Séance du jeudi 28 août 2014 à 10h
1re législature - 1re année - 10e session - 66e séance

M 2031-A
Rapport de la commission d'aménagement du canton chargée d'étudier la proposition de motion de Mmes et MM. Emilie Flamand, François Lefort, Anne Mahrer, Miguel Limpo, Mathilde Captyn, Olivier Norer, Catherine Baud, Hugo Zbinden, Brigitte Schneider-Bidaux, Sylvia Nissim, Sophie Forster Carbonnier, Morgane Odier-Gauthier, Roberto Broggini, Pierre Losio, Esther Hartmann, Jacqueline Roiz : Cherpines-Charrotons : donnons-nous les moyens de construire un véritable éco-quartier !
Ce texte figure dans le «Recueil des objets déposés et non traités durant la 57e législature».
Rapport de majorité de M. Bertrand Buchs (PDC)
Rapport de minorité de M. Olivier Norer (Ve)

Débat

Le président. Mesdames et Messieurs, nous passons à la M 2031-A. Le rapporteur de minorité, M. Olivier Norer, est remplacé par M. Lefort. Nous sommes en catégorie II, quarante minutes. Je cède la parole au rapporteur de majorité, M. Bertrand Buchs.

M. Bertrand Buchs (PDC), rapporteur de majorité. Merci beaucoup, Monsieur le président. Je serai bref. La motion nous dit que le projet des Cherpines n'est pas réellement un écoquartier et qu'on peut faire mieux. Or la commission a auditionné des personnes de l'Etat en leur demandant s'il s'agissait vraiment d'un projet d'écoquartier, et les réponses ont été positives ! Je rappelle que ce projet se concrétisera par vingt-cinq principes de durabilité organisés selon trois grands axes - l'urbanisation, la mobilité et l'environnement - et que la gouvernance du projet sera fondée sur un partenariat et une concertation avec les communes et les partenaires de la construction.

La principale pierre d'achoppement se situe au niveau des places de parking. En effet, le projet initial des Cherpines prévoyait une place de parking - à la place de 1,6 - pour 100 mètres carrés. On a déjà diminué ce qui était admissible actuellement. Il y aura probablement aussi un parking souterrain. Les Verts soutenaient plutôt le silo à voitures, mais la nappe phréatique qui se trouve sous les Cherpines permettra quand même de construire en souterrain.

Il n'y aura pas de circulation au centre du quartier des Cherpines. Je vous rappelle également que l'ensemble du quartier se développe avec une promesse de mobilité, notamment la construction d'un tram qui doit passer le long du périmètre. Il s'agit donc d'un contexte où les gens pourront abandonner la voiture et utiliser les transports en commun. Pour nous, il est clair que le projet actuel est bel et bien un projet d'écoquartier et qu'il faut refuser cette motion. Je vous remercie.

M. François Lefort (Ve), rapporteur de minorité ad interim. Cette thématique mérite de se montrer un peu moins bref que ne l'a été mon préopinant. La motion intitulée «Cherpines-Charrotons: donnons-nous les moyens de construire un véritable écoquartier !» demande seulement de prendre quelques mesures simples pour ne pas rater notre chance de réaliser le premier écoquartier de Genève.

Qu'est-ce qu'un écoquartier ? Le Conseil d'Etat, qui avait été interpellé il y a quelques années, nous avait donné sa définition qui ne dévie heureusement pas de celle du sens commun. Un écoquartier doit augmenter les qualités du cadre de vie et limiter l'empreinte écologique de l'urbanisation. Il s'agit d'un équilibre entre efficacité économique, solidarité sociale et responsabilité écologique. Ce dernier pilier repose sur de nombreux critères - vous avez raison, Monsieur Buchs - comme la densité du bâti, les espaces verts fonctionnels, la biodiversité, les matériaux, l'énergie, la gestion de l'eau et la mobilité. Par rapport à ce dernier point, le Conseil d'Etat a insisté sur le fait que de nouvelles pratiques de déplacement doivent être mises en valeur en invitant les utilisateurs à partager leur mode de transport, notamment via le développement de solutions de service telles que le car-sharing ou les vélos en libre-service. Ce sont des choses efficaces et simples à mettre en oeuvre, pour autant qu'on ait la volonté politique de le faire.

Cette motion est la bienvenue pour aider à trouver un peu de volonté politique afin de respecter les engagements pris. Elle demande de faire figurer le périmètre Cherpines-Charrotons sur le plan annexé au règlement relatif aux places de stationnement sur fonds privés, d'attribuer à ce périmètre un ratio de stationnement adapté à un écoquartier desservi normalement par une offre abondante en transports publics et de prendre toutes les mesures nécessaires pour construire un écoquartier et protéger les futurs habitants et les riverains des nuisances du trafic automobile. Ce sont des demandes de précaution simples et rationnelles, visant à s'assurer que ce quartier deviendra réellement un écoquartier. Avouez-le: on n'a pas déclassé 60 hectares de surface agricole utile pour faire un quartier urbain des années 60 !

Suite aux auditions en commission, nous avons été absolument navrés de constater que ces simples demandes ne rencontraient pas de soutien majoritaire au prétexte que tout aurait été fait. D'ailleurs, c'est l'habitude: tout est toujours déjà fait, et ensuite, on s'aperçoit que ce n'est pas fait du tout. Effectivement, certaines choses sont proposées dans le PDQ. La densité de places de stationnement pourrait être réglée. S'il existe une volonté de bien faire - c'est-à-dire de faire un écoquartier - cette motion nous permettrait de soutenir davantage le Conseil d'Etat dans cette volonté.

Regardons de plus près la promesse d'une place de parc pour 100 mètres carrés de surface brute de plancher, en dérogation à la norme actuelle de 1,6 place par logement. Il est vrai que l'adoption de toute norme moindre fait des Cherpines-Charrotons de facto un écoquartier. Voilà qui est très pratique, mais peu honnête ! En effet, ce ratio - une place par 100 mètres carrés de SBP - concerne déjà la quasi-totalité de la couronne suburbaine. Cela signifierait donc que les habitants du Grand-Saconnex, de Meyrin ou d'Onex logent tous dans des écoquartiers ! Ils ne le savent sans doute pas. Or vous, vous le savez. Mais ce n'est pas vrai ! Ce ne sont pas des écoquartiers ! Il existe maintenant - existait, puisqu'il n'y a plus le même conseiller d'Etat - une volonté déclamée de bien faire, de faire un véritable écoquartier. Cette motion nous permettrait de soutenir le Conseil d'Etat dans cette volonté et de matérialiser la déclamation par les faits avant l'arrivée des premiers habitants, d'autant plus que le conseiller d'Etat actuel est certainement plus vert et plus ouvert aux écoquartiers. Je vous demande donc de renvoyer cette motion au Conseil d'Etat.

Mme Christina Meissner (UDC). A propos de cette motion déposée par les Verts pour un véritable écoquartier aux Cherpines... eh bien, justement, parlons d'écoquartier ! Quand on fait un écoquartier, le problème majeur est de ne pas sous-densifier, de ne pas empiéter sur la zone agricole et de limiter l'empreinte écologique que nous avons sur notre faible territoire, lequel n'est pas extensible. Rien n'est dit là-dessus dans cette motion. La biodiversité, l'énergie et les autres aspects d'un écoquartier qui devraient être pris en compte ? Il n'en est pas question non plus. Le seul point abordé dans cette motion des Verts, c'est la mobilité. Il s'agit - je cite - de «protéger les futurs habitants et les riverains des nuisances [...]». Mais qu'est-ce au juste, les nuisances de la circulation ? Il s'agit d'éviter la pollution par le bruit et par l'air. Cela ne veut pas forcément dire qu'il ne peut pas y avoir de mobilité dans ce quartier. Elle peut se faire par des transports publics, mais également par des véhicules électriques. Nous connaissons des villages fort appréciés des touristes comme Zermatt, qui fait justement la part belle aux voitures électriques, et tout le monde s'en réjouit. Non, les Verts ont véritablement une obsession par rapport aux véhicules automobiles et à la circulation individuelle. Ils ne pensent pas à tous ceux qui en ont besoin pour se déplacer parce qu'ils ont eux-mêmes des problèmes de mobilité réduite. Une véritable obsession se trouve traduite dans cette motion qui ne pense qu'à supprimer toute possibilité pour les individus de pouvoir se déplacer avec des véhicules individuels, même non polluants. C'est la raison pour laquelle nous acceptons le titre, mais ne pouvons accepter les invites de cette motion, que nous refuserons.

M. Patrick Lussi (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, en tant qu'habitant de la commune de Lancy, qui est malheureusement située en amont du quartier des Cherpines-Charrotons, permettez-moi d'intervenir et de dire que, mon Dieu, je ne vais pas contester le dogmatisme, l'idéologie, l'utopie d'un écoquartier. Mais entreprendre de générer des nuisances pour ceux qui sont situés avant ce quartier idyllique, irrationnel, irréel... Que voulez-vous faire si vous ne vous en occupez pas ? Or on va détruire plein de choses ! A la base, chers amis Verts, cette motion est surtout une espèce de réquisitoire anti-automobile où vous prenez tous les arguments - les bons, les mauvais, les autres - pour en faire un cocktail imbuvable. C'est la raison pour laquelle non seulement comme député mais surtout comme habitant de Lancy, je refuserai le texte de cette motion. Je vous remercie.

M. Benoît Genecand (PLR). Mesdames et Messieurs les députés, la problématique des Cherpines-Charrotons est importante et a été débattue à de nombreuses reprises dans ce parlement. Or je ne pense pas que la question principale soit celle posée par les motionnaires, à savoir le nombre de places de parking par 100 mètres carrés. Voilà qui est caractéristique d'une vision microscopique et directive, qui consiste à vouloir influencer le comportement des gens en leur interdisant de parquer la voiture qu'ils ont toujours. Cette manière de procéder m'a toujours paru fausse. Monsieur Lefort - vous transmettrez, Monsieur le président - ne vous inquiétez pas: le jour où les gens n'auront plus un besoin éminent de la voiture, ils ne paieront pas 45 000 F pour un parking en sous-sol ! Parce que c'est en effet ce que ça coûte dans notre canton.

Avec les Cherpines, nous avons à mon avis un problème bien plus grand et important, c'est-à-dire que le développement du canton n'avance pas au rythme où il devrait. Je me réjouis d'entendre le magistrat tout à l'heure. Si on veut régler les problèmes généraux de Genève, si on veut avoir une vraie amélioration des conditions écologiques, il faut construire, construire plus, et plus vite. Aujourd'hui, la plupart des problèmes de mobilité sont dus au fait qu'on a éjecté une grande partie des citoyens à l'extérieur du canton. Je me réjouis d'entendre le magistrat à ce sujet. Quel rythme allons-nous adopter aux Cherpines-Charrotons ? Quand verrons-nous les premières constructions ? Et enfin, une question subsidiaire qui me paraît fondamentale: est-ce que la densité adoptée pour les Cherpines-Charrotons est toujours la bonne aujourd'hui ? Voilà, Monsieur Lefort, la vraie question écologique. Vous le savez aussi bien que moi. Ce n'est certainement pas la question microscopique du nombre de places de parking par mètre carré. Nous ne suivrons pas les motionnaires.

Mme Emilie Flamand-Lew (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, pendant la campagne de votation sur le déclassement du périmètre des Cherpines-Charrotons, la notion d'écoquartier était sur toutes les lèvres. On se souvient notamment d'une petite fille qui chantait les louanges des transports publics et de la mobilité douce sur les affiches et sur les trams. Hélas, une fois la zone agricole déclassée et comme on pouvait le craindre, la ferveur s'est assoupie, l'enthousiasme a tiédi et les revendications habituelles sont réapparues. Pour cette raison, nous avons déposé cette motion qui faisait à vrai dire partie d'un éventail de motions, ce qui prouve que les Verts ne sont pas si obsédés que cela par la mobilité, mais qu'ils ont choisi de traiter les différents aspects d'un écoquartier par différentes motions, car nous ne prétendons pas régler la question entière du périmètre des Cherpines-Charrotons via un seul texte. Celui que nous traitons aujourd'hui est axé sur le volet mobilité d'un écoquartier. Le concept est beaucoup plus riche et a beaucoup plus de dimensions, comme l'a rappelé le rapporteur de minorité.

Les travaux de la commission ont été bien faits. Ils ont duré et permis d'attendre le plan directeur de quartier des Cherpines afin de se faire une idée de ce qui allait véritablement être réalisé. Visiblement, l'ensemble de la commission - à une illustre exception radicale - s'est satisfaite des explications données. Ce n'est pas le cas des Verts. Le ratio d'une place par 100 mètres carrés de surface brute de plancher est certes inférieur au ratio actuel de 1,6 qui figure dans le règlement, mais rappelons que le ratio actuel date de l'ancienne affectation du périmètre, à savoir une zone agricole. Il était donc difficile de faire moins bien. Un ratio de 1 - le rapporteur de minorité l'a rappelé - correspond à des quartiers tels que Thônex, Meyrin ou le Grand-Saconnex, des zones péri-urbaines qui ne peuvent décemment pas être qualifiées d'écoquartiers. Aujourd'hui, nous pouvons et devons faire mieux. Nous devons être ambitieux et donner une véritable impulsion au département pour réaliser un vrai écoquartier. S'agissant de ce qu'il y a encore à faire en termes d'aménagement, il reste une page blanche, qui doit nous inciter à l'innovation et à la créativité. Alors, Mesdames et Messieurs les députés, en particulier vous qui avez fait campagne pour le déclassement des Cherpines sous la bannière de l'écoquartier et de la qualité de vie, nous vous le demandons: renvoyez cette motion au Conseil d'Etat !

Le président. Merci, Madame la députée. La parole est à M. le député Bernhard Riedweg, à qui il reste une minute.

M. Bernhard Riedweg (UDC). Merci, Monsieur le président. Ce sera suffisant. Il faut inciter les habitants de l'écoquartier urbain durable des Cherpines-Charrotons à utiliser le tram, ce qui augmentera la rentabilité de la ligne desservant le Pont-Rouge et Saint-Julien d'une part, ainsi que la ligne de bus reliant Bernex à Plan-les-Ouates d'autre part. Au vu de la crise du logement, il faut être conscient qu'il ne sera pas possible d'attribuer des logements uniquement à des locataires sans voiture, car cela posera problème par exemple dans le cas d'une famille avec des enfants en bas âge. Etant donné que le taux de stationnement est déjà prévu dans le plan localisé de quartier du nouveau périmètre Cherpines-Charrotons, qui sera...

Le président. Il vous reste vingt secondes, Monsieur.

M. Bernhard Riedweg. ...un écoquartier du point de vue de la mobilité, l'Union démocratique du centre vous propose de rejeter cette motion. Merci, Monsieur le président.

M. Francisco Valentin (MCG). En tant qu'habitant de Plan-les-Ouates et membre du Conseil municipal, je vous confirme que le débat sur l'écoquartier a duré longtemps. Il va de soi que le déclassement de la zone agricole permettrait de garder un habitat sympathique, plaisant et dénué autant que possible de nuisances. Bien évidemment, nous sommes tous pour. Maintenant, on a un petit problème. La commune de Plan-les-Ouates est une pénétrante pour la future gare du CEVA. De plus, elle est déjà sursaturée de voitures, et je doute que les habitants des Cherpines, par obligation, s'abstiennent de véhicules, ne serait-ce que les personnes à mobilité réduite, les mamans avec enfants et les gens qui vont faire leurs courses. Comment vont-ils faire ? Le tram ne fait pas de porte-à-porte. A ce jour, le projet de tram est d'ailleurs de plus en plus repoussé pour des raisons de praticité. La route de Base, pour ceux qui la connaissent, est un goulet assez étroit déjà saturé aux heures de pointe. Comment va-t-on faire passer là-bas deux trams et deux voies de circulation en plus des autoroutes à vélos de chaque côté de la route ? Il faudrait qu'on m'explique, parce qu'à moins de raser une partie de Lancy et les maisons à l'entrée de Plan-les-Ouates, ça ne passera pas. La mobilité n'est absolument pas au point, elle n'est pas prévue. Personne n'en sait rien, personne ne sait comment on va faire. C'est vraiment jouer aux apprentis sorciers et, comme d'habitude, on verra bien plus tard. Alors oui à un écoquartier, mais à quelles conditions ? Sans plan de mobilité qui tienne la route - et ça, M. Barthassat nous l'a déjà confirmé - il n'y a absolument rien de sérieux qui est prévu. Lorsque ce sera fait, on pourra en effet envisager un écoquartier.

Mme Martine Roset (PDC). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs... (Brouhaha.)

Le président. Je demande à l'assemblée de faire silence !

Mme Martine Roset. Mesdames et Messieurs les députés, cette motion prend le problème à l'envers. Moins de voitures, ce sont des transports publics performants. Or pour cela, il faut un potentiel d'utilisateurs important. Pour qu'il y ait un potentiel d'utilisateurs important, il faut une densité de construction élevée, ce qui, à ma connaissance, n'est pas vraiment le cas sur ce périmètre.

M. Roger Deneys (S). Mesdames et Messieurs les députés, je crois que la majorité de ce Grand Conseil est totalement à côté de la plaque en voulant refuser cette proposition de motion et ignore ce qui se passe dans le périmètre des Cherpines. J'aimerais apprendre à ma préopinante PDC qu'à Plan-les-Ouates, son parti est certainement plus progressiste qu'au Grand Conseil, parce qu'il a proposé un taux de 0,1 place de stationnement pour 100 mètres carrés bruts de plancher dans le quartier des Cherpines. C'est le PDC qui l'a proposé ! Cette commune a essayé d'anticiper les problèmes qui vont se poser dans le périmètre. M. Valentin les a évoqués, mais il ne donne aucune solution. Il dit qu'il suffit de construire des places de parking, que ça va résoudre les problèmes. Or nous savons pertinemment qu'en mettant autant de places de stationnement, nous allons amplifier ces problèmes sur la route de Base, sur l'autoroute de contournement et sur la route de Saint-Julien, et que tous les habitants du périmètre vont en subir les conséquences.

Mesdames et Messieurs les députés, il faut être cohérent. Les promoteurs immobiliers ont vendu ce déclassement de la zone agricole comme un écoquartier qui serait exemplaire. Un écoquartier passe aussi - Madame Meissner, vous devriez en convenir - par la réduction du nombre de places de stationnement une fois que le déclassement a été accepté. Pour cette simple raison, je vous invite à comparer la situation avec ce qui se passe dans d'autres écoquartiers d'autres pays. Un quartier comme Vauban à Fribourg-en-Brisgau, en Allemagne, compte 0,7 place de stationnement pour 100 mètres bruts de plancher, et c'est déjà beaucoup pour un écoquartier dans lequel un tram va se rendre directement. Mesdames et Messieurs les députés, aménager des places de stationnement qui ne seront peut-être pas utilisées renchérit aussi les coûts de construction, il ne faut pas l'oublier. Il faut diminuer drastiquement le nombre de places de stationnement. Le Conseil municipal de la commune de Plan-les-Ouates a voté un taux de 0,1 place de stationnement pour 100 mètres bruts de plancher. C'est la décision de la commune ! Malheureusement, le Conseil d'Etat l'a totalement ignorée. Si vous lisez le document du plan directeur de quartier du périmètre des Cherpines, c'est le taux de 1 - ne correspondant pas à un écoquartier - qui a été retenu.

Nous courons tout simplement à la catastrophe. Une fois de plus à Genève, ce quartier se présente sous les plus mauvais auspices parce que les promoteurs sont des requins affamés d'argent, que ce Grand Conseil est incompétent pour anticiper les problèmes de mobilité et que vous êtes incapables de penser autrement que par la voiture, qui n'est pas une fin en soi mais un moyen de déplacement quand on en a besoin. Mesdames et Messieurs, la mobilité d'avenir ne passe pas toujours et tout le temps par la voiture !

Le président. Merci, Monsieur le député. Je vais passer la parole aux deux rapporteurs ainsi qu'au conseiller d'Etat, puis nous voterons. Monsieur Lefort, c'est à vous pour une minute cinquante.

M. François Lefort (Ve), rapporteur de minorité ad interim. Merci, Monsieur le président. Vous voulez donc construire des quartiers urbains et les remplir de voitures ? C'est ce que vous nous avez dit. Vous voulez appeler cela des écoquartiers, mais vous n'en acceptez pas les critères. La pancarte à l'entrée de l'écoquartier vous suffit ! Aujourd'hui, c'est sur la mobilité que vous refusez d'avancer, demain ce sera l'énergie. Il vous sera toujours impossible de réaliser un écoquartier pour mille et une mauvaises raisons, alors que vous savez que nous ne devons construire que de véritables écoquartiers, et dès maintenant. Celui-ci en est l'opportunité, et vous proposez simplement de contribuer à ne pas faire cet écoquartier exemplaire. Nous vous demandons de prendre vos responsabilités, nous vous offrons par cette motion l'occasion de prendre vos responsabilités et d'aider à faire un écoquartier. Saisissez cette offre, et votez cette motion !

M. Bertrand Buchs (PDC), rapporteur de majorité. On se trouve de nouveau dans le procès d'intention et le manque de confiance. Vous avez maintenant un chef de département qui vient du parti des Verts. Vous pouvez mener la discussion avec lui. Le projet reste un projet, c'est-à-dire susceptible d'évoluer. Il peut être amené à se modifier, mais cela doit se faire dans la concertation et la discussion. On ne peut pas - c'est chaque fois la même chose ! - mettre une partie de la population contre une autre. On ne peut pas dire - c'est ce que je viens d'entendre dans ce parlement - que la majorité des députés sont des crétins n'ayant jamais rien compris à rien, et que la minorité des députés sont des génies. A ce moment-là, on peut rentrer chez nous... (Remarque.) Non, c'est M. Deneys qui a dit ça ! On peut rentrer chez nous, et on laissera le parti socialiste faire la politique de Genève, puisque c'est un parti qui a toujours tout compris et réussi. (Remarque.) Il n'y a qu'à voir ce que fait la France, et vous aurez compris que le parti socialiste a toujours raison !

Comme il a été dit, on a posé les questions dans la commission. Les travaux ont été bien menés, on a pu entendre les gens, les questions ont été posées. Le but, c'est de faire un écoquartier. Le but, c'est de réussir le quartier des Cherpines, et c'est tous ensemble qu'on doit le faire. Mais il y a un problème de densité - Mme Roset et M. Genecand l'ont dit - et il faut qu'on en discute. Il n'y a pas seulement le problème des voitures. Je rappelle qu'il faut laisser aux Genevois le choix de leur mobilité. C'est ce que dit toujours M. Barthassat: il faut être pragmatique. Actuellement, je n'utilise plus ma voiture parce que mes quatre enfants sont grands, mais quand ils étaient petits, je ne vois pas comment j'aurais pu faire sans véhicule. Je vous remercie... et refusez cette motion !

M. Antonio Hodgers, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, on parle dans cette motion et dans ce parlement d'écoquartier. La merveille pour les uns, l'horreur pour les autres ! Mesdames et Messieurs, restons neutres, restons proches des injonctions de notre nouvelle constitution, qui dit très clairement que les quartiers que construit Genève doivent être des quartiers durables. C'est le terme juridique de notre constitution, qui est peut-être une manière un peu plus neutre d'évoquer l'écoquartier.

Ce doivent être des quartiers durables. Cette notion de durabilité et d'écoquartier a plusieurs dimensions. Ce sont avant tout des quartiers mixtes, animés, équipés, à savoir des quartiers avec de courtes distances. L'aménagement du territoire permet de se prémunir contre les déplacements inutiles. Lorsqu'on a une épicerie ou un petit centre commercial dans son périmètre, ainsi que toute une série de services à disposition - médicaux, de petite enfance - et que toutes les distances peuvent être parcourues à pied ou à vélo, ce sont autant de déplacements en voiture en moins. Pareil pour les distances entre son domicile et son travail, quand bien même la mobilité professionnelle d'aujourd'hui fait qu'il est difficile de toujours avoir un emploi proche de son domicile. Un écoquartier, c'est aussi la gestion efficiente de l'eau et de l'énergie. Tout cela est vrai pour les Cherpines, et pour tous les nouveaux quartiers que nous construisons. En matière de mobilité, c'est souvent là où le bât blesse, où le débat se crispe, puisque la liberté des uns correspond à la nuisance des autres. Assemblée de quartier après assemblée de quartier, je vais parler avec les habitants des grands projets, et c'est toujours la même chose: les futurs habitants veulent évidemment disposer d'un nombre de places de stationnement suffisant tandis que les riverains, ou ceux, comme le député Lussi, qui se trouvent sur l'itinéraire du futur quartier, souhaitent le moins de voitures possible. On voit donc très bien que la voiture est une liberté et une nuisance à la fois, et que nous devons trouver un équilibre.

Cet équilibre, nous le trouvons tout d'abord dans le règlement sur le ratio de places de stationnement sur terrain privé. Un ratio qui, dans le cadre des Cherpines, cela a été dit, sera d'une place pour 100 mètres carrés, donc en somme une place par ménage. Ce ratio - je l'annonce ici puisque mon collègue Barthassat, qui est en charge de ce dossier, m'en a fait part en commission - est aujourd'hui en cours de révision. Aujourd'hui, le DETA a entamé des réflexions et des travaux pour revoir ce ratio de stationnement en fonction des mètres carrés habitables - y compris d'ailleurs le ratio en fonction des surfaces d'activité. Pourquoi ? Parce que, culturellement, le Genevois évolue dans son lien avec la voiture. On constate aujourd'hui une chute drastique de 20% à 25% du nombre d'acquisitions de permis de conduire chez les jeunes. A 18 ans, les jeunes d'aujourd'hui ne s'empressent plus, comme ce fut peut-être le cas pour la génération dominante de cette enceinte, d'aller passer leur permis de conduire. Il y a beaucoup de jeunes qui n'ont pas de permis de conduire, et cela se reflète dans leur mode d'habitat et de déplacement. Par ailleurs, les places de parking coûtent extrêmement cher. Une place en sous-sol peut coûter de 40 000 à 60 000 F, ce qui grève les plans financiers des promoteurs et se répercute sur les loyers. Le jeu en vaut-il encore la chandelle ? Le débat sur ces ratios va avoir lieu dans le cadre fixé par le DETA. Maintenant, appartient-il réellement au Grand Conseil ou même au Conseil d'Etat de fixer un ratio précis pour un quartier ? J'ai tendance à dire que non. Parce que la notion d'écoquartier, Mesdames et Messieurs les initiants de cette motion, implique aussi une notion de participation. Et la participation implique de discuter avec les riverains et éventuellement avec les futurs habitants - quand on arrive à les réunir parce que, bien souvent, c'est évidemment la pièce manquante aux débats. Elle implique de construire cet écoquartier avec la commune, en tenant aussi compte des envies et des besoins de celle-ci.

Permettez-moi ici une petite incise, puisque la commune a proposé un ratio de 0,1 place par 100 mètres carrés, donc en somme une place de parc pour dix familles. Vous comprenez que même le plus Vert des écologistes trouverait ce ratio un peu exagéré ou du moins peu réaliste, surtout que, dans les quartiers avoisinants, il y a un taux de deux places par famille. Il nous faut également réfléchir en matière d'équité entre les nouveaux et les anciens quartiers. Pourquoi certains habitants de Plan-les-Ouates auraient-ils droit à deux places par famille et les nouveaux habitants à une place pour dix familles ? Non, je crois que nous devons travailler sur certains équilibres.

Encore trente secondes, Monsieur le président, pour vous dire que le problème fondamental des Cherpines n'est pas là. Mesdames et Messieurs, le problème fondamental du projet des Cherpines ne se trouve pas dans le taux de stationnement, mais dans la mauvaise conception de ce projet. Nous avons - vous, parlement et, derrière vous, la population - d'abord voté une modification de zone, sans avoir un projet urbain construit. On ne doit plus faire cela, Mesdames et Messieurs les députés: nous créons des attentes que nous ne pouvons pas remplir. Nous ne pouvons plus être dans une logique où on vote le déclassement avant de discuter du projet urbain, mais devons inverser la logique - c'est ce que fait maintenant l'office de l'urbanisme: d'abord réaliser un projet urbain et le partager avec les habitants et la commune, puis voter la modification de zone en enchaînant droit derrière avec les PLQ. C'est une première erreur qui a été faite, et comptez sur moi pour éviter qu'elle se reproduise à l'avenir, parce qu'on crée des déceptions.

Le deuxième problème est celui du financement. Aujourd'hui, on n'arrive pas à faire sortir les Cherpines de terre parce qu'on n'a pas assez pensé le financement. Une des erreurs majeures qui a été commise est d'avoir sous-densifié ce quartier. On ne peut pas à la fois vouloir de très beaux équipements, de très beaux écoquartiers avec tout ce qu'il faut - crèche, place publique, école, terrain de sport, etc. - et, en même temps, prétendre les financer avec une densité aussi basse. Mesdames et Messieurs, nous ne pouvons pas gaspiller notre territoire, nous devons aller vers des densités plus généreuses si on veut avoir des équipements plus généreux.

Enfin, ces nouveaux quartiers ne peuvent pas être seulement portés par les communes qui les accueillent. Elles sont courageuses. Pour la plupart d'entre elles - pas toutes - ces communes font ces nouveaux quartiers de bonne foi, les construisent avec l'Etat. Mais peut-être que les communes qui n'ont pas été désignées par le plan directeur cantonal comme devant muter, comme devant construire des logements, pourraient un peu participer financièrement à la construction de ces nouveaux quartiers chez leurs voisines ou les autres communes soeurs.

Voilà les vrais chantiers qui nous attendent pour pouvoir faire sortir les Cherpines de terre. En l'état, le Conseil d'Etat ne voit pas l'utilité de travailler plus avant sur cette motion. Je vous remercie.

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. J'ouvre maintenant le scrutin.

Mise aux voix, la proposition de motion 2031 est rejetée par 58 non contre 29 oui.