Séance du
vendredi 19 septembre 2014 à
20h30
1re
législature -
1re
année -
11e
session -
74e
séance
M 2219 et objet(s) lié(s)
Suite du débat
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous poursuivons nos travaux sur les propositions de motions 2219 et 2217. La parole est demandée par M. Catelain. Allez-y, Monsieur le député, il vous reste une minute et cinq secondes.
M. Gilbert Catelain (UDC), député suppléant. Merci, Monsieur le président. Très rapidement, pour dire qu'à l'époque le groupe UDC s'était opposé au vote de la LIASI, loi qui sur le fond était certainement positive mais dont on percevait le risque qui se manifeste aujourd'hui, à savoir une dérive financière, notamment parce qu'on avait élargi le cercle des bénéficiaires. Actuellement, plusieurs facteurs concourent à ce que le Conseil d'Etat, financièrement, sorte des clous, et on ne sait pas quelle est sa motivation profonde par rapport à sa décision...
Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur le député.
M. Gilbert Catelain. ...de diminuer ce supplément de 300 F. Est-ce que c'est à cause des objectifs qui ne sont pas atteints ou est-ce effectivement un problème d'argent ? Il n'empêche que nous proposons, nous, qu'il y ait un contrôle des objectifs, qu'on travaille en commission pour savoir si le résultat souhaité, la réinsertion, est obtenu ou pas, et il appartiendra à la commission de se déterminer sur le bien-fondé...
Le président. Il vous faut conclure, s'il vous plaît, Monsieur le député.
M. Gilbert Catelain. ...de ces méthodes. Je vous propose donc de discuter de tout cela sereinement à la commission sociale; il ne doit pas y avoir de tabous par rapport à une décision qui a été prise il y a cinq, six ans ou plus. On peut la remettre en cause...
Le président. C'est terminé, Monsieur Catelain !
M. Gilbert Catelain. ...sachant que dans le même temps, à 100 kilomètres d'ici, la préfecture de Bourg-en-Bresse loge les requérants d'asile sous tente !
Le président. Merci !
M. Gilbert Catelain. Nous sommes dans une situation complètement différente.
Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à M. Patrick Saudan. Allez-y, Monsieur le député. (L'orateur commence à s'exprimer hors micro.) Attendez, vous n'avez pas le micro ! Voilà, c'est bon.
M. Patrick Saudan (PLR). Merci beaucoup, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, une politique sociale se doit non seulement d'améliorer le sort des plus démunis de notre société, mais aussi d'être efficace. Concernant la décision du Conseil d'Etat de diminuer ce supplément d'intégration de 300 F à 150 F et de le ramener dans la moyenne suisse, j'aurais aimé que Mme Marti - vous transmettrez, Monsieur le président - mentionne également, dans sa diatribe violente contre la politique du Conseil d'Etat, que les 9 millions d'économies engendrés par cette mesure sont destinés à un programme de formation brève pour les plus précarisés. C'est indiqué dans l'exposé des motifs, c'est vrai, mais sur un ton de défiance envers le Conseil d'Etat.
Nous aussi, au PLR, nous pouvons nous interroger sur la pertinence de cette mesure. Et je tiens à saluer le discours du MCG à cet égard; nous sommes d'accord avec eux. (Commentaires.) Nous pouvons laisser l'opportunité au Conseil d'Etat de nous expliquer, en commission sociale, comment il compte réallouer ces 9 millions pour développer ce programme de formation brève.
Concernant la politique sociale du Conseil d'Etat, j'aimerais que ce parlement se penche un petit peu plus sur les statistiques. Parce que c'est vrai, nous connaissons tous des histoires individuelles dramatiques socialement parlant. Mais il y a les faits, et il y a les statistiques fédérales et cantonales. A Genève, 4% de gens, selon l'office cantonal de la statistique, dépendent de l'Hospice général et représentent vraiment les personnes les plus précarisées de notre société. En comparaison intercantonale, nous sommes juste au-dessus de la moyenne suisse qui est de 3%. Alors oui, nous avons plus de gens dans le besoin, c'est clair, et nous devons nous en occuper. Mais quels sont les cantons les plus généreux en matière de prestations sociales en Suisse ? Il y en a trois: Bâle et, juste derrière, Neuchâtel et Genève. Donc au lieu de dire qu'on mène une politique indécente, une politique antisociale, j'encourage les gens à faire preuve d'un peu plus de modération. Je pense que ce parlement aurait tout à gagner à être davantage dans une analyse factuelle des décisions du Conseil d'Etat et de leurs conséquences, plutôt que de céder à des propos caricaturaux et emphatiques. C'est pour cela que le PLR vous recommande de renvoyer ces motions à la commission des affaires sociales. (Applaudissements.)
M. Jean-Luc Forni (PDC). Le parti démocrate-chrétien avait déjà exprimé, lors de la séance du Grand Conseil de juin dernier consacrée à l'approbation des états financiers individuels de l'Etat de Genève, qu'il désapprouvait la coupe de 50% du supplément d'intégration de l'aide sociale comme première mesure d'économie, dans un budget qui aujourd'hui est qualifié de budget de raison. Nous attendons toutefois des réformes structurelles de l'Etat en profondeur, et nous espérons que le Conseil d'Etat va s'y atteler rapidement, quitte à affronter certaines foudres populaires que provoqueraient des baisses de prestations dans d'autres domaines. Genève peut-elle vraiment se permettre de continuer de donner de sa main droite des avantages importants à certains corps constitués - par exemple, le paiement intégral des frais d'assurance-maladie pour les membres du corps de police, corps de police pour lequel le parti démocrate-chrétien a une très haute estime... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...je le souligne encore une fois - et dans le même temps reprendre de sa main gauche les montants nécessaires à assurer une vie digne aux plus précarisés ? Eh bien le parti démocrate-chrétien veillera à ce que le train d'économie nécessaire à notre canton ne laisse pas les plus démunis au bord de la route. (Commentaires.)
La motion 2219 le rappelle, l'article 39, alinéa 1 de notre constitution précise que «toute personne a droit à la couverture de ses besoins vitaux afin de favoriser son intégration sociale et professionnelle». L'article 1 de la LIASI énonce que l'objectif principal de l'aide sociale est de «prévenir l'exclusion sociale et d'aider les personnes qui en souffrent à se réinsérer dans un environnement social et professionnel». Il faut en convenir, la décision du Conseil d'Etat s'inscrit mal dans l'esprit de ces deux lois. Bon nombre de professionnels du domaine de la santé et du social, dont je fais partie, comme plusieurs députés présents sur ces bancs, savent bien qu'une coupe de 150 F peut paraître très légère mais constitue souvent un montant crucial pour des petits budgets et sert même, pour ceux qui remplissent les objectifs de leur contrat d'insertion, à payer parfois des surplus de factures courantes, des frais médicaux imprévus, des frais de dentiste, etc. Tous ceux qui ont assisté à l'inauguration de Cité générations - et vous étiez des nôtres, Monsieur le conseiller d'Etat - ont entendu la maire de Bernex, Mme Kast, dire que Bernex... (Commentaires.) Onex, pardon ! La maire d'Onex disait que bon nombre des occupants des appartements sociaux de la commune d'Onex avaient des poursuites importantes, notamment en raison de frais médicaux non payés. Dès lors, le rapport bénéfice-risque d'une telle coupe est-il vraiment satisfaisant ? En vaut-il vraiment la peine ? Nous ne le pensons pas, car l'aggravation de la précarité a un coût qu'il convient de ne pas sous-estimer, et qui peut se révéler plus important que le bénéfice de 8 millions articulé dans le cadre de cette mesure.... (Brouhaha.) ...même si ces 8 millions sont, comme on l'a entendu tout à l'heure, réaffectés...
Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur le député.
M. Jean-Luc Forni. ...à des objectifs bien précis. Je souligne encore que si on veut s'aligner sur des montants intercantonaux équivalents, je crois qu'il faut aussi le faire par rapport à des cantons qui ont le même niveau de vie que Genève. Pour toutes ces bonnes raisons, Mesdames et Messieurs les députés, le PDC vous demande de renvoyer ces deux motions au Conseil d'Etat. Je vous remercie. (Applaudissements.)
Mme Lydia Schneider Hausser (S). Mesdames et Messieurs les députés, quand on cherche de l'argent, on va soit vers les banques, soit vers les gens qui ont les moyens dans notre réseau. On ne va pas vers les plus pauvres de nos connaissances ! Sauf qu'ici, on a la preuve que, quand on a beaucoup de pauvres, si on leur enlève un petit quelque chose, on arrive à obtenir 9 millions. C'est de l'indécence, et c'est surtout absolument illogique en termes de paix sociale, en termes de solidarité, quasiment en termes de démocratie. Cette économie est un peu facile: quelque part, on s'en prend à ceux qui peuvent le moins se défendre; elle est surtout catastrophique pour plus de 15 000 personnes qui, on l'a dit, paient avec cette prime des parts de loyer, des frais divers et multiples, y compris le téléphone - qui est quasiment perçu comme un luxe - voire les abonnements TPG. Très bien ! On économisera 9 millions là, et on les retrouvera à l'office des poursuites ! Quand on n'a pas de quoi finir le mois, on choisit, et souvent on a déjà du mal à manger correctement.
Dire que le CASI peut être réduit, c'est vraiment oublier ce qui s'est passé en 2010, c'est oublier le contrat qui avait été conclu avec tous les travailleurs sociaux, avec tous les gens se trouvant à l'aide sociale, qui prévoyait qu'on retirait 300 F de l'entretien de base et qu'on en faisait une prime à l'insertion. (Brouhaha.) On en a fait un bonus pour ceux qui sont actifs, même si c'est de l'hypocrisie, M. Baud l'a encore rappelé tout à l'heure.
Par ailleurs, on enlève ces 150 F prétendument pour des mesures d'insertion. L'année dernière, l'Hospice général a eu 10 millions de non-dépensé pour l'insertion. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Donc cet argent, il existe ! Pourquoi le prendre là-dessus ? C'est vraiment un mensonge.
Mais je sais que cette mesure profitera en tout cas à un domaine, celui de l'immobilier. C'est vrai que dans l'immobilier, avec cette mesure-là, vous aurez tout loisir de récupérer des appartements de gens évacués qui n'arriveront pas à payer leur loyer ! Voilà, c'est un gain, il faut y penser, c'est dans la balance !
Pour terminer, je suis quand même pour le moins surprise, mais aussi atterrée, par le comportement du groupe MCG. C'est bien d'avoir le courage de s'opposer par une motion, mais si vous voulez faire quelque chose, c'est maintenant ! C'est maintenant qu'il faut renvoyer au Conseil d'Etat ! C'est hypocrite d'attendre !
Le président. Il vous reste trente secondes, Madame la députée.
Mme Lydia Schneider Hausser. La mesure a déjà pris effet début septembre; si on veut faire quelque chose, il faut renvoyer ces deux motions au Conseil d'Etat; sinon, ça veut dire qu'on les enterre et qu'on aura juste fait belle figure ! (Applaudissements.)
Mme Frédérique Perler (Ve). De nombreux éléments ont été analysés depuis le début de ce débat, ce qui me permet d'entrer dans le vif du sujet. J'écoute toujours avec très grande attention, et le groupe des Verts avec moi, ce que nous dit le Conseil d'Etat. Et ce que le Conseil d'Etat nous a dit dans son discours de Saint-Pierre, c'est que personne ne devait rester au bord du chemin. Ça, c'est une première chose.
La deuxième chose, je l'ai entendue tout à l'heure de la bouche de M. le conseiller d'Etat Poggia à propos du débat sur le chômage. Il nous a dit que son souci était de donner à la population le sentiment que les autorités étaient derrière elle, derrière toutes les personnes qui sont en situation de chômage et qui travaillent dans les officines du chômage. Cela, vous l'avez entendu tout comme moi, Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues. (Commentaires.) Alors que s'est-il passé ? Avec cette décision de retrancher purement et simplement la moitié du forfait d'intégration d'aide sociale, eh bien le Conseil d'Etat a franchi un pas de plus dans la précarisation des plus démunis. A travers une telle mesure, quel est le signal donné par le Conseil d'Etat - vous transmettrez, Monsieur le président - à la population et aux bénéficiaires ? Eh bien le message véhiculé est calamiteux car il porte à croire que l'aide sociale est encore trop généreuse, alors que c'est tout le contraire. Cela a été dit et répété, Genève est une des villes les plus chères du monde; avec un petit budget, chaque franc compte. Alors que la précarité augmente à Genève, cette mesure revient vraiment à mettre les personnes précarisées dans une situation extrêmement pénible. Elle les stigmatise, appauvrit les plus démunis et met en péril l'intégration tant recherchée par nos politiques sociales. (Brouhaha.)
Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, faites un simple calcul: retranchez entre 11% et 14% de vos revenus depuis le 1er septembre, et regardez comment vous allez boucler votre budget à partir de là. Peut-être que vous arriverez tout à fait à assurer vos besoins vitaux, mais vous aurez quand même quelques choix à faire. Ici, sur un budget d'aide sociale, avec cette diminution de 150 F pour une personne seule, eh bien le Conseil d'Etat laisse aux gens un peu moins que le minimum vital fixé par l'office des poursuites, qui est une norme extrêmement sévère et punitive, alors que le minimum vital social doit, lui, permettre de rester intégré et de subvenir dignement à ses besoins.
Maintenant, pour répondre aux commentaires de M. Saudan - je regrette qu'il ne soit plus là - qui précisait que cette économie recherchée de 9 millions était destinée à un programme de formation: Mme Lydia Schneider Hausser a bien rappelé que c'était un pur mensonge, puisque l'Hospice général n'a pas utilisé la totalité du budget qui était dévolu à cette nouvelle mission.
Le président. Il vous reste trente secondes, Madame la députée.
Mme Frédérique Perler. M. Saudan nous prie également de faire preuve de plus de modération. Eh bien nous pensons, nous les Verts, qu'il est plutôt juste que ce Grand Conseil exprime son indignation, car derrière les statistiques il y a des personnes, et il convient de s'en souvenir. Pour ces raisons, nous renverrons ces deux motions directement au Conseil d'Etat, sachant - et je le dis à l'adresse de l'UDC et du MCG qui souhaitent renvoyer en commission - qu'il y aura déjà, à la commission des affaires sociales...
Le président. Il vous faut conclure, Madame la députée.
Mme Frédérique Perler. ...une pétition munie de 4000 signatures ainsi qu'un projet de loi. Il s'agit maintenant de donner un signal fort à notre Conseil d'Etat. Je vous remercie de votre attention. (Quelques applaudissements.)
Mme Jocelyne Haller (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, M. Baud, tout à l'heure, a décrété que le CASI n'atteignait pas ses objectifs. Eh bien je peux vous dire qu'en 2006, lorsqu'on a enlevé 300 F au forfait de base pour en faire un supplément d'intégration, les professionnels de l'action sociale le disaient déjà ! Ils s'étonnaient d'ailleurs qu'on parle autant d'insertion... (Brouhaha.)
Le président. S'il vous plaît, un peu de silence !
Mme Jocelyne Haller. ...et qu'on fixe cela de manière aussi péremptoire, au moment où l'insertion se faisait de plus en plus difficile. J'aimerais quand même attirer votre attention sur le fait que la CSIAS elle-même, dont est issue cette notion de supplément d'intégration, en est venue, il y a un ou deux ans, à se poser elle-même la question de l'opportunité de cette mesure, dont elle ne voyait plus trop le sens.
Cela étant, je regrette que le MCG, qui avait effectivement fait un acte de courage en déposant cette motion, décide de la renvoyer en commission pour examen, sous prétexte d'étudier l'opportunité de ce supplément d'intégration. Je formulerai ici une autre proposition: nous avons deux motions sur ce sujet, deux motions concernant une diminution de prestations qui a pris effet au 1er septembre de cette année, il y a dix-neuf jours. Renvoyer en commission, c'est perdre encore plus de temps. Je vous suggère donc de traiter ces deux motions sur le siège, et, si vous souhaitez discuter de l'opportunité du CASI, je vous rappelle que nous sommes quelques-uns à avoir déposé un projet de loi pour fixer les montants de l'aide sociale dans la LIASI. Dans ce cadre-là, vous aurez toute opportunité pour discuter du bien-fondé ou non du CASI et de ce supplément d'intégration. Mais aujourd'hui, il est important pour les gens qui ont subi une perte aussi importante que le Conseil d'Etat prenne position et que nous donnions, nous, un signal très clair.
Par ailleurs, j'aimerais juste rappeler que depuis 2005, moment où l'indexation automatique a été supprimée avec l'avènement de la LIASI, il n'y a eu qu'une seule indexation des prestations d'aide sociale. Et encore, uniquement sur le forfait de base, ce qui équivaut à un montant de 17 F ! De 2005 à ce jour, 17 F d'indexation, alors que le coût de la vie a augmenté d'au moins 4%. En ce qui concerne les loyers, c'est depuis 2001 qu'ils n'ont pas été indexés ! Faites le compte entre les loyers de 2001, les loyers d'aujourd'hui, et dites-moi comment les gens peuvent arriver à payer leur loyer dans ces conditions, sans mettre en péril le forfait d'entretien.
Enfin, parce qu'il se dit parfois des choses intéressantes et qu'il y a des grands esprits qui se rencontrent mais qui ont tendance à se perdre par la suite, j'aimerais juste relever une citation que je tire des débats du 11 février 2011. Je pense que la personne qui a tenu ces propos se reconnaîtra: «Le groupe MCG est évidemment conscient de la préoccupation du Conseil d'Etat de maintenir des finances saines. Or même si, jusqu'à aujourd'hui, les prestations sociales ont toujours été indexées, il se pourrait que, un jour, nous vivions effectivement des périodes plus difficiles. Il n'en demeure pas moins que, pour notre groupe, ces périodes difficiles ne doivent pas être au détriment des plus défavorisés. Nous considérons, comme l'a dit très justement le représentant du groupe des Verts, que, en francs constants, l'aide sociale doit rester constante également. Donc nous estimons effectivement que cet amendement» est justifié...
Le président. Il vous reste trente secondes, Madame la députée.
Mme Jocelyne Haller. ...que cette indexation existe et que dans les faits elle devrait pouvoir être fixée dans la loi. Alors j'invite l'auteur de ces propos - et je pense à vous, Monsieur Poggia - à mettre cette profession de foi en pratique et à rétablir les 150 F qui ont été ôtés aux bénéficiaires de l'aide sociale. Je vous remercie de votre attention. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Madame la députée. Monsieur Frey, je vous passe la parole, mais il ne vous reste que six secondes !
M. Christian Frey (S). Merci, Monsieur le président. En six secondes, j'aimerais simplement dire qu'il est faux... (Brouhaha.)
Une voix. C'est terminé !
M. Christian Frey. ...de prétendre que les chiffres genevois sont beaucoup plus élevés que les autres en Suisse. Actuellement...
Le président. Merci, Monsieur !
M. Christian Frey. ...on est 10 F en dessous des normes de la CSIAS...
Le président. C'est terminé, Monsieur Frey !
M. Christian Frey. ...et c'est de ça qu'on parle; c'est de là qu'on rétrocède encore quelque chose...
Le président. Merci !
M. Christian Frey. ...et il faut renvoyer au Conseil d'Etat !
M. Daniel Sormanni (MCG). Mesdames et Messieurs les conseillers... les députés, pardon... (Rires.) ...en ce qui concerne le MCG, nous continuons à dire que nous sommes contre cette baisse linéaire sans distinction ! C'est clair !
Des voix. Alors renvoyez au Conseil d'Etat !
Mme Marie-Thérèse Engelberts. On fait ce qu'on veut !
M. Daniel Sormanni. Cela dit, je pense qu'il y a un certain nombre de choses qui doivent être examinées. (Commentaires.) Vous le savez, Mesdames et Messieurs, notamment vous, sur les bancs de l'Alternative: ceux qui abusent pénalisent ceux qui ont vraiment besoin d'aide dans notre république. (Commentaires.) Tout cela doit être étudié, et ça doit être fait en commission ! Je crois qu'il ne faut pas pleurer sur l'inflation, ça fait deux ans qu'il y a zéro inflation à Genève, et les prévisions 2014 sont extrêmement faibles aussi ! Donc ne venez pas dire qu'il y a un problème d'inflation. (Commentaires. Brouhaha.) La LIASI, ça ne marche pas comme ça devrait, ça fonctionne mal, et ce n'est pas simplement par une motion qui dit qu'on rétablit les 150 F que le problème sera résolu. Non, le problème ne sera pas résolu ! Il y a des gens ici, dans cette république, qui sont à la peine, qui sont en difficulté, et il ne s'agit pas simplement de réintroduire pour tout le monde ces 150 F. C'est pour cela que nous voulons faire un tour en commission; M. Poggia est d'accord avec cette vision des choses, nous avons confiance en lui, il est nouveau aux manettes, cela fait quelques mois qu'il est là, et il faut réexaminer et peut-être changer un certain nombre de dispositions de la LIASI. Ce supplément d'intégration doit justement être un supplément d'intégration et non une subvention automatique attribuée à tout le monde, quelles que soient les conditions, quels que soient les efforts fournis - pour ceux qui peuvent en faire. Il est trop facile de se contenter de ça et de dire que c'est terminé. Non ! Il faut examiner la situation d'une manière plus approfondie en commission. C'est pour cela que nous continuons de vous inviter à renvoyer ces deux motions à la commission des affaires sociales, quitte à ce que la commission - je ne sais pas qui est le président ou la présidente - étudie cela rapidement, pour qu'on revienne vite devant ce plénum afin de corriger les erreurs et de rétablir, pour ceux qui en ont besoin, le supplément d'intégration à 300 F. (Quelques applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à M. le député Carlos Medeiros, à qui il reste une minute et quarante-cinq secondes.
M. Carlos Medeiros (MCG). Merci, Monsieur le président. On ne peut pas laisser dire tout et n'importe quoi; le MCG, depuis toujours, se soucie des petites gens... (Protestations.) ...se soucie...
Le président. S'il vous plaît !
M. Carlos Medeiros. ...de ceux qui sont défavorisés, et vous transmettrez aux bancs d'en face que ce sont leurs magistrats qui, pendant des années, avec une politique d'arrosage tous azimuts, ont creusé une fosse des Mariannes, ici, dans ce parlement ! Et aujourd'hui, malheureusement, nous avons un magistrat qui doit tout faire pour essayer de réparer les bêtises - je n'ai pas peur de le dire ! - que vous avez faites pendant des années. (Protestations.) Oui, Mesdames et Messieurs !
Le président. Chut !
M. Carlos Medeiros. Votre politique sociale... (Brouhaha.) ...était basée sur un arrosage tous azimuts ! Vous avez donné de l'argent à n'importe qui, sous n'importe quelles conditions, et nous avons aujourd'hui un magistrat qui se trouve dans un département très difficile et qui doit repenser de fond en comble toute l'assistance sociale. (Commentaires.) Je tiens quand même à vous dire qu'indépendamment du fait que nous nous battions - et nous continuerons à nous battre - pour que ces 150 F ne soient pas retirés... (Commentaires.) ...nous devons aussi nous poser des questions de fond pour savoir pourquoi, même dans ces conditions...
Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur le député.
M. Carlos Medeiros. ...l'assistance sociale va augmenter de 22 millions dans le prochain budget ! Il n'y a pas de coupe, comme vous le prétendiez, mais nous sommes malheureusement forcés de faire des choix; peut-être que ce ne sont pas les bons...
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député !
M. Carlos Medeiros. ...mais nous aurons l'opportunité, en commission, de dire à notre magistrat qu'il fait fausse route et qu'il ne faut pas procéder à cette suppression ! Merci !
Une voix. Bravo !
Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à M. Pierre Weiss. Il vous reste une minute, Monsieur le député.
M. Pierre Weiss (PLR). Merci, Monsieur le président. Ce sera bien suffisant pour vous dire que je n'ai pas l'habitude de partager les avis de M. Sormanni, mais que j'estime que ce soir il a entièrement raison. Il ne s'agit pas de distribuer des subventions de façon arrosoir, il s'agit au contraire de sélectionner les gens qui ont véritablement besoin de cet argent et à qui une diminution de 150 F causerait un préjudice sérieux. Au surplus, une démarche d'intégration est la moindre des choses que l'on peut être en droit d'exiger dans une société...
Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur le député.
M. Pierre Weiss. ...de devoirs et de responsabilités. Il y a des droits, il y a aussi des devoirs, le devoir ici est de montrer à la société qui vous apporte son secours que vous êtes conscient du rôle que vous avez à jouer, et que vous ne vous laissez pas nourrir...
Le président. Il vous faut conclure, s'il vous plaît !
M. Pierre Weiss. ...sans raison. (Commentaires.) Monsieur Sormanni, j'approuve donc vos propos de ce soir ! Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à M. Ducommun, bien qu'il ne vous reste que dix secondes, Monsieur le député !
M. Michel Ducommun (EAG). Merci, Monsieur le président. Très rapidement, juste une remarque: notre collègue a évoqué le fait que les 9 millions économisés serviraient à la formation. Je suis désolé...
Le président. C'est terminé, Monsieur le député !
M. Michel Ducommun. ...mais on a reçu un budget, il y a 9 millions d'économies là-dessus...
Le président. Merci, Monsieur le député !
M. Michel Ducommun. ...et zéro pour quoi que ce soit de nouveau sur la formation !
Le président. C'est terminé, Monsieur Ducommun !
M. Michel Ducommun. Il y a quand même un problème ! (Commentaires.)
Le président. Merci ! Je passe la parole à M. le conseiller d'Etat Mauro Poggia.
M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, c'est un sujet évidemment délicat parce qu'il touche des personnes démunies. Il faut quand même rappeler quelques chiffres: ce sont 270 millions qui sont versés par l'Etat de Genève au titre de l'assistance sociale exclusivement. Malgré la mesure d'économies dont nous parlons - parce qu'il s'agit effectivement, en partie, d'une mesure d'économies prévue dans le plan que le Conseil d'Etat a proposé dans le cadre de son budget - ce sont 22 millions supplémentaires, en 2015, qui seront versés au titre de l'assistance sociale. Je crois donc que dire qu'il s'agit d'un budget d'austérité est un excès de langage. Il faut regarder les chiffres, il faut considérer que Genève fait davantage, année après année, dans le domaine de l'aide sociale. Mais il s'agit de recadrer les prestations. Alors c'est une mesure d'économies, c'est vrai; 150 F, qui correspondent à la moitié de ce supplément d'intégration, 100 F, par contre, pour les personnes en âge d'AVS et les invalides. L'économie souhaitée est de 9 millions, ce qui n'est pas rien, mais ce sont 9 millions sur 270 millions, il faut le rappeler. Et il s'agit avant tout de rétablir l'objectif initial du supplément d'intégration, qui est devenu aujourd'hui un droit et non plus une mesure incitative, puisque 90% des bénéficiaires... (Remarque.) ...de l'aide sociale reçoivent ce supplément d'intégration maximum de 300 F, alors que selon les normes CSIAS, je le signale, ce supplément d'intégration peut être échelonné de 100 F à 300 F, ce que d'autres cantons ne se gênent pas de faire. Au total, ce sont 95% des bénéficiaires qui touchent le supplément d'intégration, et cela même si le CASI - le contrat d'aide sociale individuel - n'est pas atteint. Une personne nous a d'ailleurs fait part de son témoignage; c'est vrai, et cela démontre aujourd'hui que ce supplément d'intégration a perdu sa fonction.
Ensuite, il s'agit d'introduire une nouvelle mesure d'insertion. On l'a rappelé ici, l'insertion est véritablement le but à atteindre; il ne s'agit pas uniquement de verser des prestations sociales, il y a un suivi à effectuer, et je suis heureux de pouvoir l'assumer en ayant à gérer à la fois l'emploi et l'aide sociale dans le cadre de mon département. Il y a une continuité entre la perte de l'emploi, le chômage, le chômage de longue durée et puis le passage, malheureusement de plus en plus fréquent, aux prestations d'aide sociale. Et il faut à ce moment-là - et c'est précisément le but de la LIASI - maintenir des mesures d'insertion qui vont au-delà de celles qui peuvent être offertes dans le cadre du chômage. Nous avons constaté que 20% des personnes dont l'accès au stage d'évaluation proposé par l'Hospice général était refusé se trouvaient en manque de formation. Il faut réellement, et c'est important notamment pour les jeunes - il y a de plus en plus de jeunes de moins de 25 ans à l'aide sociale - que l'on puisse faire mieux que ce que nous permettent d'accomplir les mesures du marché du travail durant la période de chômage, mesures du marché du travail qui ont un cadre strict fixé par le droit fédéral, alors qu'ici nous avons la possibilité d'aider des jeunes peut-être même à commencer et à terminer un apprentissage. Cela n'est absolument pas possible dans le cadre d'une période de chômage, puisqu'il faut que les mesures du marché du travail soient terminées à la fin des prestations chômage, et un apprentissage ne se fait évidemment pas dans un délai aussi court - d'autant que le droit fédéral a encore réduit les indemnités de chômage pour les jeunes.
Il faut rappeler aussi, puisqu'on nous dit qu'on met des personnes dans la misère - et sans vouloir aucunement affirmer que cette coupe est anodine et qu'elle passera inaperçue: je ne le pense pas, bien sûr - que selon la LIASI, les prestations d'aide sociale sont de plusieurs types et sont cumulatives. Il y a d'abord une couverture des besoins de base, qui est heureusement au-dessus du minimum vital; il y a ensuite les prestations circonstancielles, examinées de cas en cas en fonction précisément des circonstances personnelles; il y a encore ce supplément d'intégration dont nous parlons aujourd'hui, et il y a les franchises sur le revenu provenant d'une activité lucrative, qui visent à ne pas décourager une personne d'effectuer un petit travail pour gagner plus que son revenu de l'aide sociale, précisément pour que cette personne ne soit pas pénalisée par le travail qu'elle ferait. Cela pour vous dire que les prestations pour les besoins de base couvrent plus que le minimum vital, alors que parallèlement de plus en plus de personnes à Genève sont hélas à l'office des poursuites, en situation de saisie de gain, et sont réduites véritablement, elles, au minimum vital. Et je n'ai pas vu ici, parmi les bancs, se lever, crier au scandale ou avoir entamé une quelconque démarche pour améliorer le sort des personnes qui sont en situation de saisie à Genève. Eh bien votre serviteur l'a fait, parce que malheureusement la procédure actuelle... (Commentaires.) ...ne permet pas d'envisager une sortie du tunnel, puisque dans le cadre du calcul du minimum vital, les impôts courants ne sont pas pris en considération, ce qui fait qu'automatiquement, lorsqu'une personne arrive à la péremption de la saisie - qui est d'une année, vous le savez - il y a une nouvelle taxation fiscale, une nouvelle saisie, et c'est le cycle qui recommence. Ces personnes sont donc constamment dans ce cercle infernal de la saisie de revenus. Pire encore, elles sont démotivées à gagner davantage puisque cela implique, bien sûr, une imposition supérieure. A essayer de s'en sortir on s'enfonce en fait davantage, ce sont de véritables sables mouvants; plus on s'agite, plus on s'enfonce. Eh bien là, ce sont des situations dans lesquelles il faut agir; j'ai considéré devoir le faire, j'ai bon espoir d'y arriver. La chambre de surveillance de la Cour de justice fixe les normes d'insaisissabilité; deux cantons suisses alémaniques l'ont fait sur l'ensemble de la Suisse, il n'y a pas de raison que Genève ne puisse pas y parvenir. Lorsqu'il s'agit de faire quelque chose dans des situations dramatiques, le département est là.
Maintenant, je comprends évidemment que cette situation puisse émouvoir, et ce n'est certainement pas de gaieté de coeur que le Conseil d'Etat a décidé de toucher à ce type de prestations. Bien sûr. Par contre, vous avez vu quelle est la situation de Genève; il faut faire quelque chose à tous les niveaux, à celui des dépenses comme à celui des revenus. (Brouhaha.) Le Conseil d'Etat l'a dit, il n'a aucun tabou à cet égard, simplement il faudra examiner les conséquences fiscales. Comme vous le savez, il y a des effets qui sont indirects; il ne suffit pas de dire qu'on augmente les impôts, d'autant moins dans la situation dans laquelle nous vivons aujourd'hui. Mais je ne peux pas accepter que l'on dise que des personnes vont être expulsées de leur appartement parce qu'on réduit la prime de 100 F ou de 150 F; il y a précisément ces prestations circonstancielles qui sont là pour les situations particulières. On ne laissera évidemment personne dans l'incapacité de payer son loyer et se faire évacuer, parce que de toute façon nous sommes dans un Etat de droit et dans un Etat social: personne ne restera dans la rue. D'ailleurs ce serait absurde de laisser des gens se faire expulser, pour ensuite devoir quoi ? Les loger à l'hôtel, à 80 F par jour, ce que fait actuellement l'Hospice général ? Ce serait totalement insensé. Des mesures seront donc évidemment prises pour les cas dramatiques.
Encore une fois, si vous souhaitez renvoyer ces motions en commission, c'est bien volontiers que le Conseil d'Etat viendra vous expliquer la situation telle qu'elle est, et qu'il vous présentera aussi cette situation d'un point de vue comparatif au niveau intercantonal; vous verrez ainsi à quel point Genève est généreux. C'est vrai que c'est toujours plus difficile de faire une marche arrière que d'aller en marche avant, mais je crois qu'aujourd'hui le Conseil d'Etat a pris des décisions courageuses, votre réaction le démontre; il serait plus facile de ne rien toucher, de continuer, de venir ici avec le sourire et de serrer des mains. Mais ce serait de l'inconscience. Nous avons des responsabilités face aux générations futures, ces responsabilités nous devons les assumer. Voilà, Mesdames et Messieurs, maintenant à vous de décider; si vous souhaitez que j'aille m'expliquer devant la commission des affaires sociales, je le ferai très volontiers. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je vous fais d'abord voter sur la proposition de motion 2219. Un renvoi à la commission des affaires sociales est demandé.
Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 2219 à la commission des affaires sociales est adopté par 55 oui contre 42 non.
Le président. Nous passons au vote sur le renvoi de la proposition de motion 2217 à la commission des affaires sociales.
Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 2217 à la commission des affaires sociales est adopté par 53 oui contre 42 non.