Séance du
vendredi 16 mai 2014 à
17h
1re
législature -
1re
année -
8e
session -
49e
séance
PL 10499-B
Premier débat
Le président. Nous poursuivons notre ordre du jour et passons au PL 10499-B. Nous sommes en catégorie II, cinquante minutes. Le rapport de majorité est de Mme de Candolle. Le rapport de première minorité est de M. Alain Charbonnier, remplacé par M. Alberto Velasco. Le rapport de seconde minorité est de Mme Christina Meissner. Je passe la parole à la rapporteure de majorité.
Mme Beatriz de Candolle (PLR), rapporteuse de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, aujourd'hui on ne peut plus dire que le projet de loi 10499 n'a pas eu un traitement approprié. Après son deuxième renvoi, le 15 mars 2012, la commission d'aménagement du canton lui a consacré six séances et a auditionné tous les milieux actifs dans ce domaine.
Ce projet de loi n'est pas plébiscité. En outre, depuis son dépôt le 8 juin 2009, de l'eau a coulé sous les ponts et le texte est dépassé. Si tous s'accordent à dire que la question de l'espace public est fondamentale, force est de constater qu'en cinq ans l'approche des espaces publics d'importance est autre. En effet, elle tient compte de l'enseignement de certaines erreurs du passé, telles que l'aménagement des places de Cornavin et Bel-Air.
Nombre de concours d'architecture et d'urbanisme sont lancés; par exemple, en ce qui concerne les espaces publics aux interfaces CEVA, les communes ont leur mot à dire à toutes les étapes: cahier des charges, avant-projet, projet, autorisation de construire. Des ateliers fonciers sont mis en place, les principes sont actés au travers de conventions. D'ailleurs, la fiche A10 du plan directeur cantonal 2030 prévoit ces modalités. Une nouvelle base légale serait superflue. Comme cela a si bien été dit par l'architecte Patrice Bezos, membre de la FAI, lors de son audition: «La commune, et en particulier son action concertée avec le canton, est l'instance la mieux placée pour assurer la cohérence de l'ensemble.»
Certains diront que peut-être la problématique se pose différemment pour des espaces publics plus petits, liés à des opérations immobilières uniques ou intégrées dans un PLQ. Il est vrai que la commune a un petit contrôle qualité, mais celui-ci reste assez restreint. Nous réceptionnons souvent des projets dessinés par les services cantonaux et les promoteurs et émettons une fois que tout est ficelé un préavis que les services cantonaux suivent ou non. Le projet de loi 11305 modifiant la loi générale sur les zones de développement, actuellement à l'étude à la commission d'aménagement du canton, met en avant l'idée que l'espace public structure le bâti et est une condition à la qualité globale du projet.
Mesdames et Messieurs les députés, des outils existent et le département de l'aménagement, du logement et de l'énergie nous en propose d'autres pour bien faire. C'est donc en toute connaissance de cause que la majorité de la commission d'aménagement vous invite à refuser ce projet de loi.
M. Alberto Velasco (S), rapporteur de première minorité ad interim. J'aimerais tout d'abord rendre hommage à deux dames: la première est ma camarade Geneviève Guinand Maitre, que je remercie pour son excellent projet de loi, que j'avais déjà étudié à l'époque et qui est toujours d'actualité, et également Mme Meissner pour son excellent rapport de minorité, qui m'a vraiment servi pour entrer dans le sujet. Il faut relever qu'il s'agit effectivement d'un excellent rapport de minorité.
Mesdames et Messieurs les députés, je suis étonné que les libéraux prennent cette position, parce que nous avons débattu avant-hier, je crois, sur le PPP. Or, si vous lisez le projet de loi de ma camarade, l'un des articles - il me semble que c'est l'article 9 - incite à cela. Le projet de loi invite donc l'Etat, avec les privés, à faire du PPP en matière d'aménagement de l'espace public.
Or, je trouve que rien que pour cet article-là, les libéraux, s'ils étaient cohérents, auraient pu entrer en matière pour travailler là-dessus. Les socialistes ont fourni là une ouverture incroyable et vous auriez même pu dire aux socialistes qu'ils ne sont pas cohérents avec leurs autres positions sur le PPP, puisque voilà qu'ils le proposent concernant l'espace public ! Mais vous n'avez même pas saisi cette perche, et cela m'a étonné.
Enfin, Mesdames et Messieurs, celles et ceux qui connaissent les espaces publics genevois, et notamment les quartiers les plus déshérités, comprendront qu'à Genève, c'est à géométrie variable: en fonction des lieux où vous allez, vous avez des espaces publics plus ou moins de qualité, tandis que dans d'autres endroits, c'est vraiment le Tiers-Monde. Et quand vous voyez, Mesdames et Messieurs, que ce Grand Conseil a passé presque deux ans à travailler sur des projets de lois pour mettre en place des dispositions sur l'affichage public... On a passé beaucoup de temps sur l'affichage public, parce que ce thème est fondamental, c'est vrai. En revanche, le projet de loi sur les espaces publics, on le balaie ! Et c'est vrai, Madame la rapporteure de majorité, Mesdames et Messieurs, après quatre ans de travail, on en revient au point de départ.
Mais si la majorité disait: «Ecoutez, ce projet ne nous intéresse pas, parce qu'on a tout fait, les espaces sont parfaits et maintenant nous avons des dispositions parfaites, on n'a pas besoin de votre projet de loi !»... Or, dans le cas présent, il n'y a rien ! C'est le désert total ! Et devant le désert total, vous nous proposez le Sahara en matière d'espaces publics ! Pour des députés qui ont en tête, comment dire, ce qu'on appelle l'intérêt public... L'intérêt public, Mesdames et Messieurs, c'est avoir des égards envers les citoyennes et citoyens de ce canton où qu'ils soient, quels qu'ils soient, et que ceux-ci bénéficient de la même qualité d'espaces publics !
Madame la rapporteure de majorité, vous n'allez pas me dire que l'espace public de Cologny, par exemple, est identique à celui que l'on voit à Vernier, ou dans certains quartiers ! Parce qu'à ce moment-là, je... Non, c'est impossible, ce n'est pas vrai ! Donc, eu égard à cela, effectivement l'Etat se doit d'intervenir. A mon avis, on n'est pas là dans une économie ou une politique sociale à deux vitesses, mais dans des espaces publics à plusieurs vitesses, à Genève !
Pour ces raisons, Mesdames et Messieurs, je ne comprends pas que vous refusiez ce projet de loi. Il m'est impossible de comprendre. J'ai relu le projet de loi: il donne toute une série de possibilités qui permettent justement de travailler. Or, aujourd'hui, face au PAV, il y a un problème. Ne serait-ce qu'en pensant au PAV, à ce projet qui nous tient à coeur à tous et qui suscite un grand débat, ne serait-ce que, justement, en vue du financement de ce grand projet, vous devriez entrer en matière sur ce projet de loi, quitte, peut-être, à y apporter des aménagements. Je ne dis pas que le projet vous convienne totalement, mais enfin, entre dire qu'il ne convient pas totalement et dire qu'il ne convient pas du tout, il y a un espace ! Et je ne comprends pas, Mesdames et Messieurs, que face à la responsabilité que nous avons envers les quartiers déshérités, face à la responsabilité que nous avons envers le PAV, on refuse ce projet de loi.
Pour ceux d'entre vous qui connaissent le quartier de la Tambourine à Carouge: il y a quatre ou cinq ans, lorsque je siégeais à la commission des travaux, nous nous sommes déplacés là-bas à l'invitation des habitants de ces immeubles, qui souhaitaient que nous, députés, puissions voir dans quelle situation ils étaient. Il n'y avait rien, Mesdames et Messieurs, même pas une place. Rien ! Rien du tout ! Même pas un arrêt de bus !
Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur le député.
M. Alberto Velasco. Oui, Monsieur le président. Même pas un arrêt de bus ! Aujourd'hui, après cinq ou six ans, rien n'a changé à la Tambourine. L'Etat doit intervenir avec les communes pour exiger un minimum de qualité de l'espace public ! Mesdames et Messieurs, je souhaite que nous entrions en matière sur ce projet de loi et que nous le renvoyions en commission pour travailler vite, ou que nous l'acceptions.
Mme Christina Meissner (UDC), rapporteuse de deuxième minorité. Mesdames et Messieurs les députés, l'espace public est tout ce qui fait la ville et donne une centralité au village. C'est l'espace de rencontres et d'échanges formé par les places, les parcs, sans oublier les pôles d'échanges et les voies que l'être humain utilise pour se déplacer à pied, à vélo, en voiture ou en transports publics; mais c'est aussi l'espace qu'emprunte la nature qui partage notre milieu de vie: ces allées, ces haies, ces espaces riverains ou ces plans d'eau qui permettent à la nature de traverser et de pénétrer jusqu'au coeur de nos cités, les rendant belles, vivantes, verdoyantes et agréables.
Force est de constater qu'à Genève, la situation en matière d'aménagement d'espaces publics est très inégale en fonction des quartiers. Situés à l'écart des enjeux ou des grands projets de renouvellement urbain, il y a des quartiers oubliés: place Sturm ou place des Charmilles. D'autres ont plutôt subi qu'embelli, suite à l'attention qui leur a été portée: parc Baud-Bovy, place de Cornavin, Bel-Air, etc. Et le résultat n'est pas à la hauteur des deniers qui y ont été investis. A tel point d'ailleurs que tous s'accordent aujourd'hui pour remettre en cause l'aménagement de la place de Cornavin.
La gestion des espaces publics souffre de trop d'acteurs et de trop de complexité, elle pâtit de l'absence de coordination et de bon sens, sans oublier le manque de moyens financiers. Tout le monde s'accorde à reconnaître que la situation actuelle n'est pas satisfaisante.
Le projet de loi que nous discutons aujourd'hui propose des pistes pour améliorer la situation. Certes, il n'est pas parfait, mais il a le mérite d'exister. En septembre 2009, il n'a pas trouvé grâce auprès de la commission d'aménagement qui l'a balayé. Le 15 mars 2012, le Grand Conseil, dans un sursaut réunissant une majorité inattendue dont l'UDC, a refusé le rapport déposé en février 2012 et a renvoyé le projet de loi à la commission d'aménagement.
Le retour en commission de ce projet de loi a permis d'éclairer le sujet, ce qui n'avait pas été fait lors du premier examen. Mais les discussions et auditions auront été vaines, puisque au final, plutôt que de construire sur les bases que proposait le projet de loi, la majorité de la commission, engluée dans des débats par trop politisés, a refusé d'entrer en matière, enterrant une deuxième fois le projet de loi. A l'issue des débats, la majorité des députés a préféré suivre sagement le conseiller d'Etat Longchamp qui renvoyait les députés au projet de plan directeur cantonal 2030, conditionnant à son adoption la concrétisation d'une base légale relative aux espaces publics ! Courageusement, les Verts se sont abstenus... Et depuis un an, on l'attend toujours, cette base légale !
Seule aux côtés des socialistes, l'UDC a soutenu l'entrée en matière, estimant que le sujet des espaces publics était suffisamment important pour mériter une loi et que le projet de loi proposé offrait cette opportunité. Le projet de loi 10499 n'est pas parfait et aurait pu être amendé pour répondre aux problèmes avérés auxquels se heurte la construction d'espaces publics de qualité répondant aux besoins des habitants. A l'aune des transformations et de la croissance très, voire trop rapides, envisagées au niveau de notre environnement urbain, à l'aune des espaces publics d'ampleur prévus dans le projet la Praille-Acacias-Vernets, l'UDC estimait urgent d'agir plutôt que de repousser le problème plus loin, plus tard, à d'autres.
D'autres qui, d'ailleurs, ont entre-temps décidé de s'en préoccuper, mais comment ? Le Conseil d'Etat a décidé de créer une délégation pour répartir les compétences entre canton et communes. Il cite les domaines du sport, de la culture et... des espaces publics ! Mais il déclare d'emblée que la question de la répartition financière sera traitée plus tard. Sans moyens financiers, il est illusoire de croire que des solutions seront trouvées.
Le PLR, constatant lui aussi qu'il faut bien que ces infrastructures, ces espaces publics trouvent leur financement pour pouvoir être construits, propose d'aller le chercher dans un fonds, celui dédié aux LUP. Alors ne me dites pas que l'idée portée par ce projet de loi de créer un fonds est mauvaise ! Si c'est sa forme qui dérange, eh bien renvoyons-le en commission pour le travailler de manière constructive et pour arriver enfin à un résultat. Je vous remercie, Mesdames et Messieurs.
M. François Lefort (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, pour les Verts, les espaces publics sont fondamentaux pour l'aménagement du territoire et nous partageons bien sûr les constats des auteurs de ce projet de loi, et même certains constats émis par les rapporteurs de minorité. Les espaces publics sont souvent négligés, voire mal intégrés, surtout dans les projets passés, d'ailleurs, dont nous espérons maintenant que les autorités tant communales que cantonales ont tiré les leçons. Mais bien sûr, nous ne partageons pas le qualificatif de «Tiers-Monde» utilisé par le député Velasco pour en affubler les espaces publics actuels à Genève; il est même un peu insultant pour des espaces publics qui peuvent être de qualité dans certaines villes du Tiers-Monde.
Ce projet de loi traite de la qualité des espaces publics, de leur financement et de la répartition des compétences. Quelle est la réalité aujourd'hui ? La réalité est que si les communes prennent en charge les espaces publics à l'exception des petits espaces publics liés aux opérations immobilières, nombreux sont les partenaires étatiques qui interviennent déjà au niveau des PLQ, des autorisations de construire ou de la commission de l'urbanisme.
La nécessité d'un contrôle de qualité supplémentaire n'est donc pas patente et a fortiori, n'est pas utile non plus, à moins, bien sûr, de considérer que l'Etat ne fait pas son travail. Les normes et directives n'engendrent pas la qualité architecturale, sinon cela se saurait déjà, au vu des normes déjà existantes. En revanche, la qualité, sans qu'on la décrète, peut être renforcée par les concours sur les espaces publics dans les projets d'aménagement, et ces systèmes existent déjà, on y recourt d'ailleurs de plus en plus. Ce recours plus fréquent doit se voir encouragé par le département.
Par ailleurs, le projet de plan directeur cantonal 2030 contient maintenant une fiche qui s'appelle «Développer et valoriser les espaces publics d'importance cantonale» et, pour le financement, un certain nombre de taxes y sont affectées. Mais un vide persiste sur ce financement, en particulier lorsque la capacité financière des communes est dépassée. Par exemple, la taxe d'équipement ne couvre pas l'aménagement extérieur, ni les espaces publics. Il faudra donc trouver une solution à ce problème, car si on demande à un entrepreneur d'y pourvoir, il y aura un impact défavorable sur les prix des loyers, ce qui est contraire à la politique en matière de logement que nous, les Verts, soutenons à Genève.
La mise en oeuvre de ces mesures prévues par le plan directeur cantonal 2030 doit succéder immédiatement - vous le savez - à l'approbation de ce plan directeur par la Confédération, ce qui signifie que des modifications de deux lois genevoises, la LGZD et la loi d'application de la loi sur l'aménagement du territoire doivent être préparées dès maintenant, et nous profitons bien sûr de ce débat pour attirer l'attention du département sur cette échéance et sur la préparation des bases légales nécessaires au financement des espaces publics.
Voilà la méthode rationnelle qu'il faut appliquer en attendant que le département nous propose rapidement ces modifications des lois existantes pour résoudre le problème de financement des espaces publics. Pour favoriser la création de ces espaces publics de qualité, nous, les Verts, nous abstiendrons sur ce projet de loi que nous jugeons ancien et tout à fait inapproprié.
M. Bertrand Buchs (PDC). Le parti démocrate-chrétien refusera ce projet de loi, parce que, pour lui, il constitue de nouveau une réglementation supplémentaire qui ne va rien changer à la prise de conscience actuelle concernant les espaces publics. Il faut remettre l'église au milieu du village ! Les communes doivent s'occuper des espaces publics et, souvent, l'Etat ne les laisse pas faire ce travail nécessaire.
Je reprends l'exemple de M. Velasco concernant la Tambourine. Monsieur Velasco, c'est l'Etat de Genève qui n'a pas permis que l'on crée une place publique dans cet espace, ce n'est pas la commune de Carouge, qui l'avait prévu. (Commentaires.) Non, si vous faites une loi, cela ne changera strictement rien !
Une prise de conscience a eu lieu: c'est le point positif de ce projet de loi. Durant les travaux de la commission, un bon débat a eu lieu et une prise de conscience s'est opérée. A présent, plus aucun projet ne se fait sans une prise en charge crédible des espaces publics. Il n'y a plus un seul projet d'urbanisme dans lequel on ne parle pas des espaces publics. J'en veux pour preuve le projet Praille-Acacias-Vernets: les communes de Lancy, Genève et Carouge ainsi que l'Etat se sont réunis pour discuter des espaces publics, afin de savoir où ils se situeraient et ce qu'on allait y faire.
Cette prise de conscience existe actuellement. On va donc faire des espaces publics de qualité. Il ne faut pas toujours penser au passé, lorsqu'on a raté certains endroits: cela n'est pas lié à une loi, mais à un mauvais travail et à une mauvaise coordination. Ajouter des lois n'apporte absolument pas de solution au problème. Il revient aux gens des quartiers et aux communes de se battre pour avoir des espaces publics de qualité et c'est aux communes de se battre pour obtenir un financement cohérent de ces espaces publics, mais cela n'entre pas dans le cadre de cette loi.
Mme Caroline Marti (S). Comme vous pouvez le voir par le biais de ce projet de loi, le parti socialiste est particulièrement attaché à la création et à la promotion d'espaces publics de qualité. Pourquoi ? Parce que des espaces publics au service de la population augmentent incontestablement la qualité de vie des habitants du canton, mais également des usagers de ces espaces publics qui peuvent être des visiteurs, des gens qui viennent travailler dans ces quartiers, des touristes, et j'en passe. Les espaces publics tels qu'on les conçoit doivent, selon le parti socialiste, être des espaces de vie, de rencontres ou d'échanges, de convivialité et de détente. Cette fonction de renforcement de la cohésion sociale doit être rendue aux espaces publics et nous devons créer des lieux qui donnent envie aux habitants de les investir et de se les approprier, ce qui ne manquera pas de créer une plus-value pour la collectivité et pour la création de lien social. Or, le constat que je partage avec les deux rapporteurs de minorité est que les espaces publics que l'on connaît aujourd'hui laissent à désirer. Je prends pour exemple la place Bel-Air ou celle de Cornavin. Ce sont des espaces publics qui ont tendance à être pensés sous l'angle de leur fonctionnalité. Par exemple, à Cornavin, on a pensé aux endroits où devaient passer les trams, les voitures, la sortie du parking, l'espace de dépose-minute pour accéder à la gare, mais pas du tout à la fonction sociale de la place. C'est pour cela que nous devons sortir d'une vision purement fonctionnelle de la création des espaces publics et de leur aménagement pour se diriger vers une vision clairement sociale.
Le deuxième constat est qu'il y a une réelle et importante inconstance et inégalité des aménagements des différents espaces publics à travers notre canton, et cela peut s'expliquer par un manque de coordination de ces aménagements. Cela nécessite donc que le canton prenne le rôle de coordinateur, de pilotage de la création de ces espaces publics, et c'est ce que vise ce projet de loi que je vous recommande d'accepter.
M. Benoît Genecand (PLR). Mesdames et Messieurs les députés, on a une fâcheuse tendance dans ce parlement: c'est de penser que les rédacteurs du projet de loi ont trouvé la solution du problème une fois qu'on a décrit un problème existant. Une confusion assez fréquente consiste à dire que la description est correcte et que, puisqu'on a une description correcte, on a rédigé un projet de loi qui va améliorer la situation. Ici, il s'agit d'un cas assez typique: tout le monde s'accorde à dire - mais peut-être un peu facilement - que les espaces publics ne sont pas de bonne qualité. Je crois qu'il y a pas mal d'exemples qui prouvent le contraire. Il me semble que cette opinion est un peu convenue, mais il est vrai qu'on pourrait faire mieux.
On sait où se situe le problème: selon toute vraisemblance, c'est avant tout un problème de financement, notamment dans le cadre des grands projets. En effet, les communes doivent en général supporter ce financement alors qu'elles n'en ont pas les moyens. Or, ce projet de loi ne change absolument rien à cette question. Je suis d'ailleurs étonné que les socialistes le soutiennent. Je vais juste vous lire un extrait d'une audition de M. Bürgisser, qui disait: «En outre, le projet de loi prévoit que les aménagements publics, donc ouverts à tous, soient supportés par ceux qui habiteront dans les constructions réalisées, ce qui impactera le prix des logements.» En gros, cela veut dire que les socialistes sont pour que l'on augmente les loyers pour financer les espaces publics, ce qui est surprenant.
Quant à la remarque de M. Velasco, qui voulait que le PLR soutienne ce projet de loi, parce qu'il y a un article 9 qui s'appelle «Collaboration avec le secteur privé»: je me suis dit alors que j'avais peut-être mal lu. Mais en fait j'avais bien lu ! Je vais vous lire un extrait de cet article - c'est la version socialiste du PPP...
M. Alberto Velasco. Il faut le voter, mon vieux !
M. Benoît Genecand. La version PPP du parti socialiste, quand il est gentil, c'est: «L'Etat peut recourir aux ressources privées dans le cadre de projets développés en partenariat.» Ça, c'est quand il est gentil. Il met un point et après il dit: «Il peut également exiger des contributions spécifiques aux aménagements de la part des propriétaires et entreprises privées, par exemple lorsque ceux-ci sont susceptibles d'en tirer un avantage économique.» Ça s'appelle l'impôt. Ça ne s'appelle pas un PPP, ça s'appelle l'impôt, Monsieur Velasco.
Vous avez donc identifié un bon problème. A ce problème-là, vous avez une solution qui paraît extrêmement primaire, mais qui évidemment est la solution socialiste. Vous ajoutez une couche étatique à un domaine qui est déjà sur-bureaucratisé: et hop, on crée une instance supplémentaire, un guichet unique, un machin !
La deuxième solution, c'est qu'on crée un fonds. Et où est-ce que ce fonds va prélever de l'argent ? Il va le prélever, en fait, sur les dépenses pour les aménagements extérieurs dans les projets déjà autorisés. Or, on sait qu'aujourd'hui, quand il reste un peu d'argent pour les aménagements passé à travers le tamis de l'office du logement, ce n'est vraiment pas grand-chose. Que va-t-on faire ici ? On va encore en piquer un bout pour le mettre dans un autre fonds censé améliorer l'aménagement. Je m'excuse, mais je m'étonne même que ce projet de loi soit revenu encore une fois ! Il n'aurait jamais dû être renvoyé en commission quand on a voté la première fois. Ce parlement aurait dû avoir, à ce moment-là, la présence d'esprit de faire ce qu'il aurait toujours dû faire avec ce projet de loi, c'est-à-dire fermer les écoutilles et le renvoyer à ses auteurs.
M. François Baertschi (MCG). Les espaces publics sont quelque chose de nécessaire - je dirais les espaces verts plutôt, parce que mélanger espaces publics ordinaires, espaces bétonnés, espaces goudronnés, parfois sans talent, sans qualité, avec des espaces verts de qualité... Ce que demandent principalement les Genevois, ce sont des espaces verts.
Je me souviens de combats, notamment pour les parcs de Carouge, les platanes, le parc des Acacias et autres. Il y a vraiment des combats à mener afin de travailler sur du concret et non pas sur des principes généraux, parce que le gros problème de cette loi, ce n'est pas son idée: quelque part, l'idée de base est une bonne idée, elle permet peut-être de susciter une prise de conscience. Le problème, c'est la loi en elle-même. C'est pour cela que nous nous y opposons: en réalité, même si elle est faite de bonnes intentions, cette loi ne sert à rien. C'est une loi de trop. Et trop de loi tue la loi, pourrait-on dire, comme on le dit par exemple pour l'impôt.
Ce projet de loi, nous ne pouvons pas lui donner suite, parce que cela va créer une confusion supplémentaire dans notre ordre juridique déjà suffisamment confus. Il n'apporte rien de véritablement signifiant, étant donné qu'une bonne partie des décisions sont prises soit par les communes, soit par le canton au niveau des plans directeurs.
Alors, aller dans le sens d'une meilleure qualité de l'espace public: oui; oeuvrer pour davantage d'espaces verts ou des espaces verts de meilleure qualité: oui; mais pour cette loi, malheureusement, désolés. Nous ferons peut-être mieux la prochaine fois !
M. Rémy Pagani (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, ce projet de loi a six ans, c'est dire si notre Grand Conseil traite les objets avec diligence ! Toujours est-il que nous nous sommes penchés sur ce projet et pensons qu'il a du bon en proposant que l'Etat se détermine sur la qualité des espaces publics. Vous savez comme moi que certains espaces sont publics, certes, mais dans un état - comme le dirait mon ancien collègue - assez crapoteux.
Il est certain que le problème existe, que certaines places qui devraient être publiques ne sont que des giratoires, alors qu'elles pourraient se voir embellies, que certaines autres ont dû essayer de limiter l'aspect parking - je parle des places que je connais, de la place Longemalle, par exemple, ou de la place du Rhône, un parking permanent - et bien évidemment nous sommes en faveur du principe que l'Etat se penche sur cette problématique. J'aurais eu toute une série d'amendements à soumettre, parce que je pense que ce projet de loi doit être amélioré; comme nous n'avons pas eu l'occasion de faire ce travail en commission, puisque nous n'étions pas présents, je vous proposerai à la fin de mon intervention de renvoyer ce projet de loi en commission, parce que cela me paraît de bon aloi, Mesdames et Messieurs.
Certains ont parlé - et d'ailleurs cela est évoqué dans ce projet de loi - de la mise à contribution financière des personnes qui profitent de ces aménagements. Je pense que ce sont des questions que nous devons nous poser, pas de manière à racketter, si j'ose dire, les riverains de ces places, mais de manière à envisager d'avoir les moyens d'aménager des places dont la population s'empare et qui servent à son bien-être. Cela se fait d'ailleurs dans de nombreuses villes européennes.
Je vous donne l'exemple de la place Longemalle sur laquelle se trouvait un guichet des CFF. Aujourd'hui, il y a une grande marque multinationale qui s'est installée du fait de l'embellissement de cette place publique; peut-être qu'il faudrait envisager un mécanisme pour que cette grande multinationale puisse être mise à contribution. Je ne parle pas des petites et moyennes entreprises qui étaient là bien avant, depuis trente ans, qui vaquent à leurs occupations quotidiennes sur ces places et qui, elles, ont subi des désagréments, mais des nouvelles qui viennent s'installer: à mon avis, il serait de bon aloi de les faire contribuer, d'une manière ou d'une autre, par la participation à l'installation de mobilier public, par exemple, ou à des installations d'embellissement des places en général.
Je pense qu'il faudrait qu'on réfléchisse à ce type de mécanisme, sans qu'on arrive à des perceptions qui sont, comme M. Genecand l'a imaginé, de nouveaux impôts. Je ne crois pas qu'il est question d'envisager de nouveaux impôts pour ce type d'infrastructure là. Mais il me semble en définitive que les places publiques le méritent, Mesdames et Messieurs, parce que la ville n'est pas simplement un lieu de consommation. Elle doit être un lieu poétique, la poésie fait aussi partie de l'agrément que doit offrir la ville. La ville, au sens architectural, doit aussi être une oeuvre, et de ce point de vue là, je pense qu'il est intéressant que l'Etat se penche sur les moyens de favoriser les conditions concrètes à la mise en place de cette oeuvre qu'est l'urbanité et ne réglemente pas simplement en indiquant les calibres des lampadaires et ainsi de suite, mais qu'il donne les conditions adéquates.
Aujourd'hui, Mesdames et Messieurs, à moins d'avoir des municipalités qui soient très riches, nous n'avons pas les moyens, à l'Etat et à la Ville, de donner cette qualité à l'espace public. Pour toutes ces raisons et bien d'autres qui ont été citées jusqu'à présent, je vous propose le renvoi de ce projet de loi en commission. J'ai de nombreuses propositions pour régler ce problème de manière intelligente. Je ne dis pas que ce projet de loi n'est pas intelligent, je dis qu'il a six ans de retard sur la réalité d'aujourd'hui. Merci de votre attention.
Le président. Merci, Monsieur le député. Mesdames et Messieurs les députés, nous avons donc une demande de renvoi en commission. Seuls peuvent intervenir les trois rapporteurs et le conseiller d'Etat. Je passe la parole à Mme la rapporteure de majorité.
Mme Beatriz de Candolle (PLR), rapporteuse de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, on cite toujours les mêmes exemples: Longemalle, Bel-Air, Cornavin, places qui comme par hasard sont toutes sur le territoire de la Ville de Genève. (Brouhaha.)
Le président. Attendez, Madame, vous n'avez pas le bon micro allumé. Vous pouvez recommencer, ainsi on entendra mieux.
Mme Beatriz de Candolle. On cite toujours les mêmes exemples: Longemalle, Bel-Air, Cornavin. Comme par hasard, ce sont des espaces publics sis sur le territoire de la Ville de Genève. Mme Meissner parle du trop grand nombre d'acteurs, or ce projet de loi propose une couche supplémentaire au mille-feuille administratif de notre canton. M. le rapporteur de minorité oppose, lui, deux communes: Cologny et Vernier. Sachez, Monsieur, que les espaces publics de Chêne-Bourg sont reconnus de qualité, alors même qu'il s'agit d'une commune qui est au troisième rang en matière de précarité à Genève.
Mesdames et Messieurs, ce projet de loi est dépassé et ne devrait plus faire partie de notre ordre du jour, raison pour laquelle je vous incite à ne pas le renvoyer en commission. Je propose plutôt aux deux rapporteurs de minorité de revenir avec une proposition qui soit plus à même de correspondre à la réalité d'aujourd'hui.
M. Alberto Velasco (S), rapporteur de première minorité ad interim. Monsieur le président, permettez-moi de dire à M. Genecand, qui a relevé des éléments libéraux dans le projet de loi socialiste, que nous n'étions pas tous d'accord, mais une majorité l'a décidé ainsi. Cependant, vous, vous auriez dû aller dans ce sens-là puisqu'il s'agit d'éléments très libéraux. Je ne comprends pas que vous vous opposiez. Vous auriez pu améliorer le projet de loi, mais non, vous l'avez refusé. Ensuite, M. Fuchs me dit que la Tambourine, c'est de la faute de l'Etat. Mais justement, Monsieur Fuchs, vous allez dans ce sens-là...
Des voix. Buchs ! M. Buchs !
M. Alberto Velasco. Excusez-moi, Monsieur Buchs. Je vous prie de m'excuser. Mais vous allez dans mon sens ! S'il y avait eu des dispositions, peut-être qu'on n'en serait pas là ! Ensuite, M. Lefort me dit qu'il trouve un peu indélicats mes propos comparant Genève et les pays en développement: mais M. Lefort va dans mon sens, puisqu'il pense que dans les pays en voie de développement les places sont de meilleure qualité et mieux adaptées que chez nous. Mais bravo ! Il va donc dans mon sens ! Allez vous promener à la place des Augustins, Monsieur Lefort, vous verrez comme cette place est bien aménagée ! Il y a des espaces extraordinaires, il y a un jardin, une fontaine, les enfants peuvent y aller... Rendez-vous là-bas, Monsieur Lefort, vous m'en direz des nouvelles ! (Brouhaha.) Je vois que les Verts nous proposent une fiche. Ils disent que ce projet de loi est mauvais et ils nous proposent une fiche. Bravo ! Cette solution est merveilleuse !
Mesdames et Messieurs, eu égard à tout ce qui a été dit, à savoir que ce projet de loi n'est pas parfait: effectivement, mais il s'agit d'une base de travail sur laquelle on peut se pencher en commission et c'est pour cela que nous, socialistes, accepterons le renvoi en commission.
Mme Christina Meissner (UDC), rapporteuse de deuxième minorité. Je constate que dans ce parlement tout le monde cite les espaces publics, notamment verts, comme étant d'importance. En effet, ils sont absolument importants. C'est le lieu où l'on se rencontre, où l'on vit et où l'on partage. Mais ensuite, quand on en arrive au point de savoir comment on va faire, comment on y parvient, c'est là qu'on n'est plus d'accord, alors même qu'il me semble nécessaire de fixer ce cadre qui permet de dire qui va faire quoi et avec quels moyens. C'est bien la loi qui le fixe ! D'ailleurs, même le Conseil d'Etat l'a dit: le plan directeur cantonal doit effectivement présenter une base légale relative aux espaces publics.
Cependant, on l'attend toujours, cette base légale ! Alors que nous avons ici un projet de loi qui n'est certes pas parfait, mais qui a le mérite d'exister et qu'on peut renvoyer là, maintenant, tout de suite, en commission pour pouvoir faire un travail intelligent. Je vous rappelle que ce ne serait pas la première fois qu'il y aurait des amendements conséquents qui seraient proposés à un projet de loi. A ce moment-là, nous pourrons dire qu'il s'agira d'un projet de loi que nous portons tous et auquel nous allons tous adhérer.
Je vous rappelle que les problèmes aujourd'hui sont avérés ! La directrice de l'office de l'urbanisme confirme que les problèmes de répartition de compétences existent en particulier quant à l'organisation de la maîtrise d'ouvrage entre canton et communes. M. Kaufmann, que nous avons auditionné en commission, a lui-même aussi dit que le problème à Genève est qu'on ne regarde que la dimension fonctionnelle en oubliant totalement le côté convivial et social des places. Vraiment, dans ces conditions, je crois qu'il faut maintenant fixer le cadre et arrêter de dire toujours qu'on va le faire plus tard, qu'on fait confiance à l'Etat, etc. Nous avons ici, au parlement, la possibilité d'exercer notre pouvoir de législateur et de dire qu'on a une loi, qu'on la renvoie en commission où on l'amende et on travaille ! Peut-être que le projet a six ans, mais nous sommes un nouveau parlement et ce parlement peut prendre ses responsabilités.
Le président. Merci, Madame la rapporteure de deuxième minorité. Mesdames et Messieurs les députés, nous allons procéder au vote sur le renvoi en commission.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 10499 à la commission d'aménagement du canton est rejeté par 56 non contre 27 oui.
Le président. Nous poursuivons nos débats et je passe la parole à Mme la députée Anne Marie von Arx-Vernon à qui il reste trois minutes et dix secondes.
Mme Anne Marie von Arx-Vernon (PDC). Monsieur le président, cela sera tout à fait suffisant. J'ai entendu des choses terrifiantes: zones sinistrées, Tiers-Monde, enfin que les places seraient des catastrophes absolues à Genève, comme s'il n'y avait qu'une loi qui pouvait remettre en place le développement et une urbanisation harmonieuse.
On parle de créativité, on parle de talent, on parle d'imagination, on parle de tout ce qui peut rendre plus convivial, de tout ce qui concerne la qualité de vie, la convivialité, l'esthétique, l'harmonie, des aménagements réussis pour rendre heureux les habitants et les touristes. Mais, Monsieur le président, il y a un magnifique exemple depuis quelque temps en Ville de Genève: ce qu'a fait M. Barazzone ! (Exclamations.) C'est bizarre qu'on oublie de le citer, parce qu'il y a eu des choses extrêmement intéressantes qui à l'époque ont pu être temporaires, mais qui vont être un peu plus durables. C'est dommage de ne pas le citer, parce que ce n'est pas un projet de loi qui a permis cela, c'est juste une volonté politique, avec des personnes compétentes autour d'un talentueux conseiller administratif. C'est tout simplement possible et il n'y a pas besoin de projet de loi pour cela !
Le président. Merci, Madame la députée. La parole est à M. le député Michel Ducret, à qui il reste une minute et cinquante-trois secondes.
M. Michel Ducret (PLR). Merci, Monsieur le président. Il est tout de même étonnant d'entendre des gens dire qu'on préfère l'utilité à l'apparence, etc. Demandez aux utilisateurs des transports publics s'ils pensent vraiment que les places de Genève sont particulièrement bien conçues à leur usage ! Ce n'est pas cela la vérité, Mesdames et Messieurs. La place manque à Genève pour faire certains aménagements, certes. Mais cette place, ce n'est pas une loi qui va la créer, excusez-moi ! Vous n'allez pas démolir des immeubles pour créer des espaces publics !
Il est vrai que ce manque d'espace est un problème à gérer, parce qu'on se trouve au sein d'une agglomération qui a pris des dimensions qui ne sont pas à l'échelle de l'époque où s'est créée notre ville. Il faut vivre avec cette réalité ! Alors quelle est la question suivante ? Est-ce qu'une loi va créer, par exemple, des oeuvres d'art de qualité ? Mesdames et Messieurs, la réponse est très simple ! Il n'y aura pas d'oeuvre de qualité avec une loi ! Certainement pas avec un service chargé de vérifier si les oeuvres sont de qualité ! A part qu'on dépensera un peu plus d'argent, cela ne changera rien à ce qui se passe aujourd'hui. Il revient simplement aux communes...
Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur le député.
M. Michel Ducret. ...de vérifier que leurs espaces publics soient réalisés avec qualité en pensant aux divers usagers. Ce n'est pas une loi qui va condamner les communes à faire des espaces publics de qualité, Mesdames et Messieurs, c'est simplement leur responsabilité. Il est bien suffisant de dire que c'est aux gens des communes...
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député.
M. Michel Ducret. ...et aux usagers d'imposer leurs besoins par rapport à la réalité.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. Roger Deneys, à qui il reste deux minutes et trente-neuf secondes. (Brouhaha.)
Une voix. C'est trop !
M. Roger Deneys (S). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais d'abord dire que les places du centre-ville qu'on évoque aujourd'hui, comme la place Longemalle, ne sont franchement pas des réussites, quoi qu'on en pense. C'est le manque d'espace pour une part, mais c'est aussi le fait qu'on veut absolument ménager tous les intérêts: les automobilistes, les taxis, les commerçants avec leur vision...
Une voix. Les vélos !
M. Roger Deneys. Les cyclistes, peut-être aussi. Et il est vrai que le résultat, c'est qu'on aménage des places qui ne sont, ma foi, pas forcément très convaincantes en termes de convivialité et d'utilisation de l'espace public pour des usages récréatifs. En l'occurrence, j'ai été assez frappé lorsque la place Longemalle a été inaugurée, parce que, tout de suite, on se rend compte que ce n'est pas vraiment une place. C'est différent d'avant, mais ce n'est pas vraiment une place. Au demeurant, la qualité des aménagements, comme le fait de mettre des pavés, a aussi des conséquences sur les moyens de mobilité douce contemporains comme la trottinette, le «inline» et les autres moyens de se déplacer aujourd'hui. En fait, on ne peut pas vraiment le faire sur cette place, on est donc dans un usage un peu à l'ancienne. Pour le cheval et le cortège de l'Escalade, c'est parfait, mais pour le reste, ce n'est pas fantastique !
Concernant la proposition de ce projet de loi disant que des privés pourraient être mobilisés pour amener aussi des capitaux, voire être contraints d'en amener dans certains cas: je pense que cela est aujourd'hui réellement un problème. Vous refuserez ce projet de loi, si j'ai bien compris, mais en même temps il faut répondre à cette question: dans un périmètre comme celui des Cherpines - où le terrain vaut dix francs le mètre carré aujourd'hui et est revendu à 1000 F le mètre carré pour des projets immobiliers - venir dire ensuite aux communes qu'il n'y a pas d'argent pour les aménagements publics, qu'on ne sait pas où trouver l'argent pour faire des parcs, c'est tout simplement scandaleux ! Et c'est la réalité d'un périmètre comme celui des Cherpines aujourd'hui ! Plan-les-Ouates a des moyens, mais pas Confignon. Et Confignon est en train de chercher de l'argent pour financer les espaces publics. Vous trouvez cela normal, quand le terrain vaut dix francs le mètre carré et qu'il est revendu 1000 F ?
Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur le député.
M. Roger Deneys. Les promoteurs s'en mettent plein les poches et les habitants peuvent pleurer sur des espaces publics de qualité médiocre ! Nous devons donc trouver des réponses à ces problèmes. Ce ne sera pas avec ce projet de loi, manifestement, mais je vous invite à ne pas simplement pleurer et à proposer aussi des solutions.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. Pagani, à qui il reste vingt secondes.
M. Rémy Pagani (EAG). Oui, Monsieur le président, il me reste vingt secondes, donc je tiens à protester contre cette pratique qui vise à contraindre le débat. On a là un débat essentiel pour l'espace public et visiblement on nous coupe la parole, et...
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député.
M. Rémy Pagani. ...je le regrette.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à Mme la rapporteure de deuxième minorité. Il vous reste dix-sept secondes, Madame.
Mme Christina Meissner (UDC), rapporteuse de deuxième minorité. Dix-sept ! Alors je vais être très rapide. On veut faire un parc sur le PAV: avec quel argent ? On veut remettre à ciel ouvert les cours d'eau, sur le PAV: avec quel argent ? Je constate une chose, c'est que le Conseil d'Etat n'hésite pas à remettre l'ouvrage sur le métier...
Le président. Il vous faut conclure, Madame la députée.
Mme Christina Meissner. ...en remettant ses propres lois en question en commission. Ce parlement, à l'évidence, ne se sent pas compétent...
Le président. C'est terminé, Madame.
Mme Christina Meissner. ...pour faire son travail de législateur !
Le président. Merci, Madame la députée. Madame Beatriz de Candolle, vous avez la parole et il vous reste deux minutes et vingt secondes.
Mme Beatriz de Candolle (PLR), rapporteuse de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs, le problème de financement des équipements publics n'est en aucun cas réglé par ce projet de loi. Mais il doit être réglé. Les communes le demandent et espèrent que le Conseil d'Etat fera diligence pour répondre à cette demande-là.
Il est vrai qu'on peut toujours faire mieux, mais, en l'occurrence, force est de constater qu'à quelques rares exceptions, les efforts consentis par les communes pour répondre aux attentes et aux besoins de leurs habitants sont à bien des égards exemplaires. Tant les aménagements pour les personnes âgées, pour les enfants et les personnes souffrant d'un handicap, qu'un éclairage adéquat et une utilisation de matériaux respectueux de l'environnement font partie des éléments déterminants lorsqu'une commune initie l'aménagement d'un espace public sur son territoire. Mesdames et Messieurs, au risque de me répéter: les outils existent, le département de l'aménagement, du logement et de l'énergie nous en propose d'autres pour faire encore mieux. Je vous demande donc, s'il vous plaît, de suivre la majorité de la commission d'aménagement du canton et de refuser ce projet de loi.
Le président. Merci, Madame la rapporteure. Je passe enfin la parole à M. le conseiller d'Etat Antonio Hodgers.
M. Antonio Hodgers, conseiller d'Etat. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, cela a été dit plusieurs fois dans ce débat, les espaces publics sont fondamentaux dans le cadre des travaux d'aménagement du territoire et il faut admettre qu'ils ont souvent été négligés par le passé, même si on constate depuis quelques années une attention accrue à leur égard.
Il s'agit, Mesdames et Messieurs, d'un changement culturel, notamment du côté des professionnels: trop longtemps, l'aménagement du territoire n'a été dévolu qu'aux architectes pour construire le bâti et aux ingénieurs pour construire ce qui prend place entre le bâti à des fins essentiellement fonctionnelles. Or, les espaces publics, cela a été dit aussi, sont des lieux de rencontre, des lieux de partage et des lieux de vie. C'est pourquoi, depuis quelques années maintenant, mon département s'efforce, mais avec les communes et les autres acteurs de l'aménagement du territoire, de renforcer ce qu'on appelle l'urbanisme. L'urbanisme s'occupe du vide, là où l'architecte s'occupe du plein, et l'idée de s'occuper du vide d'abord est une notion fondamentale, parce que le vide est ensuite rempli de gens, d'activités et non pas simplement de matériaux de construction.
Cela étant posé, il est évident que ces espaces publics doivent être de qualité. Mais là, permettez-moi de dire ceci aux initiants: à lire l'essentiel de leurs articles, on se dit que s'il fallait une loi pour garantir la qualité de quelque chose, cela se saurait ! Malheureusement, la qualité, ce n'est pas vous, législateurs, qui pouvez la décréter. La qualité doit être le fruit d'un processus de concertation avec les communes. Le plus souvent, les communes, qui connaissent leur territoire, savent mieux que le canton ce qui est nécessaire, quels sont les espaces de vie, comment ça marche, comment le quartier s'organise. La qualité vient aussi des concours que le département de l'aménagement, du logement et de l'énergie organise de plus en plus souvent.
On vient d'obtenir le résultat d'un concours d'urbanisme pour la parcelle où se situe actuellement la caserne des Vernets, et on en voit la qualité. Je vous invite à venir découvrir dans quelques jours au pavillon Sicli les projets de l'ensemble des lauréats, pour que vous vous rendiez compte à quel point les urbanistes aujourd'hui s'occupent de créer cette qualité urbaine.
La qualité dépend aussi des choix fonctionnels que l'on fait, et cela a été évoqué: trop souvent à Genève, notamment en matière de différents modes de transport, on veut faire passer tout le monde. On est donc dans une approche extrêmement fonctionnelle pour faire passer tous les modes de transports et par conséquent, la qualité urbanistique de l'ensemble en pâtit.
Ces considérations sont importantes, mais elles ne dépendent pas d'une loi, elles dépendent d'une volonté politique et de processus bien compris.
L'autre élément soulevé par ce projet de loi, c'est la clarification des rôles du canton et des communes. Là, la question est pertinente et il est vrai que certains parcs, s'ils sont petits, relèvent clairement de la compétence communale, mais certains, plus importants, donnent une responsabilité au canton. Je pense bien évidemment au grand parc que l'on prévoit au PAV, magnifique parc, énorme, un vrai poumon au coeur du PAV, que le canton a accepté de placer dans le cadre du plan directeur de quartier, à la demande des communes; ce parc est effectivement d'une telle envergure qu'il nécessitera un apport du canton d'une manière ou d'une autre.
La clarification des rôles sera, elle, à l'ordre du jour du travail mené par le département présidentiel, par M. Longchamp, dans le projet que le Conseil d'Etat s'est donné pour désenchevêtrer les tâches entre communes et canton. Ce sujet-là n'a donc pas fait l'objet d'un projet de loi tel qu'il a été évoqué, parce qu'il fait partie du cahier des charges de ce groupe de travail Ville-canton visant à clarifier le rôle de chacun.
Enfin, concernant le financement, il est vrai que dans ce projet de loi le seul article qui amène quelque chose de concret, au-delà des déclarations sur la beauté urbanistique de nos espaces publics, c'est celui du fonds pour l'espace public: je dois admettre là que le diagnostic effectué par les initiants et qui a été repris ce soir est pertinent. Bien souvent, dans les projets d'aménagement, on n'a pas assez de ressources pour financer les espaces publics, puisqu'on se concentre essentiellement sur le construit. Mais j'irai plus loin: on n'a pas assez d'argent pour les espaces publics, mais on n'a pas non plus assez d'argent pour les infrastructures ! Il n'y a pas que les espaces publics dans le cadre d'un quartier. Il y a aussi les crèches à construire, les lieux culturels, il y a toute une série d'infrastructures qui font vivre ces nouveaux quartiers et sans lesquelles on créerait des quartiers sans âme.
C'est pourquoi j'entends aller, durant cette législature, dans le sens d'un fonds qui vienne soutenir les communes, notamment celles qui assument et assumeront d'autant plus, dans la mise en oeuvre du plan directeur cantonal, des constructions de nouveaux quartiers avec des densités conséquentes, de nombreux nouveaux habitants et par conséquent la nécessité d'avoir des espaces publics et des infrastructures adéquates.
Ces mécanismes financiers exigeront d'être imaginatif, Mesdames et Messieurs les députés, et je reviendrai vers vous ces prochains mois et ces prochaines années avec des propositions, parce qu'effectivement ils impliquent d'une part le foncier: que vaut le sol ? Qu'est-ce qu'on paie au propriétaire ? Qu'est-ce qui est collectivisé pour l'ensemble du quartier ? Ils impliqueront évidemment les communes qui construisent, mais peut-être aussi celles qui ne construisent pas et qui pourraient peut-être aider les communes qui construisent. Ils impliqueront bien évidemment aussi le canton et ils impliqueront, comme le proposent les initiants de ce projet de loi, les plans financiers de construction, à savoir aussi les promoteurs et in fine les locataires.
Un des aspects intéressants soulevés par ce projet de loi du parti socialiste, soutenu par Ensemble à Gauche, c'est que ces partis, qui jusqu'à présent ont contesté l'idée que la mutation territoriale doit intégrer l'aménagement du territoire et des équipements dans la réalisation des plans financiers... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...eh bien, à travers ce projet de loi, ces partis-là se joignent - et je m'en réjouis - à l'idée que les bénéficiaires de ces espaces publics doivent aussi participer à la réalisation de ces espaces à travers les budgets de promotion et de construction qui sont validés par mon département. C'est donc bien un ensemble de ressources que nous devons mobiliser pour arriver à la qualité souhaitée.
En l'état, Mesdames et Messieurs, vous l'avez compris, ce projet de loi n'amène rien de concret si ce n'est ce fonds, mais ce fonds, il l'amène de manière très partielle, vu qu'il n'évoque qu'une seule source de financement, celle des locataires. Autant je pense que les locataires devront aussi d'une manière ou d'une autre contribuer, autant je pense qu'ils ne peuvent pas être les seuls à payer l'ensemble de ces espaces publics, et par conséquent, je vous invite à refuser ce projet de loi.
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Nous passons au vote sur l'entrée en matière.
Mis aux voix, le projet de loi 10499 est rejeté en premier débat par 51 non contre 27 oui et 10 abstentions.