Séance du
vendredi 6 juin 2014 à
15h
1re
législature -
1re
année -
9e
session -
55e
séance
P 1786-A
Débat
Le président. Nous passons au point suivant de notre ordre du jour, la P 1786-A. Monsieur Saudan, vous avez la parole.
M. Patrick Saudan (PLR), rapporteur. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, la pétition 1786, qui émane de la commission sociale du Conseil des Anciens, a connu un parcours pour le moins mouvementé à travers plusieurs commissions. Tout d'abord, elle a été renvoyée comme il se doit à la commission des pétass... pétitions, pardon ! (Rires. L'orateur rit.) Elle est passée par la commission du logement... (Rires. Remarque.) C'était un lapsus révélateur, Madame Perler ! (Applaudissements.)
Le président. Poursuivez, Monsieur le rapporteur.
M. Patrick Saudan. Je présente mes excuses aux membres de la commission des pétitions ! (Rires.) Elle a finalement atterri à la commission des affaires sociales, ce qui a été une assez bonne chose. En effet, le but de cette pétition est d'étudier la possibilité que Genève envoie aux Chambres fédérales l'idée d'une allocation d'autonomie qui remplacerait les allocations d'impotence accordées par diverses assurances sociales telles que l'AVS, l'AI et l'assurance-accidents. Cette pétition a suscité un vif intérêt de la part de la commission qui a trouvé qu'il s'agissait là d'une problématique extrêmement importante. C'est la raison pour laquelle nous avons décidé d'auditionner Mme Béatrice Despland, spécialiste des affaires sociales, qui nous a confortés dans l'idée que c'était un sujet fondamental et qui allait le devenir de plus en plus à l'avenir.
Néanmoins, elle nous a fait remarquer que cette pétition datait un peu. L'idée qui y est développée est en effet basée sur un rapport du Conseil fédéral datant de 1992. Depuis, il y a eu de multiples révisions de l'AI, par exemple en 2004 avec le doublement d'une allocation pour les impotents qui séjournent à domicile. En 2012, la contribution d'assistance a été introduite dans la sixième révision de l'AI. De plus, il y a eu la révision de l'AVS en 2008, qui accorde désormais une allocation de faible impotence, ce qui n'existait pas auparavant. En bref, d'après cette spécialiste des affaires sociales, le texte de la pétition devrait absolument être actualisé et n'aurait aucune chance de susciter un quelconque intérêt si on l'envoyait tel quel aux Chambres fédérales. C'est pourquoi nous avons décidé, à l'unanimité de la commission des affaires sociales, de vous demander de classer cette pétition sur le bureau du Grand Conseil, tout en vous certifiant que cette problématique restera au coeur des réflexions de la commission des affaires sociales et que nous y reviendrons dans quelques années lorsque nous verrons les conséquences de la sixième révision...
Le président. Il vous faut conclure.
M. Patrick Saudan. ...de l'AI. Je vous remercie, Monsieur le président.
M. Christian Frey (S). Cette demande, qui a été déposée lors de l'ancienne législature, répond à un besoin clairement exprimé par le Conseil des Anciens. Dans la jungle des prestations sociales existantes, il s'agirait de créer quelque chose qu'on pourrait appeler une allocation d'autonomie universelle. C'est certainement une excellente idée.
C'est un peu l'Everest, cette allocation d'autonomie. En effet, elle remet en question énormément de lois tant fédérales que cantonales. En fait, la commission a vu qu'il ne s'agissait pas simplement de régler des problèmes d'attribution de l'allocation d'impotence différenciée selon un régime d'assurance-accidents, d'AVS ou d'AI, mais bien de mettre en place une sorte d'allocation universelle permettant à des personnes dans une situation de dépendance - qu'elle soit due à l'âge, à l'invalidité ou à autre chose - de vivre chez elles et/ou en EMS, sans se préoccuper de cette jungle de réglementations et de demandes à faire.
Il est vrai que la contribution d'assistance est peu connue. On a eu l'occasion de voir, même dans le cas de la commission des affaires sociales, que les conditions d'application de cette contribution d'assistance étaient peu connues. En deux mots, la contribution d'assistance permet par exemple à une personne handicapée de devenir l'employeur de toute une série de professionnels qui vont travailler pour elle. Pro Infirmis sert de conseil dans ce domaine, parce qu'il n'est pas facile pour une personne en situation de handicap de devenir l'employeur des différents services qui vont l'entourer.
Il faut donner une chance à cette contribution d'assistance. Je ferai d'ailleurs remarquer que le grand avantage de notre vote d'hier sur le SI-RDU, c'est qu'autant l'allocation d'impotence que la contribution d'assistance ont été sorties du socle du revenu déterminant unifié. Il est trop tôt pour évaluer les conséquences de l'application ainsi que son utilisation. Nous sommes favorables à la recommandation du dépôt sur le bureau du Grand Conseil. Il a aussi été dit dans les travaux de la commission qu'il fallait revenir dans un délai de deux ans à partir de mai 2013, ce qui nous amène au printemps 2015. Une résolution de commission...
Le président. Il vous faut conclure.
M. Christian Frey. ...pourrait effectivement se faire au printemps 2015. Le groupe socialiste s'y attachera. Je vous remercie.
Mme Jocelyne Haller (EAG). Si nous partageons les préoccupations exprimées par M. Frey, nous ne partageons en revanche pas la même conclusion. Supprimer la discrimination entre les personnes bénéficiant de l'AI et celles bénéficiant de l'AVS, voilà ce que demande la pétition. Il s'agit finalement, à l'instar de ce que permet la contribution d'assistance que M. Christian Frey vient de vous expliquer, de permettre aux personnes en âge AVS de choisir leur lieu de vie. Depuis plusieurs années, nous constatons une augmentation de la durée de vie, et c'est tant mieux. Il importe donc, face à l'augmentation du nombre de personnes âgées, d'explorer toutes les opportunités pour mieux répondre aux besoins diversifiés de cette population. Selon ce qui ressort du rapport de la commission, cette dernière a estimé que la préoccupation des pétitionnaires était fondée. Elle a toutefois décidé de se calquer sur le rythme de sénateurs du Conseil national, qui a mis dix-huit ans - dix-huit ans ! - pour introduire la contribution d'assistance. Il aura fallu que des personnes lourdement handicapées campent sur la place du Palais fédéral en plein automne pour qu'on puisse finalement avancer dans cette problématique. Aussi, gageons qu'un dépôt, aussi élégant soit-il, sur le bureau du Grand Conseil ne permettra pas d'aller plus vite. Si la demande des pétitionnaires vous paraît pertinente, pourquoi attendre encore deux ans ? Il est vrai qu'il doit y avoir une évaluation de la contribution d'assistance. Mais aujourd'hui, celle-ci est utilisée, et son utilité a été démontrée. Perdre encore du temps est inutile. Le renvoi de cette pétition au Conseil d'Etat est tout indiqué. Celui-ci sera ensuite chargé de faire valoir les intérêts de cette population et de relayer les préoccupations des pétitionnaires. C'est pourquoi je vous invite à renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat. Je vous remercie de votre attention.
M. Jean-Luc Forni (PDC). Comme il a été relevé à maintes reprises, cette allocation d'autonomie pour personnes dépendantes a été proposée par la commission sociale du Conseil des Anciens, qui estime que ce serait un honneur que Genève soit pionnière en la matière. Il faut toutefois constater, ainsi que l'a souligné M. Saudan, que les pétitionnaires, bien qu'ils aient des idées claires et intéressantes dans ce domaine, n'ont pas tenu compte des changements législatifs survenus depuis et que leur cheminement est devenu un peu obsolète. Je pense particulièrement aux changements de la LAMal depuis l'année 2000 ainsi que de l'AVS, notamment la sixième révision de l'AI qui n'a pas encore déployé tous ses effets. Il faut aussi relever l'analyse pertinente de la juriste du département, experte en assurances sociales, qui pense que le texte des pétitionnaires va dans le sens d'une prestation autonome - l'assurance dépendance - qui aurait peut-être l'utilité de fournir une meilleure équité d'attribution des moyens dans les situations de handicap pour les personnes de tout âge. Il faudra dès lors se demander si la Suisse peut se payer cette assurance, si elle en veut ou non. Le moment semble pour le moins peu opportun. Il faut vraiment attendre toutes les évolutions de la sixième révision de l'AI. En conséquence, le groupe démocrate-chrétien, mesurant encore une fois l'importance du contenu incitatif et pertinent de cette pétition, vous recommande de suivre l'avis des commissaires et de déposer cette pétition sur le bureau du Grand Conseil.
Mme Frédérique Perler (Ve). Le groupe des Verts a revu avec attention les tenants et aboutissants de cette pétition, et partage évidemment les conclusions de la commission. Face à ce qui a été expliqué ici assez longuement - et que je ne répéterai pas - l'intérêt du sujet est éminent. Il doit être traité à un moment ou à un autre, mais à travers cette pétition, cela n'est effectivement pas possible. Du reste, Mme Despland explique très bien pour quelles raisons ce Grand Conseil, dans la pétition telle qu'elle est formulée, n'est pas compétent pour obliger le Conseil d'Etat à user du droit d'initiative fédérale. Je crois qu'il faut essayer d'avoir une réflexion un peu plus large et surtout tenir compte du fait, concernant cette allocation d'autonomie, qu'il ne s'agit pas nécessairement que de personnes qui sont en âge de l'AVS, mais que cela peut être beaucoup plus large. On le verra plus avant dans les différents rapports que nous aurons à traiter. Pour ces raisons, les Verts suivront les recommandations de la commission d'alors.
M. Patrick Saudan (PLR), rapporteur. Très brièvement: j'ai bien entendu le message de Mme Haller et je l'encourage à déposer elle-même, au nom de son groupe, une proposition de résolution ou de motion qui traitera d'une allocation d'autonomie universelle. Cela relève plutôt de notre travail, et je pense qu'il n'est pas utile de surcharger l'administration qui a déjà fort à faire en ce moment. Voilà pourquoi je recommande à nouveau que nous déposions cette pétition sur le bureau du Grand Conseil.
M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, le Conseil d'Etat vous demande de suivre les conclusions de la commission. La pétition qui vous est soumise part évidemment d'un très bon sentiment ainsi que du constat que les personnes souhaitent rester à domicile le plus longtemps possible. Pour cela, il faut leur donner les moyens nécessaires. Cela relève d'ailleurs de la politique du gouvernement; vous le savez, et cela vous sera certainement répété ces prochaines semaines. Il est évident qu'il faut aujourd'hui favoriser le maintien à domicile. Or, depuis les arguments qui ont été soulevés dans cette pétition - voire avant, puisque la pétition n'a pas intégré l'ensemble des modifications législatives qui étaient déjà intervenues au moment de son dépôt - le législateur fédéral, lentement mais sûrement, a amélioré la situation sur plusieurs points. D'abord avec la quatrième révision de l'assurance-invalidité en 2004, lors de laquelle les allocations pour impotents séjournant à domicile ont été doublées, ce qui n'est pas rien. Cela va précisément dans le sens de favoriser le maintien à domicile. Ensuite, il y a eu la modification de l'AVS en 2008, qui a permis de reconnaître le degré d'impotence faible, ce qui n'était pas le cas antérieurement puisque seules les impotences moyenne et grave étaient reconnues. Enfin, la sixième révision de l'assurance-invalidité, entrée en vigueur le 1er janvier 2012, a introduit des contributions d'assistance qui peuvent se cumuler avec les allocations pour impotence. Tout ceci complète le tableau. C'est vrai que nous ne sommes pas encore dans une situation totalement idéale. Mais il y a des problématiques financières qui n'échappent à personne. Je pense qu'il serait vain d'introduire aujourd'hui une initiative genevoise au Parlement fédéral, qui connaîtrait le sort d'un classement vertical extrêmement rapide. Nous avons d'autres priorités pour améliorer la situation ici et maintenant à Genève. Laissez le gouvernement travailler dans ce sens. Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Nous allons à présent nous exprimer sur les conclusions du rapport, c'est-à-dire le dépôt sur le bureau du Grand Conseil.
Mises aux voix, les conclusions de la commission des affaires sociales (dépôt de la pétition 1786 sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement) sont adoptées par 63 oui contre 7 non et 1 abstention.