons risques. Ce sont des dysfonctionnements graves, et les Genevoises et Genevois l'ont bien compris en votant le 28 septembre dernier à plus de 57% pour une caisse maladie publique. Mais cette motion, Mesdames et Messieurs les députés, parallèlement à un débat sur les coûts de la santé et sur le paiement des primes d'assurance-maladie, est éminemment fédéraliste. Elle demande de tenir compte des particularités et des souhaits régionaux. Il n'est pas ici question de remettre en cause le choix de la majorité helvétique sur la constitution d'une caisse unique; il est question de respecter la singularité et la particularité d'expression de la majorité de la population du canton de Genève. C'est pour cela que le parti socialiste a déposé ce texte, la M 2232, qui demande à ce que Berne entende la voix des Genevoises et des Genevois et attribue au canton de Genève l'opportunité de faire honneur aux souhaits de sa majorité. Par conséquent, nous demandons, Mesdames et Messieurs les députés, le renvoi des trois objets parlementaires directement au Conseil d'Etat, pour gagner du temps sur ce sujet brûlant. Je vous remercie. (Quelques applaudissements.)
Mme Sarah Klopmann (Ve). Je ne vais pas vous réexpliquer comment les primes d'assurance-maladie plombent nos budgets, ni évoquer le scandale des assurances-maladie puisque cela a déjà été fait, mais je vais me contenter de parler des textes. D'abord, les deux résolutions, toutes deux, demandent plus de transparence. La résolution qui vise à séparer l'assurance de base des assurances privées est tout simplement frappée au coin du bon sens, comme aiment à le dire certains conseillers municipaux que j'avais l'habitude de côtoyer auparavant. Il n'est pas normal que des assurances privées profitent d'avantages, de synergies matérielles notamment, parce qu'elles travaillent avec des assurances censées être sociales, ni qu'elles bénéficient des informations obtenues par ces dernières. Le coût des assurances facultatives ne devrait pas non plus se répercuter sur les assurances sociales, parce que les directeurs savent que l'assurance sociale ne sera jamais dépourvue de clients puisqu'elle est obligatoire.
La revendication de la proposition de résolution 772, qui demande de créer un fonds de réserves centralisé et que celui-ci soit géré de manière indépendante des assureurs, est tout à fait normale. On nous parle d'une pseudo-solidarité au niveau de l'assurance sociale maladie, sauf que cette solidarité est totalement biaisée ! Soit elle est vraiment globale et effectivement, tout le monde paie la même chose, soit cette solidarité n'existe pas. Mais on ne peut pas créer une solidarité d'après des pseudo-prédictions selon lesquelles certains cantons devraient payer beaucoup plus, alors qu'en fait ils ont payé moins, et inversement. Tout cela avec de petites réserves qui se créent et qui disparaissent subitement. Comment peut-on le savoir ? Simplement parce que les coûts de la santé augmentent, oui, mais modérément, alors que les augmentations des primes, elles, sont exponentielles. Et même si les primes doivent couvrir les coûts de la santé plus le fonctionnement - on en a conscience - il y a quand même une part de fonctionnement assez opaque et obscure, qui ne devrait en tout cas pas servir à enrichir des entreprises lucratives.
Ensuite, la motion demande d'essayer de pouvoir avoir le droit de créer une assurance publique; il avait été dit pendant la campagne sur la caisse publique que si le oui l'emportait à Genève ou en Romandie, on essaierait de créer quelque chose de public pour nous, simplement parce que c'est une question de justice et de respect de la volonté populaire, d'autant que nous avons été les dindons de la farce pendant suffisamment longtemps. Or, quand cela a été accepté, le Conseil d'Etat nous a dit que c'était très bien, mais qu'il attendait un signal du Grand Conseil pour avancer. Alors ce signal, nous vous le donnons ce soir: essayez de le faire, s'il vous plaît, Monsieur le conseiller d'Etat, entendez-nous !
J'aimerais quand même préciser qu'il est dommage que cette votation pour la caisse publique n'ait pas passé, parce que même si on crée ici une caisse publique, ce ne sera pas la caisse publique que nous souhaitions, qui aurait vraiment mis l'assurance-maladie à un rang social; ce serait une assurance parmi d'autres, et le jeu de la concurrence qui enrichit certains, le jeu de la chasse aux bons risques, continuerait, ce qui est vraiment dommage.
Le président. Il vous reste trente secondes.
Mme Sarah Klopmann. Oui ! Alors ces textes, certes, peuvent paraître contradictoires, mais le but est le même: se défaire de ce système de santé lucratif pour certains et péjorant pour d'autres. On s'approche chaque fois un petit peu plus de la caisse publique, bientôt on y arrivera, et les Verts sont favorables à tous ces textes, qu'ils renverront au Conseil d'Etat parce que la maladie des uns ne devrait pas remplir à outrance les poches de certains autres ! (Applaudissements.)
M. François Baertschi (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais d'abord pousser ici un cri de colère contre les assurances-maladie, contre ce système que je qualifierai d'arnaque, tellement il me révolte et me révulse. Les trois textes qui nous sont proposés posent les bonnes questions, mais j'ai en souvenir des actions de gel des cotisations menées dans les années 90, où nous, Genevois, étions partis en guerre - c'était un peu David contre Goliath - mais où nous avions perdu. Et quelque part, nous perdons toujours ! Or, je crois qu'il est très important, dans ce combat, de partir avec les meilleures armes. Alors je remercie mes collègues; je n'ai pas pour habitude d'être d'accord avec M. Buchs et M. Guinchard, mais là j'applaudis leur effort et je soutiens leur position. Je pense donc qu'on doit les suivre et les aider, mais qu'il faudrait peut-être retravailler ce texte en commission, et qu'il serait même nécessaire de l'y renvoyer, afin qu'il soit traité rapidement mais correctement. Quand on envoie un texte à Berne, on ne doit pas commettre d'erreur de naïveté ou autre; il faut viser le centre de la cible, la chose la plus juste possible, pour essayer de faire avancer au mieux ce débat, qui est malheureusement un débat de longue haleine. C'est un peu le mythe de Sisyphe: on se retrouve à porter une pierre au sommet d'une montagne, on la voit descendre et on doit la remonter. Je pense que dans ce combat important contre le lobby des caisses maladie, contre le système même des caisses maladie que je qualifierai de mafieux, et pour aller contre ces forces tellement importantes au niveau fédéral, au niveau des Chambres, en particulier, qui bloquent tout, je crois qu'il faut se donner toutes les chances de réussite. Et augmenter les chances de réussite de ces trois textes, c'est les renvoyer à la commission de la santé. Je ne suis sans doute pas d'accord avec l'analyse du député Aellen - vous transmettrez, Monsieur le président - mais je pense que dans le cas présent c'est la voie de la sagesse, et j'invite les députés de gauche qui seraient tentés d'aller vite, et Dieu sait si j'aimerais avancer aussi, à supprimer toute équivoque possible pour se donner toutes les chances de réussite. Je vous demande donc de renvoyer ces textes en commission.
M. Gilbert Catelain (UDC), député suppléant. Les trois objets qui nous sont soumis visent un premier objectif: réduire la hausse des primes. Le second concerne la gouvernance des caisses maladie. La proposition de résolution 772 fait référence à un problème connu et identifié qui a péjoré les assurés genevois. Nous pouvons soutenir cette résolution et la renvoyer en commission. La proposition de résolution 773 a également trait à la gouvernance des caisses, et la question est de savoir s'il faut séparer les assurances de base des assurances privées; ce point mérite à lui seul d'être approfondi en commission. Quant à la proposition de motion 2232, qui vise à créer un monopole d'Etat pour l'assurance de base comme solution à la hausse continue des primes maladie, elle nous interpelle. L'UDC n'est pas favorable sur le principe à une étatisation de l'assurance de base; les motionnaires ne veulent pas prendre en compte les modifications législatives qui entreront en vigueur l'an prochain. Un état des lieux devra être effectué à l'issue du premier exercice comptable. La majorité du peuple suisse, qui n'est de loin pas moins intelligente que le peuple genevois, a considéré que l'instauration d'une caisse unique n'était pas la bonne réponse à la hausse continue de la consommation de soins, due en particulier au vieillissement de la population. L'exposé des motifs n'établit pas de corrélation entre la hausse des différents facteurs de coûts, notamment les coûts des médecins - beaucoup plus élevés que ceux des pharmaciens, par exemple - et la solution proposée. Il y a fort à parier que la mise en oeuvre des mesures législatives fédérales votées à Berne et la résolution 772 devraient permettre de remplir l'objectif de la motion 2232, raison pour laquelle nous ne soutiendrons pas le renvoi de cette motion à la commission de la santé.
M. Pierre Weiss (PLR). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, certains, ici, s'agissant de la santé, aiment l'acharnement thérapeutique. On a entendu tout à l'heure Mme Klopmann dire qu'il fallait continuer jusqu'à la victoire finale; je ne sais pas si elle sera encore députée le jour de cette victoire, mais ce qui est certain, c'est que moi je ne le serai plus. Pour l'heure, il me semble que pour les raisons développées par notre collègue Catelain, il convient effectivement de s'opposer à ce qui a été voulu par une minorité dite progressiste, mais systématiquement battue par le peuple. Je relève au passage que le peuple genevois ne s'est distingué du peuple vaudois que par 1% de différence; c'est ce que j'appellerai l'effet Poggia par rapport à l'effet Maillard. Ce n'est pas beaucoup, 1% de différence, et je crois que cela doit nous conduire à la modestie. Je pense aussi que les mesures proposées montrent que l'espoir d'obtenir une majorité à Berne est à peu près dénué de tout réalisme, qu'il s'agisse d'avoir une caisse régionale ou de la possibilité de modifier encore une fois le montant des réserves.
Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur le député.
M. Pierre Weiss. On a obtenu, en matière de réserves, des montants qui certes sont peut-être insuffisants pour certains, mais qui existent réellement pour la totalité du peuple. Je pense que l'on peut, de ce point de vue là, être reconnaissant envers nos parlementaires fédéraux, qui ont fait mieux, par leur réalisme, que le jusqu'au-boutisme de certains qui nous mènent dans l'impasse. En matière de politique de la santé, les petits pas vers la guérison sont plus importants que les miracles parfois revendiqués. Je vous remercie, Monsieur le président.
Mme Jocelyne Haller (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, à force de faire des petits pas - et de tout petits pas - on finit par se marcher sur les pieds. Essayé, pas pu une fois, essayé, pas pu plusieurs fois, et pourtant le peuple genevois a demandé à réitérées reprises qu'une caisse publique soit mise en place. Beaucoup de choses ont été dites, je ne vais donc pas revenir sur le détail de l'opération, à plus forte raison parce que nous sortons quand même d'une campagne sur la caisse publique, et je pense qu'il n'y a plus lieu d'essayer de convaincre ceux qui ne veulent pas en entendre parler. Toutefois, s'il est une réalité, c'est que le canton de Genève et les cantons romands se sont majoritairement prononcés en faveur d'une caisse publique; nous l'avons énoncé à plusieurs reprises, le scandale des caisses maladie ne peut plus continuer. Des cotisations toujours plus hautes, des catalogues de prestations qui se réduisent, des populations qui n'arrivent plus à faire face à ces dépenses, et dans le même temps des prestations de santé qui sont menacées. Par conséquent, il nous paraît absolument nécessaire de renvoyer la première motion au Conseil d'Etat. Pourquoi attendre ? Nombre de choses ont déjà été dites; la plupart d'entre nous connaît sur le bout des doigts tous les arguments en faveur d'une caisse publique. Quant aux autres, ceux qui ne sont pas d'accord, ils peuvent en dire autant. Aujourd'hui, la chose est donc établie et il convient d'agir, c'est pourquoi je vous invite à renvoyer cette motion au Conseil d'Etat.
Concernant les réserves, combien de fois n'avons-nous pas dénoncé ce scandale, ce hold-up ? Et on voudrait que nous continuions à faire confiance aux caisses maladie pour gérer ces fonds ? Je crois que la proposition qui nous est faite aujourd'hui de créer un fonds fédéral pour gérer ces montants de manière centralisée est tout à fait opportune, parce qu'elle permettrait effectivement d'avoir enfin une transparence par rapport à ces sommes, et ensuite d'éviter que le hold-up ne continue. C'est pourquoi le groupe Ensemble à Gauche vous invite à renvoyer ces trois objets au Conseil d'Etat, et je le remercie de leur donner la suite qui convient. Je vous remercie de votre attention.
M. Bertrand Buchs (PDC). Je pense qu'il serait dommage de renvoyer en tout cas les deux résolutions à la commission de la santé, parce qu'il s'agit de sujets traités actuellement à Berne et qui sont purement fédéraux; le canton n'aura pas grand-chose à dire sur la façon de faire. Et puisque la semaine prochaine la commission de la santé du Conseil national parlera de la pétition que nous avons déposée sur cette séparation des caisses maladie publiques et privées, il serait judicieux de renvoyer la résolution concernée directement à Berne pour qu'on puisse rendre compte rapidement de la volonté du parlement genevois. Si on la renvoie en commission, cela prendra plusieurs mois, on ne pourra pas le faire avant la fin de l'année prochaine, et alors les résolutions que nous avons déposées n'auront plus aucune valeur au niveau fédéral. Donc c'est vraiment important - c'est pour cela que nous avons demandé l'urgence et que nous avons lié ces objets - que ces résolutions soient renvoyées à Berne, tout comme la motion. En les renvoyant en commission, vous allez changer quoi ? Rien ! Renvoyer en commission, cela veut dire que vous ne voulez simplement pas accepter ces objets. Mieux vaut alors refuser de les voter aujourd'hui, comme ça on ne se réunit pas en commission. Mais savoir s'il faut séparer la caisse privée de la caisse de base, c'est un problème qui est fédéral, et cela a été bien mis en évidence, vous n'avez qu'à lire la presse. Moi qui suis pourtant un des rares vrais libéraux pure souche au niveau de mon travail, je défends cette séparation parce que je vois, à longueur de journée et à longueur de mois, que l'on est en train de voler les gens et que, comme l'a très bien dit M. Baertschi, on est dans un système mafieux à la limite d'une dénonciation à la justice. Ce qui est en train de se passer est extrêmement grave, et il est très probable que l'enquête de la FINMA sur le Groupe Mutuel mettra prochainement en évidence des choses qui seront très étonnantes. Je vous remercie.
M. Marc Falquet (UDC). Je trouve un peu trop facile de s'attaquer uniquement aux caisses maladie; est-ce qu'elles sont les seules responsables des coûts de la santé ? Est-ce qu'elles agissent toutes comme des voyous ? Qui est en train de faire un effort pour réduire les coûts de la santé aujourd'hui, en Suisse ? Ce sont les pharmaciens. Entre 2000 et 2014, on a fait passer les coûts de la santé dans leur secteur de 18% à 9%. Dans un même temps, les coûts des médecins sont passés de 60% à 80%; les honoraires des spécialistes sont exorbitants ! Vous allez dix minutes chez un spécialiste, il vous facture 300 F. Là aussi, il y a une question à se poser sur les tarifs médicaux. Evidemment, ce n'est pas de notre ressort, c'est du ressort de Berne, mais il ne faut pas seulement s'attaquer aux assurances-maladie; ce ne sont pas les seules responsables de l'augmentation des coûts.
M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, vous connaissez ma position personnelle sur le sujet; je suis donc évidemment sensible aux motifs qui vous amènent à solliciter le Conseil d'Etat sur ces deux questions. (Brouhaha.) Je considère cependant qu'il ne faut pas confondre célérité avec précipitation. Nous sommes des Genevois, et nous devons nous regarder nous-mêmes avec les yeux des Bernois, des Confédérés, qui considèrent trop souvent - peut-être à l'excès mais c'est une réalité - que Genève est un peu une anomalie dans le paysage helvétique. Lorsque nous agissons, nous devons le faire avec réflexion, avec concertation, parce qu'il serait trop facile, pour les autres, de rejeter une fois de plus les démarches que nous entreprenons. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Nous n'allons pas ici refaire le débat qui a précédé la campagne de la votation du 28 septembre; ce que pense de nos caisses maladie une majorité de Genevoises et de Genevois est connu de tous. Le système actuel est insatisfaisant... (Brouhaha. L'orateur s'interrompt.)
Le président. S'il vous plaît !
M. Mauro Poggia. Merci, Monsieur le président. Le système actuel est insatisfaisant, même s'il est vrai aussi que les assureurs-maladie n'ont pas tous les défauts; nous avons tous une responsabilité partagée dans le domaine des coûts de la santé. Il est également juste de dire que la caisse unique ne sera pas le remède miracle à toutes les problématiques. Cette caisse est cependant un instrument indispensable de mesure, d'observation, pour la maîtrise des coûts de la santé.
Si je reprends tout d'abord, parmi les textes qui nous sont soumis aujourd'hui, la motion, je ne suis pas certain que sa forme soit le meilleur moyen pour amener le Conseil d'Etat à formuler une initiative au sens de l'article 160 de la Constitution fédérale. Cela dit, je comprends bien le but des motionnaires. Vous parlez de caisse publique: là, je pense qu'il faut réfléchir ensemble. Car s'il s'agit indiscutablement d'une entité qui aura des tâches de droit public, comme toutes les assurances-maladie qui travaillent dans ce domaine en Suisse, faut-il véritablement que sa nature soit de droit public ? Ne peut-on pas imaginer une assurance privée qui ait des tâches de droit public ? Ne peut-on pas imaginer aussi, dans un délire onirique, que le Groupe Mutuel, qui est situé en Valais - canton qui, vous le savez, a refusé l'initiative compte tenu des problématiques d'emploi qui lui sont propres - soit finalement l'instrument de cette caisse unique intercantonale romande qui pourrait voir le jour ? Rien n'est exclu à priori, et je pense que nous ne devons rien écarter dans un texte trop restrictif que nous présenterions aux Chambres fédérales. Pas plus tard que lundi prochain, la conférence latine des préposés aux affaires sociales et de santé, dont je fais partie, se réunira; la question est à l'ordre du jour. A mon avis, parmi les cantons romands, une majorité sera prête, simultanément, à saisir les parlements cantonaux respectifs pour qu'un mouvement uni et uniforme se dirige vers une initiative qui ne sera plus une initiative genevoise, mais un faisceau concordant d'initiatives vers un but commun, celui qui, nous le pensons, a été exprimé par les Genevois. Quand je dis «nous le pensons», j'estime que là aussi, en tant que démocrates, nous devons nous épargner des raccourcis dangereux. Ce n'est pas parce que les Genevoises et les Genevois ont dit oui à l'initiative fédérale qu'ils diraient forcément oui à l'initiative pour une caisse cantonale unique. Je pense personnellement qu'ils la soutiendraient davantage encore, mais ce n'est que mon avis personnel, et sur ce point, vous devrez être à mon sens les porte-parole de l'opinion qu'exprimera le peuple. Et celui-ci devrait, selon moi, se prononcer non pas sur une motion mais sur un texte plus abouti qui devrait être non pas genevois, mais négocié en commun par tous ces cantons romands - je dis «romands» car le Tessin rejoindra difficilement le mouvement - qui, ensemble, décideront de faire cette démarche pour modifier l'article 4 de la LAMal et permettre aux cantons qui le souhaitent d'instaurer sur leur territoire une caisse unique, quelle qu'en soit la forme. Raison pour laquelle je pense que cette motion devrait être renvoyée en commission, pour que nous l'affinions et que l'on ne puisse pas nous reprocher, je l'ai dit, une certaine précipitation.
En ce qui concerne le fonds unique de réserves, je crois qu'effectivement - et c'est le bon sens même - avoir un fonds unique serait une bonne chose pour tout le monde. Cela éviterait d'avoir à reconstituer systématiquement ces réserves chaque fois que l'on change de caisse, cela permettrait de ne modifier les réserves accumulées que selon les fluctuations inhérentes aux coûts de la santé, et cela permettrait surtout, puisqu'il y aurait huit millions d'assurés qui constitueraient ces réserves, d'en diminuer drastiquement le taux. Par contre, vous ne devez pas perdre d'esprit que l'article 60 de la LAMal donne une double fonction aux réserves fédérales: ces réserves doivent permettre non seulement de supporter les coûts afférents aux maladies déjà survenues, mais également de garantir la solvabilité des caisses à long terme. Alors si pour la solvabilité à long terme on peut évidemment imaginer ce fonds unique, pour garantir les coûts des maladies déjà survenues, chaque caisse vous dira, et à juste titre en l'état actuel de la législation, qu'on ne peut pas la spolier des réserves qui lui sont nécessaires précisément afin de répondre aux besoins de ses propres assurés. Faisons donc attention, là aussi, que notre rapidité de réaction ne revienne pas à de la précipitation. Raison pour laquelle, sur ce point également, je suggère que le texte soit réfléchi et affiné en commission.
Enfin, en ce qui concerne la séparation des assurances de base et des assurances complémentaires privées, c'est le bon sens également. Les médecins avaient d'ailleurs lancé une initiative qui malheureusement n'a pas réuni les signatures voulues. Par contre, il s'agit d'être, ici aussi, plus subtil. Il faut savoir qu'à la fin de l'année dernière, seules seize caisses, sur plus d'une soixantaine encore actives dans l'assurance de base, offraient simultanément des assurances complémentaires aux assurés. Cela veut dire que les assureurs, qui ont toujours un coup d'avance, savent déjà que l'on va aller dans ce sens-là, que bientôt on leur demandera de choisir et qu'ils ne pourront plus proposer à la fois l'assurance de base et des assurances complémentaires. Ils sont donc préparés à ce que vous allez leur mettre sous le nez. La séparation juridique est déjà une réalité. Mais il faut être plus subtil ! Il faut une séparation économique ! Il faut une séparation structurelle ! Aujourd'hui, vous avez des groupes de sociétés dont l'une propose l'assurance de base et l'autre l'assurance complémentaire. Mais évidemment, lorsque le courtier se rend auprès de l'assuré, il a le formulaire pour l'assurance de base - qu'il ne présente évidemment qu'au jeune et bien portant - et simultanément le formulaire d'une autre caisse pour laquelle il travaille pour l'assurance complémentaire. Vous pouvez donc dire aux assureurs que les caisses doivent être séparées, cela ne leur fera ni chaud ni froid puisqu'ils pourront toujours présenter deux feuilles avec des en-têtes différents. Par conséquent, là aussi, prenons le temps de la réflexion, parce qu'il faut être précis pour ne pas rater la cible. Sur ce point également, je vous demande donc de renvoyer cette résolution en commission. Je vous remercie. (Quelques applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Nous passons au vote sur la proposition de motion 2232. Nous avons une demande de renvoi à la commission des affaires sociales. (Protestations. Brouhaha.) Commission de la santé, pardon, nous avions tous compris ! Je mets aux voix cette demande.
Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 2232 à la commission de la santé est adopté par 53 oui contre 38 non et 1 abstention.
Le président. Nous votons maintenant sur la proposition de résolution 772. Je vous soumets la même demande de renvoi à la commission de la santé.
Mis aux voix, le renvoi de la proposition de résolution 772 à la commission de la santé est adopté par 60 oui contre 30 non et 2 abstentions.
Le président. Nous procédons à la même opération pour la proposition de résolution 773.
Mis aux voix, le renvoi de la proposition de résolution 773 à la commission de la santé est adopté par 62 oui contre 25 non et 4 abstentions.