Séance du jeudi 5 juin 2014 à 20h30
1re législature - 1re année - 9e session - 54e séance

M 2212
Proposition de motion de Mmes et MM. Roger Deneys, Alberto Velasco, Christian Dandrès, Caroline Marti, Lydia Schneider Hausser, Thomas Wenger, Isabelle Brunier, Romain de Sainte Marie, Christian Frey, Christina Meissner, Irène Buche, Jean-Charles Rielle, Marc Falquet : Création d'une commission d'enquête parlementaire afin d'établir toutes les responsabilités dans le cadre de la tragédie vécue par Adeline M. et ses proches
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session IX des 5 et 6 juin 2014.

Débat

Le président. Pour le prochain point de notre ordre du jour, la M 2212, le débat a lieu en catégorie II, trente minutes. Je passe la parole à M. Roger Deneys, pour trois minutes.

M. Roger Deneys (S). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, la question qui se pose avec cette proposition de motion est de savoir quelle réponse citoyenne nous donnons, comme élus du peuple, suite à un drame tel que celui qu'a connu Adeline. Quelle réponse citoyenne donnons-nous à sa famille, à ses proches, aux collaboratrices et collaborateurs de l'Etat, à ses collègues et finalement à l'ensemble de la population genevoise quand un tel crime est commis ?

Mesdames et Messieurs les députés, les réponses ont été fournies aujourd'hui par deux rapports d'experts, réponses techniques, voire peut-être technocratiques, mais qui ne sont certainement pas des réponses citoyennes. (Brouhaha.) De plus, Mesdames et Messieurs les députés, pour les socialistes, le fait que ces rapports divergent en partie dans leurs appréciations des responsabilités, et le fait que la famille, les proches et les collègues d'Adeline aient relevé des lacunes dans ces rapports suscitent notre interrogation.

Mesdames et Messieurs les députés, je crois qu'il faut rappeler l'article 230E de la loi portant règlement du Grand Conseil qui dit que le Grand Conseil peut nommer une commission d'enquête parlementaire «si des faits d'une gravité particulière survenus au sein des autorités cantonales, d'un établissement ou d'une corporation de droit public cantonal ou de leurs administrations le justifient». C'est donc l'article 230E de notre loi portant règlement du Grand Conseil qui précise que nous pouvons constituer une commission d'enquête parlementaire.

Mesdames et Messieurs les députés, pour les socialistes, après mûre réflexion, il s'avère clairement qu'une commission d'enquête parlementaire permet de donner une réponse appropriée à ces questions de façon citoyenne et non technocratique, afin d'évaluer les dysfonctionnements et les responsabilités éventuels et, bien entendu, elle permet de donner une réponse transversale concernant les problèmes liés aux HUG, au département de la santé, qui était le département de tutelle, mais aussi au département de la sécurité, puisqu'il s'agit aussi d'une problématique de sécurité publique.

Mesdames et Messieurs les députés, les socialistes sont convaincus que nous devons ces réponses citoyennes à la famille, aux proches, aux collègues et simplement à l'ensemble de la population genevoise. Cela relève de notre responsabilité, cela est lié à notre serment de députés et je crois que nous devons aujourd'hui assumer nos responsabilités et éviter de chercher toujours à reporter les réponses, même si elles risquent de fâcher. Mesdames et Messieurs les députés, nous vous invitons à soutenir cette proposition de motion y compris avec les éventuels amendements déposés par le MCG, même s'ils rendent moins précise la mission de cette motion. Nous vous proposons de l'accepter avec un vote nominal sur tous les votes liés à ce texte. (Brouhaha.)

Le président. Est-ce que vous êtes soutenu ? (Plusieurs mains se lèvent.) Oui, très bien. Je passe la parole à M. le député Patrick Saudan.

M. Patrick Saudan (PLR). Merci, Monsieur le président. Je prends la parole pour annoncer que je ne prendrai part ni au débat, ni au vote, en tant qu'employé des HUG. La situation sera la même pour mon collègue Lionel Halpérin, puisque son père présidait le conseil d'administration des HUG à l'époque où ce drame malheureux est arrivé. (Applaudissements.)

Le président. Merci pour cette information, qui vous honore. Je passe la parole à M. le député Serge Hiltpold.

M. Serge Hiltpold (PLR). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, en une année, trois demandes de commissions d'enquête parlementaire sont passées devant cette assemblée pour divers motifs: la gestion de la Cour des comptes, le retard des travaux du CEVA et les investissements des SIG.

Le sujet de ce soir, «citoyen» d'après M. Deneys, développé dans cette proposition de motion socialiste, n'a pas manqué de choquer notre groupe tant par son contenu populiste que par les mesures envisagées pour traiter un cas douloureux, qui mérite d'être analysé avec le plus profond respect, loin de l'attention médiatique et surtout de ce parlement.

A ce jour, quatre enquêtes sont en cours dont deux réalisées avec un rapport établissant les faits: un premier rapport Ziegler, demandé avec diligence par le Conseil d'Etat dans les vingt-quatre heures qui ont suivi ce drame, ainsi qu'un deuxième rapport Chappuis, demandé par le conseil d'administration des HUG et remis ces derniers jours. A ce jour, une enquête sur le SAPEM et surtout - ne l'oubliez pas - une enquête pénale sont en cours.

Quel est le but de cette commission d'enquête que vous demandez, socialistes et MCG ? Corriger une sanction disciplinaire ? Ce n'est pas le rôle du législatif. Etablir une justice populaire et répondre à l'appel des loups ? Nous n'entrerons pas dans cette manoeuvre. Les libéraux et les radicaux sont attachés à une valeur fondamentale, non négociable et garantissant l'indépendance de la justice: cela s'appelle la séparation des trois pouvoirs, socle de notre Etat démocratique et fédéral. C'est sur cette valeur que nous engageons nos idées et elle n'est donc pas négociable.

Le législatif, premier pouvoir, doit avoir la sagesse de se placer au-dessus de la tentation de l'appel du sang. C'est la raison pour laquelle nous refuserons cette commission d'enquête parlementaire et vous invitons à rallier cette position républicaine. (Applaudissements.)

Mme Sarah Klopmann (Ve). Les Verts refuseront également ce texte. D'abord, parce que ce n'est pas notre rôle d'enquêter sur les éléments ayant conduit à ce drame, ni de juger les sanctions qui doivent être prises. Les enquêtes administratives ont montré que des erreurs avaient été commises à tous les échelons de l'administration, notamment de par l'isolement subi par La Pâquerette, mais aussi par le non-respect des procédures et du contrôle interne. La responsabilité doit donc également être portée par le gouvernement politique.

Les enquêtes doivent être totalement indépendantes et une commission d'enquête parlementaire est tout sauf indépendante, puisque justement elle est composée de politiques. Le reste doit dépendre du pouvoir judiciaire: une enquête est en cours, comme cela a été rappelé par M. Hiltpold. Une autre enquête administrative est également en cours concernant le SAPEM.

L'autre raison pour laquelle nous refuserons ce texte est que nous ne souhaitons pas alimenter de polémique. Il y a eu un drame et cela est inacceptable. Par respect pour la victime et pour les victimes, nous devons agir avec dignité. Notre devoir maintenant est de tout mettre en oeuvre avec cohérence et avec réflexion pour qu'un tel malheur ne se reproduise jamais. (Applaudissements.)

M. Eric Stauffer (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, cette commission d'enquête parlementaire n'amènera certainement pas grand-chose de plus que les enquêtes qui sont en cours et les décisions du gouvernement sur cette dramatique affaire. Le MCG s'est toujours refusé à faire de la politique sur un événement tragique, par respect pour les proches, et nous continuerons dans cette ligne. (Commentaires.)

Cependant, il est à noter que la motion du parti socialiste est politiquement correcte: si l'on veut une réponse citoyenne à un problème donné, une enquête administrative et une enquête pénale ne seront pas suffisantes sans l'enquête politique. A ce titre-là et au titre de la transparence que le MCG prône à longueur d'année, nous soutiendrons la création de cette commission d'enquête parlementaire. Les enquêtes en cours seront intégrées dans les travaux de cette commission d'enquête parlementaire. Je demande simplement à tous les députés de ne pas en rajouter compte tenu de la situation... (Commentaires.)

Le président. S'il vous plaît !

M. Eric Stauffer. Vous voyez, j'essaie de vous expliquer et il y en a qui trouvent encore le malin plaisir de rigoler, dans les rangs du PDC et du PLR. Je trouve cela lamentable, Messieurs !

Le président. Poursuivez, Monsieur le député.

M. Eric Stauffer. Je vous demande de rester dans la plus stricte normalité des fonctions qui sont les nôtres pour apporter une réponse factuelle à la population sur cet événement dramatique.

M. Bertrand Buchs (PDC). Je serai bref. Le PDC n'acceptera pas de voter cette commission d'enquête parlementaire. Je crois qu'il ne faut pas mélanger les rôles. Le nôtre, en tant que députés... Et je n'aime pas ce terme de «réponse citoyenne», parce que cela veut dire tout et n'importe quoi, et souvent cela correspond au lynchage médiatique. Quand on veut substituer un pouvoir par le peuple, cela fait toujours penser à certaines extrémités que je ne voudrai jamais voir à Genève.

Au sujet de ce problème, il faut se poser la question: que peuvent faire les députés dans cette affaire Adeline ? Ce n'est pas se substituer à la justice ni aux enquêtes en cours, c'est se poser la question: est-ce que les députés peuvent faire quelque chose au niveau, par exemple, du contrôle interne de l'Hôpital ? Est-ce que le contrôle interne de celui-ci a été fait correctement ? On peut déjà répondre à ces questions, nous disposons déjà des moyens pour le faire: je vous rappelle que nous avons une commission de gestion et, dans cette commission, il existe une sous-commission chargée du contrôle de l'Hôpital. Actuellement, elle ne travaille pas, mais on peut la réactiver si cela est nécessaire. Si les groupes politiques ont des questions précises et techniques à poser, elles peuvent être posées ! Il n'y a absolument pas besoin d'une commission d'enquête parlementaire !

Je rappelle que la commission d'enquête parlementaire est extrêmement stricte: elle doit répondre aux questions qui sont posées dans une motion. Elle ne peut pas s'écarter de ces questions. Elle demande énormément de temps, beaucoup d'engagement, pour des résultats qui, souvent, sont décevants: on l'a vu pour celle sur la Cour des comptes.

On peut déjà répondre aux questions que vous posez, mais ce sont des questions du premier pouvoir ! C'est-à-dire des questions concernant la gestion au niveau de l'Hôpital cantonal. C'est là qu'il y a eu un problème, c'est ce point qui a choqué les gens, parce qu'ils se demandent quel a été le contrôle de cet organisme appelé «La Pâquerette». Est-ce qu'il y a eu un contrôle de la part du responsable qu'est l'Hôpital cantonal ? On a un conseil d'administration à l'Hôpital cantonal. Ce conseil d'administration, qu'a-t-il fait ? S'est-il remis en question ? A-t-il pris une position ? A-t-il rempli son devoir de contrôle ? Je pose ces questions, mais nous pouvons y répondre avec la commission de contrôle de gestion, que nous pouvons mandater. Il n'est absolument pas besoin de créer une commission d'enquête parlementaire qui ne répondra pas à la question; on l'a vu avec l'affaire Marie dans le canton de Vaud, où la multiplication des enquêtes a conduit à des dérives très importantes qui ont nécessité à la fin la création d'une nouvelle commission d'enquête pour essayer de régler tout ce que les autres commissions d'enquête avaient fait.

On ne pourra pas répondre à l'interrogation de la famille d'Adeline par le biais d'une commission d'enquête parlementaire, ce ne sera pas possible. On va augmenter l'angoisse des gens, parce qu'on n'aura peut-être pas de réponses à leur donner à la fin.

Notre devoir - je le maintiens - est d'intervenir sur le fonctionnement au niveau de l'Hôpital cantonal, du contrôle interne et du contrôle de La Pâquerette, c'est notre devoir de député, cela entre dans nos prérogatives, rien de plus.

Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à M. le député Vincent Maitre, à qui il reste une seconde. (Remarque. Commentaires.) Merci, Monsieur le député. Désolé. Je passe la parole à M. Thomas Bläsi.

M. Thomas Bläsi (UDC). Merci, Monsieur le président. Chers collègues, le point de rupture entre l'UDC et le MCG a conduit notre propre proposition de motion pour une commission d'enquête parlementaire à échouer, mais la paternité de ce type de demande nous importe finalement peu, puisque la motivation qui était la nôtre au départ était de répondre aux légitimes inquiétudes sur les réponses que nous avions apportées à la famille.

J'ai entendu parler de populisme, certains ont évoqué une démarche déplacée, mais j'aimerais quand même souligner le fait que les invites - qui finalement étaient les mêmes dans les deux demandes de commission d'enquête - sont finalement le simple résumé des questions posées par la pétition, cette pétition en cours qui a réuni sept cents signatures en quatre heures et risque d'en obtenir un nombre record. C'est à ces questions citoyennes que la commission d'enquête parlementaire aurait la vocation de répondre.

J'entends bien: vous dites que cette commission n'apportera rien, que ce sera très long, que cela coûtera trop cher, mais en termes de réponse citoyenne, est-ce que finalement il ne serait pas préférable que le parlement anticipe ces questions, qui de toute façon arriveront par le biais de cette pétition ? Cela aurait quand même de l'allure que nous décidions d'empoigner nous-mêmes ce problème et d'aller de l'avant pour avoir déjà fait une partie du travail lorsque cette pétition arrivera.

Je reviendrai sur ce sur quoi nous achoppons. L'UDC votera la proposition de motion socialiste, elle la votera évidemment intacte et sans amendement; nous vous expliquerons pourquoi au moment de la présentation de ceux-ci.

M. Renaud Gautier (PLR). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs, comme toujours, et dans ce débat en particulier, il faut se méfier des copies, l'original est toujours de meilleure qualité. Nous voici donc à devoir juger une proposition de commission d'enquête parlementaire présentée par les avatars de droite et une partie de la gauche de ce parlement. Et pourquoi ? Parce qu'il y a une expression à la mode ce soir: on parle tous ici d'une «démarche citoyenne». Cela est faux, Mesdames et Messieurs ! Remplacez, s'il vous plaît, le mot «citoyenne» par «populaire» et vous aurez une justice populaire ! Quelques souvenirs... Vous aurez des décisions et des condamnations populaires. Est-ce de cette manière-là que nos institutions doivent fonctionner ? Avez-vous lu les questions qui sont posées dans cette proposition de motion ? On pose des questions en indiquant déjà quels sont les coupables. C'est cela, la justice populaire...

Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député.

M. Renaud Gautier. ...c'est quand on demande à une entité qui n'est pas directement concernée de bien vouloir publiquement déjuger quelqu'un et qu'on donne déjà ici la liste des coupables. Mesdames et Messieurs, jamais ce parlement ne devrait s'autoriser à tomber aussi bas que cela, à dénier les autorités, à dénier celles et ceux qui ont déjà effectué des rapports...

Le président. Il vous faut conclure, s'il vous plaît.

M. Renaud Gautier. ...et à dénier des rapports qui doivent encore être faits. Très franchement, aujourd'hui, ce parlement se fait plus de mal qu'autre chose. (Applaudissements.)

M. Christian Zaugg (EAG). Chers collègues, je dois dire que cette proposition nous laisse un peu pantois. Elle met très mal à l'aise le groupe Ensemble à Gauche, en tout cas dans sa majorité. Nous avons le très net sentiment qu'on cherche à surfer sur la douleur, qu'on s'approprie des désespoirs. Je rappelle que deux rapports ont été présentés et qu'une sanction a été prononcée. Jusqu'où veut-on aller ? J'aimerais que chacun se pose la question, parce que les gestes et les votes peuvent avoir des conséquences extrêmement graves et non celles que vous attendez. Je pense qu'il convient de s'arrêter là. Les choses ont été faites, elles ont été dites. Arrêtons de désigner des boucs émissaires. (Applaudissements.)

M. Eric Stauffer (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, une commission d'enquête parlementaire n'est pas là pour désigner des coupables, sa mission est de relever les dysfonctionnements et d'apporter les correctifs législatifs nécessaires, parce que je vous rappelle - si d'aucuns l'avaient oublié ce soir - que les lois sont écrites et votées par ce parlement et qu'elles doivent être appliquées par le gouvernement. Remettons l'église au milieu du village ! Cette commission d'enquête parlementaire aura donc pour mission d'apporter ces correctifs législatifs.

Monsieur le président, vous transmettrez au député Buchs, qui se demande que fait le conseil d'administration des HUG: j'en fais partie depuis sept ans et je peux vous dire, Monsieur le député, qu'en tant que membre de ce conseil d'administration j'ai été très furieux d'apprendre par la presse l'histoire du blâme, parce que ni le nouveau conseiller d'Etat en charge du département, ni le conseil d'administration n'ont été consultés et n'ont pu discuter. Nous avons appris ce blâme par la presse et il a été décidé par le bureau du conseil d'administration présidé par le PLR Halpérin.

Il y a donc effectivement des questions qui se posent et il appartiendra à la commission d'enquête parlementaire d'y répondre de manière citoyenne et non populaire, parce que ces réponses, nous les devons à la population, dans la dignité...

Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député.

M. Eric Stauffer. ...et dans le respect.

M. Thomas Bläsi (UDC). Je suis désolé, mais quand j'entends des propos tels que «surfer sur le désespoir», ce n'est pas possible ! On est en présence de citoyens qui sont dans une situation extrêmement difficile et qui en sont réduits, pour être entendus, à manifester et à présenter une pétition. C'est bien cela le problème: si le Conseil d'Etat était arrivé à une solution pour préserver nos institutions et éviter cette situation en trouvant un terrain d'entente avec la famille acceptable pour elle, on n'en serait pas là !

Mais en tant que citoyens, je pense que nous aurions tous pu être concernés par cette histoire. Je ne sais pas si vous avez vu le trajet qui a été effectué lors de cette sortie. (Remarque.) Je suis désolé, mais il y a un moment où il faut le dire ! Et je le regrette, je trouve inacceptable que vous puissiez estimer satisfaisant que des personnes dans cette situation se trouvent obligées de manifester pour être entendues. Ce n'est absolument pas acceptable, ce n'est pas surfer sur... (Remarque.) Bien sûr que c'est vrai ! Toutes ces manifestations ont été essentiellement engendrées...

Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député.

M. Thomas Bläsi. ...par les réactions de la famille traduites dans la presse. C'est notre métier, nous sommes citoyens et notre travail est effectivement de porter, de représenter et de contrôler: en l'occurrence, cela entre pleinement dans la fonction.

M. Michel Ducommun (EAG). La gêne de mon groupe par rapport à cette demande de commission d'enquête parlementaire a déjà été exprimée. Elle provient essentiellement de deux éléments: une telle commission comporte un aspect quasi juridique, tel un tribunal qui va déclarer qui sont les coupables, quelles sont les responsabilités. Or, à mon avis, nous ne sommes pas des juristes compétents pour constituer un tribunal.

Mais ce qui m'inquiète encore davantage est l'autre aspect de la commission d'enquête parlementaire, qui consisterait à évaluer le choix qui a été fait en matière d'emprisonnement et de réinsertion de criminels dangereux passant de longues années en prison: sommes-nous qualifiés pour juger de la bonne technique à adopter pour ce genre de problème ? Parce que c'est de cela qu'il s'agit: quand on parle de pouvoir législatif, on semble dire qu'il a pour rôle de déterminer une vision de l'emprisonnement et de la manière de résoudre ce type de problème. Or, je ne pense pas que nous soyons les plus qualifiés pour ce faire. C'est dans ce sens-là que nous avons ces hésitations. Il est vrai que nous sommes dans une situation difficile et lourde, mais je ne suis pas sûr que nous soyons capables de répondre à ce type de question et, de ce point de vue là, une commission d'enquête parlementaire aboutirait dans un cul-de-sac, ce qui est peut-être à éviter.

Le président. Merci, Monsieur le député. Monsieur Serge Hiltpold, le temps de parole du parti libéral-radical est épuisé. Je passe la parole à M. le conseiller d'Etat Mauro Poggia, puis nous voterons.

M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. Je vous remercie, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, que dire face à une proposition comme celle qui vous est soumise, si ce n'est de vous exprimer la consternation du Conseil d'Etat de voir à quel point l'émotion légitime de la population face à un drame terrible est manipulée et utilisée à mauvais escient ?

Je voudrais croire évidemment que le mobile est noble et que l'on recherche une vérité que d'autres nous auraient cachée. Mais quelle vérité ? Votre vérité ? On le sait bien, il est plus facile de désigner les coupables que de les rechercher, et c'est précisément ce que l'on veut mettre en place ici. Il y a une pétition, on se rend compte que la population est émue, qu'elle est sensible au sujet et donc on emboîte le pas. On veut attirer la sympathie de la population en disant: «Nous, parlementaires, allons faire ce que d'autres ont été incapables de faire, parce que les autres sont corrompus ou en tout cas n'ont pas l'impartialité qui était de mise dans cette affaire.»

Vous voulez donner des réponses citoyennes. Qui donc voulez-vous pendre à la lanterne, aujourd'hui, Monsieur Deneys ? C'est cela que vous voulez ! Il ne suffit pas de mettre un blâme dans un plateau de la balance et dans l'autre un crime terrible pour dire que celui qui a été l'objet du blâme a bénéficié de complaisance. Qui d'entre vous, Mesdames et Messieurs, a lu intégralement le rapport de M. Bernard Ziegler ? Qui d'entre vous a lu intégralement le rapport de M. Benoît Chappuis ? Certainement pas les signataires de cette proposition de motion... (Protestations.)

Le président. S'il vous plaît !

M. Mauro Poggia. ...sinon, ils ne vous demanderaient pas de faire un rapport sur les erreurs ou les dysfonctionnements transversaux, puisque c'est précisément sur ce point que M. Ziegler s'est exprimé. Nous avons deux rapports, avec leurs erreurs et leurs imperfections, sans doute. Qui ne se trompe pas ? J'ai de la peine à voir quelles sont les erreurs, je trouve plutôt qu'il y a de la pondération à l'égard d'une affaire qui aurait pu pousser à tous les excès - certains d'entre vous en fournissez la démonstration ce soir. Au contraire, ces rapports sont mesurés et nous en attendons d'autres, puisque vous savez qu'il y a une enquête disciplinaire contre la directrice du SAPEM. Il y a aussi une procédure pénale qui est aux mains du procureur général. La justice est donc saisie de cette affaire.

J'entends l'un d'entre vous dire que cette commission d'enquête parlementaire n'apportera peut-être pas grand-chose: si on est à ce point convaincu de cela, pourquoi l'ordonner, si ce n'est pour se mettre en avant et pour se donner des compétences et des qualités que l'on n'a pas ? Je crois qu'il faut laisser à d'autres le soin de dire où sont survenus les dysfonctionnements qui, cumulés les uns aux autres, ont permis la réalisation d'un drame atroce. Est-ce pour cela qu'il y a des coupables uniques à désigner ? Car si nous avions pris une photographie de la situation un mois avant les faits, sans doute que beaucoup d'entre nous auraient trouvé que ce qui se faisait à La Pâquerette était remarquable - comme les autorités vaudoises qui prenaient en exemple cette institution. Et il y a eu le drame, un drame de trop, intolérable. Mais ce n'est pas pour cela que nous devons mettre en balance d'un côté ce drame et de l'autre les réussites de cette sociothérapie, car il y en a eu. Paradoxalement, ce sont précisément ceux qui vous proposent cette motion qui ont toujours été les fervents défenseurs de cette sociothérapie, considérant que beaucoup de ces personnes qui finissent sur le banc des accusés ne sont finalement que le produit d'une société incapable de les intégrer correctement.

Je vois d'ici l'avocat de l'assassin qui doit se réjouir de nos débats, en se disant qu'en Cour d'assises il va pouvoir déclarer: «Vous voyez, on a laissé mon client faire ce qu'il a fait grâce à tous ces dysfonctionnements. Mon client n'est qu'un fétu de paille sur l'océan de la société qui l'a poussé à commettre ce drame.» Non, Mesdames et Messieurs, il y a en tout cas un assassin, nous en sommes certains, il est là. La justice dira jusqu'à quel point sa culpabilité doit être retenue et quelle sanction doit être prononcée. D'autres ont une responsabilité morale et l'Etat de Genève et les HUG ont immédiatement reconnu, à l'égard des victimes, leur responsabilité et leur disposition à entrer en matière pour assumer celle-ci. Que cherchez-vous davantage aujourd'hui, si ce n'est de faire souffrir encore ceux qui sont incapables de faire ce deuil, parce que précisément on veut leur faire croire qu'on leur cache la vérité ? (Remarque.) La pétition viendra vers vous, oui, effectivement. Eh bien, vous en ferez ce que vous devez en faire; vous entendrez sans doute ce qui a été dit. C'est vrai que l'instruction de cette pétition a déjà commencé sur une grande chaîne locale, vous poursuivrez donc ce travail de fond qui a déjà été commencé par d'autres avant vous. (Commentaires.) Par contre, en ce qui concerne cette proposition de motion, je vous demande de la rejeter, par respect pour nos institutions, par respect pour les victimes et par respect pour la mémoire de cette femme qui est décédée en croyant, au plus profond d'elle-même, à la justesse de ce qu'elle faisait. (Longs applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes saisis d'un amendement MCG qui consiste à supprimer les cinq dernières invites de la proposition de motion. Je mets aux voix cet amendement. (Commentaires.) Le temps de parole est épuisé.

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 53 non contre 38 oui et 3 abstentions (vote nominal).

Vote nominal

Le président. Je vous fais voter cette proposition de motion dans son ensemble.

Mise aux voix, la proposition de motion 2212 est rejetée par 48 non contre 45 oui (vote nominal). (Exclamations et applaudissements à l'annonce du résultat.)

Vote nominal